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10/07/2003 | CEDH | N°44179/98

CEDH | AFFAIRE MURPHY c. IRLANDE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MURPHY c. IRLANDE
(Requête no 44179/98)
ARRÊT
STRASBOURG
10 juillet 2003
DÉFINITIF
03/12/2003
En l'affaire Murphy c. Irlande,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. G. Ress, président,    L. Caflisch,    P. Kūris,    R. Türmen,    B. Zupančič,    J. Hedigan,   Mme H.S. Greve, juges,  et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 7 novembre 2002 et 19

 juin 2003,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se t...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE MURPHY c. IRLANDE
(Requête no 44179/98)
ARRÊT
STRASBOURG
10 juillet 2003
DÉFINITIF
03/12/2003
En l'affaire Murphy c. Irlande,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. G. Ress, président,    L. Caflisch,    P. Kūris,    R. Türmen,    B. Zupančič,    J. Hedigan,   Mme H.S. Greve, juges,  et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 7 novembre 2002 et 19 juin 2003,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 44179/98) dirigée contre l'Irlande et dont un ressortissant de cet Etat, M. Roy Murphy (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 31 juillet 1998 en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par M. F.H. O'Reilly, solicitor à Dublin. Le gouvernement irlandais (« le Gouvernement ») est représenté par son agente, Mme D. McQuade, du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le requérant alléguait que l'interdiction de diffuser son annonce qui lui avait été faite en application de l'article 10 § 3 de la loi de 1988 sur la radio et la télévision avait emporté violation de ses droits au titre des articles 9 et 10 de la Convention.
4.  La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d'entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 dudit Protocole). Elle a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section telle que remaniée (article 52 § 1 du règlement).
5.  La requête a été déclarée recevable le 9 juillet 2002 et les parties ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).
6.  Une audience s'est déroulée en public au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 7 novembre 2002 (article 59 § 3 du règlement).
Ont comparu :
–  pour le Gouvernement  Mme D. McQuade, ministère des Affaires étrangères, agente,  MM. D. O'Donnell, Senior Counsel,   B. Murray, Senior Counsel, conseils,   C. O'Toole, conseiller ;
–  pour le requérant  MM.  J. Finlay, Senior Counsel,   G. Hogan, Senior Counsel, conseils,   F.H. O'Reilly, solicitor.
Le requérant a assisté lui aussi à l'audience.
La Cour a entendu en leurs déclarations chacun des conseils présents.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
7.  M. Roy Murphy est né en 1949 et réside à Dublin. Il est pasteur, attaché au Centre irlandais de la foi, qui regroupe des ministres d'un culte biblique chrétien et se trouve à Dublin.
8.  Au début de 1995, le Centre irlandais de la foi soumit en vue de sa diffusion par une station de radio indépendante, locale et privée une annonce qui se lisait comme suit :
« Que pensez-vous du Christ ? Est-ce que vous diriez seulement, comme Pierre, qu'il est le fils du Dieu vivant ? Vous êtes-vous déjà interrogés sur les faits historiques concernant le Christ ? A l'occasion de la semaine de Pâques, le Centre irlandais de la foi vous invite à assister à la projection d'un film réalisé par Jean Scott (PhD) concernant les preuves de la résurrection. La projection, qui dure une heure, aura lieu du lundi 10 au samedi 15 avril, tous les soirs à 20 h 30, et le dimanche de Pâques à 11 h 30. Une projection sera également proposée en direct par satellite à 19 h 30. »
9.  La société de radiodiffusion avait accepté de diffuser l'annonce mais, en mars 1995, la Commission indépendante de la radio et de la télévision (Independent Radio and Television Commission, « l'IRTC ») annula la diffusion en application de l'article 10 § 3 de la loi de 1988 sur la radio et la télévision (« la loi de 1988 »). Cette décision ne mit pas en cause la diffusion ultérieure du film par satellite.
10.  Le requérant sollicita l'autorisation d'engager une procédure de contrôle juridictionnel. Il désigna l'IRTC et l'Attorney General comme défendeurs. Il avançait que l'IRTC avait mal interprété l'article 10 § 3 ; à titre subsidiaire, il soutenait pour l'essentiel que si l'IRTC avait correctement appliqué l'article 10 § 3 de la loi de 1988, alors cette disposition était anticonstitutionnelle.
11.  La High Court, dans l'arrêt qu'elle rendit le 25 avril 1997, dit que l'IRTC n'avait pas enfreint l'article 10 § 3 de la loi de 1988. Elle estima aussi que le droit – sous-entendu – de communiquer protégé par l'article 40 § 3, alinéa 1, de la Constitution était en cause puisque l'annonce avait pour objet principal la communication d'informations. Toutefois, selon elle, l'article 10 § 3 constituait une limitation raisonnable du droit de communiquer et de bonnes raisons d'intérêt général justifiaient l'interdiction.
12.  Le juge de la High Court expliqua sa décision ainsi :
« J'estime qu'il aurait été raisonnable que le [Parlement] décidât que dans la société irlandaise les annonces à caractère religieux radiodiffusées par des stations privées pourraient aller contre l'intérêt général (...) Cela suffisait, selon moi, s'il existait de bonnes raisons d'intérêt général justifiant l'interdiction. Les croyants irlandais appartiennent pour la plupart à des confessions spécifiques et des annonces à caractère religieux provenant d'une confession différente pourraient donc offenser de nombreuses personnes et être interprétées comme du prosélytisme. La religion est un facteur de division en Irlande du Nord ; le [Parlement] a bien pu tenir compte de cela. (...) L'auditeur d'une station de radio privée est en pratique obligé d'écouter la publicité. Il est donc naturel que le [Parlement] ait un droit de regard sur le type de publicité pouvant être autorisé. L'article incriminé est présumé constitutionnel. Il n'est selon moi pas manifeste qu'une restriction à la liberté de publier des annonces à caractère religieux n'est pas une restriction raisonnable, dans l'intérêt général, de ce mode particulier d'exercice du droit de communication.
Certes, il a été déclaré au nom du requérant qu'une interdiction générale n'est pas proportionnée et que même si une certaine restriction était raisonnable, elle devrait être moins radicale. Selon le conseil du requérant, une interdiction absolue est contraire au principe de proportionnalité. Je ne puis partager ce point de vue. En son état actuel, la loi ne prévoit que très peu de limitations au droit de diffuser des annonces ; en ce sens, le critère de proportionnalité s'applique déjà. Mais, en tout état de cause, je ne pense pas que l'on puisse créer différentes catégories d'annonces religieuses. A partir du moment où l'on peut raisonnablement dire que des annonces religieuses seraient contraires à l'intérêt général, il serait en pratique impossible de trouver une formulation qui puisse avoir pour effet d'autoriser certaines catégories d'annonces religieuses prétendument inoffensives. C'est le fait que l'annonce ait une fin religieuse, et non pas un aspect particulier de cette fin religieuse, qui est susceptible d'offenser le public. »
13.  Le 28 mai 1998, la Cour suprême débouta le requérant. Elle commençait son arrêt en ces termes :
« C'est en examinant ensemble les trois types d'annonces interdites que l'on peut vraiment comprendre la politique qui sous-tend la loi de 1988. En effet, si l'on se penche sur une seule catégorie d'annonce interdite et que l'on ignore les autres, on peut s'y tromper. Les trois catégories concernées se rapportent à des sujets qui, par le passé, ont été de graves facteurs de division dans la société irlandaise. Il était légitime que [le Parlement] décidât que les citoyens seraient mécontents de voir des annonces consacrées à de tels sujets diffusées chez eux ; il pouvait également penser que, si elles étaient autorisées, les annonces de ce genre provoqueraient des troubles. En outre, [le Parlement] a pu estimer, face à des questions aussi sensibles, que les personnes aisées ne devraient pas être autorisées à s'acheter un droit à l'antenne au détriment de personnes plus modestes. »
14.  La Cour suprême estima que la religion était une question à la fois publique et privée, et que la disposition incriminée constituait une restriction à l'exercice des droits du requérant à communiquer et à s'exprimer librement (respectivement paragraphes 3 et 6, alinéa 1, de l'article 40 de la Constitution), droits qui peuvent être limités dans l'intérêt général. La cour cita à l'appui de son raisonnement la jurisprudence selon laquelle l'équilibre trouvé par le Parlement entre les droits individuels et l'intérêt général devait l'emporter :
« (...) à moins qu'il n'opprime tous les citoyens ou certains d'entre eux ou à moins que le bénéfice que les citoyens ou un grand nombre d'entre eux tireraient de la législation et l'ingérence dans les droits personnels du citoyen ne soient pas raisonnablement proportionnés. »
15.  La cour poursuivait en expliquant que la véritable question était de savoir si la restriction imposée aux différents droits constitutionnels était proportionnée au but que le Parlement voulait atteindre. Elle s'appuyait à nouveau sur la jurisprudence pour décrire ainsi le principe de proportionnalité :
« Pour savoir si la Constitution autorise une restriction à l'exercice d'un droit, les juridictions de ce pays – et les juridictions étrangères – jugent utile d'appliquer le critère de proportionnalité, qui concilie la notion de restriction minimale à l'exercice de droits protégés et les exigences de l'intérêt général dans une société démocratique. La Cour européenne des Droits de l'Homme et la Cour suprême du Canada appliquent fréquemment ce critère. Elles le définissent ainsi : « Le but de la disposition incriminée doit être suffisamment important pour justifier une dérogation à un droit protégé par la Constitution. Il doit concerner des préoccupations impérieuses dans une société libre et démocratique. Les moyens retenus doivent satisfaire à un critère de proportionnalité. Ils doivent a) être rationnellement liés au but, n'être ni arbitraires, ni injustes, ni fondés sur des considérations irrationnelles ; b) porter le moins possible atteinte au droit concerné ; et c) être tels que les répercussions sur le droit en cause sont proportionnées au but. »
16.  La Cour suprême déclara que l'article 10 § 3 de la loi de 1988 répondait à ce critère : la restriction était « minimale », le requérant avait le droit de communiquer son point de vue oralement ou par écrit, d'organiser des réunions, de s'associer avec des personnes partageant ses opinions ; il avait le même droit que tout autre citoyen d'intervenir à la radio et à la télévision ; la seule restriction imposée à ses activités était qu'il ne pouvait exprimer son point de vue par le biais d'une annonce payée à la radio ou à la télévision. Quant au caractère généralisé de l'interdiction et à l'argument du requérant selon lequel il aurait été possible de mettre en place un système administratif plus sélectif qui autoriserait les annonces religieuses inoffensives, la Cour suprême expliqua :
« C'est sans aucun doute vrai. Mais le [Parlement] a bien pu estimer qu'il ne serait pas judicieux que des fonctionnaires décident, dans ce domaine sensible, quelles annonces seraient susceptibles ou non d'offenser des citoyens. »
17.  Elle conclut :
« La Cour constate donc que l'interdiction des annonces à caractère religieux énoncée à l'article 10 § 3 de la loi de 1988 répond rationnellement au but de la loi et n'est ni arbitraire, ni injuste, ni fondée sur des considérations irrationnelles. Il semble qu'elle porte atteinte le moins possible aux différents droits constitutionnels dont il s'agit et il apparaît que ses répercussions sur ces droits sont proportionnées au but de la loi. »
18.  En tout état de cause, la Cour suprême estimait que, dès lors que la disposition incriminée relevait pour l'essentiel de la compétence du Parlement et que celui-ci avait respecté le principe de proportionnalité, il ne lui appartenait pas d'intervenir au simple motif qu'elle aurait pu prendre une décision différente. La présomption de constitutionnalité de la loi n'était donc pas réfutée et le pourvoi du requérant ne pouvait être accueilli.
II.  LE DROIT PERTINENT
A.  La Constitution de l'Irlande
19.  L'article 40 de la Constitution dispose en ses parties pertinentes :
3 (1)  L'Etat s'engage à respecter dans ses lois et, dans la mesure du possible, à défendre et soutenir par ses lois les droits individuels du citoyen.
6 (1)  L'Etat garantit le libre exercice, dans le respect de l'ordre public et de la moralité, des droits suivants :
    i.  le droit des citoyens d'exprimer librement leurs convictions et opinions.
    Toutefois, l'éducation de l'opinion publique étant d'une extrême importance pour le bien commun, l'Etat, tout en préservant leur légitime liberté d'expression – y compris celle de critiquer la politique du gouvernement – doit veiller à ce que les institutions exprimant l'opinion publique (la radio, la presse, le cinéma, etc.) ne soient pas utilisées pour nuire à l'ordre public, à la moralité, ou à l'autorité de l'Etat.
    Le fait de publier ou d'exprimer des propos blasphématoires, séditieux ou indécents constitue une infraction punie par la loi.
20.  L'article 44 est, en ses parties pertinentes, ainsi libellé :
2 (1)  Chaque citoyen bénéficie de la liberté de conscience et peut professer et pratiquer librement sa religion, dans le respect de l'ordre public et de la moralité.
(3)  L'Etat n'instaure aucune incapacité et aucune discrimination qui soit fondée sur la profession religieuse, la conviction religieuse ou le statut religieux.
B.  La législation interne
1.  La loi de 1960 sur le Conseil de l'audiovisuel (« la loi de 1960 »)
21.  La loi de 1960 fut adoptée notamment dans le but d'instituer une autorité (le Conseil) qui serait chargée de mettre en place un service national de radio et télédiffusion. La société nationale de radio et de télévision fut également créée (« la RTE »). L'article 20 § 4 de la loi de 1960 dispose :
« Le Conseil refuse toute annonce à caractère religieux ou politique ou qui se rapporte d'une façon quelconque à un conflit social. »
22.  Lorsqu'il présenta cette disposition au Sénat (Seanad Eireann), le ministre indiqua en ces termes les motifs qui l'inspiraient :
« Si des annonces de cette nature étaient autorisées, le Conseil devrait accepter des annonces provenant de tout groupe religieux, y compris celles qu'une majorité de spectateurs estimerait contestables et offensantes. La seule politique viable est donc de n'autoriser la diffusion d'aucune annonce à caractère religieux ; sinon le Conseil se trouverait dans une position très délicate. Des programmes religieux, comme ceux proposés par Radio Eireann, continueront bien sûr à être retransmis, et les appels de fonds pour des œuvres caritatives seront autorisés. Toutefois, ce sont là des annonces bien distinctes des annonces payées et ayant des fins religieuses. Je suis d'avis que la politique qui sous-tend cet alinéa est la bonne. »
23.  L'article 18 de la loi de 1960 s'intitule « Impartialité » et dispose :
« 1.  Le Conseil a pour mission de veiller à ce que, lors de leur diffusion, toute information, toute nouvelle ou tout élément qui touchent à des questions suscitant des controverses ou des débats dans la société soient présentés de façon objective et impartiale sans que le Conseil exprime aucunement son point de vue ;
2.  Aucune disposition du présent article n'empêche le Conseil de diffuser les messages publicitaires des partis politiques. »
2.  La loi de 1988 sur la radio et la télévision (« la loi de 1988 »)
24.  La Commission indépendante de la radio et de la télévision (« l'IRTC ») a été créée par la loi de 1988. Elle est chargée de signer des contrats en vue de la prestation de services de radiodiffusion et de télévision, en plus de ceux déjà proposés par la RTE.
25.  L'article 9 s'intitule « Obligations de la société de radiodiffusion en matière de programmes » et dispose :
« 1.  Toute société de radiodiffusion veille à ce que
a)  les informations qu'elle diffuse soient présentées de façon objective et impartiale, sans jamais exprimer son propre point de vue ;
b)  la diffusion d'actualités, y compris de sujets qui font l'objet de controverses ou de débats dans la société, soit équitable à l'égard de tous les intérêts en jeu et que le sujet soit présenté de façon objective et impartiale, sans que la société en question exprime jamais son propre point de vue. S'il se révèle impossible en pratique d'appliquer la présente disposition à une seule et même émission, deux ou plusieurs émissions connexes peuvent être considérées comme formant un tout si elles sont diffusées sans trop d'écart dans le temps ;
2.  Aucune disposition des alinéas a) et b) du paragraphe 1 n'interdit à une société de radiodiffusion de diffuser les messages publicitaires des partis politiques, à la condition que dans l'attribution du temps d'antenne la société ne donne pas injustement la préférence à un parti politique. »
26.  L'article 10 § 3 de la loi de 1988 frappe les sociétés indépendantes de radiodiffusion et télédiffusion de la même interdiction que celle appliquée à la RTE (par l'article 20 § 4 de la loi de 1960). Il est ainsi libellé :
« Aucune annonce à caractère religieux ou politique ou qui se rapporte d'une façon quelconque à un conflit social ne peut être diffusée. »
3.  Le projet de loi modificative de 1999 sur la radio et la télévision (« le projet de loi de 1999 »)
27.  Ce projet de loi, qui ne fut jamais adopté, proposait de modifier l'article 10 § 3 de la loi de 1988. Il tirait son origine de l'arrêt rendu par la Cour suprême en l'espèce et de l'interdiction postérieure d'une annonce à paraître dans le journal Irish Catholic en application de cette disposition. Le ministre des Arts, du Patrimoine, du Gaeltacht (régions de langue gaélique irlandaise) et des Iles expliqua lors du débat parlementaire portant sur le projet :
« Nous avons affaire en substance à une disposition qui remonte à près de quarante ans. On peut penser qu'il serait temps de réexaminer l'interdiction prévue par ces alinéas ; que l'interdiction générale visée par ces dispositions est un instrument trop grossier aujourd'hui, dans une société dans l'ensemble bien éduquée, habituée au fonctionnement des médias, y compris les très puissantes radio et télévision. Le fait que des juridictions, aussi récemment qu'en 1997 et 1998, aient examiné la constitutionnalité de cette disposition même – à savoir l'interdiction de diffuser des annonces à caractère religieux – sera très utile à notre débat. »
28.  Après avoir cité en détail les arrêts rendus dans la présente affaire par la High Court et la Cour suprême, le ministre poursuivit :
« Ce projet, qui émane de l'opposition, envisage de modifier une disposition légale reconnue constitutionnelle en mai 1998, c'est-à-dire il y a très peu de temps. On nous demande de modifier une disposition que la Cour suprême n'a estimée ni arbitraire ni injuste et qui porte aussi peu que possible atteinte à nos droits constitutionnels. La High Court et la Cour suprême reconnaissent le caractère sensible du contenu de l'article que le projet entend amender. Quiconque lit ces arrêts conclut nécessairement que toute modification de l'article qui donnerait à un agent de l'Etat le pouvoir ou la responsabilité de décider quels types d'annonces religieuses peuvent être autorisés ou non doit être examinée avec beaucoup de prudence si l'on ne veut pas confronter [l'IRTC] à des difficultés considérables, voire insurmontables, comme celles que laisse entrevoir le projet. (...)
Les auteurs du projet voudraient apparemment que [l'IRTC] ait la possibilité de décider si une revue ou un journal politique ou religieux est de bonne foi. Lorsque le journal ou la revue est de bonne foi, les publicités destinées à la vente (moyennant un prix à l'unité) de ces publications ne seront pas interdites par l'article 10 § 3 de la loi de 1988, à condition que la publicité ait pour objet la promotion du journal, ne soit pas sectaire et n'ait pas une finalité politique. Si le projet était adopté, [l'IRTC] aurait un certain nombre de décisions à prendre (...) et à dire si une revue ou un journal est de bonne foi (...) [et] (...) si la publicité promeut la publication sans être sectaire et sans avoir de finalité politique.
J'ai la conviction que les dispositions de la législation proposée obligeraient [l'IRTC] à se livrer à un jugement de valeur pour départager les publications. Afin de décider si une publication politique ou religieuse donnée est de bonne foi, [l'IRTC] aurait à examiner les objectifs de cette publication et peut-être les objectifs de l'organisation religieuse ou politique elle-même. En outre, elle devrait prononcer un autre jugement de valeur en décidant ce qui est sectaire ou non. Le projet n'énonce ni directive ni critère qui puisse aider [l'IRTC] à procéder à ces appréciations difficiles et sensibles.
Le projet, s'il donne à [l'IRTC] le pouvoir de distinguer entre un journal et un autre sans fournir de motivation détaillée, ne prévoit pas de mécanisme d'appel. Comme je l'ai déjà dit, la High Court et la Cour suprême ont précisé les difficultés pratiques et administratives qui surgiraient si l'on adoptait une interdiction sélective des annonces visées par l'article 10 § 3 de la loi de 1988. Le projet ne prévoit aucun moyen qui réponde aux préoccupations exprimées dans ces arrêts. Il serait imprudent de poursuivre ces initiatives sans être sûrs que nous ne sommes pas en train d'aggraver la situation.
Si l'on considère les principes qui sous-tendent le projet plutôt que les modalités envisagées par lui, il est légitime de se demander s'il n'y aurait pas lieu d'introduire une interdiction plus sélective des annonces à caractère religieux. Toutefois, pour que l'interdiction soit sélective, les moyens retenus devraient permettre de garantir que tout système servant à apprécier si les annonces sont acceptables soit appliqué dans le respect des principes de la Constitution et selon des modalités conformes à celle-ci. Pour le moins, les droits prévus par l'article 44 de la Constitution devraient être observés et une procédure équitable ouverte aux personnes lésées. Une interdiction sélective pourrait aussi passer pour une atteinte à la liberté de parole et d'expression protégée par l'article 40 § 6, alinéa 1, de la Constitution. Il serait peut-être plus judicieux de doter [l'IRTC] du pouvoir d'interdire une annonce donnée concernant des éléments religieux si elle estime que cette annonce porte atteinte à l'ordre public ou à la moralité, plutôt que de risquer d'appliquer un traitement discriminatoire à certaines publications.
Il est cependant clair que les annonces à caractère religieux sont une catégorie tout à fait particulière de publicité. La publicité est réglementée dans la plupart des pays – plus ou moins largement. La publicité télévisée, notamment, est réglementée dans l'ensemble de l'Union européenne, ne serait-ce que par la directive « Télévision sans frontières ». Cette directive reconnaît l'importance que chacun des Etats membres peut attacher à la réglementation de la diffusion de publicités ; elle prévoit en effet qu'un Etat membre peut imposer une réglementation plus stricte aux sociétés de diffusion agissant dans le cadre de son ordre juridique que celle prévue par la directive.
La réglementation de la publicité part généralement du principe que celle-ci doit être légale, honnête, décente et conforme à la vérité. C'est ce que prévoient les codes de normes, de pratique et d'interdictions dans le domaine de la publicité, du parrainage et des autres formes de promotion commerciale utilisées dans l'audiovisuel, élaborés en application de l'article 4 § 1 de la loi de 1990 sur l'audiovisuel. Ce même principe fondamental est repris dans le code irlandais des normes publicitaires, rédigé par le Conseil des normes publicitaires en Irlande.
Le Conseil des normes publicitaires en Irlande est un organisme autoréglementé instauré par le secteur publicitaire en 1981. Il traite de la publicité dans la plupart des médias (journaux, affiches, cinéma, radio et télévision, etc.). Le code élaboré en application de la loi [du Royaume-Uni] de 1990 sur l'audiovisuel ne traite pas, logiquement, des annonces à caractère religieux puisque celles-ci sont frappées d'une interdiction générale. A l'inverse, le code du Conseil des normes publicitaires en Irlande [l'ASAI] exclut explicitement de son champ d'application les publicités dont l'objet principal est d'exprimer la position de l'annonceur sur des questions politiques, religieuses, sociales, esthétiques ou qui touchent aux rapports entre partenaires sociaux, ou sur une question d'intérêt général. Il est intéressant de constater que [l'ASAI] a décidé de ne pas appliquer ses normes à ces sujets sensibles bien que la loi ne le lui interdise pas.
Il serait très difficile de réglementer les annonces à caractère religieux de la même manière que la publicité pour des biens et des services. Comment peut-on savoir si une annonce à caractère religieux est véridique ? Aucun produit ni service n'est proposé à la vente. Même si les annonceurs religieux ont une foi absolue en leurs croyances, ce qu'ils disent dans leurs annonces relève de la croyance et n'est pas objectivement mesurable.
Bien que je m'oppose au projet, j'accepterais d'examiner la politique qu'il entend appliquer – à savoir une interdiction plus sélective à l'égard des annonces à caractère religieux. Si l'on trouve un amendement satisfaisant, je souhaiterais le proposer à la commission au moment de l'examen du projet relatif à l'audiovisuel, que j'espère publier très prochainement (...) Lorsque j'examinerai l'amendement, je devrai tenir compte des nombreuses questions soulevées par les arrêts que j'ai cités.
Au rang de celles-ci se trouve l'idée, notamment pour les domaines sensibles, que des personnes riches ne devraient pas avoir la possibilité d'acheter un accès à l'antenne au détriment de plus modestes. Les dispositions de l'article 40 de la Constitution qui reconnaît aux citoyens le droit de communiquer et le droit d'exprimer librement leurs convictions et opinions seront clairement respectées. Et les dispositions de l'article 44 de la Constitution qui garantissent à tout citoyen la liberté de conscience et la liberté du culte et des rites dans le respect de l'ordre public et de la moralité et qui interdisent à l'Etat d'instaurer quelque incapacité ou quelque discrimination que ce soit qui serait fondée sur la profession religieuse, la conviction religieuse ou le statut religieux, seront également respectées.
Pour parvenir à ces résultats, il faudra envisager de mettre en place des procédures équitables et des règles élémentaires de justice afin que l'organe chargé de réglementer ces publicités respecte les droits en question et soit perçu comme un organe qui les respecte.
Si nous envisageons d'assouplir l'interdiction absolue, qui a actuellement cours, de diffuser des annonces à des fins religieuses, il se pourrait que nous soyons amenés à prévoir de supprimer entièrement l'interdiction plutôt que d'en introduire une plus sélective. Compte tenu des préoccupations que j'ai déjà exprimées, ce serait peut-être la seule solution viable. On ne peut toutefois franchir ce pas à la légère. Retenir une interdiction plus sélective ou supprimer l'interdiction totalement demandera beaucoup de réflexion et d'analyse. L'audiovisuel – tant la télévision que la radio – est considéré comme le moyen de communication de masse le plus puissant qui ait jamais existé. Certains programmes sont écoutés ou regardés par des millions de personnes. La radio est un média accessoire puisqu'elle permet de mener simultanément d'autres activités au travail, à la maison ou dans la voiture. Lorsqu'on lit un journal ou une revue, on peut tourner rapidement une page après y avoir jeté un bref coup d'œil, alors qu'un auditeur est obligé d'écouter ou au moins d'entendre la publicité s'il ne veut pas manquer une partie de son programme à la radio. Les enfants et les jeunes sont constamment exposés aux images, messages et comportements transmis par la radio et la télévision.
Il est légitime pour les parents de souhaiter que leurs enfants n'aient affaire qu'à la seule confession religieuse de leur choix. Peut-être de nombreuses personnes seraient-elles offensées par une annonce à caractère religieux simplement parce qu'elle émane de telle ou telle organisation religieuse. On pourrait certes imaginer d'interdire la diffusion d'annonces à caractère religieux pendant les heures où les programmes sont destinés aux enfants, mais nous savons tous que ceux-ci, et les jeunes, regardent aussi la télévision aux heures de grande écoute et mettent la radio à tout moment – une telle mesure n'aurait donc que des effets limités. Je ne traiterai pas ici des problèmes qui seraient liés à certains cultes et sectes qui inquiètent les familles et dont les activités pourraient être interprétées comme ayant une finalité religieuse.
Nous devons être très prudents dans ce domaine sensible. Il est possible qu'à notre époque, alors que des services de diffusion de plus en plus nombreux sont disponibles par satellite – cette technologie ne relevant pas du droit interne qui s'applique aux sociétés nationales –, une interdiction totale des annonces à caractère religieux soit un anachronisme. Le temps est peut-être venu de faire confiance aux sociétés audiovisuelles et de penser qu'elles n'offenseront ni n'indisposeront leurs auditeurs ou spectateurs en diffusant des annonces inacceptables dans ce domaine. Toutefois, un changement ne pourra être apporté à la situation actuelle qu'après un examen attentif et la consultation de différentes institutions, comme les Eglises, [l'IRTC], les sociétés audiovisuelles et le public en général.
Le projet de loi présenté à la Chambre ne tient compte d'aucune des préoccupations que j'ai exprimées. Il ne donne aucune définition des pouvoirs qu'il voudrait conférer à [l'IRTC], ni aucun cadre à ceux-ci. Aucune garantie, aucun recours, ne sont prévus pour ceux qui se sentiraient lésés par les décisions que [l'IRTC] pourrait prendre dans le cas où ce projet serait adopté. Il n'est pas question des interdictions applicables à la RTE figurant dans les lois sur le Conseil de l'audiovisuel. Je veux bien admettre qu'il convient que la Chambre examine la politique proposée (...) mais nous ne pouvons pas aller de l'avant sans une réflexion beaucoup plus approfondie que celle qui ressort des dispositions du projet. L'adoption de celui-ci risquerait de créer beaucoup plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait.
Il s'agit là d'une question délicate et je remercie les députés de l'opposition de nous donner l'occasion de l'examiner attentivement. Si je comprends les motivations – louables – des députés qui ont publié ce projet, il importe de se livrer à une étude plus complète du sujet. Nous pourrons considérer la question de l'audiovisuel dans son ensemble lorsque je rendrai public mon projet de loi en la matière. J'aborderai ce point et pourrais à cette occasion me pencher sur l'ensemble du problème. Si nous trouvons une formulation adéquate, nous pourrons aisément l'intégrer au projet en proposant un amendement à la commission. »
4.  La loi de 2001 sur l'audiovisuel (« la loi de 2001 »)
29.  La loi de 2001 a eu essentiellement pour objet de faciliter la mise en place de la diffusion numérique terrestre en Irlande. L'IRTC est devenue la Commission irlandaise de l'audiovisuel ; ses fonctions et ses pouvoirs relativement à la diffusion numérique ont été étendus.
30.  L'article 18 de la loi de 2001 a appliqué l'article 10 § 3 de la loi de 1988 aux services de diffusion numériques et autres. Toutefois, l'article 65 de la loi de 2001 a assoupli en ces termes l'interdiction de diffuser des annonces à caractère religieux :
« Aucune disposition de l'article 20 § 4 de la loi de 1960 ni de l'article 10 § 3 de la loi de 1988 (et de ces deux articles tels qu'ils s'appliquent en vertu de la présente loi) ne peut être interprétée comme interdisant la diffusion d'une information indiquant :
a)  qu'un journal, un magazine ou une revue à caractère religieux est disponible à titre onéreux ou gratuit ;
b)  qu'une manifestation ou une cérémonie concernant une religion donnée est organisée,
si l'information ne vante pas les mérites ou autres d'une adhésion à la confession ou croyance en question ou de l'appartenance à une religion ou à une organisation religieuse. »
31.  Cet article fut proposé par le ministre devant la commission le 30 novembre 2000 ; il s'agissait d'un article venant compléter le projet déjà publié. La commission accepta la proposition sans débat.
C.  La directive du Conseil du 3 octobre 1989 (89/552/CEE)
32.  La directive coordonne certaines normes des Etats membres de la Communauté européenne relatives à la diffusion télévisée. L'article 12 énonce notamment que la publicité télévisée ne doit pas porter atteinte au respect de la dignité humaine, ni comporter de discrimination en raison de la race, du sexe ou de la nationalité, ni attenter à des convictions religieuses ou politiques.
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 9 ET 10 DE LA CONVENTION
33.  Le requérant conteste l'article 10 § 3 de la loi de 1988. Il invoque à cet égard les articles 9 et 10 de la Convention :
Article 9
« 1.  Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté (...) de manifester sa religion ou sa conviction (...) par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2.  La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, (...) à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 10
« 1.  Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2.  L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique (...) à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale (...) »
A.  Arguments des parties
1.  Le Gouvernement
34.  Le Gouvernement soutient que la limitation des droits du requérant protégés par les articles 9 et 10 est si minime qu'elle ne constitue pas une ingérence. Il explique notamment que le requérant aurait pu exprimer son point de vue autrement, à la fois oralement et par écrit, dans la presse écrite et à l'occasion de réunions. L'intéressé aurait également pu s'adresser à la radio ou à la télévision et faire retransmettre l'émission en question par satellite ou par d'autres modes.
35.  Le Gouvernement arguë en outre que si ingérence il y a eu, elle était « prévue par la loi » (article 10 § 3 de la loi de 1988) et poursuivait des buts légitimes au sens du second paragraphe des articles 9 et 10 de la Convention (ordre et sûreté publique, droits et libertés d'autrui).
36.  L'essentiel de l'argumentation du Gouvernement devant la Cour consiste cependant à dire que l'interdiction de la diffusion d'annonces à caractère religieux représente une attitude proportionnée à ces buts légitimes.
37.  Le Gouvernement considère que certains éléments clés de l'affaire laissent penser qu'il y a vraiment lieu d'accorder à l'Etat une grande marge d'appréciation en ce qui concerne les moyens d'atteindre les buts visés. La présente cause concernait la diffusion (Informationsverein Lentia et autres c. Autriche, arrêt du 24 novembre 1993, série A no 276) d'une annonce payée (VgT Verein gegen Tierfabriken c. Suisse, no 24699/94, CEDH 2001-VI) faisant la promotion de convictions et d'un événement religieux (arrêts Otto-Preminger-Institut c. Autriche, 20 septembre 1994, série A no 295-A, et Wingrove c. Royaume-Uni, 25 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V), sans aucun caractère politique et qui ne relevait pas de l'intérêt général. Dans ces conditions, il faut porter une attention particulière à l'analyse à laquelle les autorités internes se sont livrées car elles sont les mieux placées pour identifier et apprécier l'intensité des différentes forces vives de la société irlandaise, ce qui permet de trouver le juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu. Dès lors, si le ministre qui proposa l'article 20 § 4 de la loi de 1960, appliqué ensuite par le biais de l'article 10 § 3 de la loi de 1988 aux sociétés de radio et de télévision indépendantes, était d'avis que la population irlandaise n'était prête à tolérer aucune forme d'annonce à caractère religieux, l'Etat devait pouvoir restreindre la diffusion de telles annonces.
38.  Quant au caractère religieux de l'annonce en cause, le Gouvernement reconnaît que celle-ci semblait inoffensive et qu'elle avait, en quelque sorte, une simple fonction d'information. Il souligne néanmoins qu'elle se fondait sur certaines convictions religieuses manifestes qu'elle entendait propager. Quoi qu'il en soit, le caractère religieux de l'annonce aurait justifié à lui seul d'en limiter la diffusion.
Le Gouvernement observe que le droit d'un individu d'exprimer des convictions religieuses est nécessairement défini et limité par rapport aux droits d'autrui protégés par l'article 9 (Larissis et autres c. Grèce, arrêt du 24 février 1998, Recueil 1998-I, p. 383, §§ 63-64). En outre, selon le Gouvernement, la Convention applique clairement une règle différente au contrôle de l'expression religieuse : l'offense religieuse justifie l'interdiction de discours qui seraient autrement acceptables et protégés. Cela s'expliquerait par le fait que la conviction religieuse n'est pas le fruit d'un processus de décision raisonné ; il s'agit au contraire d'une question extrêmement personnelle, intime, qui touche à des convictions profondes et essentielles. Par conséquent, la simple proclamation de la vérité d'une religion reviendrait nécessairement à proclamer qu'une autre religion est fausse. Ainsi, tout discours à caractère religieux, même inoffensif, pourrait entraîner des réactions imprévisibles et explosives.
Le Gouvernement insiste en outre sur les sensibilités religieuses propres à l'Irlande ; il cite à cet égard l'analyse qu'en ont faite les juridictions internes en l'espèce. Peut-être n'existe-t-il pas à l'heure actuelle de tensions religieuses en Irlande. Cependant, la division religieuse a marqué l'histoire irlandaise, caractérisée par un prosélytisme et la création de systèmes juridiques et sociaux destinés à affaiblir une religion. Ce contexte historique, les manifestations actuelles de division religieuse en Irlande du Nord, associés au fait que la vaste majorité de la population irlandaise pratique une religion – d'ailleurs, une religion dominante – ont permis à l'Etat, en 1960 et à nouveau en 1988, de constater une sensibilité inhabituelle aux questions religieuses dans la société irlandaise contemporaine, chez les adeptes des religions dominantes comme des religions minoritaires. Compte tenu de cette situation potentiellement explosive, il était justifié que l'Etat agît avec prudence dans la définition des conditions dans lesquelles des éléments religieux, en particulier les annonces à caractère religieux, pourraient être diffusés dans l'audiovisuel.
Le Gouvernement combat l'idée que les arrêts rendus dans les affaires Handyside et Sunday Times (arrêts Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, série A no 24, et Sunday Times c. Royaume-Uni (no 1), 26 avril 1979, série A no 30) autorisaient le requérant à diffuser des annonces à caractère religieux qui heurtaient, choquaient ou inquiétaient. L'affaire Sunday Times peut être distinguée de l'espèce en cela qu'elle concernait l'expression d'un discours politique ou d'intérêt général, la presse écrite et l'éditorial d'un journal. Le Gouvernement conteste que – comme le laisse entendre le requérant en se fondant sur la jurisprudence Sunday Times –, dans le domaine des annonces à caractère religieux, on ait le droit d'être quelque peu choquant ou inquiétant ou de légèrement heurter.
39.  En ce qui concerne l'interdiction appliquée au domaine de l'audiovisuel (par opposition à la presse écrite), le Gouvernement rappelle qu'en son paragraphe 1 l'article 10 de la Convention prévoit expressément une réglementation qui prend la forme d'un régime d'autorisations des diffusions sur le territoire de l'Etat, diffusions dont le contrôle doit être justifié par l'une des raisons énoncées au second paragraphe. Selon la jurisprudence de la Commission et de la Cour, parmi les éléments à prendre en considération figurent la nature et les objectifs de la société devant effectuer la diffusion, son audience potentielle et les droits et intérêts d'une audience donnée. Le Gouvernement affirme que le contrôle de l'audiovisuel est tenu pour nécessaire notamment afin d'assurer une réglementation rationnelle des entreprises de diffusion et la répartition appropriée des ressources, limitées, destinées à ce secteur. En outre, et plus spécialement aux fins de l'espèce, une telle réglementation s'impose compte tenu de la nature particulièrement envahissante et incontournable de l'audiovisuel, de ses effets, et du risque qui existe d'offenser certaines personnes (y compris les destinataires passifs de l'information).
40.  Quant à l'interdiction appliquée au domaine publicitaire, le Gouvernement distingue entre les pages publicitaires payées et les programmes, ces derniers étant soumis aux règles universellement reconnues et fondamentales de l'impartialité et de la neutralité. Ces règles s'appliquent tant aux sociétés nationales de diffusion qu'aux sociétés indépendantes (article 18 de la loi de 1960 et article 9 de la loi de 1988) ; elles exigent que chaque programme portant sur une question controversée soit équilibré et que la programmation générale de la station ou de la chaîne sur ces questions donne assez de place à des points de vue différents ou opposés. Puisque les programmes doivent être neutres, l'Etat peut s'attendre à une certaine tolérance de la part de leurs destinataires. A l'inverse, selon le Gouvernement, la publicité par définition est partisane et partiale et manque d'équilibre : le principe d'impartialité ne saurait donc lui être et ne lui est pas appliqué. L'Etat peut par conséquent raisonnablement s'attendre à une moins grande tolérance à l'égard de la publicité, particulièrement sur les sujets sensibles.
Par ailleurs, tout comme les restrictions appliquées à la diffusion de publicités tendent à la neutralité et à l'équilibre, le fait d'autoriser ou d'obliger les stations et les chaînes à accepter de diffuser des annonces à caractère religieux porterait atteinte à cet équilibre. Le Gouvernement relève de plus que le requérant va jusqu'à mettre en cause la règle de l'impartialité même dans un contexte politique, puisqu'il présume – à tort – qu'aucune restriction imposée à la diffusion d'annonces à caractère politique ne serait valable (VgT Verein gegen Tierfabriken, précité, §§ 66-67).
41.  Le Gouvernement soutient de surcroît que les moyens choisis par l'Etat pour mettre en balance la liberté d'expression et les sensibilités en jeu sont limités : seule se trouvait visée la diffusion d'annonces à caractère religieux et la proportionnalité était donc prise en compte par la réglementation générale.
42.  Le Gouvernement reconnaît qu'il existe peut-être différentes façons de répondre aux préoccupations qu'il a exprimées plus haut mais estime que l'Etat est fondé à considérer que certaines solutions sont intrinsèquement inopportunes.
43.  Il rejette l'idée d'autoriser certaines annonces à caractère religieux. Premièrement, toute limitation aurait des effets inégaux à l'égard des différentes sociétés de diffusion. La société nationale de radio et de télévision (« la RTE ») serait contrainte de diffuser toute annonce répondant aux critères définis alors que les sociétés indépendantes pourraient refuser, accepter ou favoriser pareille annonce pour des motifs exclusivement commerciaux. De fait, autoriser une certaine forme de diffusion à caractère religieux aurait des conséquences inégales à l'égard des religions, les religions majoritaires pouvant exploiter leur position dominante ou leurs ressources pour accéder aux médias audiovisuels, au détriment des religions moins répandues. L'interdiction actuelle permet au contraire de garantir qu'un point de vue ne l'emporte pas sur un autre ; elle place toutes les religions sur un pied d'égalité, indépendamment de leur richesse, de leur présence dans la société, de leur pouvoir et de leur popularité du moment (United Christian Broadcasters Ltd c. Royaume-Uni (déc.), no 44802/98, 7 novembre 2000).
Deuxièmement, l'appréciation de telles restrictions poserait en soi un problème. La limitation du nombre des annonces provenant de certains groupes religieux pourrait facilement être perçue comme discriminatoire : les particuliers sont peut-être prêts à accepter que personne n'ait le droit de diffuser des annonces, mais le contrôle de celles provenant de certaines religions heurterait assurément des sensibilités religieuses. Par ailleurs, le Gouvernement se demande s'il est vraiment possible de distinguer entre un prédicateur passionné et convaincu et un prosélyte susceptible de semer la discorde. Une restriction fondée sur le contenu de l'annonce risquerait de donner place à une censure religieuse subjective exercée par l'Etat ou les sociétés de diffusion elles-mêmes. L'intervention de l'Etat, et même de tout acteur privé, dans pareille censure pourrait être considérée comme offensante en elle-même ; qui plus est, ce qui est familier risquerait d'être vu comme plus admissible que ce qui est marginal et peu connu. Le Gouvernement rejette également l'idée d'une limitation fondée sur le « degré d'offense » de l'annonce, comme le propose le requérant (annonce qui risque et ne va pas manquer d'offenser ou qui est calculée à cette fin) : le Gouvernement rappelle que dans le contexte irlandais rien n'est « un peu offensant » puisque les annonces à caractère religieux sont tenues en elles-mêmes pour potentiellement offensantes.
Troisièmement, le Gouvernement relève que l'article 65 de la loi de 2001 a quelque peu atténué l'article 10 § 3 de la loi de 1988. Il considère toutefois que l'Etat pouvait légitimement estimer en 1960 et en 1988 qu'une interdiction de diffusion frappant l'ensemble des annonces à caractère religieux était nécessaire, que le message fût strictement informatif ou non. La décision d'autoriser la diffusion des seules annonces ayant un caractère informatif, concrétisée par la loi de 2001, n'est pas en contradiction avec ce choix. L'annonce que le requérant voulait voir diffuser aurait de toute façon, selon le Gouvernement, été contraire à l'article 65 de la loi de 2001. En outre, le nouveau régime connaît lui aussi ses difficultés : il est malaisé de démarquer l'information religieuse des postulats religieux qui sous-tendent un message.
44.  Enfin, le Gouvernement souligne que l'interdiction mise en cause par le requérant n'est pas exceptionnelle. La loi prohibait les annonces à caractère religieux au Royaume-Uni jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de 1990 sur l'audiovisuel, et de nombreux codes reposant sur l'autoréglementation continuent de régir ces questions. En Suisse, l'article 18 de la loi fédérale sur la radio et la télévision ainsi que l'article 15 de l'ordonnance sur la radio et la télévision interdisent notamment les annonces à caractère religieux et politique. La directive du Conseil 89/552/CEE contient également une restriction à l'égard des annonces à caractère religieux.
45.  Compte tenu de ce qui précède, le Gouvernement arguë que les articles 9 et 10 de la Convention autorisaient l'Etat irlandais à agir avec prudence et à décider d'interdire la diffusion d'annonces à caractère religieux.
2.  Le requérant
46.  Le requérant voit dans le fait qu'il ait été empêché, par l'application de l'article 10 § 3 de la loi de 1988, d'utiliser la méthode de son choix pour annoncer une manifestation religieuse une ingérence manifeste dans ses droits au titre des articles 9 et 10 de la Convention. L'arrêt Handyside précité montre selon lui que l'article 10 s'étend aux idées qui « heurtent, choquent ou inquiètent ». Il observe que l'interdiction s'applique à toutes les sociétés de diffusion et, si la possibilité de présenter son annonce dans d'autres médias et par d'autres moyens réduit peut-être la portée de l'ingérence, celle-ci n'en demeure pas moins importante.
47.  Le requérant reconnaît que la restriction en cause était « prévue par la loi » et il ne conteste pas que la protection de l'ordre et de la sûreté publique, ainsi que des droits et libertés d'autrui, constitue un but légitime.
48.  Il admet également que la question principale qui se pose en l'espèce est de savoir si l'ingérence dans ses droits peut être considérée comme justifiée ; il soutient que le Gouvernement n'a pas démontré l'existence d'un « besoin social impérieux » justifiant l'interdiction de diffuser une annonce à caractère religieux, que la question soit examinée sous l'angle de l'article 9 ou de l'article 10 de la Convention.
49.  L'intéressé ne conteste pas qu'il ressort des affaires Otto-Preminger-Institut et Wingrove précitées qu'il faut accorder à l'Etat une plus grande marge d'appréciation dans le domaine de la morale et de la religion. Il avance toutefois que dans ces deux affaires la Cour a conclu l'examen de la marge d'appréciation applicable en évoquant le contrôle effectué par elle en dernier lieu. La marge d'appréciation de l'Etat n'est par conséquent pas illimitée et ne dispense pas celui-ci d'établir la nécessité des restrictions qu'il impose, la Cour étant l'ultime arbitre en la matière.
50.  En ce qui concerne le point de savoir où réside l'équilibre entre les droits concurrents garantis par les articles 9 et 10, le requérant invoque l'arrêt de la Cour dans l'affaire Otto-Preminger-Institut précitée (pp. 17-19, §§ 46-50) où elle explique que ceux qui ont des croyances religieuses doivent tolérer et accepter le rejet par autrui de leurs croyances religieuses et même la propagation par autrui de doctrines hostiles à leur foi. Dans cette affaire, la Cour a estimé l'expression en question si offensante qu'elle constituait une violation malveillante de l'esprit de tolérance et que « les devoirs et les responsabilités » de ceux qui s'expriment comprennent l'obligation d'éviter autant que faire se peut des expressions qui sont gratuitement offensantes pour autrui et constituent donc une atteinte à ses droits. L'intéressé en conclut que le critère de l'équilibre à ménager entre les droits prévus par l'article 10 au bénéfice d'une personne et ceux prévus par l'article 9 au bénéfice d'une autre réside dans le « degré d'offense » contenu dans l'annonce.
Or, soutient-il, son annonce n'avait aucun caractère offensant. Certes, elle exprimait une position religieuse précise, mais elle ne le faisait pas d'une manière qui eût pu offenser l'adepte d'une autre religion. Il faut bien la distinguer de l'expression qui se trouvait en cause dans les affaires Otto-Preminger-Institut et Wingrove précitées. Ainsi, la volonté de protéger les sensibilités religieuses d'autrui ne saurait justifier l'interdiction des annonces à caractère religieux quels que soient leur nature et leur contenu. Une telle interdiction ne serait justifiée que si les droits prévus par l'article 9 au bénéfice d'autrui comprenaient celui de ne pas être exposé à des points de vue religieux différents des siens. Cependant, ni l'article 9 ni les autres dispositions de la Convention n'énoncent un tel droit. Le requérant explique que cela irait en effet à l'encontre du pluralisme, de la tolérance et de l'ouverture d'esprit qui sont de rigueur dans une société démocratique.
51.  Le requérant ajoute que la religion en Irlande est homogène puisque la population de cet Etat est à plus de 95 % catholique. Ce pays ne connaît pas aujourd'hui de problème tenant à des dissensions religieuses. L'intéressé rappelle que les émissions diffusées concernent fréquemment des thèmes religieux controversés. Il est donc peu vraisemblable que son annonce inoffensive eût heurté les auditeurs d'une radio locale. Le requérant ajoute que la station de radiodiffusion locale en question connaissait bien ses auditeurs et n'aurait certainement pas voulu retransmettre une annonce qui, selon elle, risquait de les offenser.
52.  Le requérant souligne que la présente affaire n'a pas trait à la soumission des entreprises audiovisuelles à un régime d'autorisations et qu'elle ne concerne pas la troisième phrase de l'article 10 § 1 de la Convention. De toutes les façons, d'après la jurisprudence pertinente, une restriction doit être justifiée à la fois au regard de la troisième phrase de l'article 10 § 1 et au regard de l'article 10 § 2 (voir, notamment, les arrêts Groppera Radio AG et autres c. Suisse, 28 mars 1990, série A no 173, p. 25, § 64, Informationsverein Lentia et autres, précité, p. 14, § 32, et Radio ABC c. Autriche, 20 octobre 1997, Recueil 1997-VI, pp. 2197-2198, § 28).
53.  Quant à l'argument du Gouvernement selon lequel la neutralité de la radiodiffusion justifiait l'interdiction, il revient, selon le requérant, à dire que n'importe quel système d'autorisations pourrait contrôler l'audiovisuel et, en particulier, imposer relativement au contenu des émissions des conditions qui, si elles s'appliquaient à la presse écrite, seraient contraires à la Convention. Pareille position ne se concilierait toutefois pas avec les principes énoncés dans l'arrêt Informationsverein Lentia et autres, cité plus haut. L'intéressé explique que, en tout état de cause, on ne saurait en déduire que la retransmission d'une annonce à caractère religieux porterait atteinte à la neutralité de la radiodiffusion. Un grand nombre des annonces diffusées ne sont pas de nature commerciale : elles concernent des questions sensibles, comme la cigarette, la consommation d'alcool, l'importance du vote et le référendum. En vérité, la société nationale de radio et de télévision diffuse des services religieux catholiques ainsi que certains services protestants, et peut aussi annoncer ces retransmissions. Deux fois par jour, elle fait entendre les cloches à l'heure de la prière catholique. La diffusion d'informations à caractère religieux ne pose pas de problème ; elle démontre en réalité que le Gouvernement ne craint pas de favoriser une religion par rapport à une autre.
54.  Pour ce qui est de la possibilité qui existait de publier l'annonce dans un média autre que l'audiovisuel, le requérant cite l'affaire VgT Verein gegen Tierfabriken susmentionnée, dans laquelle la Cour a estimé que, comme il était possible de recourir à ces autres médias, la restriction ne procédait pas d'un besoin impérieux. Les médias autres qu'audiovisuels ayant un impact relativement moindre, le fait que d'autres moyens de communication fussent disponibles ne suffisait de toute manière pas à justifier l'interdiction d'une radiodiffusion.
55.  L'intéressé conteste l'argument du Gouvernement selon lequel d'autres solutions n'étaient pas réalisables.
56.  Premièrement, il aurait été possible selon lui de limiter l'interdiction aux annonces à caractère religieux formulées en des termes offensants pour les croyances d'autrui. Il reviendrait à l'Etat de préciser ce que sont ces termes, y compris quel « degré d'offense » doit être interdit, et une certaine marge d'appréciation lui serait accordée en la matière. A l'inverse du Gouvernement, le requérant estime qu'une telle restriction est envisageable ; il cite en particulier à cet égard la directive du Conseil 89/552/CEE.
Pour l'intéressé, l'article 65 de la loi de 2001 montre que l'Etat croit possible d'identifier les annonces à caractère religieux strictement informatives et d'autoriser leur diffusion. Son annonce exprimant elle-même une opinion et une conviction religieuses, le requérant a reconnu dans sa plaidoirie qu'elle pouvait être contraire à l'article 65 de la loi de 2001. Il soutient cependant que l'assouplissement de l'interdiction apporté par cette disposition est insuffisant, car la Convention protège également une personne de propos concernant des sujets religieux qui risquent et ne vont pas manquer d'offenser profondément ses convictions religieuses ou sont calculés à cette fin.
57.  Deuxièmement, en ce qui concerne la volonté du Gouvernement de ne pas favoriser les groupes religieux dominants et puissants, le requérant relève que dans l'affaire VgT Verein gegen Tierfabriken précitée le Gouvernement avait fait état du risque que des groupes puissants, à la fois par leur taille et leur financement, cherchassent à exercer une influence excessive par le biais de la publicité. La Cour avait cependant estimé que le Gouvernement n'avait pas démontré de manière « pertinente et suffisante » en quoi les motifs généralement avancés pour légitimer l'interdiction de la publicité à caractère politique pouvaient également servir à justifier l'ingérence dans les circonstances particulières de l'affaire introduite par l'association requérante (§ 75). En l'espèce, le requérant se trouverait dans une situation semblable : rien ne montrerait qu'il représenterait une religion importante ou puissante cherchant à exercer une influence excessive par le biais de la publicité. D'ailleurs, l'article 65 de la loi de 2001 ne semblerait pas non plus exprimer une telle préoccupation de la part de l'Etat irlandais : il ne prévoirait aucune restriction à l'accès des groupes religieux aux annonces audiovisuelles ; on pourrait même soutenir que cet article favorise les grandes religions bien établies au détriment des groupes plus petits et moins connus parce que la simple mention de publications, de manifestations ou de cérémonies a probablement plus d'effets lorsqu'elle provient de religions établies et connues.
58.  Troisièmement, le requérant ne pense pas que l'Etat se trouverait dans une situation délicate s'il devait décider quel type d'annonces serait susceptible d'offenser. L'Etat a déjà admis qu'il doit se livrer à une certaine appréciation en vertu de l'article 65 de la loi de 2001. Quoi qu'il en soit, il existe dans de nombreux pays, dont l'Irlande, des organismes qui examinent régulièrement les publicités à caractère commercial au regard de normes en réglementant notamment le contenu et la diffusion. L'intéressé ne voit donc pas pourquoi l'Etat estime que le fait d'apprécier des annonces à caractère religieux le mettrait dans une situation délicate.
59.  Le requérant considère en conséquence qu'aucune raison impérieuse ne justifiait l'interdiction de son annonce.
B.  Appréciation de la Cour
4.  « Nécessaire dans une société démocratique »
a)  Principes généraux
65.  La Cour rappelle que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique. Comme le reconnaît expressément le paragraphe 2 de l'article 10, l'exercice de cette liberté comporte toutefois des devoirs et des responsabilités. Parmi eux, dans le contexte des croyances religieuses, figure l'obligation générale d'assurer à ceux qui professent ces croyances la paisible jouissance du droit garanti par l'article 9, y compris l'obligation d'éviter autant que faire se peut des expressions qui, à l'égard des objets de vénération, sont gratuitement offensantes pour autrui et profanatrices (arrêt Otto-Preminger-Institut précité, pp. 17-19, §§ 46, 47 et 49).
66.  Une restriction à la liberté d'expression, qu'elle s'inscrive dans le contexte des croyances religieuses ou dans un autre, ne peut être compatible avec l'article 10 que si elle répond, notamment, au critère de nécessité exigé par le second paragraphe de cette disposition. En examinant si les restrictions aux droits et libertés garantis par la Convention peuvent passer pour « nécessaires, dans une société démocratique », la Cour a cependant toujours déclaré que les Etats contractants jouissent d'une marge d'appréciation certaine mais pas illimitée (arrêt Wingrove précité, p. 1956, § 53).
67.  Sur ce dernier point, l'article 10 § 2 de la Convention laisse très peu de place aux restrictions qui visent les discours politiques ou les débats sur des questions d'intérêt général (voir, mutatis mutandis, parmi beaucoup d'autres, les arrêts Lingens c. Autriche, 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 42, Castells c. Espagne, 23 avril 1992, série A no 236, p. 23, § 43, et Thorgeir Thorgeirson c. Islande, 25 juin 1992, série A no 239, p. 27, § 63). Toutefois, les Etats contractants ont généralement une plus grande marge d'appréciation lorsqu'ils réglementent la liberté d'expression dans des domaines susceptibles d'offenser des convictions personnelles intimes relevant de la morale ou, plus particulièrement, de la religion. Du reste, comme dans le domaine de la morale, et peut-être à un degré plus important encore, les pays européens n'ont pas une conception uniforme des exigences afférentes à « la protection des droits d'autrui » s'agissant des attaques contre des convictions religieuses. Ce qui est de nature à offenser gravement des personnes d'une certaine croyance religieuse varie fort dans le temps et dans l'espace, spécialement à notre époque caractérisée par une multiplicité croissante de croyances et de confessions. Grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leurs pays, les autorités de l'Etat se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur le contenu précis de ces exigences par rapport aux droits d'autrui comme sur la « nécessité » d'une « restriction » destinée à protéger contre ce genre de publications les personnes dont les sentiments et les convictions les plus profonds en seraient gravement offensés (Wingrove précité, pp. 1957-1958, § 58).
La Cour observe par conséquent que c'est cette marge d'appréciation qui distingue la présente espèce de l'affaire VgT Verein gegen Tierfabriken précitée. Dans cette dernière, elle a estimé que la publicité interdite concernait une question d'intérêt général, pour laquelle une faible marge d'appréciation s'appliquait.
68.  C'est à la Cour européenne de statuer en dernier lieu sur la compatibilité de la restriction avec la Convention et elle le fait en appréciant, dans les circonstances de la cause, notamment, si l'ingérence correspond à un « besoin social impérieux » et si elle est « proportionnée au but légitime visé ». En effet, un tel contrôle peut être considéré d'autant plus nécessaire que la notion de respect des convictions religieuses d'autrui est assez vague et que des risques d'ingérence excessive dans la liberté d'expression sous le couvert de mesures prises contre des éléments prétendument offensants existent. A cet égard, la portée de la restriction prévue par la loi importe particulièrement. Il s'agit donc pour la Cour, en l'espèce, de déterminer si les motifs invoqués par les autorités internes pour justifier les mesures attentatoires à la liberté d'expression du requérant étaient « pertinents et suffisants » aux fins de l'article 10 § 2 de la Convention (Wingrove précité, pp. 1956 et 1957-1958, §§ 53 et 58-59).
69.  La Cour rappelle en outre que l'impact potentiel du moyen d'expression concerné doit être pris en considération dans l'examen de la proportionnalité de l'ingérence. La Cour a expliqué qu'il faut tenir compte du fait que les médias audiovisuels ont des effets beaucoup plus immédiats et puissants que la presse écrite (Jersild c. Danemark, arrêt du 23 septembre 1994, série A no 298, pp. 23-24, § 31).
b)  Application de ces principes en l'espèce
70.  Tout d'abord, la Cour note que la nature et le but du message contenu dans l'annonce en question permettent de le qualifier de religieux, par opposition à commercial, même si le requérant a acheté le temps de diffusion nécessaire (Barthold c. Allemagne, arrêt du 25 mars 1985, série A no 90, p. 26, § 58).
71.  Le principal facteur qui justifiait, selon le Gouvernement, l'interdiction incriminée résidait dans les sensibilités religieuses propres à la société irlandaise, qui seraient telles que la diffusion de toute annonce à caractère religieux pourrait être considérée comme offensante. Le requérant reconnaît que l'article 10 autorise des restrictions à l'égard de messages à caractère religieux qui heurteraient les sensibilités religieuses d'autrui mais il estime que la Convention ne protège pas un individu de l'expression d'un point de vue religieux au simple prétexte qu'il différerait du sien ; et il relève à cet égard que son annonce était totalement inoffensive et n'avait absolument rien qui pût heurter. En tout état de cause, il conteste l'appréciation faite par le Gouvernement de l'état actuel des sensibilités religieuses en Irlande.
72.  La Cour convient que, eu égard au pluralisme, à la tolérance et à l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de société démocratique (Handyside précité, p. 23, § 49), l'article 10 n'implique pas qu'un individu doive être à l'abri de l'expression de points de vue religieux pour la simple raison qu'ils sont différents des siens. Elle observe néanmoins qu'on ne saurait exclure qu'un message, qui n'est à première vue pas offensant, puisse, dans certaines conditions, se révéler tel. La question qui se pose à elle est donc de savoir si une interdiction d'un certain type (annonce) d'expression (religieuse) par un média donné (l'audiovisuel) est justifiée dans les circonstances particulières de l'affaire.
73.  En ce qui concerne les sensibilités religieuses propres à l'Irlande, que le Gouvernement invoque, la Cour relève que le ministre estima, lors du débat sur l'introduction de l'article 20 § 4 de la loi de 1960, que l'effet potentiel de cette disposition à l'égard des sensibilités religieuses justifiait que l'on se montrât prudent dans le domaine de la diffusion d'annonces à caractère religieux ; il établit une distinction entre le temps publicitaire acheté et la programmation (paragraphe 22 ci-dessus). L'article 20 § 4 fut ensuite appliqué aux sociétés de diffusion indépendantes à travers l'article 10 § 3 de la loi de 1988, la disposition ici en cause. La Cour note que, lors du débat approfondi qui a eu lieu en avril 1999 sur la proposition d'assouplissement de l'article 10 § 3, le ministre expliqua longuement que la question de la diffusion d'annonces à caractère religieux en Irlande était extrêmement sensible et qu'il fallait donc envisager toute proposition d'amendement de l'article 10 § 3 avec prudence, dans le cadre d'un examen complet des questions en jeu et des solutions possibles (paragraphes 27-28 ci-dessus).
De plus, les juridictions nationales ont dit qu'il était justifié que le Gouvernement se montrât prudent dans ce domaine. La High Court en particulier a été d'avis qu'il fallait tenir compte du fait que la religion avait été un facteur de division en Irlande du Nord. Elle a estimé de surcroît que les Irlandais ayant des convictions religieuses appartenaient en général à une Eglise particulière, de sorte qu'une annonce à caractère religieux provenant d'une autre Eglise pouvait être tenue pour offensante et comprise comme du prosélytisme. D'ailleurs, la High Court a précisé que c'était le fait même qu'une annonce avait une fin religieuse qui pouvait être perçu comme potentiellement offensant pour le public. La Cour suprême a également insisté sur la circonstance que les trois domaines sur lesquels portait l'article 10 § 3 de la loi de 1988 avaient été « de graves facteurs de division extrême dans la société irlandaise » par le passé ; elle a aussi convenu que le gouvernement pouvait légitimement penser que les citoyens irlandais seraient mécontents de voir des annonces portant sur de tels sujets diffusées chez eux et considérer que de telles annonces pourraient provoquer des troubles.
74.  La Cour observe aussi que la disposition incriminée était conçue pour répondre à ces préoccupations spécifiques, auxquelles, du reste, elle se bornait, et que les limites de l'interdiction doivent être fortement prises en compte dans l'appréciation de sa proportionnalité (paragraphe 68 ci-dessus).
L'interdiction concernait seulement les médias audiovisuels. La Cour considère qu'il était légitime que l'Etat se méfiât particulièrement des risques d'offense existant dans le contexte de l'audiovisuel, puisque, selon elle (paragraphe 69 ci-dessus) – et le requérant l'admet –, ces médias ont un effet plus immédiat, envahissant et puissant, y compris, comme le Gouvernement et la High Court l'ont relevé, à l'égard du destinataire passif de l'information. Le requérant était donc libre de publier la même annonce dans la presse écrite locale ou nationale, ou à l'occasion de réunions publiques et autres.
En outre, l'interdiction ne concernait que la publicité. La Cour est d'avis que l'Etat, par cette limitation, opère une distinction raisonnable entre, d'une part, le fait d'acheter du temps de diffusion à des fins publicitaires et, d'autre part, la présentation de sujets religieux dans les programmes (documentaires, débats, films, discussions et retransmissions en direct d'événements et de manifestations religieux). Une émission ordinaire n'est pas diffusée parce que du temps d'antenne a été acheté et, comme le précise le Gouvernement, elle doit être impartiale, neutre et équilibrée, obligation dont les parties ne contestent pas la valeur objective. Le requérant conservait le même droit que tous les autres citoyens de participer à des programmes portant sur des sujets religieux et de demander que les services célébrés dans son Eglise fussent diffusés à la radio ou à la télévision. La publicité a pour sa part en général un objectif nettement partial : elle ne peut donc être, et n'est pas, soumise à ce principe d'impartialité et le fait que le temps de diffusion d'une publicité soit acheté favoriserait une plus grande utilisation de cette prestation par les groupes religieux dotés de ressources plus importantes.
Par conséquent, mis à part l'interdiction de publier une annonce à la radio ou à la télévision, la liberté d'expression religieuse du requérant n'a pas été limitée.
75.  Compte tenu de ces éléments, la Cour estime que des raisons très « pertinentes » justifiaient l'interdiction par l'Etat irlandais de la diffusion d'annonces à caractère religieux.
76.  Le requérant soutient toutefois par ailleurs que ces raisons n'étaient pas « suffisantes » et, en particulier, que l'Etat aurait pu atteindre ses buts par une interdiction plus limitée, notamment qu'il aurait dû faire plus qu'assouplir légèrement l'interdiction énoncée par l'article 65 de la loi de 2001. La Cour est cependant convaincue par l'argument du Gouvernement selon lequel un assouplissement partiel de l'interdiction incriminée, ou la levée complète de celle-ci, s'accorderait mal avec la nature et l'intensité des sensibilités religieuses décrites plus haut, ainsi qu'avec le principe de neutralité qui s'applique aux médias audiovisuels.
77.  Premièrement, la Cour admet qu'une disposition qui autoriserait une religion, mais pas une autre, à diffuser des annonces serait difficilement justifiable et qu'une disposition qui autoriserait l'Etat, ou tout organisme désigné par lui, à filtrer, au cas par cas, les annonces à caractère religieux inacceptables ou excessives serait difficile à appliquer équitablement, objectivement et de manière cohérente (United Christian Broadcasters Ltd, précité). Dans ce contexte, l'argument du Gouvernement selon lequel l'exclusion de tous les groupes religieux de la diffusion d'annonces dans l'audiovisuel génère moins de problèmes que le filtrage, par le nombre et le contenu, d'annonces provenant de ces groupes a un certain poids.
Le requérant laisse entendre qu'un tel filtrage existe déjà dans l'application du principe de neutralité aux émissions et à leur programmation. Néanmoins, et comme la Cour l'a expliqué plus haut, la publicité et la programmation ayant une nature distincte, les mécanismes de réglementation appliqués à la seconde ne sont pas directement applicables à la première. L'intéressé invoque également le fait que les publicités (autres que celles interdites par la disposition incriminée) sont déjà soumises aux normes régissant ce secteur. La Cour n'est toutefois pas d'avis que l'on ait affaire aux mêmes sensibilités du public et aux mêmes problèmes de neutralité dans le cas des annonces à caractère religieux et dans le cas des publicités portant par exemple sur des services commerciaux, des marchandises ou autres produits.
78.  Deuxièmement, l'Etat peut raisonnablement considérer qu'une liberté, même restreinte, de diffuser des annonces favoriserait probablement une religion dominante au détriment des religions qui rassemblent nettement moins d'adeptes et de ressources. Un tel résultat serait contraire à la neutralité recherchée dans l'audiovisuel et particulièrement à l'objectif consistant à placer toutes les religions sur un pied d'égalité dans le média considéré comme le plus efficace.
79.  Troisièmement, le requérant ne conteste pas la préoccupation exprimée par le Gouvernement selon laquelle autoriser, de façon limitée, des annonces à caractère religieux aurait des conséquences inégales à l'égard des sociétés de diffusion nationales et des sociétés de diffusion indépendantes.
80.  Quatrièmement, si à la suite des faits de l'espèce l'Etat a, par le biais de l'article 65 de la loi de 2001, assoupli l'article 10 § 3 de la loi de 1988, les observations formulées par le ministre en avril 1999 et le caractère restreint de l'amendement de 2001 n'affaiblissent pas, mais au contraire confirment l'appréciation que l'Etat a portée en 1988 sur les sensibilités religieuses en Irlande et la manière dont il a perçu la situation, à savoir qu'il fallait réfléchir pleinement et avec prudence à toute modification éventuelle de la législation, y compris un assouplissement des dispositions de l'article 10 § 3 de la loi de 1988. Par ailleurs, l'appréciation prévue par l'article 65 de la loi de 2001, consistant à déterminer si l'annonce se limite à informer le public du fait qu'une publication religieuse est en vente ou qu'une manifestation religieuse va avoir lieu, a clairement été retenue pour son caractère relativement objectif, qui devait permettre de ne pas susciter de controverses.
81.  Enfin, pour ce qui est des arguments des parties concernant l'existence dans d'autres pays d'interdictions analogues de la diffusion d'annonces à caractère religieux, la Cour constate qu'il ne se dégage apparemment pas de consensus clair entre les Etats contractants sur la manière dont il faut réglementer la diffusion de telles annonces. Certains Etats (comme la Grèce, la Suisse et le Portugal) formulent des interdictions semblables, d'autres (par exemple l'Espagne ; voir également la directive du Conseil 89/552/CEE) interdisent les annonces à caractère religieux considérées comme offensantes, d'autres encore (les Pays-Bas) ne prévoient aucune restriction. Il n'existe apparemment pas de « conception uniforme des exigences afférentes à « la protection des droits d'autrui » dans le contexte de la réglementation de la diffusion des annonces à caractère religieux (paragraphe 67 ci-dessus).
82.  Dès lors, et compte tenu de la marge d'appréciation dont il bénéficie en la matière, la Cour estime que l'Etat a démontré l'existence de raisons « pertinentes et suffisantes » justifiant l'ingérence dans la liberté d'expression du requérant, au sens de l'article 10 de la Convention.
En conséquence, elle conclut qu'il n'y a pas eu violation de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 10 de la Convention, sur le terrain duquel le grief se prêtait le mieux à être examiné.
Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 10 juillet 2003, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Georg Ress   Greffier    Président
ARRÊT MURPHY c. IRLANDE
ARRÊT MURPHY c. IRLANDE 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 44179/98
Date de la décision : 10/07/2003
Type d'affaire : Arrêt (Au principal)
Type de recours : Non-violation de l'art. 10

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-1) LIBERTE DE COMMUNIQUER DES INFORMATIONS, (Art. 10-2) DEFENSE DE L'ORDRE, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 10-2) PROTECTION DES DROITS D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : MURPHY
Défendeurs : IRLANDE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2003-07-10;44179.98 ?
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