La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2003 | CEDH | N°11800/02

CEDH | RODOPOULOS contre la GRECE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 11800/02  présentée par Spyridon RODOPOULOS  contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 13 février 2003 en une chambre composée de
Mme F. Tulkens, présidente,   MM. C.L. Rozakis,    G. Bonello,    E. Levits,   Mme S. Botoucharova,   MM. A. Kovler,    V. Zagrebelsky, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22 décembre 2000,
AprÃ

¨s en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Spyridon Rodopoulos, est un re...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 11800/02  présentée par Spyridon RODOPOULOS  contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 13 février 2003 en une chambre composée de
Mme F. Tulkens, présidente,   MM. C.L. Rozakis,    G. Bonello,    E. Levits,   Mme S. Botoucharova,   MM. A. Kovler,    V. Zagrebelsky, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22 décembre 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Spyridon Rodopoulos, est un ressortissant grec, né en 1949 et résidant à Athènes. Il est représenté devant la Cour par Me S. Alfantakis et Me G. Alfantakis, avocats à Athènes.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le 19 juin 1993, le requérant fut placé en détention provisoire car soupçonné d’avoir été l’instigateur de nombreuses fraudes et de faux commis au détriment de la Banque nationale de Grèce. L’arrestation et la détention eurent lieu à la suite d’une plainte de la Banque nationale de Grèce (du 18 mai 1993) et en vertu d’un mandat d’arrêt délivré le 17 juin 1993. Le requérant allègue qu’au moment de son arrestation, les officiers de police ne lui montrèrent pas le mandat et ne lui révélèrent pas son existence ; il n’en aurait eu connaissance que deux jours plus tard, le 21 juin 1993, lors de sa comparution devant le juge d’instruction. Le juge d’instruction lui accorda un délai de quarante-huit heures afin de préparer sa défense.
Selon le requérant, plusieurs irrégularités procédurales auraient été commises avant et pendant son arrestation au motif que, le 15 juin 1993, un député aurait envoyé au procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes une requête, par laquelle il soutenait que le requérant risquait de s’enfuir à l’étranger et demandait en conséquence l’interdiction de sa sortie du pays.
Le 23 juin 1993, le juge d’instruction aurait ajouté un nouveau chef d’accusation, alors que le procureur ne l’avait pas jusqu’alors poursuivi de ce chef. Le 21 juin 1993, le requérant, n’étant pas informé de cette accusation, n’avait pas été invité à présenter sa défense sur ce chef. En dépit des protestations de son avocat, qui soutenait que cette irrégularité devait entraîner la nullité de toute la procédure, le requérant fut invité à se défendre sur le nouveau chef le 23 juin 1993.
D’après le requérant, l’examen ultérieur du dossier démontre l’existence d’un document antidaté (selon lequel le procureur aurait prétendument poursuivi pour ce nouveau chef par un acte supplémentaire) destiné à dissimuler l’irrégularité susmentionnée.
Le mandat de dépôt émis par le juge d’instruction mentionnait que la détention du requérant était considérée comme nécessaire, en raison de sa dangerosité et du besoin de prévenir la perpétration de nouvelles infractions.
Du 19 juin 1993 au 23 juin 1993, le requérant fut détenu au poste de police de Voula. Il allègue que les conditions de sa détention étaient particulièrement mauvaises, car il était détenu dans une cellule exiguë, sale, sans lumière du jour qu’il partageait avec plusieurs autres prévenus (poursuivis pour des crimes odieux).
Le 12 juillet 1993, le requérant sollicita sa mise en liberté provisoire. Par une décision no 218/93, le juge d’instruction rejeta la demande en invoquant les mêmes motifs que ceux mentionnés dans le mandat de dépôt et en y ajoutant deux nouveaux : assurer la comparution du prévenu à l’audience et s’assurer qu’il servirait la peine qui lui serait infligée. Le requérant interjeta appel contre cette décision devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel, qui le rejeta pour des motifs de procédure (décision 3406/93).
Estimant que le juge d’instruction manquait d’impartialité à son égard, le requérant le récusa en août 1993, par une demande adressée à la chambre d’accusation du tribunal correctionnel. Dans sa demande, il invitait aussi la chambre d’accusation à déclarer nulle sa déposition du 23 juin 1993.
Le 14 octobre 1993, la chambre d’accusation rejeta les deux demandes du requérant. En ce qui concerne la première, la chambre d’accusation estima que la demande avait été déposée sans respecter la procédure prévue par la loi. Quant à la deuxième, elle s’appuya sur le document antidaté susmentionné du 22 juin 1993.
Le 3 septembre 1993, le requérant sollicita à nouveau sa mise en liberté provisoire. Le juge d’instruction rejeta la demande le 6 septembre, en se fondant sur la proposition du procureur, qui préconisait ce rejet. Le requérant interjeta appel de cette décision devant la chambre d’accusation qui le rejeta en réitérant les motifs qui, selon elle, justifiaient le maintien en détention.
En février 1994, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel décida de prolonger de six mois la détention provisoire du requérant. Le 24 février 1994, la chambre d’accusation de la cour d’appel rejeta le recours du requérant contre cette décision.
Le 28 mars 1994, l’instruction fut clôturée. Le 16 mai 1994, le procureur adjoint près la cour d’appel proposa d’accueillir la demande du requérant de comparaître en personne devant la chambre d’accusation afin de déposer des observations complémentaires et de le mettre en liberté provisoire.
Le 8 juin 1994, la chambre d’accusation de la cour d’appel renvoya le requérant en jugement devant la cour d’appel criminelle d’Athènes (décision 1439/1994). Par la même décision, elle rejeta la proposition susmentionnée du procureur et décida de prolonger à nouveau la détention du requérant. Elle estima  que :
« (...) les raisons pour lesquelles le requérant fut maintenu en détention n’ont pas disparu, car la gravité des infractions reprochées, la personnalité de celui-ci et la manière dont il a agi dans le cas d’espèce laissent à penser que si le requérant était remis en liberté, il commettrait  des nouveaux crimes et délits (...). »
Le 17 juin 1994, le requérant se pourvut en cassation contre cette décision, mais la Cour de cassation rejeta le pourvoi.
Le 27 juin 1994, le requérant sollicita à nouveau sa mise en liberté provisoire. Il alléguait qu’il était gravement malade, ce qui avait justifié son envoi d’urgence à l’hôpital, et produisit à l’appui diverses attestations médicales. Toutefois, la chambre d’accusation repoussa la demande au motif que le requérant était particulièrement dangereux et qu’il risquait de fuir.
Le 6 septembre 1994, la chambre d’accusation de la cour d’appel écarta les objections du requérant relatives au prolongement de sa détention au-delà d’un an. Ultérieurement, la Cour de cassation repoussa aussi le pourvoi du requérant à cet égard.
Le 31 octobre 1994, la chambre d’accusation de la cour d’appel rejeta encore une nouvelle demande de mise en liberté.
Le 31 décembre 1994, le requérant demeura en détention en vertu d’un autre mandat d’arrêt pour d’autres faits.
Le 30 mai 1997, la cour d’appel criminelle, composée de trois juges et statuant en première instance, condamna le requérant à treize ans de réclusion criminelle. Elle jugea le requérant coupable d’incitation à commettre des faux et des fraudes au détriment de la banque.
Le 18 décembre 1998, la cour d’appel, composée de cinq juges et statuant en appel, confirma la condamnation du requérant et imposa une peine de quinze ans de réclusion dont elle déduisit la durée de la détention provisoire. Après avoir apprécié les faits de la cause et pris en considération les dépositions des témoins, elle relaxa le requérant du chef d’incitation à commettre des faux et confirma la condamnation pour fraudes au détriment de la banque.
Le 22 juin 2000, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant.
B.  Le droit interne pertinent
L’article 6 § 4 de la Constitution dispose :
« La loi fixe la durée maximum de la détention préventive, qui ne doit pas excéder une année pour les crimes et six mois pour les délits. Dans des cas tout à fait exceptionnels, les durées maxima peuvent être prolongées respectivement de six et trois mois par décision de la chambre d’accusation compétente. »
GRIEFS
1.  Invoquant l’article 5 § 2 de la Convention, le requérant se plaint de ce qu’au moment de son arrestation, les autorités de police ne lui ont pas montré le mandat d’arrêt.
2.  Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de ce qu’il n’a pas été présenté devant le juge d’instruction dans les 24 heures de son arrestation, comme l’exige l’article 279 § 1 du code de procédure pénale.
3.  Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire.
4.  Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint des conditions de sa détention au poste de police de Voula.
5.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure devant les juridictions pénales.
6.  Invoquant l’article 6 § 3 b) de la Convention, le requérant se plaint de ce qu’il n’a pas été en mesure de préparer de manière efficace sa défense en raison de sa détention au poste de police de Voula.
7.  Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 a) et b) de la Convention, le requérant se plaint de ce qu’il fut obligé de déposer au sujet d’une accusation alors qu’il ne connaissait ni l’existence ni la nature de celle-ci.
8.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de ce que la cour d’appel, statuant en première instance et en appel, n’a pas précisé les actes répréhensibles à la base de sa condamnation pour instigation à commettre des fraudes et a refusé d’ordonner une expertise comptable. Enfin, la Cour de cassation n’aurait pas suffisamment motivé sa décision.
EN DROIT
1.  En premier lieu, la Cour note que le requérant a introduit sa requête le 22 décembre 2000. Dans la formule de requête, qui était signée par lui-même, le requérant invoquait les griefs mentionnés seulement sous les numéros 5 et 8 ci-dessus. Toutefois, le 1er novembre 2001, le greffe reçut de la part de l’avocat, qui avait été entre-temps désigné par le requérant, une lettre qui déclarait «corriger, préciser et compléter » la requête initiale. Outre qu’elle complétait les faits de la cause, la lettre contenait les griefs énumérés sous les numéros 1, 2, 3, 4, 6 et 7 ci-dessus.
La Cour rappelle que s’agissant d’allégations formulées après l’introduction d’une requête, l’application de la règle des six mois tient à la question de savoir si celles-ci doivent être considérées comme des arguments juridiques à l’appui des griefs initiaux ou comme des moyens nouveaux.
Or, en l’espèce, la Cour note que les allégations contenues dans la lettre du 1er novembre 2001 constituent toutes des griefs nouveaux par rapport à ceux invoqués dans la requête et ont donc été formulés en dehors du délai de six mois prévu à l’article 35 § 1 de la Convention. En conclusion, ces griefs sont tardifs et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
2.  Le requérant se plaint de ce que la cour d’appel, statuant en première instance et en appel, n’a pas précisé les actes répréhensibles à la base de sa condamnation pour incitation à commettre des fraudes et a refusé d’ordonner une expertise comptable. Enfin, la Cour de cassation n’aurait pas suffisamment motivé sa décision. Le requérant allègue une violation de l’article 6 § 1 qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
La Cour rappelle qu’elle a pour seule tâche, conformément à l’article 19 de la Convention, d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. En particulier, elle n’est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, ou pour substituer sa propre appréciation à celle des juridictions nationales, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d’avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, §§ 28-29, CEDH 1999-I).
Dans le cas d’espèce, la Cour relève que le requérant a bénéficié d’une procédure contradictoire à chacun des degrés de juridiction. De même, il a pu présenter aux tribunaux les arguments qu’il jugeait pertinents pour la défense de sa cause et qui ont été effectivement examinés par les juges. En outre, la Cour n’aperçoit aucun indice pouvant conduire à la conclusion que, lors du procès, le requérant aurait été placé dans une situation moins favorable que la partie adverse.
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
3.  Le requérant allègue un dépassement du délai raisonnable de la procédure. Il souligne que la période à considérer a commencé le 19 juin 1993, avec son arrestation, et a pris fin le 22 juin 2000, avec le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation. Il allègue une violation de l’article 6 § 1 qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief du requérant tiré de l’article 6 § 1 de la Convention (délai raisonnable) ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Søren Nielsen Françoise Tulkens   Greffier adjoint Présidente
DÉCISION RODOPOULOS c. GRÈCE
DÉCISION RODOPOULOS c. GRÈCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 11800/02
Date de la décision : 13/02/2003
Type d'affaire : Decision (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6) PROCEDURE CONSTITUTIONNELLE


Parties
Demandeurs : RODOPOULOS
Défendeurs : la GRECE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2003-02-13;11800.02 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award