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01/02/2007 | CEDH | N°13729/03

CEDH | LAFONT c. FRANCE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 13729/03  présentée par Marie-Antoinette LAFONT  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 1er février 2007 en une chambre composée de :
MM. C.L. Rozakis, président,    L. Loucaides,    J.-P. Costa,   Mme N. Vajić,   M. A. Kovler,   Mme E. Steiner,   M. S.E. Jebens, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 17 avril 2003,
Vu la décision de la C

our de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et l...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 13729/03  présentée par Marie-Antoinette LAFONT  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 1er février 2007 en une chambre composée de :
MM. C.L. Rozakis, président,    L. Loucaides,    J.-P. Costa,   Mme N. Vajić,   M. A. Kovler,   Mme E. Steiner,   M. S.E. Jebens, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 17 avril 2003,
Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, Mme Marie-Antoinette Lafont, est une ressortissante française, née en 1929 et résidant à Moirax. Elle est représentée par Me Claude Garcia, avocat au barreau de Pau. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agente, Mme E. Belliard, Directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangèresX*. X*
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
1. La procédure civile
Par un acte notarié portant in fine la date du 8 avril 1964, les parents de la requérante firent donation à leur fils, à titre préciputaire et avec dispense de rapport en nature, de divers biens meubles et anciens mobiliers, d’un immeuble et d’un fond de commerce de boucherie-charcuterie situés à Dax. Le 21 mars 1974, les parents de la requérante, en présence de leurs deux enfants, passèrent devant notaire un acte aux termes duquel ils firent donation à leur fille de différents biens immobiliers sis à Anglet ; à la fin de l’acte était insérée une clause « d’abandonnement réciproque » qui précisait que les deux donataires reconnaissaient que la donation ne dépassait pas l’actif des droits du frère dont les parents avaient disposé jusqu’alors.
Par un jugement du 14 novembre 1979, le tribunal de grande instance de Dax, saisi par la requérante, déclara nulle et de nul effet la clause d’abandonnement réciproque, dit que les actes de donation-partage ne pouvaient être attaqués pour cause de lésion et qu’une action en réduction ne pouvait être engagée qu’après le décès du survivant des ascendants.
En 1987, à la suite du décès de ses parents, la requérante assigna son frère devant le tribunal de grande instance de Dax pour voir réduire les libéralités à lui consenties et faire procéder au partage de la succession. Dans ce contexte, une expertise, ordonnée en novembre 1987, n’aboutit point ; un second expert fut nommé le 30 novembre 1997 et rendit son rapport le 15 septembre 1998.
Le 11 décembre 1998, la requérante assigna de nouveau son frère devant la même juridiction ; elle estimait que le partage de la succession était inéquitable, qu’elle avait été lésée et demandait à ce que les donations consenties par ses parents à son frère soient annulées au motif que l’acte de donation-partage établi le 8 avril 1964 était raturé et comportait des annexes faisant état d’une autre date, à savoir le 8 mai 1964.
Par un jugement définitif du 29 septembre 1999, le tribunal, après s’être fait produire les originaux des actes notariés pertinents, dit que l’acte de donation du 8 mai 1964 était entaché d’une erreur purement matérielle, en ce qu’il portait in fine la date du 8 avril 1964, qui ne saurait à elle seule entacher de nullité les donations litigieuses ; il condamna néanmoins le frère de la requérante à lui payer 166 836 francs français (soit environ 25 000 euros) au titre de la réduction de certaines libéralités perçues.
2. La procédure consécutive au dépôt de la plainte avec constitution de partie civile
Le 20 février 2001, la requérante déposa une plainte avec constitution de partie civile contre son frère pour faux et usage, escroquerie au jugement et captation d’héritage, alléguant que l’acte du 8 mai 1964 était un faux.
Le 28 mai 2001, le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Dax, en charge du dossier, rendit une ordonnance de refus d’informer au motif que, eu égard au jugement du 20 septembre 1999 ayant constaté une simple erreur matérielle n’entachant en rien la validité de l’acte de donation, les faits dénoncés, à les supposer commis il y a vingt sept ans, ne pouvaient légalement comporter une poursuite ou, à les supposer démontrés, ne pouvaient recevoir aucune qualification pénale.
La requérante releva appel de cette décision, alléguant notamment le défaut d’impartialité du juge d’instruction ayant rendu l’ordonnance du 28 mai 2001 ; elle faisait valoir qu’ayant fait partie de la formation de jugement du 29 septembre 1999 en tant qu’assesseur, il ne pouvait valablement instruire sa plainte. Par un arrêt du 18 décembre 2001, la cour d’appel de Pau, réexaminant l’ensemble de l’affaire, confirma l’ordonnance litigieuse ; elle considéra que l’impartialité du juge d’instruction ne pouvait être mise en cause dans la mesure où sa présence dans la formation collégiale de jugement du 29 septembre 1999 était sans incidence sur la validité de l’acte de donation, ledit jugement bénéficiant en outre de l’autorité de la chose jugée.
Le 3 décembre 2002, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par la requérante, motif pris de ce que « la circonstance que le juge d’instruction ait fait partie antérieurement d’une juridiction collégiale appelée à statuer sur un litige civil opposant les mêmes parties, [n’était] pas contraire à l’exigence d’impartialité énoncée à l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme (...). »
B.  Le droit et la pratique internes pertinents
Plusieurs dispositions du droit interne régissant les incompatibilités et interdisant le cumul de fonctions, ont donné lieu à une jurisprudence de la Cour de cassation.
1. Les dispositions pertinentes du droit interne
a) Le code de procédure pénale
Article 49
(Ordonnance nº 2006-673 du 8 juin 2006 art. 8 Journal Officiel du 9 juin 2006)
« Le juge d’instruction est chargé de procéder aux informations (...).
Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge d’instruction.
Le juge d’instruction exerce ses fonctions au siège du tribunal de grande instance auquel il appartient. »
Article 137-1
Le juge des libertés et de la détention est un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du tribunal de grande instance. Lorsqu’il statue à l’issue d’un débat contradictoire, il est assisté d’un greffier. En cas d’empêchement du juge des libertés et de la détention désigné et d’empêchement du président ainsi que des premiers vice-présidents et des vice-présidents, le juge des libertés et de la détention est remplacé par le magistrat du siège le plus ancien dans le grade le plus élevé, désigné par le président du tribunal de grande instance. (...).
Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu. (...). »
Article 253
« Ne peuvent faire partie de la cour en qualité de président ou d’assesseur les magistrats qui, dans l’affaire soumise à la cour d’assises, ont, soit fait un acte de poursuite ou d’instruction, soit participé à l’arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l’accusé. »
b) Le code de l’organisation judiciaire
Article R721-1
« Les conjoints, les parents et alliés jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement, ne peuvent être simultanément membres d’un même tribunal ou d’une même cour en quelque qualité que ce soit, sauf dispense accordée par décret.
Aucune dispense ne peut être accordée lorsque la juridiction ne comprend qu’une chambre ou que l’un des conjoints, parents ou alliés au degré mentionné à l’alinéa précédent est le président de la juridiction ou le chef du parquet près celle-ci.
En aucun cas, même si la dispense est accordée, les conjoints, les parents ou alliés mentionnés à l’alinéa premier ne peuvent siéger dans une même cause. »
Article R721-3
« Tout magistrat dont un parent ou allié jusqu’au degré d’oncle ou de neveu est l’avocat ou l’avoué d’une partie en cause ne peut, à peine de nullité de l’arrêt ou du jugement, être appelé à composer la cour ou le tribunal. »
2. La jurisprudence
La Cour de cassation a rendu plusieurs décisions, au visa de l’article 6 § 1 de la Convention, sur l’exigence d’impartialité du juge et, notamment, sur l’incompatibilité dite horizontale des fonctions de jugement.
A cet égard, l’impartialité s’attache au magistrat quel qu’ait pu être son rôle, au civil ou au pénal : ne peut donc siéger dans une cour d’assises le magistrat qui, en qualité de juge civil, avait déjà porté, dans la procédure de divorce de l’accusé, une appréciation sur la culpabilité de celui-ci en se fondant, pour accueillir la demande de divorce, sur les faits de viol par ascendant énoncés dans l’arrêt de la chambre d’accusation renvoyant l’accusé devant la cour d’assises (Cass. crim., 16 octobre 1991, Bull. crim. 1991, no 351 et Cass. crim., 30 novembre 1994, Bull. crim. 1994, no 390). Ne peuvent faire partie de la chambre des appels correctionnels le magistrat qui, à l’occasion d’une instance civile, s’est déjà prononcé sur tout ou partie des faits qui ont justifié le renvoi du prévenu devant le juge pénal. Ainsi, il s’ensuit que le magistrat qui, à l’occasion d’une instance civile, a porté une appréciation sur la faute qu’un expert-comptable et un commissaire aux comptes ont pu commettre en ne signalant pas des anomalies affectant les comptes d’une société ne peut, sans méconnaître l’exigence d’impartialité, participer ensuite à la chambre correctionnelle qui, pour statuer sur une demande de dommages-intérêts formée par l’acquéreur de parts de ladite société, est amenée à se prononcer sur le point de savoir si la dissimulation, par le vendeur, des anomalies en question, a été corroborée par l’intervention de ces deux professionnels ; ceci implique qu’un même magistrat ne peut, sans méconnaître l’exigence d’impartialité, siéger au sein de la chambre correctionnelle appelée à se prononcer sur des faits qu’il a déjà connus sous leur aspect civil (Cass. crim. 5 novembre 2003, Bull. crim. 2003, no 210).
GRIEF
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint du manque d’impartialité du juge d’instruction. Elle estime que, ayant participé à la formation de jugement du 29 septembre 1999, ce magistrat ne pouvait connaître des mêmes faits et statuer de manière impartiale sur sa plainte avec constitution de partie civile.
EN DROIT
La requérante se plaint du manque d’impartialité du juge d’instruction. Elle estime que, ayant participé à la formation de jugement du 29 septembre 1999, ce magistrat ne pouvait connaître des mêmes faits et statuer de manière impartiale sur sa plainte avec constitution de partie civile. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
1. Thèse des parties
Le Gouvernement rappelle tout d’abord la jurisprudence de la Cour relative à l’applicabilité de l’article 6 de la Convention à une procédure consécutive au dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile. Constatant que la requérante a déposé sa plainte auprès du juge d’instruction aux fins notamment de demander réparation du préjudice qu’elle alléguait avoir subi, il considère, au vu notamment de l’arrêt Perez c. France (no 47287/99, [GC], CEDH 2004-I), que l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer en l’espèce.
Le Gouvernement cite ensuite la jurisprudence de la Cour relative à l’impartialité subjective et objective du « tribunal », laquelle démontre selon lui l’attachement de la Cour à une approche in concreto de l’impartialité, et souligne que l’exigence d’impartialité, composante du procès équitable, doit être analysée par rapport à la globalité de la procédure. Sur ce point, le Gouvernement relève que le grief n’est invoqué en l’espèce qu’en ce qui concerne le premier degré de juridiction, puisque le refus d’informer a fait l’objet d’un appel examiné par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Pau puis d’un pourvoi en cassation. L’appel étant dévolutif en droit français, la chambre de l’instruction, qui ne fit l’objet d’aucune allégation de partialité, a pu connaître de l’ensemble de l’objet de la procédure et des arguments de la requérante, pour conclure que les faits dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile ne pouvaient admettre aucune qualification pénale. Il estime dès lors que le procès considéré dans sa globalité a été impartial.
De surcroît, le Gouvernement considère que le grief, analysé sous l’angle de l’impartialité objective, est dénué de fondement. Il s’agit en effet de deux instances distinctes – l’une civile et l’autre pénale – examinant certes les mêmes éléments de fait mais portant sur des questions de droit différentes. En effet, le tribunal de grande instance examina la validité matérielle de l’acte de donation-partage, estimant que le problème de date invoqué par la requérante constituait une simple erreur matérielle, et se prononça sur le fond de l’affaire en fait et en droit, alors que le juge d’instruction, qui s’était fait communiquer tous les actes faisant l’objet de la plainte, constata que la requérante n’avançait aucun élément à l’appui de sa plainte autre que ce qui avait déjà fait l’objet d’un examen par le tribunal, que celui-ci avait constaté par un jugement définitif qu’il s’agissait d’une simple erreur matérielle et que ces mêmes faits ne pouvaient donc recevoir de qualification pénale. Le Gouvernement estime dès lors que le juge d’instruction n’a fait que tirer les conséquences juridiques du jugement du 29 septembre 1999.
La requérante considère que l’article 6 de la Convention s’applique à la procédure en cause. Elle rappelle ensuite qu’elle souhaitait, dans sa plainte avec constitution de partie civile, que le juge d’instruction ouvre une information judiciaire pour s’assurer de l’existence ou non de l’acte du 8 avril 1964. Elle soutient que ce magistrat, qui avait participé à la formation du jugement du 29 septembre 1999 du tribunal de grande instance de Dax, ne pouvait, sans partialité, ouvrir une enquête qui pouvait remettre en cause ce qui avait été jugé par ledit tribunal. Elle relève que ce juge lui a toujours opposé le jugement du 29 septembre 1999, et estime que si le magistrat instructeur n’avait pas eu de parti pris, une information aurait été ouverte, des renseignements auraient pu être pris, au moins auprès de l’étude du notaire afin de vérifier les dires de la requérante.
2. Appréciation de la Cour
A supposer que l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer, la Cour rappelle qu’il est fondamental que les tribunaux d’une société démocratique inspirent confiance aux justiciables. A cet effet, l’article 6 exige qu’un tribunal relevant de cette disposition soit impartial. L’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris. Son existence peut s’apprécier de diverses manières. La Cour distingue donc entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur ou quel était son intérêt dans une affaire particulière, et une démarche objective amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (Piersack c. Belgique, arrêt du 1er octobre 1982, série A no 53, § 30). Quant à la seconde démarche, elle conduit à se demander si, indépendamment de l’attitude personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à mettre en cause l’impartialité de ce dernier. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance (voir notamment Castillo Algar c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3116, § 45, et Morel c. France, no 34130/96, § 42, CEDH 2000-VI). Doit donc se récuser tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d’impartialité. Toutefois, pour se prononcer sur l’existence dans une affaire donnée d’une raison légitime de redouter d’un organe particulier un défaut d’impartialité, l’optique de celui qui met en doute l’impartialité entre en ligne de compte mais ne saurait jouer un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si l’on peut considérer les appréhensions de l’intéressé comme objectivement justifiées (Ferrantelli et Santangelo c. Italie, arrêt du 7 août 1996, Recueil 1996-III, pp. 951-952, § 58, et Kyprianou c. Chypre [GC], no 73797/01, CEDH 2005-...). En outre, le simple fait qu’un juge ait déjà pris des décisions avant le procès ne peut, en soi, justifier des appréhensions quant à son impartialité (voir, par exemple, Sainte-Marie c. France, arrêt du 16 décembre 1992, série A nº 253-A, § 32 et Garrido Guerrero c. Espagne (déc.), no 43715/98, CEDH 2000-III), et ce qui importe est la portée et la nature des mesures en question (Saraiva de Carvalho c. Portugal, arrêt du 22 avril 1994, série A nº 286-B, § 35).
Dans la présente affaire, le requérant fait grief au juge d’instruction de ne pas avoir pu statuer de manière impartiale dans la mesure où dans une affaire civile portant sur les mêmes faits et sur la même problématique – à savoir l’intégrité de l’acte de donation-partage du 8 avril 1964 – il fit partie de la formation du jugement du 29 septembre 1999 rendu par le tribunal de grande instance de Dax, lequel jugea que l’acte litigieux ne comportait qu’une erreur matérielle et était donc valide. Tel que le grief est articulé, la Cour estime que l’impartialité personnelle du juge d’instruction n’est pas ici mise en cause par la requérante, et en déduit que l’on se place sur le terrain de l’impartialité objective du juge.
Ceci exposé, la Cour constate que la présente situation concerne un magistrat ayant eu à juger d’une affaire sous un angle civil, puis à l’instruire dans le cadre d’une procédure pénale, les faits étant parfaitement identiques. Autrement dit, le juge d’instruction a eu à connaître successivement de deux affaires présentant des liens suffisamment étroits pour qu’une appréciation ait été portée dans l’une – la procédure pénale – sur des faits découverts ou établis dans l’autre – la procédure civile. Il en résulte que, aux yeux de la Cour, pareille situation était de nature, à n’en pas douter, à susciter chez l’intéressée des doutes objectivement justifiés sur l’impartialité du juge d’instruction.
Néanmoins, la Cour rappelle qu’aucune violation de l’article 6 § 1 de la Convention ne saurait être constituée si une décision de justice rendue contrairement aux prescriptions dudit article a été soumise au contrôle subséquent d’un organe judiciaire doté de la plénitude de juridiction et offrant toutes les garanties de cette disposition (voir sur ce point mutatis mutandis Albert et Le Compte c. Belgique, 10 février 1983, série A no 58, p. 16, § 29 ; voir en particulier, a contrario, De Haan c. Pays-Bas, arrêt du 26 août 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, § 52-55, et Kyprianou c. Chypre, no 73797/01, § 43-46, 27 janvier 2004, confirmé par Kyprianou c. Chypre, [GC], 73797/01, § 134-135, 15 décembre 2005).
Or, en l’espèce, l’ordonnance du 28 mai 2001 a été soumise au contrôle de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dax laquelle, d’une part, est un organe judiciaire jouissant de la compétence de pleine juridiction et, d’autre part, ne fit l’objet d’aucune allégation de partialité de la part de la requérante. Autrement dit, dans le cadre de l’examen de sa cause en appel, la requérante a pu librement et utilement faire valoir l’ensemble de ses arguments sans nourrir de doutes quant à l’impartialité de la juridiction d’appel.
Dans ces conditions, la Cour estime, au vu de la globalité de la procédure, que le défaut d’impartialité du juge d’instruction en première instance a été en tout état de cause remédié en appel par le contrôle, en fait et en droit, effectué par ladite chambre de l’instruction dont l’impartialité n’a jamais été mise en cause (voir, mutatis mutandis, Grzibek et Thieman c. Espagne, no 22615/93, décision de la Commission européenne des Droits de l’Homme du 30 novembre 1994). Par ailleurs, la Cour estime que le grief de la requérante relatif à l’absence d’acte de procédure diligenté par le magistrat instructeur est sans fondement, et ne révèle aucune apparence de violation de l’article 6 §1 de la Convention.
Il s’ensuit que la requête est manifestement mal fondée, et doit être rejetée, par application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. Il convient, dès lors, de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Søren Nielsen Christos Rozakis   Greffier Président
DÉCISION LAFONT c. FRANCE
DÉCISION LAFONT c. FRANCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 13729/03
Date de la décision : 01/02/2007
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 et P1-1

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI, (Art. 10-2) PROTECTION DES DROITS D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : LAFONT
Défendeurs : FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2007-02-01;13729.03 ?

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