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06/03/2003 | CEDH | N°58811/00

CEDH | G.L. & S.L. contre la FRANCE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 58811/00  présentée par G.L. & S.L.  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 6 mars 2003 en une chambre composée de
M. C.L. Rozakis, président,   Mme F. Tulkens,   MM. J.-P. Costa,    G. Bonello,   Mme S. Botoucharova,   M. A. Kovler,   Mme E. Steiner, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 18 décembre 1999,
Après en avoir délibéré

, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont des ressortissants français, résidant à Geffosses...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 58811/00  présentée par G.L. & S.L.  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 6 mars 2003 en une chambre composée de
M. C.L. Rozakis, président,   Mme F. Tulkens,   MM. J.-P. Costa,    G. Bonello,   Mme S. Botoucharova,   M. A. Kovler,   Mme E. Steiner, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 18 décembre 1999,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont des ressortissants français, résidant à Geffosses, dans la Manche (France).
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
De 1984 à 1990, un remembrement eut lieu dans la commune de Geffosses. Pour sa réalisation, le préfet institua une commission communale d’aménagement foncier (ci-après « CCAF »), regroupant notamment des propriétaires et exploitants de la commune. Une association foncière de remembrement (ci-après « AFR ») fut également créée et chargée de la réalisation et de la gestion des travaux réalisés dans le cadre du remembrement (la CCAF et l’AFR sont prévues par les articles L.121-2 et suivants du nouveau code rural, voir ci-après « droit interne pertinent »).
Le remembrement se déroula dans une atmosphère conflictuelle, une partie des habitants de la commune ayant manifesté à plusieurs reprises leur désaccord quant aux travaux entrepris. L’intervention de gendarmes mobiles fut nécessaire pour imposer le respect des décisions prises.
Un des exploitants de la commune, L., membre de la CCAF et vice-président de l’AFR, demanda et obtint qu’une importante réserve d’eau soit créée, ce qui entraîna le creusement, dans un sol rocailleux, de plusieurs fossés nécessaires à la pose des canalisations d’eau.
Le montant de ces travaux fut réglé par un emprunt. Le remboursement de cet emprunt fut mis à la charge, par le biais de taxes foncières, des membres de l’AFR, au nombre desquels figuraient les requérants.
Les requérants contestèrent le paiement de ces taxes, car ils estimèrent qu’ils n’avaient pas à payer pour des travaux d’hydraulique n’ayant pas été réalisés sur leurs propriétés ou n’ayant aucune incidence positive démontrée pour celles-ci.
Ils saisirent les juridictions administratives de demandes de décharge des taxes versées au titre des années 1989 à 1994. Ils obtinrent d’être déchargés des taxes auxquelles ils avaient été assujettis pour les années 1989, 1990 et 1991 (jugement rendu le 21 juin 1994 par le tribunal administratif de Caen, puis arrêt rendu le 4 mars 1997 par la cour administrative d’appel de Nantes), ainsi que pour les années 1992, 1993 et 1994 (jugement rendu le 10 mars 1997 par le tribunal administratif de Caen).
Dans son arrêt, la cour administrative d’appel releva notamment que :
« (...) aux termes du dernier alinéa de l’article 28 du code rural, applicable en l’espèce : « Le décret en Conseil d’Etat (...) détermine les conditions (...) de la fixation des bases de répartition des dépenses entre les propriétaires selon la surface attribuée dans le remembrement, sauf en ce qui concerne les dépenses afférentes aux travaux d’hydraulique qui sont réparties selon leur degré d’intérêt (...) » ; qu’il résulte de cette disposition que le paiement d’une part du coût des travaux d’hydraulique réalisés par une association foncière de remembrement ne peut être mis à la charge d’un membre de cette association que dans la mesure où les propriétés de ce dernier qui sont incluses dans le remembrement sont intéressées à ces travaux et qu’en outre, la somme imputée doit être proportionnée à l’intérêt desdits travaux ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que les taxes afférentes aux travaux connexes au remembrement de Gefosses mises à la charge [des requérants] (...) comprennent, pour une large part, la participation au coût des travaux d’hydraulique ; que le calcul de la répartition des dépenses a été fait uniquement en fonction de la surface des propriétés et non, s’agissant des travaux d’hydraulique, de l’intérêt réel pour chacune des propriétés concernées ; que ce mode de répartition n’aurait pu être utilisé légalement que s’il était établi que lesdits travaux intéressaient, en fait et de façon proportionnelle à leur superficie, toutes les propriétés soumises au remembrement ; qu’il est établi que tel n’est pas le cas ; qu’il suit de là (...) que [les requérants sont] fondés à demander la décharge des taxes qu’ils contestent (...) ».   
Tenant compte de plusieurs décisions judiciaires similaires ayant déchargé les exploitants des taxes auxquelles ils avaient été assujettis, le 19 octobre 1995, le bureau de l’AFR réexamina les bases de répartition des dépenses afférentes aux travaux d’hydraulique. Il adopta un nouveau projet détaillé de répartition des dépenses qui établit que chacun des membres de l’AFR avait le même intérêt à voir effectuer les travaux d’hydraulique et devait donc les financer. Ce projet fut ensuite soumis aux observations des propriétaires concernés et à une enquête publique.
Lors de sa réunion du 30 novembre 1995, le bureau de l’AFR, après avoir pris connaissance des réclamations présentées, prit une nouvelle délibération adoptant définitivement les bases de répartition des travaux d’hydraulique. Cette délibération fut signée par le président de l’AFR et approuvée par le sous-préfet de Coutances le 5 janvier 1996. Cependant, elle ne fut signée par les membres du bureau et portée au registre des délibérations que le 9 octobre 1996, et comportait alors un rajout dactylographié de plusieurs pages par rapport au document initialement approuvé.
Les requérants formèrent un recours devant les juridictions administratives. Ils mirent en cause la régularité des opérations ayant fixé les bases de répartition des taxes lors des réunions du bureau de l’AFR des 19 octobre 1995, 30 novembre 1995 et 9 octobre 1996 et demandèrent leur annulation. Les requérants demandèrent par conséquent à être déchargés des taxes syndicales pour les années 1995 et 1996 qui auraient été, selon eux, déterminées dans le cadre d’opérations irrégulières.
Par un jugement adopté le 20 janvier 1998, le tribunal administratif de Caen confirma la décharge des taxes syndicales dues au titre des années 1989 à 1994, mais rejeta les requêtes en ce qu’elles concernaient les taxes dues au titre des années 1995 et 1996. Les requérants interjetèrent appel auprès de la cour administrative de Nantes.
Par ailleurs, ils déposèrent une plainte avec constitution de partie civile du chef de faux visant la délibération du 30 novembre 1995 et demandèrent à la cour administrative de surseoir à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale.
Par un arrêt rendu le 30 décembre 1998, la cour administrative d’appel de Nantes confirma le jugement du tribunal administratif en ce qu’il refusait la décharge des taxes dues au titre des années 1995 et 1996.
Dans son arrêt, la cour administrative estima d’abord que la procédure de fixation des bases de répartition des frais afférents aux travaux d’hydraulique était régulière car « la circonstance que [la] délibération (...) n’ait été que tardivement signée par les membres du bureau et portée au registre des délibérations est, par elle-même, sans influence sur son existence ou sa validité ».
Elle considéra ensuite que
« les travaux d’hydraulique réalisés dans le cadre des travaux connexes au remembrement de Gefosses ont consisté, dans le cadre d’un programme d’assainissement général des terres réalisé de façon homogène sur l’ensemble du périmètre remembré, en un nettoyage des cours d’eau et en la mise en place d’un réseau de  fossés principaux ou de busages dans des emprises réservées à l’association foncière ainsi que de fossés secondaires desservant les parcelles, afin d’assurer pour toutes les parcelles remembrées l’évacuation des eaux excédentaires (...) [et que] « l’affirmation des requérants selon laquelle les travaux en cause auraient été réalisés, en réalité, au bénéfice d’un seul propriétaire n’est aucunement corroborée par les éléments du dossier ». »
Elle conclut que 
« dès lors, le bureau de l’association foncière de remembrement de Gefosses a pu estimer, sans méconnaître les dispositions (...) de l’article R. 133-8 du code rural, que ces travaux intéressaient en fait, et de façon proportionnelle à leur superficie, toutes les propriétés soumises au remembrement et décider, comme il l’a fait par sa délibération du 30 novembre 1995, d’en répartir le coût entre les propriétés concernées (...). (...) il résulte de ce qui précède que les conclusions [des requérants] tendant à la décharge des taxes qui leur ont été réclamées  (...) au titre des années 1995 et 1996 doivent être rejetées ».
Les requérants se pourvurent en cassation. Le 24 novembre 1999, le Conseil d’Etat rejeta ce pourvoi par un arrêt dont la motivation était la suivante :
« Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif : « Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux (...) » ;
Considérant que pour demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent, M. et Mme G. L. soutiennent que la Cour a méconnu l’article R. 133-8 du code rural en refusant de les décharger des taxes syndicales qui leur avaient été imposées au titre des années 1995 et 1996, alors que ces taxes, qui visaient à couvrir le coût de travaux d’hydraulique, auraient été réparties en fonction des surfaces remembrées qu’ils possèdent et non du degré d’intérêt que les travaux présentaient pour eux ; que, sauf à entacher son arrêt d’une insuffisance de motivation, la Cour devait, à tout le moins, constater concrètement cet intérêt, par référence aux données de l’espèce ; que la Cour n’a pas non plus motivé son refus de surseoir à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale engagée à la suite d’une plainte du chef de faux déposée contre la délibération du 30 novembre 1995, qui a fixé le montant desdites taxes, que la Cour ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, refuser de les décharger des taxes afférentes aux années 1995 et 1996 alors que la délibération du 30 novembre 1995 du bureau de l’association foncière de remembrement serait entachée de rétroactivité en ce qu’elle fixe les dates dues pour la totalité de l’exercice 1995 ; que la Cour aurait, enfin, commis une erreur de droit en déclarant irrecevables les conclusions en annulation dirigées contre la délibération du 30 novembre 1995 au motif que les membres d’une association foncière de remembrement ne peuvent attaquer directement la délibération du bureau de l’association fixant le montant et la répartition des taxes syndicales ;
Considérant qu’aucun de ces moyens n’est de nature à permettre l’admission de la requête ; »
B.  Le droit interne pertinent
1.  Le remembrement
CODE RURAL
Article L.121-2
« Le préfet peut instituer une commission communale d’aménagement foncier, après avis du conseil général, lorsque l’utilité d’un aménagement foncier lui est signalée, notamment par le conseil municipal ou par des propriétaires ou des exploitants de la commune.
L’institution d’une commission communale d’aménagement foncier est de droit :
1o Si le conseil général le demande ;
2º En cas de mise en œuvre de l’article L.123-24 ;
3º En zone de montagne, lorsqu’elle est demandée à l’occasion de l’élaboration ou de la révision d’un plan d’occupation des sols et, dans les mêmes conditions, dans les zones définies par décret après avis de la commission départementale d’aménagement foncier et accord du conseil général ;
4º Après avis du conseil municipal de la commune, lorsque le programme d’une charte intercommunale d’aménagement et de développement approuvé a prévu la mise en œuvre d’une opération d’aménagement foncier. »
Article L.121-3
« La commission communale d’aménagement foncier est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire.
La commission comprend également :
1º Le maire et un conseiller municipal désigné par le conseil municipal ;
2º Trois exploitants, propriétaires ou preneurs en place exerçant sur le territoire de la commune ou, à défaut, sur le territoire d’une commune limitrophe ainsi que deux suppléants, désignés par la chambre d’agriculture ;
3º Trois propriétaires de biens fonciers non bâtis dans la commune ainsi que deux propriétaires suppléants, élus par le conseil municipal ;
4º Trois personnes qualifiées en matière de faune, de flore et de protection de la nature et des paysages, désignées par le préfet, dont une sur proposition du président de la chambre d’agriculture ;
5º Deux fonctionnaires désignés par le préfet ;
6º Un délégué du directeur des services fiscaux ;
7º Un représentant du président du conseil général désigné par le président de cette assemblée.
A défaut de désignation des exploitants par la chambre d’agriculture ou d’élection des propriétaires par le conseil municipal, dans un délai de trois mois après leur saisine respective, le préfet procède à leur désignation.
La commission peut appeler à titre consultatif toute personne dont il lui paraît utile de provoquer l’avis.
Article L.121-10
« La commission départementale d’aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d’aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l’exclusion de tout recours administratif, faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir par les intéressés ou par le préfet devant la juridiction administrative.
En cas d’annulation par cette juridiction d’une décision de la commission départementale, la nouvelle décision de la commission doit intervenir dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle cette annulation est devenue définitive. »
Article L.123-8
« La commission communale d’aménagement foncier a qualité pour décider à l’occasion des opérations et dans leur périmètre :
2º L’exécution de travaux tels que l’arrachage de haies, l’arasement de talus, le comblement de fossés, lorsque ces travaux présentent un caractère d’intérêt collectif pour l’exploitation du nouvel aménagement parcellaire ;
3º Tous travaux d’amélioration foncière connexes au remembrement, tels que ceux qui sont nécessaires à la sauvegarde des équilibres naturels ou qui ont pour objet, notamment, la protection des sols, l’écoulement des eaux nuisibles, la retenue et la distribution des eaux utiles ;
4º Les travaux de rectification, de régularisation et de curage de cours d’eau non domaniaux, soit lorsque ces travaux sont indispensables à l’établissement d’un lotissement rationnel, soit lorsqu’ils sont utiles au bon écoulement des eaux nuisibles, en raison de l’exécution de travaux mentionnés au 3º;
6º L’exécution de travaux de nettoyage, remise en état, création et reconstitution d’éléments présentant un intérêt pour les équilibres naturels et les paysages tels que les haies, plantations d’alignement, talus, fossés et berges. La commission communale identifie les emprises foncières correspondant à ces éléments.
L’assiette des ouvrages mentionnés aux 1º, 3º, 4º et 5º est prélevée sans indemnité sur la totalité des terres à remembrer. »
Article L.123-9
« Dès que la commission communale s’est prononcée en application de l’article L.123-8, il est constitué entre les propriétaires des parcelles à remembrer une association foncière, dans les conditions prévues aux articles L.133-1 à L.133-6.
Cette association a pour objet la réalisation, l’entretien et la gestion des travaux et ouvrages mentionnés aux articles L.123-8, L.123-23 et L.133-3. »
Article L.133-1
« A l’intérieur d’un périmètre de remembrement, il est constitué entre les propriétaires des parcelles à remembrer une association foncière chargée de la réalisation, de l’entretien et de la gestion des travaux ou ouvrages mentionnés aux articles L.123-8, L.123-23 et L.133-3 à L.133-5.
Les règles de constitution et de fonctionnement des associations foncières de remembrement sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »
Article R.133-8
« Les dépenses relatives aux travaux connexes prévues à l’article L.123-8 sont réparties par le bureau proportionnellement à la surface attribuée à chaque propriétaire par le remembrement, à l’exception des dépenses afférentes aux travaux d’hydraulique qui sont réparties selon leur degré d’intérêt.
Le montant des taxes syndicales est fixé annuellement par le bureau. Les rôles sont rendus exécutoires par le préfet.
La comptabilité de l’association est tenue par le receveur municipal de la commune, siège de l’association.
Pour le recouvrement des taxes et pour la comptabilité de l’association foncière de remembrement, les compétences attribuées par le décret du 18 décembre 1927 au directeur et au syndicat sont exercées, respectivement, par le président et par le bureau. Les dispositions du premier alinéa de l’article 61 de ce décret ne sont pas applicables aux associations foncières de remembrement. »
2.  Le Conseil d’Etat
Ordonnance no 45-1708 du 31 juillet 1945 sur le Conseil d’Etat
Article 2
« Le Conseil d’Etat se compose de :
1o Un vice-président ;
2o Cinq présidents de section ;
3o Quarante-deux conseillers d’Etat en service ordinaire ;
4o Douze conseillers d’Etat en service extraordinaire ;
5o Quarante-cinq maîtres des requêtes ;
6o Quarante-quatre auditeurs (...) ».
Ces membres du Conseil d’Etat sont nommés par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des sceaux, ministre de la Justice (articles 5 à 10). En particulier, le vice-président du Conseil d’Etat est choisi parmi les présidents de section ou les conseillers d’Etat en service ordinaire (article 5 in fine) et les présidents de section sont choisis parmi les conseillers d’Etat en service ordinaire (article 6). »
Décret no 63-766 du 30 juillet 1963 portant règlement d’administration publique  pour l’application de l’ordonnance du 31 juillet 1945 et relatif à l’organisation  et au fonctionnement du Conseil d’Etat
Article 2
« Le Conseil d’Etat est divisé en six sections dont cinq sections administratives et une section du contentieux. »
Article 27
« La section du contentieux est juge de toutes les affaires qui relèvent de la juridiction contentieuse du Conseil d’Etat (...) ».
Article 28
« La Section du contentieux est composée de conseillers d’Etat en service ordinaire occupant les fonctions de président-adjoint de la section et de président de sous-section, des conseillers d’Etat en service ordinaire appartenant en même temps à une section administrative ainsi que de maîtres des requêtes et d’auditeurs. »
GRIEFS
1.  Les requérants estiment que les recours tendant à la décharge des taxes syndicales qui leur avaient été réclamées au titre des années 1995 et 1996 n’ont pas été entendus équitablement au sens de l’article 6 § 1. Dans ce sens, ils exposent une série de griefs.
a.  Ils soutiennent en premier lieu que la commission communale d’aménagement foncier ne peut être considérée comme un tribunal indépendant et impartial de par sa composition, puisque ses membres auraient un intérêt direct dans les travaux à exécuter dans le cadre du remembrement. Ainsi, L., vice-président de l’AFR, a pu obtenir le creusement d’un étang, puisqu’il faisait lui-même partie de la commission qui a pris la décision, ce qui faisait de lui, selon les requérants, un juge et une partie. De plus, la présence dans cette commission de fonctionnaires, intéressés par le montant des travaux à réaliser pour exécuter les opérations de remembrement décidées, priverait cette commission de l’indépendance et de l’impartialité nécessaires.
b.  Les requérants se plaignent également de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable dans le respect du principe de l’égalité des armes et du contradictoire en raison de l’impossibilité d’obtenir préalablement aux audiences devant les juridictions administratives, et en particulier devant le Conseil d’Etat, communication des conclusions du commissaire du Gouvernement, et de ne pas avoir pu y répliquer à l’audience.
c.  Les requérants soutiennent que leur cause n’a pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial dans le cadre de la procédure devant le Conseil d’Etat. Se fondant sur l’arrêt Procola c. Luxembourg (28 septembre 1995, série A no 326, § 45), ils considèrent que le Conseil d’Etat, conseiller de l’Etat pour l’étude des projets de loi, se trouve ensuite amené à les juger, ce qui en ferait à la fois un juge et une partie. Ils soutiennent que le Conseil d’Etat n’est pas indépendant des autorités administratives. Ils en concluent que le Conseil d’Etat n’offrait pas toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance requises par l’article 6 § 1 de la Convention.
d.  Enfin, les requérants se plaignent de l’obligation de se faire représenter, devant le Conseil d’Etat, par un avocat au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation, qui constituerait, selon eux, une atteinte aux principes d’équité.
2.  Invoquant l’article 11 de la Convention, les requérants soutiennent que les règles régissant l’association foncière de remembrement (création et adhésion obligatoires, modalités de répartition des coûts financiers) constituent une violation de la liberté d’association.
3.  Invoquant l’article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de l’absence de recours effectif réel devant une juridiction.
4.  Invoquant l’article 14 de la Convention, les requérants se plaignent d’avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur leurs opinions, dans la mesure où, s’étant opposés au remembrement, ils auraient été pénalisés pour cela et obligés de payer des taxes abusives.
5.  Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, les requérants se plaignent d’une atteinte qui aurait été portée à leurs biens (terres et capitaux financiers) par les travaux hydrauliques effectués, et qui ne serait pas motivée par l’intérêt général, mais par l’intérêt d’un seul membre de l’AFR, L.
6.  Par lettre du 17 mars 2002, postée le 21 mars 2002, les requérants ont fait parvenir au greffe les griefs supplémentaires suivants. Sans mentionner d’article de la Convention, ils se plaignent du non-respect des principes de sécurité juridique et d’égalité. Ils allèguent également que, contrairement aux dispositions légales applicables, l’AFR a facturé le coût des travaux globalement sans traiter séparément les travaux d’hydraulique.
EN DROIT
1.  Les requérants se plaignent de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :
« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».
La Cour note d’emblée que se pose la question de l’applicabilité de l’article 6 de la Convention, dans la mesure où, selon sa jurisprudence, cette disposition ne s’applique pas en principe aux procédures fiscales (voir Ferrazzini c. Italie [GC], no 44759/98, §§ 24 à 31, CEDH 2001-VII).
Toutefois, la Cour n’estime pas nécessaire en l’occurrence de trancher la question car, de toute manière, elle considère que le grief dans sa totalité est irrecevable.
a.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants soutiennent que la commission communale d’aménagement foncier ne peut être considérée comme un tribunal indépendant et impartial.
Or, selon l’article 35 § 1 de la Convention, « la Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes (...) ». En l’espèce, il n’apparaît pas que les requérants aient, à cet égard, épuisé les voies de recours internes, puisqu’ils n’ont pas soulevé cette partie du grief, expressément ou en substance, devant le Conseil d’Etat.
Il s’ensuit que cette partie du grief doit être rejetée pour défaut d’épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
b.  Les requérants allèguent également la violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qu’il garantit le droit à un procès équitable dans le respect du principe de l’égalité des armes et du contradictoire, en raison de la non-communication préalable des conclusions du commissaire du Gouvernement et de l’impossibilité d’y répondre à l’audience. Les requérants, qui étaient représentés par un avocat devant le Conseil d’Etat, ne justifient pas avoir produit de note en délibéré à la suite de l’audience.
La Cour rappelle que le principe de l’égalité des armes – l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable – requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi beaucoup d’autres, Nideröst-Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, p. 107, § 23).
Or, indépendamment du fait que, dans la majorité des cas, les conclusions du commissaire du Gouvernement ne font pas l’objet d’un document écrit, la Cour relève qu’il ressort clairement du déroulement de la procédure devant le Conseil d’Etat que le commissaire du Gouvernement présente ses conclusions pour la première fois oralement à l’audience publique de jugement de l’affaire et que tant les parties à l’instance que les juges et le public en découvrent le sens et le contenu à cette occasion (voir les arrêts Kress c. France [GC] du 7 juin 2001, no 39594/98, CEDH 2001, § 73, APBP c. France du 21 mars 2002, no 38436/97, § 24, et Immeubles Groupe Kosser c. France du 21 mars 2002, no 38748/97, § 23).
Les requérants ne sauraient tirer du droit à l’égalité des armes reconnu par l’article 6 § 1 de la Convention le droit de se voir communiquer, préalablement à l’audience, des conclusions qui ne l’ont pas été à l’autre partie à l’instance, ni au rapporteur, ni aux juges de la formation de jugement (arrêt Nideröst-Huber précité). Aucun manquement à l’égalité des armes ne se trouve donc établi (arrêt Kress précité).
Toutefois, la notion de procès équitable implique aussi en principe le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation soumise au juge, fût-ce par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter (voir les arrêts Lobo Machado c. Portugal du 20 février 1996, Recueil 1996-I, p. 215, § 49, Vermeulen c. Belgique du 20 février 1996, Recueil 1996-I, p. 234, § 33, K.D.B. c. Pays-Bas du 27 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 631, § 44 et Nideröst-Huber précité, p. 108, § 24).
Pour ce qui est de l’impossibilité pour les parties de répondre aux conclusions du commissaire du Gouvernement à l’issue de l’audience de jugement, la Cour a déjà relevé qu’à la différence de l’affaire Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France (arrêt du 31 mars 1998, Recueil 1998-II), il n’est pas contesté que dans la procédure devant le Conseil d’Etat, les avocats qui le souhaitent peuvent demander au commissaire du Gouvernement, avant l’audience, le sens général de ses conclusions. Il n’est pas davantage contesté que les parties peuvent répliquer par une note en délibéré, aux conclusions du commissaire du Gouvernement, ce qui permet, et c’est essentiel aux yeux de la Cour, de contribuer au respect du principe du contradictoire. Enfin, au cas où le commissaire du Gouvernement invoquerait oralement lors de l’audience un moyen non soulevé par les parties, le président de la formation de jugement ajournerait l’affaire pour permettre aux parties d’en débattre (arrêt Kress précité, § 76).
Reste que, de l’avis de la Cour, le dépôt d’une note en délibéré contribue au respect du principe du contradictoire à certaines conditions. En particulier, les justiciables doivent pouvoir déposer une telle note indépendamment de la décision éventuelle du président d’ajourner l’affaire, tout en disposant d’un délai suffisant pour la rédiger. Par ailleurs, afin d’éviter tout litige quant à sa prise en compte par la haute juridiction administrative, la Cour estime que l’arrêt devrait expressément viser l’existence d’une note en délibéré, comme c’est déjà le cas s’agissant de la mention, dans les arrêts du Conseil d’Etat, de la requête ou du recours enregistré auprès de son secrétariat, des autres pièces du dossier et des interventions en audience publique (rapporteur, conseils des parties et commissaire du Gouvernement) (arrêt APBP précité, § 27).
En l’espèce, la Cour relève que les requérants ne justifient pas avoir fait usage de la possibilité de déposer une note en délibéré.
Dans ces conditions, la Cour estime que la procédure suivie devant le Conseil d’Etat a offert suffisamment de garanties aux requérants et qu’aucun problème ne se pose sous l’angle du droit à un procès équitable pour ce qui est du respect du contradictoire.
Il s’ensuit que cette partie du grief doit dès lors être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
c.  Les requérants allèguent un défaut d’impartialité et d’indépendance du Conseil d’Etat.
La Cour rappelle que pour déterminer si un tribunal peut être réputé « indépendant » de l’une des parties à l’affaire, il faut avoir égard à la manière dont ses membres sont nommés, à la durée de leur mandat, à l’existence de garanties contre les pressions extérieures et au point de savoir si l’organe présente une apparence d’indépendance (voir notamment Campbell et Fell c. Royaume-Uni, arrêt du 28 juin 1984, série A no 80, pp. 39-40, § 78).
En matière d’impartialité, il convient de distinguer entre une démarche subjective, essayant de déterminer la conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et une démarche objective amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir Langborger c. Suède, arrêt du 22 juin 1989, série A no 155, p. 16, § 32).
En l’espèce, les requérants ne mettent pas en cause l’impartialité subjective des membres de la formation de jugement. Quant à leur impartialité objective et à leur apparence d’indépendance, les requérants ne contestent ni le mode de désignation des membres du Conseil d’Etat, ni la durée de leurs mandats, ni l’existence de garanties contre des pressions extérieures. Ils limitent leurs griefs au fait que, compte tenu du fonctionnement des différentes sections du Conseil d’Etat, il pourrait y avoir confusion, dans le chef des conseillers d’Etat, de fonctions consultatives et juridictionnelles.
La Cour doit dès lors établir si certains faits vérifiables autorisent à mettre en doute leur impartialité, l’élément déterminant consistant à savoir si les appréhensions du requérant peuvent passer pour objectivement justifiées (Remli c. France, arrêt du 23 avril 1996, Recueil 1996-II, no 8, p. 574, § 46).
La Cour note d’abord qu’il pourrait résulter du fonctionnement du Conseil d’Etat français et du statut de ses membres une possibilité de « confusion, dans le chef des (...) conseillers d’Etat de fonctions consultatives et juridictionnelles » puisque les membres affectés à la section du contentieux peuvent aussi être affectés à une section administrative et être ainsi amenés à « exercer successivement, à propos des mêmes décisions, les deux types de fonctions », ce qui pourrait « mettre en cause l’impartialité structurelle de ladite institution » (voir l’arrêt Procola précité, § 45).
Toutefois, la Cour relève que la présente affaire se distingue de l’affaire Procola précitée, où quatre des cinq membres de la formation de jugement ont eu à se prononcer sur la légalité d’un règlement qu’ils avaient examiné auparavant dans le cadre de leur fonction consultative. Dans la présente espèce, les requérants ont fait valoir essentiellement des arguments de nature générale tenant à l’organisation du Conseil d’Etat, aux carrières des conseillers d’Etat et aux fonctions qu’ils ont pu auparavant exercer. Ils n’ont toutefois indiqué aucun élément susceptible de faire conclure que, dans l’exercice de fonctions antérieures ou parallèles, les membres de la formation de jugement auraient eu à prendre position sur les textes en cause, en auraient connu d’une quelconque façon, ou auraient eu avec les parties adverses des liens de nature à faire redouter un défaut d’impartialité (Comm. eur. D.H., no 36834/97, déc. 3.12.97, non publiée, et, a contrario, Holm c. Suède, arrêt du 25 novembre 1993, série A no 279 et arrêt Procola précité).
En tout état de cause, dans la présente espèce, la Cour relève qu’il n’existe aucune raison de douter ni de l’indépendance ni de l’impartialité des membres du Conseil d’Etat, faute de preuve contraire.
Il s’ensuit que les craintes des requérants ne peuvent passer pour objectivement justifiées et que cette partie du grief est manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée conformément à l’article 35 § 4 de la Convention.
d.  Enfin, les requérants se plaignent de l’obligation de se faire représenter, devant le Conseil d’Etat, par un avocat aux Conseils, qui constituerait, selon eux, une atteinte aux principes d’équité. Ils contestent essentiellement le monopole dont bénéficient les avocats aux Conseils qui établit, selon eux, une sélection fondée sur un critère financier.
La Cour réaffirme à cet égard que l’article 6 de la Convention n’astreint pas les Etats contractants à créer des cours d’appel ou de cassation. Néanmoins, un Etat qui se dote de juridictions de cette nature a l’obligation de veiller à ce que les justiciables jouissent auprès d’elles des garanties fondamentales de l’article 6 (voir, parmi d’autres, Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, p. 14, § 25). La manière dont l’article 6 § 1 s’y applique dépend des particularités de la procédure en cause. Pour en juger, il faut prendre en compte l’ensemble du procès mené dans l’ordre juridique interne et le rôle qu’y a joué la juridiction de cassation, les conditions de recevabilité d’un pourvoi pouvant être plus rigoureuses que pour un appel (voir, parmi d’autres, Brualla Gomez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997–VIII, p. 2956, § 37).
La Cour relève que, en droit français, en raison du caractère spécifique du pourvoi en cassation, le demandeur en cassation doit avoir recours, en principe, à un avocat spécialisé inscrit à l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Tel a été le cas en l’espèce, les requérants ont dû se faire représenter devant le Conseil d’Etat par un avocat aux Conseils.
La Cour rappelle également qu’elle a admis dans le cadre de sa jurisprudence récente, que la spécificité de la procédure devant les juridictions de cassation, considérée dans sa globalité « peut justifier de réserver aux seuls avocats spécialisés le monopole de la prise de parole et         qu’une telle réserve n’est pas de nature à remettre en cause la possibilité raisonnable qu’ont les requérants de présenter leur cause dans les conditions qui ne les placent pas dans une situation désavantageuse » (voir Meftah et autres c. France [GC], nos 32911/96, 35237/97 et 34595/97, § 47, CEDH 2002.
La Cour considère qu’une telle jurisprudence est transposable en l’espèce. Elle estime en effet que, compte tenu du rôle qui est celui du Conseil d’Etat et eu égard aux procédures considérées dans leur ensemble, le fait de ne pas avoir offert aux requérants l’occasion de plaider leur cause oralement, personnellement ou par l’intermédiaire d’un avocat inscrit au barreau, mais de leur avoir donné la possibilité de choisir leur conseil parmi les membres de l’ordre des avocats aux Conseils, n’a pas porté atteinte à leur droit à un procès équitable au sens des dispositions de l’article 6 de la Convention.
Il s’ensuit que cette partie du grief doit dès lors être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2.  Les requérants allèguent aussi la violation des articles 11 et 14 de la Convention.
Or, selon l’article 35 § 1 de la Convention, « la Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes (...) ». En l’espèce, il n’apparaît pas que les requérants aient, à cet égard, épuisé les voies de recours internes, puisqu’ils n’ont soulevé ces griefs, expressément ou en substance, devant aucune des juridictions nationales saisies.
Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour défaut d’épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
3.  Dans la mesure où les requérants soutiennent n’avoir pas bénéficié d’un recours effectif devant les juridictions françaises, la Cour rappelle d’abord que l’article 13 de la Convention ne trouve à s’appliquer que dans le cadre d’un droit garanti par un autre article de la Convention et ne saurait être invoqué isolément. Elle constate en outre que les requérants ont exercé des recours contre les décisions de refus de les décharger des taxes syndicales en 1990, 1993, 1994, 1996, 1998 et 1999 devant les juridictions administratives et n’ont en conséquence été privés de cette faculté à aucun moment.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée conformément à l’article 35 § 4.
4.  Les requérants se plaignent de ce que l’atteinte portée à leurs biens par les travaux hydrauliques effectués, qu’ils ont dû payer par le biais des taxes syndicales, ne serait pas motivée par l’intérêt général, mais uniquement par l’intérêt de L., alors vice-président de l’AFR. Ils invoquent l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention qui garantit que :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. (...) »
Or, selon l’article 35 § 1 de la Convention, « la Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes (...) ». En l’espèce, la Cour relève que la violation alléguée de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention n’a pas été expressément soulevée devant le Conseil d’Etat.
Même en admettant que les requérants aient soulevé ce grief en substance, puisqu’ils ont contesté devant le Conseil d’Etat le but poursuivi par la réalisation des travaux d’hydraulique et la répartition des frais afférents, la Cour ne saurait partager leur point de vue.
La Cour relève qu’un remembrement et les opérations connexes peuvent constituer une ingérence dans le droit de propriété des requérants qui, dans les circonstances de l’espèce, relève de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 précitée.
La Cour rappelle qu’une mesure d’ingérence doit ménager un juste équilibre « entre les impératifs d’utilité publique et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu » et que les Etats disposent d’une marge d’appréciation pour déterminer les mesures d’utilité publique (voir notamment Fredin c. Suède, arrêt du 18 février 1991, série A no 192, pp. 17 et 18, § 51).
En l’espèce, la Cour note que les travaux d’hydraulique réalisés faisaient partie d’un programme d’assainissement général des terres remembrées. La Cour n’aperçoit pas d’élément au dossier permettant de dire que les travaux d’hydrauliques ont été réalisés exclusivement au bénéfice de L. et ne répondent pas au but du remembrement qui est d’améliorer les conditions d’exploitation et de contribuer à l’aménagement de l’ensemble du territoire communal. Il convient donc de considérer que l’ingérence de l’Etat répond à la condition de légalité. La Cour considère également que le but des travaux hydrauliques, à savoir l’assainissement général des terres remembrées, entre dans le cadre de l’utilité publique au sens du paragraphe 1 du Protocole no 1.
En ce qui concerne l’exigence de proportionnalité entre l’ingérence dans le droit de propriété des requérants et le but d’intérêt général poursuivi, le tribunal administratif de Caen, puis la cour d’appel de Nantes et le Conseil d’Etat ont considéré que la règle de répartition des dépenses n’avait pas été méconnue et qu’ainsi il n’y avait pas eu violation de l’article R.133-8 du code rural qui dispose que les dépenses afférentes aux travaux d’hydraulique sont réparties selon leur degré d’intérêt. Dans ces conditions, la Cour estime que l’opération incriminée ne peut être considérée comme causant aux requérants un préjudice de nature à rendre celle-ci disproportionnée au but poursuivi par le remembrement ou arbitraire.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée conformément à l’article 35 § 4.
5.  Par lettre du 17 mars 2002, postée le 21 mars 2002, les requérants soumettent des griefs supplémentaires. La Cour rappelle que selon l’article 35 § 1 de la Convention, « elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, (...) et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive. »
Dans la présente affaire, la décision interne définitive est l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 24 novembre 1999. Or, les requérants n’ont exposé les griefs supplémentaires que dans leur lettre du 17 mars 2002, postée le 21 mars 2002, soit plus de six mois après la date de la décision interne définitive attaquée.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est frappée de tardiveté et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Søren Nielsen C.L. Rozakis   Greffier adjoint Président
DÉCISION G.L. & S.L. c. FRANCE
DÉCISION G.L. & S.L. c. FRANCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 58811/00
Date de la décision : 06/03/2003
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 2-1) PEINE DE MORT, (Art. 2-1) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 2-1) TRIBUNAL COMPETENT, (Art. 3) PEINE INHUMAINE, (Art. 3) TRAITEMENT INHUMAIN, (Art. 34) ENTRAVER L'EXERCICE DU DROIT DE RECOURS, (Art. 5-1) ARRESTATION OU DETENTION REGULIERE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 5-3) AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT, (Art. 5-4) CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION, (Art. 5-4) GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE, (Art. 5-4) INTRODUIRE UN RECOURS, (Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) EGALITE DES ARMES, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (Art. 6-3) DROITS DE LA DEFENSE, (Art. 6-3-c) SE DEFENDRE AVEC L'ASSISTANCE D'UN DEFENSEUR


Parties
Demandeurs : G.L. & S.L.
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2003-03-06;58811.00 ?
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