La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2004 | CEDH | N°45582/99

CEDH | AFFAIRE L. c. PAYS-BAS


DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE L. c. PAYS-BAS
(Requête no 45582/99)
ARRÊT
STRASBOURG
1er juin 2004
DÉFINITIF
01/09/2004
En l’affaire L. c. Pays-Bas,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    A.B. Baka,    C. Bîrsan,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mmes W. Thomassen,    A. Mularoni, juges,  et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11 mai 2004,
R

end l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45582/99...

DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE L. c. PAYS-BAS
(Requête no 45582/99)
ARRÊT
STRASBOURG
1er juin 2004
DÉFINITIF
01/09/2004
En l’affaire L. c. Pays-Bas,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    A.B. Baka,    C. Bîrsan,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mmes W. Thomassen,    A. Mularoni, juges,  et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11 mai 2004,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45582/99) dirigée contre le Royaume des Pays-Bas et dont un ressortissant néerlandais, M. L. (« le requérant »), a saisi la Cour le 2 décembre 1998 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant a été représenté par Me E.J. Moree, avocate inscrite au barreau de La Haye. Le gouvernement néerlandais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme J. Schukking, du ministère néerlandais des Affaires étrangères.
3.  Dans sa requête, M. L. se plaignait de s’être vu opposer un refus à sa demande d’obtention d’un droit de visite à l’égard de sa fille, née hors mariage. Il y voyait une violation de son droit au respect de sa vie familiale, au sens de l’article 8 de la Convention. Il se plaignait également, sur le terrain de l’article 14, d’avoir fait l’objet d’un traitement discriminatoire à cet égard.
4.  La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci a alors été constituée, conformément à l’article 26 § 1 du règlement, la chambre appelée à en connaître (article 27 § 1 de la Convention).
5.  Par une décision du 30 septembre 2003, la chambre a déclaré la requête recevable.
6.  Seul le requérant a déposé des observations sur le fond (article 59 § 1 du règlement).
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
7.  Le requérant est né en 1975 et réside à Breda. Vers le milieu de l’année 1993, il commença une relation avec Mme B. Le 14 avril 1995, une fille prénommée A. naquit de cette relation.
8.  En application de l’article 1:287 § 1 du code civil (Burgerlijk Wetboek) tel qu’il était alors en vigueur, Mme B. fut nommée tutrice (voogdes) de A. Le 19 mai 1995, le juge cantonal (kantonrechter) d’Enschede nomma le requérant subrogé tuteur (toeziend voogd) de la fillette. Les fonctions de subrogé tuteur confiées au requérant prirent fin le 2 novembre 1995, date d’entrée en vigueur d’un amendement au code civil qui abolissait l’institution de la subrogée tutelle.
9.  Durant leur relation, le requérant et Mme B. ne cohabitaient pas formellement, mais le requérant rendait régulièrement visite à Mme B. et à A. A l’une ou l’autre reprise, il lui arriva également de s’occuper d’A. en l’absence de Mme B. Celle-ci le consultait parfois au sujet des problèmes d’audition de leur fille. Le requérant ne procéda pas à la reconnaissance (erkenning) formelle d’A. car Mme B. lui refusait l’autorisation nécessaire à cet égard, sa famille à elle étant opposée à semblable reconnaissance. Le requérant aurait pu solliciter du juge l’autorisation de reconnaître A. (paragraphe 17 ci-dessous), mais il n’usa pas de cette possibilité, estimant que pareille tentative de sa part n’aurait guère de chances d’aboutir. De surcroît, il préférait respecter la position adoptée par Mme B. et sa famille et maintenir les liens familiaux de fait qu’il entretenait avec sa fille, plutôt que d’établir des liens juridiques formels avec elle.
10.  En août 1996, la relation entre le requérant et Mme B. prit fin. Le 23 janvier 1997, M. L. invita le tribunal d’arrondissement (arrondissementsrechtbank) d’Almelo à lui accorder un droit de visite à l’égard d’A. à raison d’un week-end tous les quinze jours et de quelques semaines pendant les périodes de vacances. Dans le cadre de cette procédure, Mme B. soutint à titre principal que la demande du requérant devait être déclarée irrecevable au motif qu’il n’y avait jamais eu entre lui et A. une vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention et que, à supposer que pareille vie familiale eût existé, elle avait pris fin en même temps que la relation entre Mme B. et le requérant. A titre subsidiaire, elle plaida que l’octroi d’un droit de visite au requérant ne serait pas dans l’intérêt d’A. Elle affirma par ailleurs que le requérant s’était mal comporté envers elle (violences et abus financiers) et qu’il avait montré peu d’intérêt pour sa fille. Elle ajouta enfin qu’A. avait des problèmes d’audition qui nécessitaient une attention particulière dont elle estimait le requérant incapable.
11.  Par une décision du 26 février 1997, le tribunal d’arrondissement d’Almelo admit l’existence d’une vie familiale, au sens de l’article 8 de la Convention, entre le requérant et A. et considéra que cette vie familiale n’avait pas cessé d’exister avec la rupture entre le requérant et Mme B. Il déclara donc la demande du requérant recevable. Par contre, eu égard aux difficultés entre le requérant et Mme B., il décida de charger le Conseil de la protection de l’enfance (Raad voor de Kinderbescherming) de mener une enquête et de lui faire rapport sur la possibilité pratique de mettre en œuvre un droit de visite.
12.  Mme B. se pourvut devant la cour d’appel (gerechtshof) d’Arnhem. Par un arrêt du 16 septembre 1997, celle-ci annula la décision du 26 février 1997 et déclara la demande du requérant irrecevable. Elle s’exprima notamment comme suit :
« 3.1  De la relation entre les parties (qui dura du milieu de l’année 1993 au mois d’août 1996) est née A. M. L. est le père biologique de l’enfant. Il ne l’a pas reconnue. En application de la loi, c’est la mère qui détient l’autorité parentale sur A.
4.5  Outre ce qui se trouve énoncé sous le point 3.1 ci-dessus, les éléments suivants, avancés par une partie et non contestés, ou du moins pas suffisamment contestés, par l’autre, ont été établis ou considérés comme plausibles.
Le père était présent à la naissance d’A. Il n’a jamais été formellement enregistré à l’adresse de la mère, mais (jusqu’en août 1996) il a régulièrement rendu visite à celle-ci. Il lui est également arrivé quelques fois [enkele malen] de changer A., et l’une ou l’autre fois [een enkele keer] de la garder en l’absence de la mère, mais cela ne s’est pas reproduit depuis août 1996. Par ailleurs, la mère s’est entretenue à plusieurs reprises [verschillende keren] au téléphone avec le père au sujet (des problèmes d’audition) d’A.
4.6  A la lumière des faits et circonstances décrits ci-dessus, la cour d’appel estime qu’il n’a pas été suffisamment établi que le père entretient une relation personnelle étroite avec l’enfant – qui à l’époque de la rupture entre les parties était âgée d’un an – ou qu’il existe entre lui et l’enfant un lien pouvant s’analyser en une « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention. Les autres éléments invoqués par le père à l’appui de son allégation selon laquelle il entretient une relation personnelle étroite avec l’enfant n’ont pas été établis, contrairement aux dénégations de la mère, qui ont elles été étayées par des éléments concrets. La terminologie utilisée par la mère dans le cadre de la procédure (elle a parlé d’une « relation ayant duré jusqu’en octobre 1996 » et de son « ex-partenaire ») ne saurait, ni en elle-même ni rapportée aux circonstances décrites ci-dessus, mener à une conclusion différente.
5.1  Se fondant sur les considérations qui précèdent, la cour d’appel annule la décision attaquée et déclare la demande du père irrecevable. »
13.  Le requérant saisit ultérieurement la Cour de cassation (Hoge Raad) d’un pourvoi, dont il fut débouté le 5 juin 1998. La Cour de cassation rejeta son argument selon lequel la simple existence d’un lien biologique entre lui-même et A. suffisait à entraîner la protection de l’article 8 de la Convention. Elle jugea que la notion de « vie familiale » au sens de l’article 8 impliquait l’existence de liens personnels venant s’ajouter à la paternité biologique. Concernant l’existence ou non de pareils liens personnels, elle souscrivit aux conclusions de la cour d’appel.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A.  La reconnaissance de paternité à l’époque pertinente
14.  Un enfant né hors mariage avait le statut d’enfant naturel de sa mère. Il devenait l’enfant naturel de son père si ce dernier le reconnaissait, le « père » étant réputé être l’homme ayant reconnu l’enfant, qu’il en fût ou non le père biologique (article 1:221 du code civil).
15.  Un enfant né hors mariage avait de plein droit des liens familiaux juridiquement reconnus (familierechtelijke betrekkingen) avec sa mère et les membres de la famille de celle-ci. Une reconnaissance de l’enfant par le père emportait création de liens familiaux juridiquement reconnus entre lui et l’enfant ainsi qu’entre l’enfant et les membres de la famille de son père (article 1:222 du code civil). A l’époque pertinente, le patronyme de pareil enfant était le patronyme du père si ce dernier avait reconnu l’enfant et le patronyme de la mère dans le cas contraire (article 1:5 § 2 du code civil).
16.  La reconnaissance d’un enfant pouvait se faire par le biais d’une inscription sur le certificat de naissance proprement dit ou par la voie d’un acte de reconnaissance séparé dressé à cette fin par l’officier de l’état civil ou un notaire (article 1:223 du code civil). Un acte de reconnaissance établi par le greffier était inscrit dans le registre des naissances (article 1:21 § 3 du code civil). A la demande d’une partie intéressée, le tribunal d’arrondissement pouvait ordonner l’inscription d’un acte dans les registres appropriés (article 1:29 § 1 du code civil).
17.  Une reconnaissance n’était pas valable si elle était faite sans le consentement préalable de la mère (article 1:224 § 1 d) du code civil). Toutefois, compte tenu du droit du père et de l’enfant au respect de leur « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention, la Cour de cassation interprétait ladite disposition de manière à ce que l’on pût passer outre, par la voie d’une autorisation judiciaire, au droit de veto effectif qu’elle donnait à la mère si celle-ci en abusait. Toutefois, pareille autorisation judiciaire ne pouvait être sollicitée que par un père biologique entretenant avec l’enfant une relation pouvant s’analyser en une « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention (Hoge Raad, 8 avril 1988, Nederlandse Jurisprudentie (NJ) 1989, no 170). Dans les cas où la mère élevait seule l’enfant, l’autorisation judiciaire sollicitée n’était donnée que si la mère n’avait pas un intérêt justifiant que soit protégé son refus d’accorder son autorisation (Hoge Raad, 22 février 1991, NJ 1991, no 376 ; et Hoge Raad, 17 décembre 1999, NJ 2000, no 121).
B.  La reconnaissance de paternité après le 1er avril 1998
18.  Le 1er avril 1998 est entré en vigueur un nouvel article 1:204 du code civil. Le texte en prévoit toujours la nécessité pour un homme désireux de reconnaître un enfant non encore âgé de seize ans d’obtenir au préalable l’autorisation écrite de la mère (article 1:204 § 1 c)). En cas de refus, l’autorisation de la mère peut être remplacée par une autorisation du tribunal d’arrondissement (article 1:204 § 3). Toutefois, l’homme qui sollicite pareille autorisation doit être le père biologique de l’enfant ; de surcroît, la reconnaissance ne doit pas nuire à la relation de la mère avec l’enfant, ni aux intérêts propres de l’enfant (ibidem). En outre, l’autorisation écrite de l’enfant est requise s’il a atteint l’âge de douze ans (article 1:204 § 1 d)).
19.  D’après la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l’article 1:204 § 3 du code civil, le juge saisi d’une demande d’autorisation doit mettre en balance les intérêts des personnes concernées et partir du principe que tant l’enfant que son père biologique ont droit à ce que leur relation soit considérée en droit comme constitutive de liens familiaux juridiquement reconnus (familierechtelijke betrekking). Il doit toutefois mettre en balance les intérêts du père à obtenir la reconnaissance et les intérêts de la mère et/ou de l’enfant à une non-reconnaissance. L’article 1:204 § 3 du code civil protège l’intérêt de la mère à avoir une relation sereine avec son enfant (Hoge Raad, 16 février 2001, Rechtspraak van de Week (Recueil de jurisprudence hebdomadaire) 1989, no 52).
20.  Le 1er avril 1998 a également été introduit dans le code civil un article 1:207 en vertu duquel un enfant peut demander au tribunal d’arrondissement de prononcer une déclaration judiciaire de paternité (gerechtelijke vaststelling van vaderschap) aux fins d’établissement d’un lien juridique entre lui et son père biologique. Pareille demande peut être introduite sans condition de délai.
C.  Obligations d’entretien
21.  En vertu de l’article 1:392 du code civil, les parents – c’est-à-dire les personnes ayant acquis cette qualité ipso jure ou au travers d’une reconnaissance, d’une déclaration judiciaire de paternité ou d’une adoption – sont tenus de pourvoir à l’entretien de leurs enfants mineurs. L’absence de reconnaissance d’un enfant ne dispense pas le père biologique de son obligation d’entretien envers l’enfant. En vertu de l’article 1:394 du code civil, le père biologique d’un enfant non reconnu reste tenu de verser des aliments à l’enfant jusqu’à la majorité de celui-ci. Jusqu’au 1er avril 1998, date à laquelle cette disposition a été amendée à la suite de l’introduction de la possibilité de solliciter une déclaration judiciaire de paternité, l’article 1:394 § 3 prévoyait que le père biologique putatif d’un enfant illégitime non reconnu était l’homme qui avait eu des rapports avec la mère entre le 307e et le 179e jour avant la naissance de l’enfant.
D.  Droits d’accès
22.  L’accès des parents à leurs enfants se trouve régi par les articles 1:377a-h du code civil.
23.  L’article 1:377a dispose en sa partie pertinente :
« 1.  L’enfant et le parent non titulaire de l’autorité parentale ont le droit d’entretenir des contacts l’un avec l’autre.
2.  A la demande de l’un des deux parents, le tribunal réglemente l’exercice du droit de visite pour une période définie ou indéfinie, ou refuse ce droit pour une période définie ou indéfinie.
3.  Le tribunal ne refuse le droit de visite que dans les cas suivants :
a)  s’il risque de porter gravement préjudice au développement psychologique ou physique de l’enfant ;
b)  si le parent est manifestement incapable ou doit manifestement être jugé incapable d’assumer son rôle à cet égard ;
c)  si lors de son audition l’enfant âgé de plus de douze ans a formulé des objections sérieuses à son encontre ;
d)  s’il risque de compromettre d’une autre manière les intérêts primordiaux [zwaarwegende belangen] de l’enfant. »
24.  L’article 1:377f du code civil dispose en sa partie pertinente :
« 1.  Sans préjudice des dispositions de l’article [1:]377a [du code civil], le juge peut, sur demande, établir un régime d’accès gouvernant les contacts entre l’enfant et la personne ayant avec lui des liens personnels étroits. Il peut rejeter la demande lorsque les intérêts de l’enfant le commandent ou lorsque l’enfant âgé d’au moins douze ans s’oppose à son acceptation. »
25.  D’après la jurisprudence de la Cour de cassation, la demande d’un père biologique souhaitant pouvoir entretenir des contacts avec un enfant non reconnu par lui doit être examinée au regard de l’article 1:377f et non au regard de l’article 1:377a du code civil, dans la mesure où il n’est pas un « parent » au sens de cette dernière disposition. Lorsque le père d’un enfant né hors mariage a reconnu l’enfant, sa demande d’accès doit être examinée au regard de l’article 1:377a du code civil (Hoge Raad, 15 novembre 1996, NJ 1997, no 423 ; et Hoge Raad, 26 novembre 1999, NJ 2000, no 85).
26.  Dans plusieurs affaires où un père biologique réclamait un droit d’accès à son enfant au titre de l’article 8 de la Convention, la Cour de cassation a jugé que la simple paternité biologique ne suffisait pas en soi à établir l’existence d’une « vie familiale ». D’après la haute juridiction, pareille relation ne peut faire conclure à l’existence d’une « vie familiale » que lorsqu’elle s’appuie sur des éléments additionnels, tels l’entretien avec l’enfant de contacts réguliers permettant de considérer que le lien avec le père est constitutif d’une « vie familiale » (Hoge Raad, 26 janvier 1990, NJ 1990, no 630 ; Hoge Raad, 19 mai 2000, NJ 2000, no 545 ; et Hoge Raad, 29 septembre 2000, NJ 2000, no 654).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
27.  Le requérant voit dans le rejet de sa demande d’accès à sa fille née hors mariage une violation de ses droits résultant de l’article 8 de la Convention, dont la partie pertinente en l’espèce est ainsi libellée :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie (...) familiale (...)
2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A.  Arguments des parties
1.  Le requérant
28.  Invoquant les conclusions de la Cour sur l’existence d’une vie familiale aux fins de l’article 8 dans les affaires Boughanemi c. France (arrêt du 24 avril 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, pp. 607-608, § 35) et C. c. Belgique (arrêt du 7 août 1996, Recueil 1996-III, pp. 922-923, § 25), le requérant soutient que le seul facteur important pour la détermination de l’existence d’une « vie familiale » en l’espèce est le lien entre lui-même et A., qu’il estime déjà résulter du simple fait qu’il est le père biologique de l’enfant, sans qu’il faille rechercher des éléments additionnels propres à démontrer l’existence d’autres liens entre eux. D’après lui, une vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention existe ipso jure entre lui-même et A., du simple fait de sa paternité biologique.
29.  Le requérant fait observer de surcroît qu’il a été le subrogé tuteur d’A. jusqu’à l’abolition de la subrogée tutelle le 2 novembre 1995. Ni Mme B. ni la juridiction interne n’avaient formulé la moindre objection à l’époque de sa désignation. Il invoque à cet égard la jurisprudence de la Cour de cassation des Pays-Bas. D’après celle-ci, l’exercice par un subrogé tuteur de ses fonctions pouvait comporter l’établissement de contacts directs avec l’enfant mineur lorsque cela s’avérait nécessaire ou souhaitable (Hoge Raad, 22 février 1991, NJ 1992, no 23), les pouvoirs du subrogé tuteur n’étaient pas de nature purement formelle, et leur exercice n’était pas complètement détaché de l’enfant (Hoge Raad, 7 juin 1991, NJ 1992, no 25). Le requérant soutient qu’il ressortait clairement de diverses publications de savants auteurs que l’importance sociale du subrogé tuteur était plus grande que ne le laissaient supposer les obligations légales attachées à la subrogée tutelle.
30.  Quant à la question de savoir si la vie familiale entre lui et A. avait été détruite par les événements subséquents, le requérant considère que la période de cinq mois s’étant écoulée entre sa rupture avec la mère d’A. et l’introduction de sa demande d’accès ne suffit pas à faire conclure que son lien avec A. avait cessé d’exister. Aussi estime-t-il que la décision interne ayant déclaré irrecevable sa demande d’accès à A. a violé le droit au respect de sa vie familiale avec sa fille que lui garantissait l’article 8 de la Convention.
2.  Le Gouvernement
31.  Le Gouvernement soutient qu’en droit néerlandais un régime d’accès pouvait être aménagé au titre de l’article 1:377a (contacts entre l’enfant et un parent légal) ou de l’article 1:377f du code civil (contacts entre l’enfant et une tierce personne ayant un lien personnel étroit avec l’enfant). Le père biologique était considéré comme un parent légal s’il était marié avec la mère de l’enfant ou s’il avait reconnu l’enfant. Dans un tel cas, le lien juridique entre le père et l’enfant constituait ipso jure une vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention.
32.  Un père biologique qui n’avait pas de lien juridique avec son enfant pouvait néanmoins solliciter l’obtention d’un droit d’accès, mais pour que sa demande aboutisse il devait démontrer l’existence d’un lien personnel étroit entre lui et l’enfant. La notion de « lien personnel étroit » était interprétée par la jurisprudence interne – la décision rendue par la cour d’appel dans la présente affaire en fournit un exemple – comme un lien entre le père biologique et son enfant qui, sur la base d’éléments divers et suffisamment établis, pouvait passer pour constituer une « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention.
33.  Le Gouvernement estime que cette approche était en parfaite conformité avec la jurisprudence constante de la Cour relative à l’article 8, dont on ne pourrait déduire qu’un simple lien biologique suffise en soi à créer un lien s’analysant en une vie familiale aux fins de l’article 8. A cet égard, le Gouvernement renvoie à l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire K. et T. c. Finlande ([GC], no 25702/94, § 150, CEDH 2001-VII), dans lequel il a été réaffirmé que l’existence ou la non-existence d’une vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention constitue essentiellement une question de fait dépendant de la réalité pratique de liens personnels étroits. La question serait donc de savoir si le requérant a produit des éléments additionnels suffisamment établis pour rendre plausible son allégation selon laquelle le lien l’unissant à A. constituait une vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention.
34.  Sur la base des conclusions formulées par la cour d’appel dans sa décision du 16 septembre 1997, confirmée par la Cour de cassation le 5 juin 1998, le Gouvernement considère que le requérant est resté en défaut de produire de tels éléments. Il estime dès lors que le lien entre le requérant et A. ne peut être réputé constitutif d’une vie familiale aux fins de l’article 8 de la Convention. En conséquence, la décision attaquée ne saurait être regardée comme ayant porté atteinte aux droits garantis au requérant par ladite disposition.
B.  Appréciation de la Cour
35.  La Cour rappelle que la notion de « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention ne se borne pas aux seules relations fondées sur le mariage et peut englober d’autres liens « familiaux » factuels lorsque les parties cohabitent en dehors du mariage. Un enfant issu d’une telle relation s’insère de plein droit dans cette « cellule familiale » dès sa naissance et par le fait même de celle-ci. Il existe donc entre l’enfant et ses parents un lien constitutif d’une vie familiale (arrêts Keegan c. Irlande, 26 mai 1994, série A no 290, pp. 17-18, § 44, Elsholz c. Allemagne [GC], no 25735/94, § 43, CEDH 2000-VIII, et Yousef c. Pays-Bas, no 33711/96, § 51, CEDH 2002-VIII).
36.  Si en règle générale une cohabitation peut constituer une condition d’une telle relation, exceptionnellement d’autres facteurs peuvent aussi servir à démontrer qu’une relation a suffisamment de constance pour créer des « liens familiaux » de fait (Kroon et autres c. Pays-Bas, arrêt du 27 octobre 1994, série A no 297-C, pp. 55-56, § 30). L’existence ou l’absence d’une « vie familiale » est d’abord une question de fait dépendant de la réalité pratique de liens personnels étroits (K. et T. c. Finlande, précité, § 150). Lorsqu’elle concerne une relation qui pourrait se développer entre un enfant né hors mariage et son père naturel, les facteurs à prendre en compte comprennent la nature de la relation entre les parents naturels, ainsi que l’intérêt et l’attachement manifestés par le père naturel pour l’enfant avant et après la naissance (Nylund c. Finlande (déc.), no 27110/95, CEDH 1999-VI).
37.  Se tournant vers les circonstances de l’espèce, la Cour note que, à la différence de la situation qui caractérisait les affaires Sahin c. Allemagne ([GC], no 30943/96, § 12, CEDH 2003-VIII) et Sommerfeld c. Allemagne ([GC], no 31871/96, §§ 11-12, CEDH 2003-VIII), le requérant n’a jamais cherché à reconnaître sa fille et n’a jamais formé une « cellule familiale » avec A. et sa mère, puisqu’il n’a jamais cohabité avec elles. En conséquence, la question se pose de savoir s’il existe d’autres éléments propres à démontrer que la relation entre le requérant et A. a suffisamment de constance et de substance pour créer des « liens familiaux » factuels. A cet égard, la Cour ne partage pas l’avis du requérant selon lequel une simple parenté biologique dépourvue de tous éléments juridiques ou factuels indiquant l’existence d’une relation personnelle étroite doit être considérée comme suffisante pour entraîner la protection de l’article 8.
38.  En ce qui concerne la présente affaire, toutefois, la Cour note qu’A. est née d’une relation authentique, qui dura environ trois ans, entre le requérant et Mme B., et que jusqu’à l’abolition de la subrogée tutelle à une époque où A. était âgée d’environ sept mois, le requérant était le subrogé tuteur de sa fille. La Cour observe que la relation entre le requérant et Mme B. prit fin en août 1996, alors qu’A. était âgée d’environ seize mois.
39.  La Cour note de surcroît que si le requérant n’a jamais cohabité avec Mme B. et A. il était présent lors de la naissance de cette dernière, qu’à compter de cette naissance et jusqu’en août 1996, époque de sa rupture avec la mère d’A., il rendit visite à Mme B. et à A. à des intervalles réguliers quoique non précisés, qu’il lui est arrivé quelquefois de changer A. et l’une ou l’autre fois de la garder en l’absence de sa mère, et qu’à plusieurs reprises il s’entretint avec Mme B. au sujet des problèmes d’audition d’A.
40.  Dans ces conditions, la Cour conclut qu’au moment de la rupture entre lui et Mme B. il existait entre le requérant et A. – outre les liens du sang – certains liens suffisants pour entraîner la protection de l’article 8 de la Convention.
41.  En conséquence, la décision de la cour d’appel, telle que confirmée par la Cour de cassation, de ne pas examiner au fond la demande d’accès à A. formée par le requérant mais de la déclarer irrecevable au motif qu’il n’existait pas de vie familiale entre le requérant et sa fille a méconnu les droits du requérant résultant de l’article 8 de la Convention.
42.  Il en résulte qu’il y a eu violation de cette disposition.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION
43.  Invoquant l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8, le requérant se plaint d’avoir été victime d’un traitement discriminatoire dans la mesure où, lorsqu’ils ont examiné l’opportunité d’établir un régime d’accès, les tribunaux n’ont pas admis que son lien biologique avec A. était constitutif d’une « vie familiale », alors que l’existence d’une « vie familiale » est automatiquement présumée par les autorités judiciaires néerlandaises dans le cas d’un père biologique non marié ayant reconnu l’enfant.
L’article 14 de la Convention est ainsi libellé :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
44.  La Cour note qu’elle s’est déjà penchée, dans le cadre de son examen du grief tiré de l’article 8 de la Convention, sur les arguments soulevés par le requérant sur le terrain de l’article 14. Eu égard à sa conclusion sur lesdits griefs (paragraphe 37 ci-dessus), elle estime qu’il ne s’impose pas d’examiner la même question sous l’angle de l’article 14 de la Convention.
III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
45.  L’article 41 de la Convention est ainsi libellé :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
46.  Le requérant sollicite 10 000 euros (EUR) à titre de compensation pour le dommage moral lié à l’angoisse et à la détresse qu’il dit ressentir du fait de l’impossibilité dans laquelle il se trouve depuis 1996 d’entretenir des contacts avec sa fille et du fossé qui se creuse ainsi entre eux.
47.  Le Gouvernement considère qu’une somme globale de 5 000 EUR ferait l’affaire.
48.  La Cour estime que le requérant doit avoir éprouvé des sentiments de frustration, d’incertitude et d’angoisse que ne saurait compenser le seul constat d’une violation de la Convention. Statuant en équité comme le veut l’article 41, elle alloue à l’intéressé 5 000 EUR pour dommage moral.
B.  Frais et dépens
49.  Le requérant réclame 415,41 EUR pour ses frais et dépens devant les juridictions internes non couverts par la somme perçue par lui au titre du régime d’assistance judiciaire néerlandais. Pour les frais engagés dans la procédure suivie devant la Cour, il sollicite une somme de 4 903 EUR correspondant à 119 heures de travail juridique. Il explique qu’il s’est également vu octroyer le bénéfice de l’assistance judiciaire en vertu du droit néerlandais pour la procédure suivie devant la Cour, mais seulement à titre provisoire. Cela signifie que le Conseil de l’assistance judiciaire (Raad voor de Rechtsbijstand) ne prendra une décision définitive que lorsque la procédure devant la Cour aura pris fin. Ses revenus ayant entre-temps augmenté, le requérant estime qu’il est peu probable que le Conseil de l’assistance judiciaire néerlandais lui accorde en fin de compte l’assistance judiciaire pour la procédure suivie devant la Cour.
50.  Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas démontré qu’il ne remplit plus les conditions lui permettant d’obtenir l’assistance judiciaire en vertu du droit interne et que, par conséquent, il n’est pas certain que l’intéressé ne puisse bénéficier d’une assistance judiciaire complète ou partielle au titre du droit interne pour la procédure suivie devant la Cour. Il juge de surcroît excessive la demande de l’intéressé relative aux frais censés être résultés de la procédure suivie devant la Cour, dans la mesure où les questions soulevées dans cette procédure recouvrent largement celles déjà débattues devant les juridictions internes.
51.  D’après la jurisprudence constante de la Cour, la partie lésée qui souhaite se faire rembourser ses frais et dépens doit avoir engagé ceux-ci pour tenter de prévenir ou redresser une violation de la Convention, pour la faire établir par la Cour et pour en obtenir le redressement. Elle doit également démontrer que les frais ont réellement été exposés, qu’ils correspondaient à une nécessité et qu’ils sont raisonnables quant à leur taux (voir entre autres Wettstein c. Suisse, no 33958/96, § 56, CEDH 2000-XII).
52.  La Cour juge la demande du requérant relative à ses frais et dépens excessive. D’après la note d’honoraires produite, l’avocat de l’intéressé aurait travaillé un total de 119 heures sur l’affaire devant la Cour. Tenant compte de la nature de la cause et statuant en équité, la Cour alloue au requérant 2 500 EUR pour ses frais et dépens, somme dont il y aura lieu de déduire, le cas échéant, les montants versés au titre du régime néerlandais d’assistance judiciaire pour la procédure suivie devant la Cour.
C.  Intérêts moratoires
53.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.  Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
2.  Dit, à l’unanimité, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le grief tiré de l’article 14 de la Convention ;
3.  Dit, par six voix contre une,
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les montants suivants :
i.  5 000 EUR (cinq mille euros) pour dommage moral,
ii.  2 500 EUR (deux mille cinq cents euros) pour frais et dépens, moins tout montant qui pourrait être accordé au requérant au titre du régime néerlandais d’assistance judiciaire pour la procédure suivie devant la Cour,
iii.  tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur lesdites sommes ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 1er juin 2004, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
S. Dollé J.-P. Costa  Greffière Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion dissidente de Mme Mularoni.
J.-P.C.  S.D.
OPINION DISSIDENTE DE Mme LA JUGE MULARONI
(Traduction)
Je ne partage pas l’avis de la majorité selon lequel il y a eu violation de l’article 8 de la Convention en l’espèce.
La Cour juge que dès lors que le requérant n’a jamais cherché à reconnaître l’enfant et n’a jamais formé avec A. et sa mère une « cellule familiale », puisqu’il n’a jamais cohabité avec elles, la question se pose de savoir s’il existe d’autres éléments propres à démontrer que la relation entre le requérant et sa fille a suffisamment de constance et de substance pour créer des « liens familiaux » factuels, de simples liens du sang dépourvus de tous autres éléments juridiques ou factuels attestant de l’existence d’une relation personnelle étroite ne pouvant être considérés comme suffisants pour entraîner la protection de l’article 8 (paragraphe 37 de l’arrêt).
Sur ce point, je note qu’au cours de la procédure interne il a été établi que le requérant était présent lors de la naissance d’A., le 14 avril 1995, et qu’entre ce moment et août 1996, époque de la rupture entre lui et la mère d’A., l’intéressé ne s’est impliqué dans la vie de sa fille qu’en lui rendant visite à des intervalles réguliers quoique non précisés, en lui changeant quelquefois sa couche, en la gardant l’une ou l’autre fois en l’absence de sa mère et en s’entretenant à diverses reprises avec cette dernière au sujet des problèmes d’audition de l’enfant.
J’estime que, compte tenu de la nature et du degré des contacts entretenus par lui avec A., la décision litigieuse de déclarer irrecevable sa demande d’accès à sa fille au motif qu’il n’y avait aucune vie familiale entre eux ne révèle aucune apparence de violation de l’article 8 de la Convention.
ARRÊT L. c. PAYS-BAS
ARRÊT L. c. PAYS-BAS 


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 45582/99
Date de la décision : 01/06/2004
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 8 ; Non-lieu à examiner l'art. 14+8 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens

Parties
Demandeurs : L.
Défendeurs : PAYS-BAS

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2004-06-01;45582.99 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award