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27/02/2003 | CEDH | N°54999/00

CEDH | AFFAIRE AXEN ET AUTRES c. ALLEMAGNE


AFFAIRE AXEN ET AUTRES c. ALLEMAGNE
(Requête no 54999/00)
ARRÊT
(Règlement amiable)
STRASBOURG
27 février 2003
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Axen et autres c. Allemagne,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
M. I. Cabral Barreto, président,   M. G. Ress,   M. P. Kūris,   M. R. Türmen,   M. B. Zupančič,   M. J. Hedigan,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska, juges,  et de  M.  V. Berger, greffier de

section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 février 2003,
Rend l'arrêt que voici, adopté ...

AFFAIRE AXEN ET AUTRES c. ALLEMAGNE
(Requête no 54999/00)
ARRÊT
(Règlement amiable)
STRASBOURG
27 février 2003
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Axen et autres c. Allemagne,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
M. I. Cabral Barreto, président,   M. G. Ress,   M. P. Kūris,   M. R. Türmen,   M. B. Zupančič,   M. J. Hedigan,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska, juges,  et de  M.  V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 février 2003,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 54999/00) dirigée contre la République fédérale d'Allemagne et dont trois ressortissantes de cet Etat, Mmes Sonja Axen, Katrin Teubner et Sophia Jossifov (« les requérantes »), ont saisi la Cour le 15 décembre 1999 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Les requérantes sont représentées devant la Cour par Me F. Wolff, avocat à Berlin. Le gouvernement allemand (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. K. Stoltenberg, Ministerialdirigent, du ministère fédéral de la Justice.
3.  Les requérantes alléguaient la violation de l'article 1 du Protocole no1, considéré isolément et combiné avec l'article 14 de la Convention, et celle de l'article 6 § 1 de la Convention.
4.  Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
5.  Le 15 novembre 2001, la Cour a ajourné l'examen du grief tiré de la durée de la procédure et a déclaré la requête irrecevable pour le surplus.
6.  Le 21 novembre 2002, après avoir recueilli les observations des parties, la Cour a déclaré la requête recevable en ce qui concerne le grief tiré de la durée de la procédure.
7.  Le 20 janvier 2003, les requérantes et le Gouvernement ont présenté une déclaration formelle d'acceptation d'un règlement amiable de l'affaire.
EN FAIT
8.  Les requérantes sont nées respectivement en 1925, 1950 et 1953, et résident à Berlin.
9.  Mme Axen est la veuve et Mmes Teubner et Jossifov sont les filles de M. Hermann Axen, membre du bureau politique (Politbüro) du comité central du Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands-SED) de la République démocratique allemande (RDA) et décédé le 15 février 1992.
A.  La genèse de l'affaire
10.  Après la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 et au cours de la période de transition précédant la réunification allemande, devenue effective le 3 octobre 1990, M. Axen avait demandé la conversion des avoirs figurant sur son compte bancaire, s'élevant à environ 250 000 Marks de la RDA, en Deutsch Marks (DM) de la République fédérale d'Allemagne (RFA). Ces sommes provenaient de revenus ordinaires (reguläres Einkommen).
11.  Le 6 juillet 1990, la commission spéciale (Sonderausschuss) du Parlement (Volkskammer) nouvellement élu de la RDA et compétente en la matière, demanda à M. Axen de justifier la légalité de l'acquisition des avoirs ainsi déclarés.
12.  Par une décision du 27 septembre 1990, la commission spéciale ordonna la confiscation (Einziehung) des avoirs se trouvant sur le compte bancaire de M. Axen, au motif qu'il s'était « par l'abus de ses fonctions, par la jouissance de privilèges qu'il s'était lui-même attribué et par des actes qui constituent une atteinte flagrante à la morale, procuré à lui-même et à d'autres des avantages personnels au détriment de la société et à la charge du budget de l'Etat et d'autres fonds étatiques ».
La commission spéciale se fonda sur l'article 5 § 2 de la loi sur la justification de la légalité de l'acquisition d'avoirs de conversion (Gesetz über den Nachweis der Rechtmässigkeit des Erwerbs von Umstellungsguthaben) de la RDA du 29 juin 1990, aussi appelée loi sur les avoirs de conversion (Umstellungsguthabengesetz).
B.  La procédure devant les juridictions internes
1. Devant le tribunal administratif de Berlin
13.  Le 19 octobre 1990, la première requérante et son mari saisirent le tribunal administratif (Verwaltungsgericht) de Berlin.
14.  Le 30 octobre 1990, le Parlement demanda une extension du délai de six semaines pour déposer ses observations.
15.  A la demande du tribunal administratif, la commission spéciale du Parlement lui adressa 14 volumes de dossiers portant sur la vérification de la légalité de l'acquisition d'avoirs de conversion.
16.  Le 19 novembre 1990, le tribunal administratif demanda au parquet de Berlin des renseignements relatifs à d'éventuelles procédures pénales engagées contre les époux Axen. Le 19 novembre 1990, ce dernier indiqua au tribunal administratif les références des procédures pénales qui venaient d'être engagées.
17.  En mars 1991, la direction du tribunal administratif décida de confier l'affaire des époux Axen à une chambre nouvellement constituée au sein du tribunal administratif.
18.  Le 16 septembre 1991, le tribunal administratif demanda de nouveau au parquet de Berlin l'état d'avancement des procédures pénales engagées contre les époux Axen. Le 30 septembre 1991, le parquet indiqua au tribunal administratif que le tribunal régional de Berlin avait prononcé un non-lieu à leur encontre, et que le parquet avait interjeté appel de cette décision.
19.  Le 26 février 1992, l'avocat de M. Axen informa le tribunal administratif du décès de ce dernier. Le 1er octobre 1992, l'avocat indiqua au tribunal administratif que la communauté des héritiers, comprenant la femme et les deux filles de M. Axen, souhaitait poursuivre le litige et demanda la modification de l'entête (Rubrum) du jugement.
20.  Le 22 février 1993, le tribunal administratif demanda de nouveau au parquet de Berlin de lui adresser les dossiers relatifs aux procédures pénales engagées conter les époux Axen. Le 5 avril 1993, le parquet adressa   19 volumes de dossiers au tribunal administratif.
21.  Le 21 avril 1993, le tribunal administratif fixa au 24 mai 1993 la date de l'audience.
22.  Par un jugement du 24 mai 1993, le tribunal administratif de Berlin rejeta le recours des requérantes au motif que les conditions de l'article 5 § 2 de la loi sur les avoirs de conversion étaient réunies, car l'ensemble des avoirs de M. Axen provenaient d'une épargne acquise par abus de pouvoir au détriment de l'intérêt général (Gemeinwohl).
A l'instar de la commission spéciale, le tribunal considéra que M. Axen s'était enrichi par l'utilisation illégale d'un terrain de 25 000 m2 dont il n'était pas propriétaire et sur lequel il avait fait construire en 1986 une maison de vacances financée à hauteur de 6 500 000 Marks de la RDA par des fonds publics. De même, l'entretien du domaine d'un montant de 200 000 Marks avait été financé par des fonds publics. Or lui-même n'avait versé qu'un loyer mensuel de 271 Marks et son enrichissement personnel s'élevait donc au moins à 3 000 000 Marks.
23.  Le 6 juillet 1993, le jugement fut notifié aux parties.
2. Devant la cour administrative d'appel de Berlin
24.  Le 26 juillet 1993, les requérantes interjetèrent appel du jugement devant la cour administrative d'appel (Oberverwaltungsgericht) de Berlin.
25.  Le 6 octobre 1993, le Parlement demanda une extension du délai pour le dépôt de ses observation jusqu'au 29 octobre, puis jusqu'au 15 novembre 1993.
26.  Le 10 novembre 1993, à la demande du parquet, la cour administrative d'appel leur renvoya les dossiers des procédures pénales.
27.  Le 1er février 1994, le parquet renvoya les dossiers des procédures pénales à la cour administrative d'appel, avec une demande de les lui restituer le plus rapidement possible.
28.  Au cours des années 1994 et 1995, la cour administrative d'appel mena de nombreuses investigations afin de rechercher des preuves (Beweiserhebungen).
29.  Les 4 novembre 1994, 25 octobre 1995 et 21 novembre 1996, l'avocat demanda à la cour administrative d'appel de rapidement rendre sa décision.
30.  Le 17 avril 1997, la cour administrative d'appel fixa une audience au 1er juillet 1997.
31.  Par un arrêt du 1er juillet 1997, la cour administrative d'appel de Berlin annula la décision de la commission spéciale et ordonna le déblocage des comptes litigieux.
Elle estima notamment que l'article 5 § 2 de la loi sur les avoirs de conversion ne s'appliquait pas à l'épargne provenant de revenus ordinaires, car sinon tous les biens acquis en RDA devraient être évalués et imputés sur les avoirs de conversion.
32.  Le 3 septembre 1997, l'arrêt fut notifié aux parties.
3. Devant la Cour fédérale administrative
33.  Par une décision du 5 juin 1998, la Cour fédérale administrative (Bundesverwaltungsgericht), saisie par l'Etat d'un recours en révision, fit droit à la demande de ce dernier et annula l'arrêt de la cour administrative d'appel.
La Cour fédérale considéra qu'en vertu de la loi sur les avoirs de conversion, qui demeurait en vigueur en tant que loi fédérale (Bundesgesetz), et de l'article 3 no 12 alinéa b de l'accord du 18 septembre 1990 sur l'application et l'interprétation du Traité sur l'unification allemande (Vereinbarung zur Durchführung und Auslegung des Einigungsvertrages) du 31 août 1990, la chambre administrative près du tribunal du district était bien compétente pour statuer sur les requêtes soulevées en vertu de l'article 6 de la loi sur les avoirs de conversion. Par ailleurs, le législateur avait souhaité, lors de la période de transition précédant la réunification allemande, un règlement rapide, définitif et dans un délai donné de ces affaires, et n'avait pas prévu la mise en place des voies de recours administratives habituelles.
4. Devant la Cour constitutionnelle fédérale
34.  Les requérantes saisirent alors la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) d'un recours constitutionnel, au motif que les décisions des juridictions antérieures méconnaissaient leur droit de propriété et étaient disproportionnées, car l'atteinte à la morale ne saurait à elle seule justifier la confiscation intégrale des avoirs de M. Axen. De plus, la Cour administrative fédérale aurait méconnu la Loi fondamentale (Grundgesetz), car elle avait considéré que la loi sur les avoirs de conversion et l'accord sur l'application et l'interprétation du Traité sur l'unification allemande prévoyaient une limitation des voies de recours, alors que la loi n'était en réalité pas si claire. Par ailleurs, le but de la loi sur les avoirs de conversion avait été uniquement de vérifier de manière arbitraire les comptes des hauts responsables du SED. Enfin, la durée de la procédure entre la saisine du tribunal administratif de Berlin le 17 octobre 1990 et la décision de la Cour fédérale administrative du 5 juin 1998 méconnaissait l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
35.  Le 28 juillet 1999, la Cour constitutionnelle fédérale, statuant en comité de trois membres, refusa d'admettre le recours des requérantes.
D'après la Cour constitutionnelle, dans le cadre de l'article 5 § 2 de la loi sur les avoirs de conversion, le législateur pouvait, sans méconnaître de manière disproportionnée le droit de propriété, lors de la conversion d'avoirs de la RDA en DM, ce qui équivalait à une revalorisation considérable, exclure les sommes acquises en méconnaissance flagrante de la morale et qui ne reposaient pas sur un travail propre (eigene Leistung).  Il en allait de même pour les avoirs provenant de revenus ordinaires et qui avaient pu être économisés à la suite d'avantages obtenus en méconnaissance flagrante de la morale. De plus, le fait que la commission spéciale, dans le cadre de ses moyens, s'était concentrée sur les hauts responsables du SED, reposait sur des considérations pratiques, mais ne   modifiait pas la portée générale de la loi. Enfin, les décisions litigieuses ne méconnaissaient pas non plus le droit à la protection juridique garanti par l'article 19 § 4 de la Loi fondamentale, car cet article ne garantit pas le droit à l'existence de voies de recours.
EN DROIT
36.  Le 20 janvier 2003, la Cour a reçu du Gouvernement la déclaration suivante, signée par l'agent du Gouvernement et par le représentant des requérantes :
« La République fédérale d'Allemagne, représentée par son agent, M. Klaus Stoltenberg, Ministerialdirigent, du ministère fédéral de la Justice, (...), ainsi que les requérantes, Sonja Axen, Katrin Teubner et Sophia Jossifov, représentées par Me Friedrich Wolff, avocat, (...), concluent en vue de régler [le litige relatif à] la requête individuelle no54999/00 l'accord amiable suivant :
1. Le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne verse aux requérantes la somme globale de 3 000 EUR à titre de compensation pour toutes les prétentions relatives à la requête individuelle ci-dessus mentionnée. Cette somme couvre toutes les prétentions concevables contre la République fédérale d'Allemagne, y compris les dommages-intérêts, frais et dépens des requérantes.
2. Les requérantes, représentées par Me Friedrich Wolff, avocat, déclarent par la présente que la requête individuelle ci-dessus mentionnée est réglée dans sa totalité [insgesamt für erledigt]. Elles donnent leur accord à la radiation par la Cour de la requête du rôle. Les requérantes renoncent à toutes prétentions futures éventuelles contre la République fédérale d'Allemagne liées aux faits à l'origine de la présente  requête.
3. L'agent du gouvernement allemand s'engage à communiquer immédiatement le présent accord à la Cour européenne des Droits de l'Homme. »
37.  La Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties (article 39 de la Convention). Elle est assurée que ce règlement s'inspire du respect des droits de l'homme tels que les reconnaissent la Convention ou ses Protocoles (articles 37 § 1 in fine de la Convention et 62 § 3 du règlement).
38.  Partant, il convient de rayer l'affaire du rôle.
PAR CES MOTIFS, LA COUR , À L'UNANIMITÉ,
  Décide de rayer l'affaire du rôle.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 février 2003 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Ireneu Cabral Barreto   Greffier Président
ARRÊT AXEN ET AUTRES c. ALLEMAGNE (RÈGLEMENT AMIABLE)
ARRÊT AXEN ET AUTRES c. ALLEMAGNE (RÈGLEMENT AMIABLE) 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 54999/00
Date de la décision : 27/02/2003
Type d'affaire : Arrêt (Radiation du rôle)
Type de recours : Radiation du rôle (règlement amiable)

Analyses

(Art. 39) REGLEMENT AMIABLE, (Art. 6) PROCEDURE ADMINISTRATIVE


Parties
Demandeurs : AXEN ET AUTRES
Défendeurs : ALLEMAGNE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2003-02-27;54999.00 ?
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