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06/03/2003 | CEDH | N°58278/00

CEDH | ZDANOKA contre la LETTONIE


PREMIERE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 58278/00  présentée par Tatjana ŽDANOKA  contre la Lettonie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 6 mars 2003 en une chambre composée de
M. C.L. Rozakis, président,   Mme F. Tulkens,
M. P. Lorenzen   Mme N. Vajić,   MM. E. Levits,    A. Kovler,
V. Zagrebelsky, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 20 janvier 2000,
Vu les observations soumises pa

r le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,
Après en avoir délibéré, ren...

PREMIERE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 58278/00  présentée par Tatjana ŽDANOKA  contre la Lettonie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 6 mars 2003 en une chambre composée de
M. C.L. Rozakis, président,   Mme F. Tulkens,
M. P. Lorenzen   Mme N. Vajić,   MM. E. Levits,    A. Kovler,
V. Zagrebelsky, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 20 janvier 2000,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante est une ressortissante lettonne, née en 1950 et résidant à Riga (Lettonie). Elle est représentée devant la Cour par Me W. Bowring, barrister exerçant à Colchester (Royaume-Uni). Le Gouvernement letton est représenté par son agente, Mme K. Maļinovska.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
A.  Circonstances particulières de l’affaire
1.  Le contexte historique et la genèse de l’affaire
a)  La période soviétique
En 1971, la requérante, étudiante en mathématiques à l’Université de Lettonie à l’époque des faits, devint membre du Parti communiste de Lettonie (ci-après le « PCL »). Cette organisation constituait en effet une branche régionale du Parti communiste de l’Union soviétique (ci-après le « PCUS »), parti unique et dirigeant de l’URSS.
De 1972 jusqu’en 1990, la requérante travailla comme maître de conférences à l’Université de Lettonie. Pendant toute cette période, elle fut membre du groupe universitaire du PCL.
En mars 1990, la requérante fut élue au Conseil suprême (Augstākā Padome) de la « République soviétique socialiste de Lettonie » (ci-après la « RSS de Lettonie ») en tant que députée de la circonscription de Pļavnieki, à Riga. Elle s’inscrivit alors à la cellule locale du PCL. En avril 1990, cette cellule la délégua au 25e congrès du PCL, où elle fut élue membre de la Commission centrale de contrôle et d’audit du parti. D’après les copies des procès-verbaux de cette commission, la requérante faisait partie d’une sous-commission chargée de superviser la mise en œuvre des décisions et des actes programmatiques du PCL.
b)  La déclaration de l’indépendance de Lettonie
Le 4 mai 1990, le Conseil suprême adopta la Déclaration sur le rétablissement de l’indépendance de la République de Lettonie, déclarant illégitime et nulle l’incorporation de la Lettonie dans l’URSS et redonnant la force légale aux dispositions fondamentales de la Constitution lettonne (Satversme) de 1922. Cependant, le paragraphe 5 de cette Déclaration instaura une période de transition, visant à restaurer graduellement la souveraineté réelle de l’Etat et à rompre progressivement tous les liens institutionnels avec l’URSS. Pendant cette période, une partie de la Constitution de la RSS de Lettonie demeura en vigueur, et une commission gouvernementale spéciale fut chargée de négociations avec l’Union soviétique sur la base du traité de paix russo-letton du 11 août 1920.
La Déclaration susmentionnée fut adoptée par 139 voix du nombre total de 201 députés, avec une seule abstention. 57 députés du groupe parlementaire « Līdztiesība » (« Egalité des droits », en effet le groupe du PCL), y compris la requérante, ne participèrent pas au vote. Le même jour, le 4 mai 1990, le Comité central du PCL adopta une résolution critiquant vigoureusement cette Déclaration et demandant au Président de l’Union soviétique d’intervenir.
Le 7 mai 1990, le Conseil suprême forma le gouvernement de la République indépendante de Lettonie.
c)  Les événements de janvier et de mars 1991
Les événements de janvier et de mars 1991 font l’objet d’une controverse entre les parties. D’après le Gouvernement, le 12 janvier 1991, l’armée soviétique commença une action militaire contre le gouvernement de la Lituanie indépendante, formé de la même manière que le gouvernement letton. Plusieurs personnes y perdirent leur vie. Dans ces circonstances, une tentative de coup d’Etat fut également entamée en Lettonie. Le 13 janvier 1991, le Plénum du Comité central du PCL demanda la démission du gouvernement letton, la dissolution du Conseil suprême et la prise de pleins pouvoirs par le Comité de salut public de Lettonie (Vislatvijas Sabiedriskās glābšanas komiteja), créé le même jour par plusieurs organisations, y compris le PCL. Le 15 janvier 1991, le même comité déclara le Conseil suprême et le gouvernement déchus de leurs pouvoirs respectifs et décréta la prise de pleins pouvoirs. Ayant emporté plusieurs vies au cours de collisions armées à Riga, cette tentative de coup d’Etat échoua.
La requérante conteste la version des faits présentée par le Gouvernement. Selon elle, l’agression de l’armée soviétique contre le gouvernement et le peuple lituaniens ne constitue pas un fait prouvé ; à cet égard, elle présente copie d’un article d’un journal russe d’après lequel c’étaient des indépendantistes lituaniens eux-mêmes, et non les soldats soviétiques, qui tiraient dans la foule dans le but de jeter le discrédit sur l’armée. La requérante soutient également qu’à cette époque, une série de manifestations populaires eut lieu en Lettonie contre la hausse des prix des denrées alimentaires, décrétée par le gouvernement ; ces manifestations furent donc la cause principale des événements de janvier 1991. Enfin, la requérante fait valoir que, dans leurs déclarations respectives des 13 et 15 janvier 1991, le Plénum du Comité central du PCL et le Comité de salut public ne se limitèrent pas à demander ou à proclamer la démission des autorités lettonnes, mais annoncèrent également la tenue des élections anticipées du Conseil suprême.
Le 3 mars 1991, un vote populaire eut lieu sur le territoire letton. Selon le Gouvernement, c’était un véritable référendum national ; la requérante soutient en revanche qu’il s’agissait d’un simple vote consultatif. Les électeurs devaient répondre à la question ainsi formulée : « Êtes-vous pour une République de Lettonie démocratique et politiquement indépendante ? » Selon les chiffres fournis par le Gouvernement, 87,5 % de tous les résidents du pays, inscrits sur les listes électorales, participèrent au vote ; 73,6 % d’entre eux répondirent par « oui » à la question posée. La requérante conteste le taux de participation précité et donc la légitimité même de ce plébiscite.
d)  Les événements d’août et de septembre 1991
Le 19 août 1991, un nouveau coup d’Etat eut lieu à Moscou. Un organe autoproclamé, nommé le « Comité étatique de l’état d’urgence », déclara le Président de l’URSS, M. Gorbatchev, suspendu de ses fonctions, s’érigea en organe de pouvoir unique, et décréta l’état d’urgence « dans certaines régions de l’URSS ».
Le même jour, le 19 août 1991, le Comité central et le Comité de Riga du PCL déclarèrent leur soutien au « Comité étatique de l’état d’urgence », et créèrent un « groupe opérationnel » en vue de lui fournir de l’assistance. Selon le Gouvernement, le 20 août 1991, le PCL, le groupe parlementaire « Līdztiesība » et certaines autres organisations signèrent et diffusèrent un appel intitulé « Godājamie Latvijas iedzīvotāji ! » (« Les habitants honorables de la Lettonie ! »), exhortant le peuple à se plier aux exigences de l’état d’urgence et à ne pas s’opposer aux mesures prises à Moscou par le « Comité étatique de l’état d’urgence ». Selon la requérante, la participation du PCL à tous ces événements n’est pas prouvée ; en particulier, les députés du groupe « Līdztiesība » participaient aux débats parlementaires pendant deux jours de suite et ne savaient même pas qu’un pareil appel apparaîtrait.
Ce coup d’Etat essuya également un échec, à la suite duquel, le 21 août 1991, le Conseil suprême de Lettonie adopta une loi constitutionnelle relative au statut étatique de la République de Lettonie et proclamant l’indépendance absolue et immédiate du pays. Le paragraphe 5 de la Déclaration du 4 mai 1990, relatif à la période de transition, fut abrogé.
Par une décision du 23 août 1991, le Conseil suprême déclara le PCL anticonstitutionnel. Le lendemain, les activités du parti furent suspendues, et le ministre de la Justice fut chargé « d’instruire les activités illégales du PCL et de proposer au Conseil suprême une motion relative à la possibilité d’autoriser son fonctionnement dans l’avenir ». Sur la base de la proposition du ministre de la Justice, le 10 septembre 1991, le Conseil suprême ordonna la dissolution du parti.
Entre-temps, le 22 août 1991, le Conseil suprême forma une commission parlementaire chargée d’enquêter sur la participation des députés du groupe « Līdztiesība » au coup d’Etat. Sur la base du rapport final de cette commission, le 9 juillet 1992, le Conseil suprême annula les mandats de quinze députés ; la requérante ne figurait pas parmi ceux-ci.
e)  Les développements subséquents
En février 1993, la requérante devint présidente du « Mouvement pour la justice sociale et l’égalité des droits en Lettonie » (« Kustība par sociālo taisnīgumu un līdztiesību Latvijā »), qui se transforma plus tard en un parti politique, « Līdztiesība » (« Egalité des droits »).
Les 5 et 6 juin 1993, les élections parlementaires eurent lieu conformément à la Constitution rétablie de 1922. Pour la première fois après la restauration de l’indépendance de Lettonie, les citoyens élurent le Parlement (Saeima) qui se substitua au Conseil suprême. C’est à ce moment que le mandat de député de la requérante prit fin. Suite au refus des autorités lettonnes d’inscrire la requérante au registre des résidents en tant que citoyenne lettonne, elle ne put participer ni à ces élections, ni aux élections parlementaires suivantes, tenues en 1995, ni aux élections municipales de 1994. Suite au recours introduit par la requérante, en janvier 1996, les tribunaux reconnurent à celle-ci la nationalité lettonne et enjoignirent à l’administration de l’enregistrer en tant que telle et de lui délivrer les documents correspondants.
2.  Les élections municipales de 1997
Le 25 janvier 1997, le « Mouvement pour la justice sociale et l’égalité des droits en Lettonie » déposa auprès de la Commission électorale de Riga une liste de dix candidats pour les prochaines élections municipales du 9 mars 1997. La candidature de la requérante y figurait. Conformément aux exigences de la loi sur les élections municipales, la requérante signa et joignit à la liste une déclaration écrite affirmant qu’elle n’était pas concernée par l’article 9 de cette loi. Aux termes de cet article, sont inéligibles les personnes ayant « activement participé » (darbojušās) au PCUS, au PCL, ainsi qu’à plusieurs autres organisations expressément nommées, postérieurement au 13 janvier 1991.
Par une lettre expédiée le même jour, le 25 janvier 1997, la requérante informa la Commission électorale de Riga que, jusqu’au 10 septembre 1991, date de la dissolution officielle du PCL, elle avait été membre de la cellule de Pļavnieki et de la Commission centrale de contrôle et d’audit du parti. Cependant, elle fit valoir que les restrictions susmentionnées lui étaient inapplicables, puisqu’elles étaient contraires aux articles 2 et 25 du Pacte international sur les droits civils et politiques.
Par une décision du 11 février 1997, la Commission électorale de Riga enregistra la liste présentée par la requérante. Aux élections du 9 mars 1997, cette liste obtint quatre des soixante sièges du conseil municipal de Riga (Rīgas Dome). La requérante figurait parmi les élus.
3.  Les élections législatives de 1998
En vue de participer aux élections législatives du 3 octobre 1998, le « Mouvement pour la justice sociale et l’égalité des droits en Lettonie » conclut un accord de coalition avec le Parti de l’Harmonie nationale (Tautas Saskaņas partija), le Parti socialiste de Lettonie (Latvijas Sociālistiskā partija) et le Parti russe (Krievu partija). Les quatre partis formèrent une liste unie sous le titre du Parti de l’Harmonie nationale. La requérante y figurait en tant que candidate des circonscriptions de Riga et de Vidzeme.
Le 28 juillet 1998, la liste fut déposée auprès de la Commission électorale centrale en vue de son enregistrement. Conformément aux exigences de la loi sur les élections parlementaires, la requérante signa et joignit à la liste une déclaration écrite identique à celle qu’elle avait présentée avant les élections municipales (cf. supra). De même, tout comme pour les élections de 1997, la requérante expédia à la Commission électorale centrale une lettre expliquant sa situation et soutenant que les restrictions en question étaient incompatibles avec le Pacte international sur les droits civils et politiques, ainsi qu’avec l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention.
Le 29 juillet 1998, la Commission électorale centrale suspendit l’enregistrement de la liste, au motif que la candidature de la requérante ne correspondait pas aux exigences de la loi sur les élections parlementaires. Ne voulant pas mettre en danger la perspective de l’enregistrement de la liste entière, la requérante retira sa candidature, après quoi la liste fut immédiatement enregistrée.
4.  La procédure de constat de participation de la requérante au PCL
Par lettre du 7 août 1998, le président de la Commission électorale centrale demanda au Procureur général de la République d’examiner la légitimité de l’élection de la requérante au conseil municipal de Riga.
Par une décision du 31 août 1998, dont copie fut envoyée à la Commission électorale centrale, le Parquet général (Ģenerālprokuratūra) constata que la requérante n’avait commis aucun délit réprimé par le code pénal. Toutefois, le parquet reconnut la violation, par la requérante, de l’article 9 de la loi sur les élections municipales. Aux termes de la décision, bien que la requérante eût fourni à la Commission électorale de Riga de fausses informations sur sa participation au PCL, aucun indice ne permettait de conclure qu’elle l’avait fait dans l’objectif précis d’induire la commission en erreur. A cet égard, le parquet estima que la déclaration de la requérante, jointe à la liste des candidats pour les élections du 9 mars 1997, devait être lue en combinaison avec sa lettre explicative du 25 janvier 1997.
Le 14 janvier 1999, le Parquet général saisit la cour régionale de Riga d’une demande en vue de constater la participation de la requérante au PCL après le 13 janvier 1991. A son mémoire, le parquet joignit les documents suivants : la lettre de la requérante du 25 janvier 1997 ; le procès-verbal de la réunion de la Commission centrale de contrôle et d’audit du parti du 26 janvier 1991 ; le procès-verbal de la réunion commune de la Commission centrale de contrôle et d’audit et des commissions d’audit des villes et des régions du 27 mars 1991 ; les annexes à ces procès-verbaux reflétant la structure et la composition de ladite commission, ainsi que la liste des membres de la commission d’audit au 1er juillet 1991.
Par un jugement contradictoire du 15 février 1999, la cour régionale de Riga fit droit à la demande du parquet, estimant que les pièces présentées attestaient clairement la participation de la requérante aux activités du parti après la date critique, et que les éléments de preuve fournis par la requérante étaient insuffisants pour réfuter ce constat. Par conséquent, la cour rejeta les arguments de la requérante qui soutenait qu’elle n’était membre du PCL que formellement, qu’elle ne participait pas aux réunions de sa Commission centrale de contrôle et d’audit, et qu’elle ne pouvait dès lors pas être reconnue comme ayant « agi », « milité » ou « activement participé » (darboties) aux activités du parti.
Contre ce jugement, la requérante interjeta appel devant la Chambre des affaires civiles de la Cour suprême. Dans son mémoire, elle soutint notamment que la cour régionale aurait dû prendre en considération la contradiction évidente entre la législation électorale et les dispositions de la Convention, du Pacte international sur les droits civils et politiques et de la Constitution lettonne.
Le 12 novembre 1999, la Chambre des affaires civiles débuta l’examen de l’appel. A l’audience, la requérante soutint que le contenu des procès-verbaux susmentionnés des 26 janvier et 27 mars 1991, portant la mention de son nom,  ne pouvait pas être retenu à son encontre, puisqu’à ces deux dates, elle avait exercé ses fonctions au sein du Conseil suprême de Lettonie et non au sein du PCL. Après avoir ouï deux témoins déclarant que la requérante était effectivement présente au Conseil suprême, la Chambre suspendit l’examen de l’affaire afin de permettre à la requérante de produire des preuves plus convaincantes et susceptibles d’appuyer ses déclarations, tel un compte rendu des débats parlementaires ou des procès-verbaux des réunions du groupe parlementaire « Līdztiesība ». Toutefois, les procès-verbaux susmentionnés n’ayant pas été conservés par le Bureau du Parlement, la requérante ne put jamais fournir de telles preuves.
Par un arrêt du 15 décembre 1999, la Chambre des affaires civiles rejeta l’appel de la requérante. Aux termes de l’arrêt, les éléments de preuve recueillis par le parquet suffisaient pour conclure qu’elle avait participé aux activités du PCL après le 13 janvier 1991, et ce, même en l’absence des comptes rendus ou des procès-verbaux demandés à la requérante. La Chambre releva ensuite que la dissolution du PCL avait été ordonnée « conformément aux intérêts de l’Etat letton dans la situation historico-politique concrète » et que les conventions internationales invoquées par la requérante prévoyaient des limitations justifiées à l’exercice des droits électoraux.
Suite à l’arrêt de la Chambre des affaires civiles, exécutoire à compter de son prononcé, la requérante devint inéligible et perdit son mandat de membre du conseil municipal de Riga.
Contre cet arrêt, elle forma un pourvoi en cassation devant le Sénat de la Cour suprême, insistant, entre autres, sur l’incompatibilité de la restriction litigieuse avec l’article 11 de la Convention. Par une ordonnance définitive du 7 février 2000, siégeant en session préparatoire (rīcības sēde) à huis clos, le Sénat déclara le pourvoi irrecevable. Selon le Sénat, la procédure en question se limitait à un seul objectif strictement défini, à savoir le constat de participation ou de non-participation de la requérante au PCL après le 13 janvier 1991. En définitive, le Sénat s’estima incompétent pour analyser les conséquences juridiques résultant de ce constat, au motif que cela n’avait aucune incidence sur le constat lui-même. En outre, le Sénat fit remarquer qu’une telle analyse impliquerait un examen de compatibilité de la législation lettonne avec le droit constitutionnel et international, ce qui ne relevait pas de la compétence de la juridiction de cassation.
5.  Les élections législatives de 2002
Les élections législatives suivantes eurent lieu le 5 octobre 2002. En vue de participer à ces élections, le parti « Līdztiesība », présidé par la requérante, forma, avec deux autres partis, le Parti de l’Harmonie nationale et le Parti socialiste (cf. supra, les élections de 1998), un cartel électoral nommé « Pour les Droits de l’Homme dans une Lettonie unie » (« Par cilvēka tiesībām vienotā Latvijā », en abréviation PCTVL). Le programme électoral de ce cartel soulignait, en des termes exprès, la nécessité d’abolir les restrictions aux droits électoraux des personnes ayant milité au PCL après le 13 janvier 1991.
Au printemps 2002, le conseil exécutif du parti « Līdztiesība » nomma la requérante comme candidate aux élections de 2002 ; le conseil du cartel PCTVL approuva cette nomination. Cependant, peu après, le 16 mai 2002, la législature sortante rejeta une proposition d’abrogation de l’article 5, sous 6), de la loi sur les élections parlementaires (cf. infra, le droit et la pratique internes pertinents). Etant pleinement conscient de la situation de la requérante et craignant que la présence de sa candidature n’empêche l’enregistrement de la liste entière de PCTVL, le conseil du cartel changea d’avis et décida de ne pas inclure son nom sur la liste des candidats. La requérante décida alors de soumettre une liste séparée, ne contenant qu’un seul et unique nom, le sien, et intitulée « Parti de l’Harmonie nationale ».
Le 23 juillet 2002, le cartel PCTVL déposa à la Commission électorale centrale sa liste, contenant au total les noms de 77 candidats pour les cinq circonscriptions de Lettonie. Le même jour, la requérante demanda à la Commission d’enregistrer sa propre liste, et ce, pour la circonscription de Kurzeme uniquement. De même que pour les élections de 1998, elle joignit à sa liste une déclaration écrite selon laquelle les restrictions en litige étaient incompatibles avec la Constitution lettonne et les engagements internationaux de la Lettonie. Le 25 juillet 2002, la Commission enregistra les deux listes.
Par une décision du 7 août 2002, la Commission électorale centrale, se référant à l’arrêt de la Chambre des affaires civiles du 15 décembre 1999, raya la requérante de sa liste. En outre, après avoir constaté que la requérante avait été la seule candidate sur la liste intitulée « Parti de l’Harmonie nationale » et qu’après sa radiation il n’y avait plus aucun nom, la Commission décida d’annuler l’enregistrement de la liste. La requérante n’introduisit aucun recours contre cette décision.
Aux élections du 5 octobre 2002, la liste du cartel PCTVL reçut 18,94 % des voix et obtint vingt-cinq sièges au Parlement. Le groupe parlementaire de PCTVL occupe actuellement la deuxième place quant au nombre de sièges.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1.  Dispositions relatives au statut étatique de la Lettonie
Le dispositif de la Déclaration du 4 mai 1990 sur le rétablissement de l’indépendance de la République de Lettonie se lisait ainsi :
« Le Conseil suprême de la RSS de Lettonie décide :
1) en reconnaissant la priorité du droit international par rapport aux dispositions du droit national, de considérer comme illégal le pacte du 23 août 1939 entre l’URSS et l’Allemagne et la liquidation du pouvoir souverain de la République de Lettonie par l’agression militaire de l’URSS du 17 juin 1940, qui en a découlé ;
2) de déclarer nulle et non avenue la déclaration du Parlement [Saeima] de Lettonie, adoptée le 21 juillet 1940 et relative à l’intégration de la Lettonie dans l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes ;
3) de restaurer sur tout le territoire letton la force légale de la Constitution [Satversme] de la République de Lettonie, adoptée le 15 février 1922 par l’Assemblée Constituante [Satversmes sapulce]. Le nom officiel de l’Etat letton est la REPUBLIQUE de LETTONIE, en abrégé LETTONIE ;
4) de suspendre la Constitution de la République de Lettonie jusqu’à l’adoption d’une nouvelle version de la Constitution, excepté les articles qui définissent la base juridique constitutionnelle de l’Etat letton et qui, conformément à l’article 77 de la même Constitution, ne sont modifiables que par voie de référendum, à savoir :
Article 1er – La Lettonie est une république indépendante et démocratique.
Article 2 – Le pouvoir souverain de l’Etat letton appartient au peuple letton.
Article 3 – Le territoire de la Lettonie défini par les traités internationaux se compose de la Vidzeme, la Latgale, la Kurzeme et la Zemgale.
Article 6 – Le Parlement (Saeima) est élu aux élections générales, égalitaires, directes, proportionnelles et à bulletins secrets.
L’article 6 de la Constitution sera appliqué après la restauration des organes de pouvoir et d’administration de la République indépendante de Lettonie, garantissant un libre déroulement du scrutin ;
5) d’instaurer une période de transition de la restauration de la souveraineté de la République de Lettonie de facto, qui prendra fin avec la réunion du Parlement de la République de Lettonie. Pendant ladite période de transition, le pouvoir suprême sera exercé par le Conseil suprême de la République de Lettonie ;
6) d’accepter l’application, pendant la période de transition, les dispositions de la Constitution de la RSS de Lettonie et les autres actes législatifs en vigueur sur le territoire de la RSS de Lettonie au moment de l’adoption de la présente décision, dans la mesure où ces dispositions ne sont pas en contradiction avec les articles 1, 2, 3 et 6 de la Constitution de la République de Lettonie.
En cas de contestation sur des questions ayant trait à l’application des actes législatifs, c’est le tribunal constitutionnel de la République de Lettonie qui tranchera.
Pendant la période de transition, seul le Conseil suprême de la République de Lettonie adoptera de nouveaux textes législatifs ou en modifiera les existants ;
7) de créer une commission pour rédiger une nouvelle version de la Constitution de la République de Lettonie, correspondant à la situation politique, économique et sociale actuelle de la Lettonie ;
8) de garantir aux citoyens de la République de Lettonie et à ceux des autres Etats résidant de façon permanente sur le territoire letton, des droits sociaux, économiques et culturels, ainsi que des libertés politiques conformes aux normes internationales des droits de l’homme universellement reconnues. Cela concerne les citoyens de l’URSS qui souhaiteraient vivre en Lettonie sans en acquérir la nationalité ;
9) de fonder les rapports entre la République de Lettonie et l’URSS sur le Traité de paix du 11 août 1920 entre la Lettonie et la Russie, toujours en vigueur et reconnaissant pour l’éternité l’indépendance de l’Etat letton. Une Commission  gouvernementale sera formée pour les négociations avec l’URSS. »
Le dispositif de la loi constitutionnelle du 21 août 1991 relative au statut étatique de la République de Lettonie (Konstitucionālais likums « Par Latvijas Republikas valstisko statusu ») est ainsi libellé :
« Le Conseil suprême de la République de Lettonie décide :
1)  de déclarer que la Lettonie est une république indépendante et démocratique, où le pouvoir souverain de l’Etat letton appartient au peuple letton et dont le statut étatique est défini par la Constitution du 15 février 1922 ;
2)  d’abroger le paragraphe 5 de la Déclaration du 4 mai 1990 sur le rétablissement de l’indépendance de la République de Lettonie, établissant une période de transition pour la restauration de facto du pouvoir étatique de la République de Lettonie ;
3)  jusqu’à la liquidation de l’occupation et de l’annexion et jusqu’à la convocation du Parlement, le pouvoir étatique suprême en République de Lettonie sera pleinement exercé par le Conseil suprême de la République de Lettonie. Seules les lois et les décrets adoptés par les autorités suprêmes de pouvoir et d’administration de la République de Lettonie sont en vigueur sur son territoire ;
4)  la présente loi constitutionnelle entre en vigueur au moment de son adoption. »
2.  Le statut du PCUS et du PCL
Le rôle du PCUS dans l’ancienne Union Soviétique était défini par l’article 6 de la Constitution de l’URSS de 1977 (dite « constitution de Brejnev »), et par l’article 6 de la Constitution de la RSS de Lettonie de 1978, rédigés en des termes identiques. Ces dispositions stipulaient :
« La force directrice et motrice de la société soviétique, le noyau de son système politique et de ses organismes étatiques et non gouvernementaux est le Parti communiste de l’Union soviétique. Le PCUS existe pour le peuple et sert le peuple.
Armé de la doctrine marxiste-léniniste, le Parti communiste détermine la perspective générale du développement de la société, la direction de la politique intérieure et extérieure de l’URSS, gère la grande action créatrice du peuple soviétique et confère à sa lutte pour la victoire du communisme un caractère planifié et scientifiquement fondé.
Tous les organismes du Parti agissent dans le cadre de la Constitution de l’URSS. »
La décision du Conseil suprême du 24 août 1991 relative à la suspension des activités de certaines organisations non gouvernementales et politiques se lisait comme suit :
« Le 20 août 1991, le Front internationaliste des travailleurs de la RSS de Lettonie, le Conseil uni des collectifs de travail, le Conseil républicain des vétérans de guerre et de travail, le Comité central du Parti communiste de Lettonie et le Comité central de l’Union de la jeunesse communiste de Lettonie publièrent une proclamation déclarant aux habitants de la république qu’un état d’urgence avait été décrété en Lettonie, et incitèrent tous les particuliers à s’opposer à ceux qui ne se soumettaient pas aux ordres du Comité national de l’état d’urgence. Ce faisant, les associations (...) susmentionnées ont déclaré leur soutien aux organisateurs du coup d’Etat et ont incité les autres particuliers à faire de même.
Les agissements de ces organisations sont contraires aux articles 4, 6 et 49 de la Constitution lettonne, stipulant que les citoyens lettons ont le droit de former des partis et d’autres associations uniquement si leurs buts et leurs activités pratiques n’ont pas pour objectif une modification violente ou le renversement de l’ordre constitutionnel existant (...), et que les associations doivent respecter la Constitution et les lois, et agir conformément à leurs dispositions.
Le Conseil suprême de la République de Lettonie décrète :
1. Sont suspendues les activités du Parti communiste de Lettonie [et des autres organisations susmentionnées] (...) »
Les parties pertinentes de la décision du Conseil suprême du 10 septembre 1991 relative à la dissolution des organisations susmentionnées se lisaient comme suit :
« (...) En mai 1990, le Parti communiste de Lettonie, le Front internationaliste des travailleurs de la RSS de Lettonie, le Conseil uni des collectifs de travail et le Conseil républicain des vétérans de guerre et de travail créèrent le Comité de défense de la Constitution de l’URSS et de la RSS de Lettonie et des droits des citoyens, qui, le 25 novembre 1990, fut rebaptisé en Comité de salut public de Lettonie (...)
Le 15 janvier 1991, le Comité de salut public de Lettonie déclara la prise des pouvoirs par lui-même, ainsi que la dissolution du Conseil suprême et du gouvernement de la République de Lettonie.
En août 1991, le Comité central du Parti communiste de Lettonie [et les autres organisations susmentionnées] soutinrent le coup d’Etat (...)
Eu égard à tout ce qui précède, le Conseil suprême de la République de Lettonie décrète :
1.      Le Parti communiste de Lettonie [et les autres organisations susmentionnées], ainsi que la coalition de ces organisations, le Comité de salut public de Lettonie, sont dissous comme étant anticonstitutionnels (...)
2.      Il est expliqué aux anciens membres du Parti communiste de Lettonie [et des autres organisations susmentionnées], qu’ils ont le droit de s’associer dans des partis et d’autres associations dont les buts et les activités pratiques n’ont pas pour objectif une modification violente ou le renversement de l’ordre constitutionnel existant, et qui ne sont pas autrement contraires à la Loi fondamentale et aux lois de la République de Lettonie (...) »
3.  La législation en matière électorale
a)  Les dispositions matérielles
Les dispositions pertinentes de la Constitution (Satversme) de la République de Lettonie, adoptée en 1922 et modifiée par la loi du 15 octobre 1998, sont rédigées comme suit :
Article 64
«  Le pouvoir législatif appartient au Parlement [Saeima], ainsi qu’au peuple dans les conditions et dans la mesure déterminée par la présente Constitution. »
Article 9
« Peut être élu au Parlement tout citoyen letton jouissant de la plénitude des droits civiques et ayant atteint l’âge de vingt et un ans au jour des élections. »
Article 101
« Tout citoyen letton a le droit de participer au fonctionnement de l’Etat et des collectivités locales conformément à la loi (...) »
Article 91
« En Lettonie, tous les hommes sont égaux devant la loi et les tribunaux. Les droits de l’homme sont exercés sans aucune discrimination. »
Les dispositions pertinentes de la loi du 25 mai 1995 relative aux élections parlementaires (Saeimas vēlēšanu likums) sont ainsi libellées :
Article 4
« Peut être élu au Parlement tout citoyen letton ayant atteint l’âge de vingt et un ans au jour des élections, s’il n’est pas concerné par l’une des restrictions prévues par l’article 5 de la présente loi. »
Article 5
« Ne peuvent se porter candidats aux élections ni être élus au Parlement les personnes : (...)
6) ayant activement participé [darbojušās], après le 13 janvier 1991, dans le PCUS (PCL), le Front internationaliste des travailleurs de la RSS de Lettonie, le Conseil uni des collectifs de travail, l’Organisation des vétérans de guerre et de travail, le Comité de salut public de Lettonie, ou dans leurs comités régionaux ; (...) »
Article 11
« Doivent être joints à la liste des candidats : (...)
3) une déclaration signée par chacun des candidats inclus dans la liste et confirmant qu’il répond aux exigences de l’article 4 de la loi et qu’il n’est pas concerné par l’article 5 sous 1) - 6) de la présente loi ; (...) »
Article 13
« (...) (2) Une fois enregistrées, les listes de candidats sont irrévocables, et les seules corrections que la Commission électorale centrale peut y apporter, sont :
1) la radiation du candidat de la liste, lorsque : (...)
a) le candidat n’est pas un citoyen jouissant de la plénitude des droits civiques (articles 4 et 5 ci-dessus) ; (...)
(3) (...) [L]e candidat est rayé de la liste sur la base d’une attestation de l’autorité compétente ou sur la décision du tribunal. Le fait que le candidat : (...)
6) a activement participé, après le 13 janvier 1991, au PCUS (PCL), du Front internationaliste des travailleurs de la RSS de Lettonie, du Conseil uni des collectifs de travail, de l’Organisation des vétérans de guerre et de travail, du Comité de salut public de Lettonie, ou de leurs comités régionaux, est attesté par le jugement du tribunal compétent ; (...) »
La loi du 13 janvier 1994 relative aux élections des conseils municipaux des villes et des communes (Pilsētas domes un pagasta padomes vēlēšanu likums) contient des dispositions similaires aux dispositions précitées de la loi sur les élections parlementaires. En particulier, l’article 9 sous 5) est identique à l’article 5 sous 6) de cette dernière loi.
b)  Les dispositions procédurales
La procédure de constat judiciaire de participation ou de non-participation aux associations mentionnées ci-dessus est régie par le Chapitre 23-A du code de procédure civile (Civilprocesa kodekss), ajouté par une loi du 3 septembre 1998 et intitulé « L’examen des affaires relatives au constat des restrictions des droits électoraux ». Les dispositions de ce chapitre se lisent ainsi :
Article 233-1
« Une demande en vue de constater une restriction des droits électoraux peut être formée par le procureur (...)
La demande doit être soumise au tribunal du domicile de la personne à l’égard de laquelle le constat des restrictions des droits électoraux est sollicitée.
La demande peut être formée, lorsqu’une commission électorale a enregistré une liste de candidats où figure (...) un citoyen à l’égard duquel il y a des preuves qu’après le 13 janvier 1991, il a activement participé au PCUS (au PCL) (...). Une demande concernant une personne incluse sur la liste des candidats peut également être formée lorsque les élections ont déjà eu lieu.
La demande doit être accompagnée d’une attestation de la commission électorale certifiant que la personne en question s’est portée candidate aux élections et que la liste respective a été enregistrée, ainsi que des preuves confirmant les allégations mentionnées dans la demande. »
Article 233-3
« Après avoir examiné la demande, le tribunal prononce un jugement :
1) constatant qu’après le 13 janvier 1991, le demandeur a activement participé au PCUS (au PCL) (...) ;
2) déclarant la demande mal fondée et la rejetant. (...) »
La loi sur les élections parlementaires et le chapitre 24-A du code de procédure civile prévoient également une procédure de recours contre les décisions en matière électorale en général. L’article 51 de la loi sur les élections parlementaires dispose :
« Dans le délai de sept jours, l’organisation ayant soumis la liste des candidats, ainsi que les candidats eux-mêmes ont le droit d’attaquer une décision d’une commission électorale par voie de recours devant le tribunal dans le ressort duquel se trouve ladite commission électorale. »
Les dispositions pertinentes du code de procédure civile se lisent ainsi :
Article 230
« Les (...) candidats s’étant présentés aux élections au Parlement de la République de Lettonie (...) ont le droit d’attaquer les décisions d’une commission électorale par voie de recours devant le tribunal dans le ressort duquel se trouve ladite commission électorale. »
Article 232
« Le tribunal examine le recours dans le délai de trois jours à compter du jour de sa réception. (...) »
Article 233
« Suite à l’examen du recours, le tribunal rend un jugement :
1) constatant que la décision de la commission électorale a été prise conformément à la loi et rejetant le recours ;
2) reconnaissant le bien-fondé du recours et annulant la décision de la commission électorale.
Ce jugement n’est pas susceptible de recours ; il entre en vigueur après son prononcé. Le jugement est immédiatement envoyé, par le tribunal, à la Commission électorale centrale (...) »
4.  Les propositions d’abrogation des restrictions litigieuses
La loi sur les élections parlementaires a été adoptée le 25 mai 1995, par la première législature élue après le rétablissement de l’indépendance de Lettonie, dite « la Cinquième législature » (les quatre premières ayant fonctionné pendant la période allant de 1922 à 1934). La législature suivante (la Sixième), élue en octobre 1995, a été amenée à examiner trois propositions distinctes tendant à abroger l’article 5, sous 6), de la loi susmentionnée. A la séance plénière du 9 octobre 1997, après de très longs débats, les trois propositions furent rejetées avec de fortes majorités. De même, le 18 décembre 1997, lors d’une discussion sur une proposition visant à rendre l’article 5, sous 6), plus restrictif, le libellé actuel de cette disposition fut également confirmé.
Elue en octobre 1998, la législature suivante (la Septième) examina une proposition d’abrogation de l’article 5, sous 6), à la séance plénière du 16 mai 2002. Encore une fois, après de longs débats, la majorité des députés refusa de donner suite à cette proposition.
5.  L’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 août 2000
Par un arrêt rendu le 30 août 2000 dans l’affaire no 2000-03-01,  la Cour constitutionnelle (Satversmes tiesa) déclara les restrictions visées à l’article 5 sous 6) de la loi sur les élections parlementaires et à l’article 9 sous 5) de la loi sur les élections municipales compatibles avec la Constitution lettonne et avec l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 3 du Protocole no 1.
Dans cet arrêt, adopté par quatre voix contre trois, la Cour constitutionnelle rappela tout d’abord les principes généraux dégagés par la jurisprudence constante des organes de la Convention en matière d’application de l’article 14 de la Convention et de l’article 3 du Protocole no 1. Elle releva ensuite :
« (...) (4) Est dénué de fondement l’argument (...) selon lequel les dispositions entreprises, interdisant aux citoyens lettons de se porter candidats et d’être élus au Parlement et aux conseils municipaux, les discriminent en raison de leur appartenance politique (...). Les dispositions entreprises ne prévoient pas une différence de traitement en fonction des convictions (des opinions) politiques de la personne, mais une restriction des droits électoraux pour avoir agi contre l’ordre démocratique rétabli après le 13 janvier 1991 (...)
Le législateur a donc subordonné les restrictions au degré de la responsabilité personnelle [individuālās atbildības pakāpe] de chaque personne dans la réalisation des objectifs et du programme de ces organisations, et la restriction du droit d’être élu au Parlement ou à un conseil municipal (...) est liée aux activités de la personne concrète dans les associations (...) respectives.
A elle seule, l’appartenance formelle aux organisations susmentionnées ne peut pas servir de fondement au fait qu’une personne ne puisse pas se porter candidate ou être élue au Parlement. (...).
Par conséquent, les dispositions entreprises ne sont dirigées que contre ceux qui, postérieurement au 13 janvier 1991, ont tenté, en présence de l’armée d’occupation, de rétablir l’ancien régime par voie d’agissements actifs [ar aktīvu darbību] ; en revanche, elles ne concernent pas les personnes avec des convictions (des opinions) politiques différentes. La tendance de certains tribunaux de se concentrer uniquement sur le constat du fait d’appartenance formelle et de ne pas évaluer le comportement de la personne n’est pas conforme aux buts que le législateur a voulu atteindre en adoptant la disposition entreprise (...)
(6) (...) Puisque les objectifs de ces organisations étaient liés au renversement du régime étatique existant [pastāvošās valsts iekārtas graušana], elles étaient anticonstitutionnelles en leur substance (...)
Par conséquent, le but des restrictions du droit électoral passif est de protéger l’ordre d’Etat démocratique, la sécurité nationale et l’intégrité territoriale de Lettonie. Les dispositions entreprises ne sont pas dirigées contre le pluralisme d’idées en Lettonie ou contre les opinions politiques d’une personne, mais contre ceux qui, par leurs agissements actifs, ont tenté de renverser l’ordre d’Etat démocratique (...). L’exercice des droits de l’homme ne peut pas être dirigé contre la démocratie en tant que telle (...)
La substance et l’effectivité du droit se manifestent à travers son caractère éthique [ētiskums]. Une société démocratique a un intérêt légitime pour exiger de ses représentants politiques la loyauté envers la démocratie. En établissant des restrictions, on ne met pas en cause l’honneur et la réputation des candidats au sens d’un bénéfice juridique personnel [personisks tiesisks labums] ; ce qui est mis en cause, c’est la question de savoir si les personnes en question sont dignes de représenter le peuple au Parlement ou dans le conseil municipal respectif. Ces restrictions concernent ceux qui ont été agents permanents de l’appareil répressif du pouvoir d’occupation, ou qui, après le 13 janvier 1991, ont participé aux organisations mentionnées dans les dispositions entreprises et ont activement combattu la Constitution rétablie et l’Etat letton (...)
Est fondé l’argument (...) selon lequel l’ordre d’Etat démocratique doit être protégé contre les particuliers qui, sur le plan éthique, ne sont pas qualifiés pour devenir représentants d’un Etat démocratique au niveau politique ou administratif (...)
(...) La radiation de la liste d’un candidat qui a participé aux organisations susmentionnées ne relève pas d’un arbitraire administratif ; elle se fonde sur un jugement individuel, rendu par un tribunal. Conformément à la loi, l’appréciation de la responsabilité individuelle relève de la compétence des tribunaux (...). (...)
(7) (...) Afin de déterminer si la mesure appliquée, c’est-à-dire les restrictions du droit électoral passif, est proportionnée aux objectifs poursuivis, c’est-à-dire la protection, en premier lieu, de l’ordre d’Etat démocratique, et, en deuxième lieu, de la sécurité nationale et l’intégrité de l’Etat letton, il faut apprécier la situation politique dans l’Etat et les circonstances corollaires qui y sont liées. Le législateur ayant, à plusieurs reprises, évalué les circonstances historiques et politiques du développement de la démocratie (...), la Cour n’estime pas qu’à ce stade, il y aurait un fondement pour mettre en cause la proportionnalité de la mesure appliquée et de son objectif.
Toutefois, le législateur devrait, en procédant à un examen périodique de la situation politique de l’Etat et la nécessité et le bien-fondé des restrictions, décider de fixer une limite temporelle pour ces restrictions (...), puisque de telles limitations du droit électoral passif ne peuvent exister que pendant une période déterminée. »
Trois des sept juges de la Cour constitutionnelle ayant examiné l’affaire précitée joignirent à l’arrêt une opinion dissidente, dans laquelle ils exprimèrent leur désaccord avec les conclusions de la majorité. Se référant notamment aux arrêts Vogt c. Allemagne du 26 septembre 1995 (série A, no 323), et Rekvényi c. Hongrie (GC, no 25390/94, CEDH 1999-III), ils firent valoir que les restrictions en litige pouvaient être plus larges à l’égard des fonctionnaires qu’à l’égard des représentants élus. Selon ces juges, depuis 1991, le régime démocratique et le système institutionnel de Lettonie étaient devenus suffisamment stables pour que des personnes ayant milité contre ce régime il y a dix ans ne représentassent plus un danger réel pour l’Etat. La restriction des droits électoraux de ces personnes n’était donc pas proportionnée au but légitime recherché.
6.  Le statut des collectivités locales
Les dispositions pertinentes de la loi du 19 mai 1994 relative aux collectivités locales (Likums « Par pašvaldībām ») se lisent comme suit :
Article 3 § 1
« Une collectivité locale est une autorité administrative locale qui, par le biais d’un conseil représentatif élu par les citoyens, et des institutions et organes créés par ce conseil, assure l’exercice des fonctions définies par la loi, ainsi que, sous réserve des modalités établies par la présente loi, l’exécution des tâches assignées par le Cabinet des ministres et des initiatives volontaires de la collectivité locale, compte tenu des intérêts de l’Etat et des habitants du territoire administratif respectif. »
Article 5
« Dans le cadre de leurs compétences respectives et des lois, les collectivités locales fonctionnent d’une manière autonome.
Dans le cadre de la présente loi, le fonctionnement des collectivités locales est surveillé par une institution désignée par le Cabinet des ministres. Lorsque les organes et les autorités administratives qui, dans les cas et selon les modalités définis par la loi, vérifient la légalité des actes des collectivités locales, constatent le fait qu’un conseil municipal ou son président négligent ou enfreignent la Constitution, les lois, les règlements du Cabinet des ministres, ou bien qu’ils n’exécutent pas les décisions judiciaires, ils ont l’obligation d’en rapporter à l’institution désignée par le Cabinet des ministres. »
Article 7 § 1
« Les fonctions permanentes des collectivités locales (...) doivent être exercées conformément aux modalités définies par les lois et les règlements pertinents. »
Article 12
« Dans les intérêts des habitants du territoire administratif respectif, les collectivités locales peuvent réaliser librement leurs initiatives dans tous les domaines qui ne relèvent pas de la compétence du Parlement, du Cabinet des ministres, des ministères, des autres organes administratifs, des tribunaux ou des autres collectivités locales, lorsque de telles activités ne sont pas prohibées par la loi. »
GRIEFS
1.  Invoquant l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention, la requérante se plaint que son inéligibilité, résultant automatiquement du constat judiciaire de sa participation au PCL après le 13 janvier 1991, constitue une violation de son droit de se porter candidate aux élections législatives. De même, elle soutient qu’en la déclarant inéligible alors qu’elle avait bénéficié d’un large soutien de la population aux élections municipales et s’attendait au même résultat aux élections parlementaires, l’Etat a méconnu son engagement « d’assurer la libre expression de l’opinion du peuple ». A cet égard, la requérante estime que son inéligibilité a été prononcée de manière arbitraire, puisque le terme letton « darboties » (« agir », « participer activement »), utilisé dans la loi, est trop vague et peut se prêter à différentes interprétations de la part des tribunaux. Elle rappelle ensuite qu’avant l’annulation de son mandat au conseil municipal de Riga, elle y avait servi pendant presque trois ans, et que, pendant cette période, personne n’a prétendu que son comportement pouvait compromettre la sécurité nationale, l’intégrité territoriale ou l’ordre public. De même, elle note que la restriction en litige n’a été introduite dans la loi sur les élections parlementaires qu’en 1995, et qu’elle n’existait pas lors des élections précédentes de 1993. Au surplus, la requérante estime que l’ingérence critiquée est disproportionnée et qu’elle porte atteinte à la substance même des droits garantis par l’article 3 du Protocole no 1.
2.  La requérante estime que la mesure dénoncée s’analyse également en une violation des articles 8, 10 et 11 de la Convention.
3.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention relatif au droit à un procès équitable, la requérante se plaint que l’incohérence et le caractère arbitraire des dispositions législatives en litige ont empêché les juridictions internes de prendre une décision appropriée sur l’étendue de ses droits civils, et que la Chambre des affaires civiles et le Sénat ont refusé ou se sont estimés incompétents pour évaluer l’affaire à la lumière des engagements découlant de la Convention et des autres accords internationaux liant la Lettonie.
4.  Enfin, invoquant l’article 13 de la Convention, la requérante soutient qu’elle n’a pas bénéficié d’un recours effectif devant une instance nationale, pour faire valoir ses droits garantis par la Convention et ses Protocoles.
EN DROIT
A.  Grief tiré de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention 
La requérante se plaint que son inéligibilité au Parlement et aux conseils municipaux, du fait de sa participation au PCL après le 13 janvier 1991, constitue une violation de son droit de se porter candidate aux élections législatives. Ce droit est garanti par l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :
« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »
1.  La déchéance du mandat de membre du conseil municipal de Riga
Pour autant que la requérante se plaint d’avoir été déchue de son mandat de membre du conseil municipal de Riga, le Gouvernement conteste l’applicabilité de l’article 3 du Protocole no 1 au cas d’espèce. Il rappelle à cet égard qu’en Lettonie, les collectivités locales ne disposent d’aucun pouvoir législatif autonome, que leur pouvoir normatif est strictement limité à ce qui est délégué par la loi ou par les décrets gouvernementaux, et que l’exercice de ce pouvoir dérivé est contrôlé par un ministre nommé à cet effet par le Cabinet des ministres. Par conséquent, selon le Gouvernement, un conseil municipal letton ne peut pas être reconnu comme faisant partie du « corps législatif » au sens de l’article 3 du Protocole no 1.
La requérante souligne le grand degré d’autonomie dont disposent les collectivités locales en droit letton. Elle estime que le conseil municipal de Riga est investi du « pouvoir législatif », et que son grief tombe donc dans le champ d’application de l’article 3 du Protocole no 1.
La Cour rappelle que l’article 3 du Protocole no 1 ne vaut que pour l’élection du « corps législatif », ou pour le moins de l’une de ses chambres s’il en compte deux ou plusieurs (voir le Recueil des travaux préparatoires, volume VIII, pp. 47, 51 et 53). Il est vrai que les mots « corps législatif » ne s’entendent pas nécessairement du seul parlement national ; il échet de les interpréter en fonction de la structure constitutionnelle de l’Etat en cause (voir Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, arrêt du 2 mars 1987, série A no 113, p. 23, § 53, et Matthews c. Royaume-Uni  [GC], no 24833/94, § 40, CEDH 1999-I). Toutefois, le pouvoir d’adopter des arrêtés, des décrets et d’autres actes normatifs, conféré aux collectivités locales dans beaucoup d’Etats, ne peut pas être assimilé à un pouvoir « législatif » tel qu’il est entendu par l’article 3 du Protocole no 1 (voir Cherepkov c. Russie (déc.), no 51501/99, CEDH 2000-I, Xuereb c. Malte (déc.), no 52492/99, 15 juin 2000, non publiée, et Salleras Llinares c. Espagne (déc.), no 52226/99, 12 octobre 2000, non publiée).
La Cour constate que l’article 64 de la Constitution lettonne réserve l’exercice du pouvoir législatif au Parlement, ainsi qu’au peuple letton dans la mesure déterminée par ladite Constitution. Quant aux conseils municipaux, leurs pouvoirs sont limités par la loi et ne peuvent s’exercer que conformément à des compétences octroyées par le Parlement ou déléguées par le Cabinet des ministres, et ce, sous le contrôle d’un organe désigné par l’exécutif (voir Booth-Clibborn c. Royaume-Uni, no 11391/85, décision de la Commission du 5 juillet 1985, Décisions et rapports (DR) 43, p. 236 ; et  Clerfayt, Legros et autres c. Belgique, no 10650/83, décision de la Commission 17 mai 1985, DR 42, p. 212). Dans ces circonstances, la Cour estime que les conseils municipaux lettons ne concourent pas à l’exercice du pouvoir législatif et, partant, ne forment pas partie du « corps législatif » au sens de l’article 3 du Protocole no 1.
Il s’ensuit que, dans la mesure où ce grief porte sur la déchéance de la requérante de son mandat de membre du conseil municipal de Riga, il doit être rejeté comme étant  incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 §§ 3 et 4.
2.  L’inéligibilité au Parlement national
a)  Sur les exceptions du Gouvernement
i.  Les arguments des parties
α – Le Gouvernement
Le Gouvernement soulève sur ce point deux exceptions d’irrecevabilité, tirées, l’une du défaut de qualité de victime de la requérante, l’autre du non-épuisement des voies de recours internes.
–  Défaut de qualité de victime de la requérante
Le Gouvernement soutient que la requérante ne peut pas se prétendre « victime » de la violation alléguée, au sens de l’article 34 de la Convention. Selon lui, le grief de la requérante concerne surtout les élections parlementaires de 1998 ; or, suite à la suspension de l’enregistrement de la liste des candidats du Parti de l’Harmonie nationale, le 29 juillet 1998, elle a volontairement choisi de retirer sa candidature, renonçant expressément à l’exercice de son droit électoral passif dans le cadre de ces élections.
Le Gouvernement reconnaît qu’une personne peut en principe se prétendre victime d’une violation dont elle n’a pas encore subi les effets. Toutefois, se référant à l’arrêt Vijayanathan et Pusparajah c. France du 27 août 1992 (série A no 241-B, p. 87, § 46), il rappelle que le statut de victime ne peut pas être reconnu à quiconque se plaignant d’une mesure non exécutoire. A cet égard, le Gouvernement souligne que la suspension de l’enregistrement de la liste des candidats par la Commission électorale centrale constituait un simple avertissement et non un acte formel susceptible de recours. En revanche, si la requérante n’avait pas retiré sa candidature, il est bien possible que la Commission électorale l’aurait rayée de la liste ; mais elle aurait alors adopté une décision formelle que la requérante pouvait attaquer par voie de recours prévu à l’article 230 du code de procédure civile. Dans ces circonstances, le Gouvernement conclut que la suspension litigieuse ne peut s’analyser en une mesure exécutoire ni au regard de la requérante, ni même au regard des partis concernés.
Le Gouvernement estime également que l’existence d’une législation portant inéligibilité de certaines catégories de personnes en raison de leurs agissements politiques dans le passé, ne suffit pas pour conférer à la requérante la qualité de victime potentielle. A cet égard, il fait valoir que les restrictions en question revêtent une nature temporaire. Bien que ceci n’apparaît pas dans le texte de la loi, le Gouvernement considère que la nature provisoire de l’inéligibilité des anciens membres du PCL ressort de deux éléments de fait et de droit. En premier lieu, le Gouvernement renvoie au dernier alinéa des motifs de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 août 2000, incitant le législateur à revoir périodiquement la nécessité du maintien des restrictions litigieuses. En deuxième lieu, il fait valoir que la proposition d’abolir ces inéligibilités a été examinée avant chacune des élections parlementaires par la législature sortante ; dans tous les cas, après d’âpres débats, la majorité du Parlement a décidé que l’Etat et la société lettons n’étaient pas encore prêts à abandonner les restrictions en cause (cf. supra, le droit et la pratique internes pertinents). Un tel examen périodique de la loi électorale étant devenu une véritable tradition parlementaire, le Gouvernement soutenait initialement que l’inéligibilité de la requérante était temporaire et qu’il n’était pas certain qu’elle subsisterait jusqu’aux élections de 2002. A supposer même qu’il en soit ainsi, rien ne montrait d’une manière convaincante que le parti auquel appartient la requérante, participerait effectivement à ces élections et que ce parti souhaiterait l’inclure sur sa liste.
Dans ses observations supplémentaires, soumises après les élections de 2002, le Gouvernement reconnaît que la requérante a effectivement tenté d’y participer et qu’elle a été rayée de sa liste. Toutefois, il considère que ces faits peuvent seulement servir de base à une nouvelle requête devant la Cour, et non être invoqués à l’appui de la présente requête, laquelle a plutôt trait aux événements de 1998. Au vu de ce qui précède, le Gouvernement demande à la Cour de déclarer le grief tiré de l’article 3 du Protocole no 1 irrecevable pour défaut de qualité de victime.
–  Non-épuisement des voies de recours internes
Dans ses observations supplémentaires, le Gouvernement soutient également que, à supposer même que la tentative de la requérante de participer aux élections de 2002 puisse être analysée dans le cadre de la présente requête, cette partie du grief doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes. En effet, la requérante a omis d’attaquer la décision de la Commission électorale centrale du 7 août 2002 par voie de recours devant le tribunal de première instance compétent. Le Gouvernement souligne en particulier qu’aux termes de l’article 51 de la loi sur les élections parlementaires, le recours contre les décisions de la Commission électorale centrale doit être introduit dans un délai de sept jours à compter de sa notification ; que, conformément à l’article 232 du code de procédure civile, le tribunal est obligé d’examiner ce recours dans un délai de trois jours à partir de sa réception, et que, d’après l’article 233, al. 2, du même code, le jugement du tribunal est définitif. Selon le Gouvernement, si le tribunal constatait l’illégalité de la décision de radiation, il pourrait l’annuler et ordonner la réinscription de la requérante sur la liste des candidats. A cet égard, le Gouvernement cite l’exemple d’un autre candidat aux mêmes élections, qui a été rayé de sa liste en raison de l’existence d’un jugement constatant sa collaboration avec le KGB, qui a attaqué sa radiation par voie de recours, et dont le recours a été effectivement examiné par le tribunal. Le Gouvernement souligne en particulier qu’une procédure de recours en annulation est différente de la procédure de constat des restrictions aux droits électoraux : la deuxième ne vise que l’établissement des faits matériels, alors que la première suppose un contrôle de légalité. Or, c’est exactement la légalité de sa radiation que la requérante conteste en l’espèce, se référant aux engagements internationaux de la Lettonie qui, par définition, ont un rang hiérarchique supérieur à la législation nationale.
Le Gouvernement reconnaît que, par un arrêt définitif du 15 décembre 1999, la Chambre des affaires civiles a constaté la participation de la requérante au PCL. Toutefois, il n’estime pas que cet arrêt constituât un obstacle à ce que la requérante puisse obtenir un contrôle effectif de la légalité de sa radiation. En effet, elle rappelle la remarque figurant à la fin de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 août 2000, selon laquelle le législateur devrait procéder à un réexamen périodique de la nécessité des restrictions en cause. Compte tenu de ce que près de deux ans s’étaient écoulés depuis le prononcé de cet arrêt, et qu’il avait été adopté à une très faible majorité de juges, rien ne montre avec certitude que la Cour constitutionnelle aurait refusé de réexaminer la constitutionnalité de l’article 5, sous 6), de la loi sur les élections parlementaires. Ainsi, si la requérante avait attaqué la décision de radiation par voie de recours en annulation, elle aurait pu demander au tribunal de suspendre la procédure et de saisir la Cour constitutionnelle d’un renvoi préjudiciel (le nouvel article 19-1 de la loi sur la Cour constitutionnelle). Si le tribunal avait refusé le renvoi préjudiciel et rejeté le recours de la requérante, celle-ci pourrait elle-même saisir la haute juridiction d’une requête constitutionnelle (le nouvel article 19-2 de la loi précitée).
En résumé, selon le Gouvernement, il s’agit de tout un système de recours accessibles et adéquats que la requérante n’a pas utilisé. Les allégations relatives aux élections de 2002 doivent donc être rejetées pour non-épuisement des voies de recours internes, au sens de l’article 35 § 1 de la Convention.
β –  La requérante
La requérante conteste la position du Gouvernement quant à sa capacité de se prétendre « victime » de la violation alléguée. Elle note tout d’abord qu’en suspendant l’enregistrement de sa liste, le 29 juillet 1998, la Commission électorale centrale a violé la loi sur les élections parlementaires, puisque, conformément à l’article 13 § 3 de cette loi, seul le tribunal compétent pouvait constater la participation de la personne aux activités du PCL. Or, aucun jugement en ce sens n’étant en vigueur à cette date, le comportement de la Commission électorale centrale était manifestement arbitraire. Les partis ayant formé la liste unie craignaient donc que la Commission persévérerait dans ce comportement et refuserait finalement d’enregistrer la liste à cause de la présence du nom de la requérante. En même temps, les électeurs potentiels et la presse sympathisante reprochaient à la requérante et à ses camarades leur entêtement d’avoir placé sur la liste le nom d’une candidate dont il était absolument certain qu’elle serait rayée. Dans ces circonstances, la requérante n’a pas eu d’autre choix que de retirer sa candidature, afin de ne pas mettre en danger la perspective de la participation de la liste entière aux élections.
La requérante rejette la thèse du Gouvernement selon laquelle son inéligibilité n’est que temporaire. Tout en reconnaissant l’existence d’une pratique parlementaire consistant à réexaminer la législation électorale avant chaque élection, elle fait observer que, jusqu’à présent, ce réexamen a toujours abouti à un élargissement et non à une réduction des cas d’inéligibilité. Ainsi, en 1993, les anciens agents du KGB et des autres services de sécurité étrangers furent écartés des élections ; quant aux personnes ayant milité au PCL après le 13 janvier 1991, elles furent exclues du bénéfice du droit électoral passif en 1995.
Pour autant que le Gouvernement exprime ses doutes sur la participation de la requérante aux élections dans l’avenir, celle-ci fait remarquer que son parti a participé à toutes les élections précédentes. En effet, il est normal, pour un parti politique, de vouloir inclure son président sur sa liste de candidats, et le parti dirigé par la requérante a l’intention de le faire dans l’avenir.
La requérante se réfère enfin aux résultats des élections du 5 octobre 2002, où son cartel a obtenu le deuxième résultat (18,94 pour cent des voix et vingt-cinq sièges). Elle soutient que, si son nom avait été laissé sur la liste du cartel, elle serait certainement élue au Parlement.
Dans ces circonstances, la requérante estime qu’il existait un lien de causalité direct entre la législation pertinente et la nécessité de retirer sa candidature afin d’assurer la participation de la liste aux élections, qu’elle peut dès lors se prétendre « victime » de la violation alléguée, et que l’exception du Gouvernement doit être rejetée.
Pour ce qui est des allégations du Gouvernement relatifs au non-épuisement des voies de recours internes contre la radiation de 2002, la requérante ne formule pas d’observations séparées sur ce point.
ii.  L’appréciation de la Cour
α –  Défaut de qualité de victime de la requérante
La Cour rappelle que, par « victime », l’article 34 désigne la personne directement concernée par l’acte ou l’omission litigieux (voir, par exemple, Brumarescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, § 50, CEDH 1999-VII). Dans certains cas et sous certaines conditions, un individu peut se prétendre victime d’une violation entraînée par la simple existence d’une disposition législative ou réglementaire, sans avoir besoin d’avancer qu’on la lui a réellement appliquée (voir Norris c. Irlande, arrêt du 26 octobre 1988, série A no 142, pp. 15–16, §§ 30–31). Par ailleurs, même une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe pas pour lui retirer la qualité de « victime » ; encore faut-il que les autorités nationales reconnaissent, explicitement ou en substance, puis réparent la violation de la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Amuur c. France, arrêt du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 846, § 36, et Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 44, CEDH 1999-VI).
La Cour rappelle également qu’une violation de la Convention ou de ses Protocoles peut revêtir la forme non seulement d’un acte instantané, mais également d’une situation continue (voir De Becker c. Belgique, no 214/56, décision de la Commission du  9 mai 1958, Annuaire no 2, p. 215, et, dans la même affaire, l’arrêt du 27 mars 1962, série A no 4, p. 25, § 8 (l’avis de la Commission)) ; l’inéligibilité frappant une personne à titre permanent en constitue un exemple typique (voir X. c. Belgique, no 8701/79, décision de la Commission du 3 décembre 1979, DR 18, p. 250). Contrairement à ce que soutient le Gouvernement, la Cour relève que le grief de la requérante ne porte pas spécifiquement sur les élections législatives de 1998 ou sur la perte de son mandat de membre du conseil municipal de Riga (laquelle, comme la Cour l’a déjà indiqué ci-dessus, n’entre pas dans le champ d’application de l’article 3 du Protocole no 1), mais sur son inéligibilité en tant que telle, résultant de l’arrêt du 15 décembre 1999 de la Chambre des affaires civiles de la Cour suprême. A cet égard, la Cour constate qu’en droit letton, un constat rendu à l’issue de la procédure prévue par le Chapitre 23-A du code de procédure civile vaut tant pour les élections législatives que municipales ; la Commission électorale centrale l’a confirmé dans sa décision du 7 août 2002 portant radiation de la requérante de sa liste et se référant expressément à l’arrêt susmentionné. La Cour relève également que, nonobstant de nombreux débats parlementaires relatives à une abrogation éventuelle de l’article 5, sous 6), de la loi sur les élections parlementaires, cette disposition reste toujours en vigueur et s’applique à la requérante. Aucun changement ni, a fortiori, redressement de la situation litigieuse n’a donc eu lieu jusqu’à présent. Par conséquent, tant que la requérante continue à être inéligible au Parlement national, elle peut se prétendre « victime » d’une violation de l’article 3 du Protocole no 1.
Par ailleurs, il ressort clairement des observations de la requérante qu’en se référant à sa tentative de participer aux élections du 5 octobre 2002, celle-ci ne soulève aucun grief nouveau, mais fournit des renseignements supplémentaires concernant les mêmes doléances déjà formulées sous l’angle de l’article 3 du Protocole no 1 (voir, mutatis mutandis, Sacchi c. Italie, no 6452/74, décision de la Commission du 12 mars 1976, DR 5, p. 43)
L’exception du Gouvernement doit dès lors être rejetée.
β –  Non-épuisement des voies de recours internes
Dans la mesure où le Gouvernement excipe du non-épuisement, par la requérante, des voies de recours internes, la Cour rappelle que la finalité de l’article 35 § 1 de la Convention est de ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou de redresser – normalement par la voie des tribunaux – les violations alléguées contre eux avant qu’elles ne soient soumises à la Cour. Cette disposition doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif ; en particulier, l’article 35 § 1 n’impose pas d’user de recours qui sont inadéquats ou ineffectifs, c’est-à-dire qui sont incapables de remédier à la situation critiquée (voir, par exemple, Aksoy c. Turquie, arrêt du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2276, § 52, et Podkolzina c. Lettonie (déc.), no 46726/99, 8 février 2001, non publiée). En d’autres termes, la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause. Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique de la Partie contractante concernée, mais également du contexte juridique et politique dans lequel ils se situent (voir l’arrêt Aksoy c. Turquie précité, p. 2276, § 53, et Akdivar et autres c. Turquie, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1211, § 69). L’état de la jurisprudence des tribunaux nationaux à l’époque donnée est un élément important à prendre en considération sur ce point (voir Vernillo c. France, arrêt du 20 février 1991, série A no 198, pp. 11-12, § 27, et Modinos c. Chypre, no 15070/89, décision de la Commission du 6 décembre 1990, DR 67, p. 295).
Dans le cas d’espèce, la Cour ne conteste pas que la requérante avait la possibilité d’attaquer la décision de la Commission électorale centrale du 7 août 2002 par voie de recours devant le tribunal compétent, conformément aux dispositions du Chapitre 23-A du code de procédure civile. Elle relève toutefois que l’inéligibilité de la requérante a pour fondement l’article 5, sous 6) de la loi sur les élections parlementaires, écartant des élections toute personne ayant milité au PCL après le 13 janvier 1991. L’article 13 § 3, sous 6), de la même loi réserve aux seuls tribunaux la capacité de dire si un candidat déterminé correspond à cette définition, alors que l’article 233-3 du code de procédure civile limite la compétence du juge à un simple constat factuel de participation ou de non-participation de l’intéressé au PCL. La Cour note en particulier qu’une telle interprétation restrictive a été confirmée par le Sénat de la Cour suprême dans son ordonnance du 7 février 2000, aux termes de laquelle les tribunaux sont compétents uniquement pour constater le fait d’avoir ou de ne pas avoir milité au parti, et non pour tirer des conséquences juridiques quelconques de ce constat.
La Cour en conclut que la situation dont se plaint la requérante résulte essentiellement de la loi électorale en tant que telle, et non de son interprétation par les tribunaux internes. Or, dans son arrêt du 30 août 2000, la Cour constitutionnelle lettonne a expressément constaté la compatibilité de l’article 5, sous 6), de ladite loi avec l’article 3 du Protocole no 1. Cela étant, la requérante avait les plus fortes raisons de croire qu’un recours éventuel serait de toute évidence voué à l’échec. Il est vrai qu’en cas d’un tel recours, le tribunal compétent pourrait s’adresser à la Cour constitutionnelle par voie d’un renvoi préjudiciel ; il est également vrai qu’à la fin de l’arrêt précité, la Cour constitutionnelle a inséré une remarque selon laquelle le législateur devrait procéder à un réexamen périodique de la nécessité des restrictions en cause. Toutefois, la Cour doute fort qu’un tel recours serait « effectif » en l’espèce. En premier lieu, elle rappelle sa jurisprudence constante d’après laquelle un renvoi préjudiciel en appréciation de constitutionnalité, opéré par le juge du fond, ne constitue en principe pas un recours à épuiser au sens de l’article 35 § 1 (voir, par exemple, Spadea et Scalabrino c. Italie, arrêt du 28 septembre 1995, série A no 315-B, pp. 23-24, § 24). En deuxième lieu, elle admet qu’il était peu réaliste d’attendre de la Cour constitutionnelle qu’elle revînt sur son raisonnement à peine deux ans après le prononcé de l’arrêt susmentionné.
Dans la mesure où le Gouvernement cite l’exemple d’un autre candidat rayé de sa liste et ayant obtenu l’examen de sa cause par un tribunal, la Cour constate que ce candidat avait été écarté des élections pour avoir prétendument collaboré avec le KGB, donc pour un motif sensiblement différent de celui ayant motivé la radiation de la requérante. Dès lors, cet exemple ne pouvait pas servir de précédent dans le cadre de la présente affaire.
Eu égard à tout ce qui précède, et compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, la Cour reconnaît le caractère ineffectif du recours indiqué par le Gouvernement. Cette exception ne saurait donc, elle non plus, être retenue.
b)  Sur le fond du grief
i.  Les arguments des parties
α – Le Gouvernement
S’agissant de l’inéligibilité de la requérante aux élections législatives, le Gouvernement rappelle que les droits de vote et d’éligibilité, garantis par l’article 3 du Protocole no 1, ne sont pas absolus, et qu’il y a place pour des « limitations implicites ». Se référant à l’arrêt Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique du 2 mars 1987 (série A no 113), le Gouvernement rappelle que tout système électoral doit s’apprécier eu égard au « contexte global », et notamment à la lumière de l’évolution politique du pays (ibid., pp. 23-25, §§ 54 et 57). Il rappelle également qu’aux termes du même arrêt, un système électoral « ne se révèle pas déraisonnable si l’on a égard aux intentions qu’il reflète et à la marge d’appréciation de l’Etat défendeur dans le cadre du système électoral parlementaire (...), marge d’autant plus étendue qu’il s’agit d’un système inachevé et transitoire » (p. 25, § 57). Selon le Gouvernement, c’est à la lumière de ces principes, et compte tenu des conditions historiques et politiques de la Lettonie qu’il faut examiner la compatibilité de la restriction critiquée avec l’article 3 du Protocole no 1.
S’agissant en premier lieu de l’objectif poursuivi par cette restriction, le Gouvernement rappelle que la démocratie est le seul système politique compatible avec la Convention, et que l’existence d’un corps législatif librement élu est inhérente à un régime véritablement démocratique. Le Gouvernement fait observer que l’inéligibilité en litige concerne les personnes ayant milité au sein des organisations qui, après la proclamation d’une république indépendante, se sont ouvertement tournées contre le nouvel ordre démocratique et qui ont activement tenté de restaurer l’ancien régime totalitaire communiste. A cet égard, le Gouvernement réitère sa version des faits des événements de 1991 : n’ayant pas pu obtenir la majorité au Conseil suprême lors des élections démocratiques de mars 1990, le PCL et les autres organisations énumérées à l’article 5, sous 6), de la loi sur les élections parlementaires, choisirent de suivre la voie anticonstitutionnelle et de créer un Comité de salut public, qui tenta d’usurper le pouvoir et de dissoudre le Conseil suprême et le gouvernement légitime. Or, de tels agissements étaient contraires non seulement à l’article 2 de la Constitution de 1922, d’après lequel le pouvoir souverain appartient au peuple, mais également à l’article 2 de la Constitution de la RSS de Lettonie, conférant aux seuls conseils élus (les soviets) le pouvoir d’agir au nom du peuple.
De même, le Gouvernement rappelle que, lors du coup d’Etat du 19 août 1991, le Comité central du PCL déclara ouvertement son soutien au « Comité étatique de l’état d’urgence », créa un « groupe opérationnel » en vue de lui fournir de l’assistance, et diffusa un appel exhortant le peuple à se plier au régime imposé par cet organe autoproclamé et anticonstitutionnel.
Par conséquent, selon le Gouvernement, il s’agit d’exclure les personnes concernées de l’exercice du pouvoir législatif, car, ayant manqué de respect aux principes démocratiques dans le passé, il n’y a aucune garantie de ce qu’ils exerceront leur pouvoir conformément à ces principes à présent. En d’autres termes, cette inéligibilité est motivée par la nécessité de protéger une démocratie effective, à laquelle la société toute entière a droit, contre une éventuelle résurgence du totalitarisme communiste. Se fondant sur l’arrêt Ahmed et autres c. Royaume-Uni du 2 septembre 1998 (Recueil 1998-VI, p. 2395, § 52), le Gouvernement fait valoir que l’inéligibilité en cause revêt un caractère préventif et ne requiert pas une existence actuelle d’agissements dangereux et antidémocratiques de la part de ces personnes. Invoquant également l’arrêt Rekvényi c. Hongrie précité (notamment § 41), le Gouvernement estime que le principe d’une « démocratie apte à se défendre » est conforme à la Convention, surtout dans le contexte des sociétés post-communistes de l’Europe centrale et orientale.
En outre, le Gouvernement fait valoir que la restriction critiquée avait également pour but la protection de la sécurité nationale. Citant à cet égard les résolutions adoptées en avril 1990 par le 25e congrès du PCL, le Gouvernement fait remarquer que ce parti a toujours été hostile au rétablissement de l’indépendance de la Lettonie, et qu’un de ses buts principaux était le maintien du pays dans l’Union soviétique. Qui plus est, en soutenant le coup d’Etat du 19 août 1991, le PCL a agi contrairement à la volonté du peuple letton, qui, lors du plébiscite du 3 mars 1991, s’était prononcé à une majorité écrasante en faveur de l’indépendance de la Lettonie. Le Gouvernement estime donc que c’est l’existence même d’un Etat partie à la Convention qui se trouvait menacée en l’espèce, et que l’accès aux organes du pouvoir suprême de l’Etat de personnes hostiles à l’indépendance de cet Etat serait de nature à compromettre la sécurité nationale.
Le Gouvernement est d’avis que la restriction en question est proportionnée aux buts légitimes recherchés. A cet égard, il souligne que l’inéligibilité litigieuse ne s’applique pas à toutes les personnes ayant formellement été membres du PCL après le 13 janvier 1991, mais uniquement à ceux qui ont « agi » ou « activement participé » au fonctionnement du parti postérieurement à la date susmentionnée, c’est-à-dire qui, dans leurs fonctions administratives ou représentatives, ont menacé le système démocratique et la souveraineté de la Lettonie. En effet, une telle interprétation restrictive de la législation électorale a été imposée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 30 août 2000.
Le Gouvernement estime qu’en l’espèce, l’exercice par la requérante de ses fonctions au sein de la Commission centrale de contrôle et d’audit du PCL constituait une « participation active » au fonctionnement de cette organisation et donc une activité hostile à la République de Lettonie. Il fait observer que cette commission occupait l’une des places prépondérantes dans l’organigramme du parti, et que la requérante faisait partie d’une sous-commission chargée de superviser la mise en œuvre des décisions et des actes programmatiques du PCUS et du PCL. Or, la plupart des actes pris par les organes du PCL reflétaient une attitude extrêmement hostile au rétablissement d’une république démocratique et indépendante. A cet égard, le Gouvernement se réfère encore une fois à la déclaration du Plénum du Comité central du PCL du 13 janvier 1991 portant la création du Comité de salut public et ayant pour but l’usurpation du pouvoir, et au soutien officiellement apporté par le PCL au coup d’Etat du 19 août 1991. Selon le Gouvernement, étant l’une des personnes chargées de surveiller la mise en œuvre de tous ces actes, la requérante ne pouvait ne pas militer contre la Lettonie indépendante pendant la période en question.
Le Gouvernement soutient que, même si la position de la requérante au sein du PCL suffisait à elle seule pour prouver sa participation active aux actes de ce parti, les tribunaux ont néanmoins fondé leur raisonnement sur le degré de la responsabilité personnelle de la requérante plutôt que sur un constat formel de son statut de membre de la Commission centrale de contrôle et d’audit. En effet, la Chambre des affaires civiles de la Cour suprême a estimé que les pièces documentaires recueillies par le ministère public suffisaient pour démontrer que la requérante était présente et avait activement participé aux réunions de ladite commission après le 13 janvier 1991. Quant au bien-fondé de ce constat, le Gouvernement considère qu’il s’agit là de l’établissement des faits de l’affaire, relevant en principe de la seule compétence des juridictions nationales.
Le Gouvernement est d’avis que l’arrêt Vogt c. Allemagne précité ne peut pas être invoqué à l’appui des thèses de la requérante. En effet, les activités de Mme Vogt au sein du Parti communiste allemand constituaient des activités légales au sein d’une organisation légale, alors que, vu le rôle du PCL aux événements du janvier 1991, ce parti devait être considéré comme étant anticonstitutionnel et illégal à partir de cette époque.
Enfin, et s’agissant toujours de la proportionnalité de la mesure critiquée, le Gouvernement rappelle qu’après la restauration de la Constitution de 1922, chacune des législatures a examiné la nécessité du maintien de l’inéligibilité des personnes ayant milité au sein du PCUS ou du PCL après le 13 janvier 1991, et que ce réexamen périodique constitue donc une vraie pratique parlementaire. Dans ces circonstances, le Gouvernement réitère sa thèse selon laquelle la restriction en cause revêt un caractère provisoire. Pour la même raison, cette restriction ne peut pas être reconnue comme atteignant les droits électoraux dans leur substance même.
Eu égard à tout ce qui précède, le Gouvernement estime que l’inéligibilité de la requérante est proportionnée aux buts légitimes qu’elle poursuit, et qu’aucune violation de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention n’a donc eu lieu en l’espèce.
β –  La requérante
La requérante estime que la justification de son inéligibilité doit s’examiner à la lumière des principes et des constats dégagés par la Cour dans l’arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie du 30 janvier 1998 (Recueil 1998-I, pp. 21-22, §§ 45-46). Selon elle, l’impact de son inéligibilité sur elle-même et sur ces camarades est comparable à la dissolution du Parti communiste dans l’affaire précitée. De même, la requérante fait valoir que les limitations aux droits garantis par l’article 3 du Protocole no 1 doivent s’analyser de la même manière que les restrictions à la liberté de réunion et d’association, autorisées par l’article 11 § 2 de la Convention. Par conséquent, le raisonnement de l’arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres, adopté sur le terrain de l’article 11 de la Convention, est applicable mutatis mutandis dans son affaire.
La requérante combat les arguments du Gouvernement fondés sur la participation du PCL aux événements de janvier et d’août 1991 et sur la nécessité de défendre « une démocratie effective ». En premier lieu, elle réfute les allégations relatives au caractère prétendument totalitaire et dangereux du PCL. A cet égard, elle cite le programme officiel de ce parti, adopté en avril 1990 et prônant « une coopération constructive entre les forces politiques différentes favorables à une transformation démocratique de la société », ainsi qu’à « une société fondée sur les principes de démocratie [et] d’humanisme ». De même, se référant aux actes du 25e congrès du PCL, la requérante soutient qu’à cette époque, le parti n’avait aucune intention de restaurer l’ancien régime totalitaire communiste.
Par ailleurs, la requérante dément la thèse du Gouvernement tirée de la prétendue illégalité du PCL. Elle rappelle que l’anticonstitutionnalité du PCL n’a été officiellement décrétée que le 23 août 1991, et que, jusqu’à cette date, les activités de ce parti étaient parfaitement légales, y compris après les événements de janvier 1991.
En deuxième lieu, la requérante rappelle que l’appartenance au PCL ne suffit pas, à elle seule, pour prouver le manque de loyauté à l’indépendance de la Lettonie. En effet, parmi les 201 membres du Conseil suprême, 106 avaient initialement été membres du PCL, et la division des députés en deux grands camps a eu pour seul fondement leur attitude à l’égard de la Déclaration de l’indépendance et non l’appartenance ou non au parti.
De même, la requérante estime qu’on ne peut pas reprocher au PCL d’avoir tenté de renverser le régime démocratique. S’agissant des événements de janvier 1991, elle rappelle sa version des faits, d’après laquelle aucune tentative d’usurpation de pouvoir n’a eu lieu à cette époque. A cet égard, elle présente la copie de l’appel du groupe parlementaire du PCL, publié le 21 janvier 1991, niant la participation du parti à l’organisation des incursions armées et déplorant « une provocation politique (...) en vue (...) d’induire en erreur l’opinion mondiale ».
Quant aux événements du 19 août 1991, la requérante soutient qu’il existe des preuves disculpant le PCL. En outre, elle conteste les taux de participation au vote populaire du 3 mars 1991 sur l’indépendance ; selon elle, il est donc absurde de lui reprocher d’avoir agi « contrairement à la volonté du peuple letton ».
En tout état de cause, la requérante considère que le statut constitutionnel ambigu de la République de Lettonie pendant la période en question est un facteur important à prendre en considération sur ce point. A cet égard, elle note que le paragraphe 5 de la Déclaration du 4 mai 1990 avait instauré une période de transition afin de rompre progressivement tous les liens institutionnels avec l’URSS. Il s’agissait en effet d’une période de dyarchie, pendant laquelle les actes constitutionnels et législatifs soviétiques et lettons, et même certaines institutions soviétiques et lettonnes (tels la police et le parquet), coexistaient et fonctionnaient parallèlement sur tout le territoire national. La requérante reconnaît que la loi constitutionnelle du 21 août 1991 a annulé ledit paragraphe 5 et a mis fin à la période de transition. Elle considère toutefois qu’il est impossible de déclarer nulle et non avenue l’existence même de cette période. La légitimité des institutions qui fonctionnaient alors sur le territoire letton n’étant pas clairement établie, l’on ne peut pas parler d’un coup d’Etat au sens exact du terme.
De même, on ne peut pas reprocher au PCL d’avoir adopté une attitude prosoviétique et anti-indépendantiste au cours de la période de transition. Tout en reconnaissant que le PCL et elle-même avaient déclaré leur soutien ferme à une Lettonie plus souveraine mais toujours partie intégrante de l’URSS, la requérante fait remarquer qu’à l’époque, les voies d’évolution politique du pays faisaient l’objet d’une grande divergence d’opinions, même parmi les députés favorables en principe à l’indépendance. Qui plus est, les dirigeants des Etats étrangers n’étaient pas non plus unanimes sur ce sujet, certains d’entre eux étant très sceptiques à la libération des pays baltes et préférant adopter une attitude de non-ingérence dans les affaires internes de l’Union soviétique. Bref, en soutenant l’une des voies possibles de développement, le PCL a justement exercé son droit au pluralisme des opinions politiques, inhérent à une société démocratique.
La requérante estime mal fondé et non étayé l’argument du Gouvernement selon lequel l’accès de personnes ayant fait partie du PCL après le 13 janvier 1991 au Parlement serait de nature à compromettre la sécurité nationale. Elle rappelle que la restriction litigieuse n’existait pas jusqu’en 1995, et que, lors des premières élections parlementaires après la restauration de la Constitution de 1922, trois personnes se trouvant dans la même situation qu’elle furent élues et devinrent députés. Dans ces circonstances, la requérante ne voit pas comment son élection pourrait menacer la sécurité nationale si longtemps après les faits reprochés.
Pour autant que le Gouvernement se réfère à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 août 2000, la requérante cite l’opinion dissidente signée par trois des sept juges ayant examiné l’affaire et concluant au caractère disproportionné de la restriction litigieuse. La requérante fait siens les arguments adoptés par ces trois juges, et notamment la thèse selon laquelle le système démocratique letton est devenu suffisamment fort pour ne plus craindre la présence, au sein du corps législatif, de personnes qui auraient milité contre ce système dix ans auparavant.
Pour ce qui est de l’interprétation restrictive de la loi électorale, imposée par la Cour constitutionnelle et supposant l’analyse de la responsabilité individuelle de chacune des personnes concernées, la requérante fait valoir que son comportement personnel ne justifie en rien la mesure critiquée, puisqu’elle-même n’a jamais tenté de restaurer le régime totalitaire ou de renverser le pouvoir légitime. Bien au contraire, elle a milité pour la démocratisation et pour des réformes au sein du PCUS, du PCL et de la société toute entière. Quant à son attitude prosoviétique, la requérante rappelle qu’elle était élue par les couches de population favorables au maintien de la Lettonie dans l’URSS et devait respecter le choix de ses électeurs.
La requérante fait également valoir que son comportement personnel après les faits reprochés ne justifie en rien la restriction de ses droits électoraux. Ainsi, depuis janvier 1990, elle milite dans une organisation non gouvernementale, « Latvijas Cilvēktiesību komiteja » (« Comité letton des droits de l’homme »), dont elle a été coprésidente jusqu’en 1997. Œuvrant au sein de ce comité, elle a acquis une grande notoriété en fournissant de l’assistance juridique à des milliers de personnes ; elle a aidé à promouvoir le respect des droits de l’homme en Lettonie ; elle a été responsable de la mise en œuvre de trois programmes du Conseil de l’Europe.
Enfin, et contrairement à ce que soutient le Gouvernement, la requérante estime que la restriction en litige n’est pas provisoire. A cet égard, elle rappelle que, si le Parlement a vraiment procédé à un réexamen de la loi électorale avant chacune des élections, ce réexamen a toujours abouti à un élargissement et non à une réduction des cas d’inéligibilité. Par conséquent, il y a lieu d’admettre que l’inéligibilité des personnes ayant été actives au sein du PCL après le 13 janvier 1991 persistera. Cette mesure réduit donc les droits électoraux au point de les atteindre dans leur substance même, et la libre expression de l’opinion du peuple a été entravée en l’espèce.
ii.  L’appréciation de la Cour
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
B.  Griefs tirés des articles 8, 10 et 11 de la Convention 
La requérante estime que son inéligibilité s’analyse également en une violation des articles 8, 10 et 11 de la Convention. Pour autant qu’ils sont pertinents en l’espèce, ces articles se lisent ainsi :
Article 8
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...)
2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, (...) à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, (...) ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Article 10
« 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière (...)
2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, (...) à la protection de la réputation ou des droits d’autrui (...) »
Article 11
« 1.  Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association (...). (...)
2.  L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, (...) ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat. »
1.  Sur les exceptions du Gouvernement
Le Gouvernement soulève d’emblée deux exceptions d’irrecevabilité au regard de ces griefs. En premier lieu, de même que pour l’article 3 du Protocole no 1, il considère qu’ayant elle-même retiré sa candidature des élections législatives de 1998, elle ne peut pas se prétendre « victime » des violations alléguées. En deuxième lieu, il fait valoir que la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes à sa disposition, comme le veut l’article 35 § 1 de la Convention, puisqu’elle n’a pas expressément soulevé ces griefs dans le cadre de la procédure devant les juridictions lettonnes. Aucune décision judiciaire n’ayant été adoptée au regard de ces griefs, la requérante n’a pas satisfait à la condition d’épuisement des voies de recours internes et au délai de six mois, imposés par l’article 35 § 1.
La requérante rétorque qu’elle a soulevé, en substance, les griefs précités dans le cadre de la procédure devant les juridictions lettonnes, et qu’en l’absence d’autres voies procédurales effectives la condition d’épuisement des recours internes a été remplie en l’espèce. A supposer même le contraire, et vu les motifs de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 août 2000, il est certain que les tribunaux seraient parvenus à la même conclusion même si un nouveau recours était ouvert en droit interne.
Pour ce qui est de l’exception tirée de l’absence de qualité de « victime » de la requérante, la Cour estime qu’elle est identique à celle que le Gouvernement a soulevée au sujet du grief tiré de l’article 3 du Protocole no 1 (cf. supra), et doit être rejetée pour les mêmes motifs.
Pour autant que le Gouvernement reproche à la requérante de ne pas avoir soulevé les griefs précités dans le cadre de la procédure devant les tribunaux nationaux, et partant, de ne pas avoir épuisé toutes les voies de recours internes, la Cour constate d’emblée que, dans son pourvoi en cassation, la requérante s’est expressément référée à l’article 11 de la Convention relatif à la liberté d’association. L’exception du  Gouvernement est donc dénuée de fondement sur ce point (voir Erdoğdu c. Turquie, no 25723/94, §§  38-41, CEDH 2000-VI). S’agissant en revanche du droit au respect de la vie privée et à la liberté d’expression, il est vrai que la requérante ne les a pas mentionnés dans ses recours devant les juridictions lettonnes. Il échet dès lors de déterminer si ce fait constitue un non-épuisement des voies de recours internes, au sens de l’article 35 § 1 de la Convention.
A cet égard, la Cour rappelle que l’article 35 § 1 précité doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif ; il suffit que l’intéressé ait soulevé devant les autorités nationales « au moins en substance », et dans les conditions et délais prescrits par le droit interne les griefs qu’il entend formuler par la suite à Strasbourg (voir Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992, série A no 236, p. 19, § 27, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999-I, et Civet c. France [GC], no 29340/95, § 41, CEDH 1999-VI). Cependant, il ne suffit pas que le requérant ait simplement attaqué le comportement de l’Etat devant les juridictions nationales. Encore faut-il qu’il s’appuie, soit directement sur la Convention ou ses protocoles, soit sur des moyens d’effet équivalent ou similaire fondés sur le droit interne ; mais parfois il suffit qu’il se borne à identifier la situation litigieuse comme posant un problème sous l’angle d’un ou plusieurs droits garantis par la Convention (voir Ahmet Sadık c. Grèce, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1653-1655, §§ 29-34).
De l’autre côté, la Cour rappelle que l’article 35 § 1 n’impose pas d’user de recours incapables de remédier à la situation critiquée (cf. supra). A la lumière de ce principe, elle estime que l’obligation de se référer, devant les tribunaux internes, aux droits garantis par la Convention, trouve ses limites dans les cas où, vu la spécificité de la procédure suivie, une telle référence serait manifestement incapable de contribuer au redressement des griefs soulevés. 
Comme la Cour l’a déjà dit ci-dessus, l’inéligibilité de la requérante a pour fondement la loi sur les élections parlementaires en tant que telle, les tribunaux n’étant compétents que pour constater le fait d’avoir ou de ne pas avoir milité au PCL, et non pour tirer des conséquences juridiques quelconques de ce constat. Dans ces circonstances, la Cour estime que, même si la requérante avait expressément formulé ses griefs tirés des articles 8 et 10 de la Convention devant les juridictions lettonnes, ceci n’aurait aucune incidence sur le contenu de la décision finale dans l’affaire.
En résumé, et compte tenu de la nature particulière de la procédure suivie par la requérante, le fait de ne pas avoir soulevé les griefs en question en des termes exprès devant le juge national ne peut pas être qualifié de non-épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. Il y a dès lors lieu de rejeter l’exception du Gouvernement sur ce point.
2.  Sur le fond des griefs
a)  Articles 10 et 11 de la Convention
i.  Les arguments des parties
α – Le Gouvernement
Pour ce qui est de la violation alléguée des articles 10 et 11 de la Convention, le Gouvernement admet que la restriction en litige constitue une ingérence dans l’exercice, par la requérante, de ses droits garantis par ces dispositions. Il considère toutefois que cette ingérence est conforme aux exigences du deuxième paragraphe de chacun de ces articles.
En premier lieu, le Gouvernement soutient que l’ingérence critiquée est « prévue par la loi ». Il considère que l’article 5, sous 6), de la loi sur les élections parlementaires satisfait aux exigences d’accessibilité et de prévisibilité, compte tenu notamment de l’interprétation stricte et cohérente imposée par la Cour constitutionnelle.
S’agissant des objectifs poursuivis par la mesure en cause, le Gouvernement renvoie à ses arguments exposés sur le terrain de l’article 3 du Protocole no 1 (cf. supra). Il soutient donc que cette ingérence poursuivait des buts légitimes, à savoir la protection de la sécurité nationale et des droits des autres à une démocratie politique effective.
Le Gouvernement est également d’avis que la mesure critiquée est « nécessaire dans une société démocratique », c’est-à-dire correspondant à un besoin social impérieux et proportionnée aux buts légitimes recherchés. Selon lui, cette mesure doit être examinée à la lumière du contexte historique et politique du pays, et compte tenu de la marge d’appréciation dont disposent les Etats en la matière. En particulier, le Gouvernement estime que les conclusions opposées quant à l’existence d’une violation des articles 10 et 11, auxquelles est parvenue la Cour dans les affaires Vogt c. Allemagne et Rekvényi c. Hongrie précités, sont dues à la différence objective du degré de développement politique des deux pays concernés. Ainsi, l’existence d’un « besoin social impérieux » n’était pas démontrée dans l’ordre démocratique stable de l’Allemagne, alors qu’un tel besoin existait dans le nouvel Etat démocratique en voie de transition qu’était la Hongrie. Or, la situation de la  Lettonie est à beaucoup d’égards similaire à celle de la Hongrie : dans les deux pays, un seul et même parti avait détenu le pouvoir pendant plus de quarante ans, et les premières élections démocratiques multipartites ne furent tenues qu’en 1990. En outre, de même que dans la présente affaire, le législateur hongrois avait introduit l’interdiction des activités politiques des agents de police après l’écoulement d’un certain laps de temps et non immédiatement après la restauration du régime démocratique (voir notamment § 47 in fine de l’arrêt Rekvényi précité).
Le Gouvernement reconnaît que l’organe législatif ne fait pas partie du « service civil » ou de la « fonction civile » comme la police ou les forces armées. Il considère toutefois qu’il s’agit là d’un « service public », puisqu’en légiférant, les membres du Parlement participent directement à l’exercice des pouvoirs conférés par le droit publique et exercent des fonctions visant à protéger l’intérêt général de l’Etat. Par conséquent, selon le Gouvernement, les critères dégagés par la jurisprudence de la Cour relative à l’existence d’un « besoin social impérieux » au regard de la restriction de l’activité politique des fonctionnaires peuvent s’appliquer par analogie au regard des députés. Dans ces circonstances, le Gouvernement soutient que les mesures visant à protéger le corps législatif letton de l’influence directe des personnes ayant milité au PCL après le 13 janvier 1991, correspondent à un « besoin social impérieux », à savoir la consolidation et le maintien de la démocratie dans le pays. Par ailleurs, ce besoin est d’autant plus justifié qu’à la différence de la Hongrie, la Lettonie a été confrontée à des tentatives réelles de renversement du pouvoir légitime par le PCL et ses organisations alliées.
Le Gouvernement rappelle enfin que la restriction critiquée se limite à l’exercice de la fonction officielle de député et n’interdit pas à la requérante d’exprimer ses opinions politiques ou de militer dans un parti. Cette restriction s’applique donc de manière à assurer une distinction entre les activités privées et les activités officielles. En résumé, l’ingérence en question est proportionnée aux buts légitimes qu’elle poursuit.
A titre subsidiaire, le Gouvernement invoque l’article 17 de la Convention, aux termes duquel « [a]ucune des dispositions de la (...) Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour (...) un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la (...) Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à [la] Convention ». Pour autant que cette partie de la requête porte sur la participation de la requérante au PCL, l’article 17 met donc un obstacle à ce que la requérante se prévale des droits garantis par les articles 10 et 11 de la Convention.
β –  La requérante
La requérante reconnaît que l’ingérence litigieuse est « prévue par la loi » au sens des articles 10 § 2 et 11 § 2 de la Convention. Toutefois, se référant à l’opinion dissidente de la minorité des juges de la Cour constitutionnelle, elle fait valoir que l’article 5, sous 6), de la loi sur les élections parlementaires revêt un caractère disproportionné. De même, la requérante estime dénuées de fondement les thèses du Gouvernement relatives au but légitime poursuivi par la mesure en question et à sa proportionnalité ; elle soutient en particulier que ni l’arrêt Rekvényi précité, ni l’article 17 de la Convention ne peuvent être invoqués à l’appui de la position du Gouvernement dans la présente affaire.
ii.  L’appréciation de la Cour
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ces griefs posent de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que cette partie de la requête ne saurait être déclarée manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
b)  Article 8 de la Convention
i.  Les arguments des parties
A supposer même que la requérante puisse se prétendre « victime » de la mesure litigieuse, le Gouvernement conteste l’applicabilité de l’article 8 de la Convention au cas d’espèce. S’appuyant sur la définition de la « vie privée » donnée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa Résolution no 428 (1970) sur les moyens de communication de masse et les droits de l’homme, il admet que la restriction du droit de la requérante de se porter candidate aux élections en raison de son passé politique pourrait a priori tomber sous le coup de l’article 8 sous deux aspects de la « vie privée » : soit son honneur et sa réputation, soit sa protection contre la divulgation des informations communiquées ou reçues confidentiellement. Or, dans le cas d’espèce, il ressort de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 août 2000 que l’honneur et la réputation personnels de la requérante ne sont pas mis en cause, la seule question étant celle de savoir si une personne est digne de se voir confier la représentation du peuple dans un parlement démocratique d’un Etat indépendant après avoir combattu tant la démocratie que l’indépendance. De même, le constat judiciaire du fait de participation de la requérante au PCL après le 13 janvier 1991 n’a pour fondement aucune divulgation de données confidentielles. A cet égard, le Gouvernement fait remarquer que le degré de la responsabilité personnelle de la requérante a été déterminé sur la base des faits relevant de sa vie publique, des documents déposés aux archives d’Etat et accessibles au public, et des éléments de preuve produits par la requérante elle-même dans le cadre d’un procès public. Dans ces circonstances, le Gouvernement estime que l’article 8 de la Convention ne trouve pas à s’appliquer au cas d’espèce.
La requérante renvoie à ses arguments exposés sur le terrain des articles 10 et 11 de la Convention (cf. supra).
ii.  L’appréciation de la Cour
La Cour rappelle que le respect de la vie privée englobe le droit pour l’individu de nouer et développer des relations avec ses semblables ; de surcroît, aucune raison de principe ne permet d’exclure les activités professionnelles, commerciales ou sociales de la notion de « vie privée » (voir Niemietz c. Allemagne, arrêt du 16 décembre 1992, série A no 251-B, pp. 33-34, § 29, et Halford c. Royaume-Uni, arrêt du 25 juin 1997, Recueil 1997-III, pp. 1015-1016, §§ 42-46). Par conséquent, dans certains cas, l’utilisation d’informations concernant le passé politique d’une personne peut être considérée comme une ingérence dans sa vie privée (voir, mutatis mutandis, Leander c. Suède, arrêt du 26 mars 1987, série A no 116, p. 22, § 48, Amann c. Suisse [GC], no 27798/95, CEDH 2000-II, § 65, et Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, CEDH 2000-V, § 46).
La Cour relève que, dans toutes les affaires précitées, les mesures critiquées se fondaient sur des données personnelles, recueillies au cours d’opérations spéciales d’enquête, mémorisées ou archivées par les services de l’Etat et non accessibles au grand public (sur ce point, voir également Knauth c. Allemagne (déc.), no 41111/98, et Bester c. Allemagne (déc.), no 42358/98, 22 novembre 2001, non publiées). En particulier, dans l’arrêt Rotaru c. Roumanie précité, la Cour a reconnu que la mémorisation des données relatives aux prétendues activités politiques du requérant dans sa jeunesse relevaient du champ d’application de l’article 8 de la Convention et constituaient une ingérence dans son droit au respect de la vie privée (ibidem, §§ 43 et 46). Toutefois, la Cour estime que le cas d’espèce est fondamentalement différent de l’affaire précitée, et ce, sur deux points au moins.
En premier lieu, à la différence de M. Rotaru, les données concernant le passé politique de la requérante et ayant servi de fondement à son inéligibilité, n’étaient ni secrètes ni même confidentielles. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les autorités nationales eussent recouru à une opération particulière d’enquête pour les obtenir, ou qu’elles les eussent archivé ou autrement mémorisé afin de s’en servir dans l’avenir. En effet, afin d’établir le fait de la participation active de la requérante aux activités du PCL après le 13 janvier 1991, les tribunaux lettons se sont fondés notamment sur plusieurs procès-verbaux des réunions de la Commission centrale de contrôle et d’audit du parti. Or, la requérante ne conteste pas la thèse du Gouvernement selon laquelle ces pièces peuvent être librement consultées aux archives publiques. En outre, en rendant leurs décisions, les tribunaux se sont fondés sur la lettre de la requérante du 25 janvier 1997, dans laquelle elle-même avait ouvertement reconnu les agissements reprochés.
En deuxième lieu, les données recueillies au sujet de M. Rotaru concernaient un passé lointain, remontant à plus d’un demi-siècle, et il ne paraît pas que les prétendus agissements politiques qui lui étaient imputés eussent été connus du grand public, en Roumanie ou ailleurs. En revanche, les activités reprochées à la requérante sont beaucoup plus récentes et datent d’à peine dix ans. Qui plus est, ces activités s’inscrivent dans un contexte plus général des événements historiques de 1991, liés à l’éclatement de l’ex-Union soviétique et au rétablissement de l’indépendance des pays baltes. De tels bouleversements représentaient indubitablement un intérêt majeur pour la société lettonne toute entière ; il ressort clairement des pièces du dossier qu’ils étaient largement médiatisés et suivis avec attention par le grand public. Par ailleurs, il ressort des explications de la requérante qu’elle est un personnage politique connu, qu’elle a activement participé aux processus politiques de l’époque en question, et qu’elle avait été élue au Conseil suprême de Lettonie justement en sa qualité de membre du PCL. La Cour en conclut que les activités de la requérante au sein de ce parti relevaient essentiellement de sa vie publique et non de sa « vie privée » au sens de l’article 8 de la Convention.
Eu égard à tout ce qui précède, la Cour conclut qu’aucune ingérence dans la vie privée de la requérante n’a eu lieu en l’espèce. Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
C.  Griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention 
La requérante se plaint qu’à cause de l’incohérence et du caractère arbitraire des dispositions législatives en cause, les tribunaux lettons se sont déclarés incompétents pour connaître de la plénitude du litige. Elle conclut donc qu’il y a eu violation, en premier lieu, de l’article 6 § 1 de la Convention relatif au droit à un procès équitable, et, en deuxième lieu, de l’article 13 de la Convention relatif  au droit à un recours effectif devant une instance nationale. Les parties pertinentes des dispositions précitées sont ainsi libellées :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
S’agissant en premier lieu de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, les procédures concernant l’exercice des droits à caractère politique, et notamment le droit de se porter candidat aux élections, ne portent pas sur des droits et obligations de caractère « civil » et partant, échappent au champ d’application de cet article (voir Pierre-Bloch c. France, arrêt du 21 octobre 1997, Recueil 1997-VI, p. 2222, §§ 49-52 ; Briķe c. Lettonie (déc.), no 47135/99, 29 juin 2000, non publiée, ainsi que la décision Cherepkov c. Russie précitée). Ce grief est donc incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
Dans la mesure où la requérante allègue une violation de l’article 13 de la Convention, la Cour rappelle qu’il garantit l’existence, en droit interne, d’un recours permettant de s’y prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu’ils peuvent s’y trouver consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d’exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir, s’il y a lieu, un redressement approprié (voir, parmi beaucoup d’autres, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000-XI, et Kaya c. Turquie, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 329-330, § 106). Toutefois, la protection offerte par l’article 13 n’est pas absolue ; il peut y avoir des limitations implicites aux recours possibles en fonction du contexte dans lequel s’inscrit la violation alléguée (voir Kudła c. Pologne précité, § 151).
La Cour constate que le principe d’inéligibilité des personnes ayant été actives au PCL après le 13 janvier 1991 est énoncé à l’article 5, sous 6), de la loi sur les élections parlementaires, le rôle des tribunaux étant strictement limité au constat judiciaire du fait de participation aux activités du parti après la date susmentionnée. Or, dans le cas d’espèce, la Cour relève que ce constat a été établi au bout d’une procédure contradictoire devant les juridictions de première instance et d’appel, qui ont examiné tous les éléments de preuve à leur disposition et ont tranché la question par voie de décisions suffisamment motivées.
Pour autant que la requérante se plaint de ne pas avoir pu contester la loi électorale elle-même, la Cour rappelle que l’article 13 ne va pas jusqu’à exiger un recours par lequel on puisse dénoncer devant une autorité nationale les lois d’un Etat contractant comme étant contraires en tant que telles à la Convention (voir, par exemple, Gustafsson c. Suède, arrêt du 25 avril 1996, Recueil 1996-II, p. 658, § 70, et Les Saints Monastères c. Grèce, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 301, p. 39, § 90). En outre, un recours ne cesse pas d’être « effectif » du fait que l’état du droit matériel applicable le prive de toute chance de succès (voir Vereinigung Demokratischer Soldaten Österreichs et Gubi c. Autriche, arrêt du 19 décembre 1994, série A no 302, p. 20, § 55).
Dans ces circonstances, la Cour n’a décelé aucune apparence de violation de l’article 13. Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare recevables, tous moyens de fond réservés, le grief de la requérante tiré de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention et portant sur son droit de se porter candidate aux élections parlementaires, ainsi que les griefs tirés des articles 10 et 11 de la Convention ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Søren Nielsen Christos Rozakis   Greffier adjoint Président
DÉCISION ŽDANOKA c. LETTONIE
DÉCISION ŽDANOKA c. LETTONIE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 58278/00
Date de la décision : 06/03/2003
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 2-1) PEINE DE MORT, (Art. 2-1) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 2-1) TRIBUNAL COMPETENT, (Art. 3) PEINE INHUMAINE, (Art. 3) TRAITEMENT INHUMAIN, (Art. 34) ENTRAVER L'EXERCICE DU DROIT DE RECOURS, (Art. 5-1) ARRESTATION OU DETENTION REGULIERE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 5-3) AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT, (Art. 5-4) CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION, (Art. 5-4) GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE, (Art. 5-4) INTRODUIRE UN RECOURS, (Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) EGALITE DES ARMES, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (Art. 6-3) DROITS DE LA DEFENSE, (Art. 6-3-c) SE DEFENDRE AVEC L'ASSISTANCE D'UN DEFENSEUR


Parties
Demandeurs : ZDANOKA
Défendeurs : la LETTONIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2003-03-06;58278.00 ?
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