La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2007 | CEDH | N°71525/01

CEDH | AFFAIRE DUMITRU POPESCU c. ROUMANIE (N° 2)


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE DUMITRU POPESCU c. ROUMANIE (No 2)
(Requête no 71525/01)
ARRÊT
STRASBOURG
26 avril 2007
DÉFINITIF
26/07/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Dumitru Popescu c. Roumanie (no 2),
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,    C. Bîrsan,   Mme E. Fura-Sandström,   MM. E

. Myjer,    David Thór Björgvinsson,   Mmes I. Ziemele,    I. Berro-Lefèvre, juges,  et de M. S. Quesada, gr...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE DUMITRU POPESCU c. ROUMANIE (No 2)
(Requête no 71525/01)
ARRÊT
STRASBOURG
26 avril 2007
DÉFINITIF
26/07/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Dumitru Popescu c. Roumanie (no 2),
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,    C. Bîrsan,   Mme E. Fura-Sandström,   MM. E. Myjer,    David Thór Björgvinsson,   Mmes I. Ziemele,    I. Berro-Lefèvre, juges,  et de M. S. Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 29 mars 2007,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 71525/01) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Dumitru Popescu (« le requérant »), a saisi la Cour le 22 juin 2001 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par Me I. Olteanu, avocat à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agente, Mme Beatrice Rămăşcanu, du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le requérant alléguait en particulier une atteinte injustifiée au droit au respect de sa vie privée et familiale ainsi qu'une méconnaissance du droit à un procès équitable en raison de l'interception de ses communications téléphoniques par les autorités et de l'utilisation de leur transcription comme preuve au procès pénal dirigé contre lui.
4.  Par une décision du 22 septembre 2005, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.
5.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites complémentaires (article 59 § 1 du règlement).
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
6.  Le requérant est né en 1964 et réside à Bucarest. Il est actuellement détenu au centre pénitentiaire de Rahova.
A.  L'interpellation du requérant, sa mise en détention provisoire et les premières prolongations de sa détention
7.  Le 23 avril 1998, le requérant fut appréhendé par des policiers du poste de police de Baia Mare. Il était soupçonné d'avoir participé aux événements qui s'étaient déroulés dans la nuit du 16 au 17 avril 1998 sur l'aéroport militaire d'Otopeni, où une grande quantité de cigarettes avait été déchargée d'un avion immatriculé en Ukraine et introduite illégalement sur le territoire roumain.
8.  Le 29 avril 1998, le procureur A.D. plaça le requérant en détention provisoire pour un délai de trente jours, en application de l'article 148 h) du code de procédure pénale (ci-après « le CPP »). Dans l'ordonnance de mise en détention, il fit valoir que le requérant était soupçonné de contrebande et d'association de malfaiteurs, infractions respectivement punies par l'article 323 du code pénal et les articles 175 et 179 combinés de la loi no 141/1997, et pour lesquelles le requérant encourait une peine de cinq à quinze ans d'emprisonnement. Il releva ensuite que le maintien en liberté du requérant présenterait un danger pour l'ordre public.
9.  Le 29 avril 1998, le requérant fut incarcéré à la maison d'arrêt du parquet près le tribunal de Bucarest. A la demande du parquet, le tribunal militaire territorial prolongea ensuite la durée de la détention provisoire pour des durées successives comprises entre dix-huit et trente jours au motif que le maintien en détention était nécessaire en raison du manque de sincérité de l'intéressé, de la complexité et de l'ampleur de la cause et des implications de celle-ci au niveau national.
10.  Par un arrêt définitif du 28 juillet 1998, la cour militaire d'appel ordonna la remise en liberté de l'intéressé au motif que les raisons qui avaient auparavant justifié sa détention n'existaient plus.
11.  Le 28 juillet 1998, le requérant fut remis en liberté.
B.  Le renvoi en jugement du requérant
12.  Par un réquisitoire du 23 juillet 1998, le requérant et dix-huit autres inculpés furent traduits par le parquet devant le tribunal militaire territorial de Bucarest pour association de malfaiteurs et contrebande, infractions respectivement punies par l'article 323 du code pénal et par les articles 175 et 179 combinés de la loi no 141/1997.
13.  Selon le parquet, les faits s'étaient déroulés de la manière suivante. En janvier 1998, le requérant et trois autres coïnculpés, dont le colonel T. du ministère de l'Intérieur et le commandant S.I. de la base aérienne de l'aéroport d'Otopeni, s'étaient rencontrés à plusieurs reprises et avaient élaboré une stratégie leur permettant d'introduire illégalement dans le pays une grande quantité de cigarettes et de tirer profit de la commercialisation de la marchandise.
14.  Ils s'étaient partagé les tâches en fonction de leurs compétences et de leurs fonctions. Ainsi, le requérant, actionnaire majoritaire d'une société d'affrètement d'avions, devait organiser le transport de la marchandise de telle manière que les autorités n'en connaissent pas la vraie nature et la destination. Son complice N.I. était chargé de financer l'opération, de fournir la main-d'œuvre pour les opérations de chargement et de déchargement sur l'aéroport et d'organiser les réseaux de distribution sur le territoire roumain. Le colonel T., compte tenu de ses fonctions au sein du ministère de l'Intérieur, était chargé de la protection de la marchandise après l'atterrissage des avions sur l'aéroport militaire d'Otopeni. A ce titre, il devait empêcher les autorités compétentes d'en vérifier la provenance et la destination, et donner à l'opération l'apparence d'un transport spécial autorisé par l'Etat. L'inculpé S.I., commandant de la base aérienne, devait faciliter l'accès dans l'enceinte de l'aéroport militaire des camions et de la main-d'œuvre nécessaire au chargement et au déchargement de la marchandise.
15.  Pour atteindre leurs objectifs, le requérant et les trois autres inculpés, qui formaient le noyau de l'opération, avaient coopté quinze autres personnes, dont un inspecteur de l'autorité aéronautique civile et des contrôleurs du trafic aérien de l'aéroport militaire d'Otopeni.
Suivant le plan préétabli, le requérant avait conclu en mars 1998 un contrat avec la compagnie bulgare Air Sofia, par lequel il avait affrété un avion, prétendument pour le compte d'une société ayant son siège en Bulgarie. Contrairement aux termes du contrat, l'avion affrété avait atterri pendant la nuit du 23 au 24 mars 1998 sur l'aéroport Otopeni de Bucarest. Le commandant S.I. avait demandé à un autre complice, commandant adjoint de l'aéroport civil d'Otopeni, de diriger l'avion sur la plate-forme destinée aux autorités militaires. Un autre complice, contrôleur aérien, avait donné l'autorisation de survol et d'atterrissage. Lorsque l'avion avait enfin été garé sur la piste de l'aéroport militaire d'Otopeni, le requérant et ses complices s'étaient rendus à l'avion. S.I. ordonna alors à la sentinelle qui gardait un portail d'entrée dans l'aéroport de laisser libre passage aux camions qui s'y étaient présentés en vue du déchargement de la marchandise. Lorsque toutes les cigarettes furent chargées dans ces camions, le convoi, précédé par les véhicules des inculpés, sortit par le même portail, ouvert à nouveau sur ordre de S.I. La marchandise fut acheminée dans des dépôts situés dans la banlieue de Bucarest, d'où elle fut distribuée à plusieurs réseaux de commercialisation.
16.  La réussite de l'opération, telle qu'elle avait été mise au point préalablement, avait décidé les inculpés à réitérer l'expérience dans les mêmes conditions pendant la nuit du 16 au 17 avril 1998.
17.  Selon le parquet, pendant toute la période de ces opérations, les inculpés avaient été en contact téléphonique par les réseaux de téléphone mobile, comme le prouvait la liste des communications téléphoniques entre eux à l'époque des faits litigieux, liste qu'avaient dressée les services spéciaux et que le parquet annexa à son réquisitoire à titre de preuve à charge. Le parquet ne fonda pas son réquisitoire sur d'éventuelles écoutes opérées sur les postes téléphoniques du requérant.
C.  La procédure devant le tribunal militaire territorial de Bucarest
18.  Le 15 juin 1998, lors de la première audience publique du tribunal militaire territorial de Bucarest, présidé par le juge N.N., le requérant sollicita la récusation de N.N. au motif qu'il avait fait partie de la formation de jugement qui s'était prononcée, le 23 mai 1998, sur la demande du parquet de prolongation de sa détention provisoire. Le même jour, sa demande fut accueillie.
19.  D'autres audiences publiques eurent lieu les 5 août, 1er, 28 et 29 septembre, 5, 7, 13 et 21 octobre, 30 novembre, 11 et 16 décembre 1998, 19 et 26 janvier et 5, 9 et 15 février 1999. Le requérant s'y rendit, assisté par l'avocat M., qui l'avait également représenté lors des poursuites pénales. Lors de ces audiences, les avocats des coïnculpés demandèrent la production devant le tribunal de la transcription des écoutes téléphoniques auxquelles avaient procédé les services spéciaux et firent de nombreuses offres de preuves qu'ils estimaient pertinentes pour la défense de leurs clients. Le tribunal accueillit les demandes qu'il jugea nécessaires pour éclaircir les faits et le degré de responsabilité de chaque coïnculpé et rejeta celles qui ne lui semblaient pas motivées ; il entendit de nombreux témoins, donna la parole à de nombreuses reprises au procureur, aux coïnculpés et à leurs avocats, lesquels purent interroger les témoins à charge.
20.  Le 25 janvier 1999, à la demande du président du tribunal, le parquet fit parvenir au tribunal militaire territorial plusieurs notes contenant la transcription des parties pertinentes, pour les besoins de l'enquête, des communications téléphoniques du requérant et d'une personne d'origine arabe, J.A.A., avec des représentants de la compagnie aérienne Air Sofia et avec les autres coïnculpés, interceptées les 30 mars, 7, 17 et 27 avril 1997 et le 21 mars 1998 par les services spéciaux. Les notes du parquet qui concernaient le requérant signalaient que l'interception de ses communications téléphoniques avait été autorisée par le mandat no 00169 du 6 mars 1998 émis par le parquet près la Cour suprême de justice. Rien n'indiquait si le mandat avait été délivré au nom du requérant. Le tribunal versa ces documents au dossier d'instruction de l'affaire, les classant avec la mention « secret ». Le parquet lui fit ensuite parvenir les cassettes contenant les enregistrements interceptés, que le tribunal versa également au dossier.
21.  Par une décision avant dire droit du 5 février 1999, le tribunal, saisi par l'un des coïnculpés d'une demande d'expertise de la voix enregistrée par les services spéciaux lors des écoutes téléphoniques afin d'établir s'il y avait ou non concordance avec la sienne, nota que la seule institution à même de comparer la voix de l'inculpé et celle enregistrée sur la bande était le service roumain de renseignements, qui était doté des appareils techniques nécessaires.
22.  Lors de l'audience publique du 15 février 1999, les avocats des différents coïnculpés demandèrent l'ajournement de l'affaire pour prendre connaissance des documents versés au dossier d'instruction. L'avocat du requérant, M., souleva devant le tribunal une exception d'inconstitutionnalité de l'article 911-5 du CPP, qui régit les modalités et les conditions d'interception des communications téléphoniques et leur utilisation comme moyen de preuve dans un procès pénal, et demanda le renvoi de l'affaire devant la Cour constitutionnelle. Il faisait valoir que, dans un domaine aussi important, touchant à la vie privée d'un individu, les ingérences de l'Etat devaient être fondées sur une réglementation rigoureuse et exacte. Or, selon lui, tel n'était pas le cas en l'espèce, la loi étant elliptique et n'offrant pas de garanties suffisantes contre les abus, en violation des articles 6 et 8 de la Convention. En particulier, il se plaignait que l'article 911-5 du CPP :
–  n'obligeait pas le procureur à verser au dossier du tribunal la documentation sur laquelle il s'était appuyé lorsqu'il avait autorisé l'interception et que, de ce fait, ni les parties au procès ni le tribunal ne pouvaient vérifier la légalité des écoutes ;
–  donnait la possibilité au procureur de prolonger l'autorisation, alors que cette prérogative aurait dû être réservée à une autorité indépendante ;
–  ne prévoyait ni l'obligation pour le procureur de préciser dans l'autorisation les numéros de téléphone mis sur écoute ni les garanties concernant le caractère intact et complet des enregistrements. Il faisait valoir à cet égard que le parquet avait versé au dossier des transcriptions fragmentaires des conversations téléphoniques de son client.
Il se plaignait également que le tribunal n'avait pas vérifié la façon dont le parquet était entré en possession de la liste des numéros de téléphone appelés par les coïnculpés.
23.  Par une décision avant dire droit du 16 février 1999, le tribunal rejeta la demande d'ajournement formulée par les avocats de certains coïnculpés en indiquant qu'à de nombreuses reprises, il avait attiré en audience publique l'attention des inculpés et de leurs avocats sur la nécessité de se présenter au siège du tribunal afin d'étudier et de consulter les documents versés au dossier d'instruction. Or, peu d'avocats et d'inculpés avaient donné suite à ses nombreuses sollicitations. Il cita, parmi ces derniers, l'avocat du requérant, M., et le requérant lui-même, qui s'étaient déplacés au siège du tribunal et y avaient consulté l'ensemble du dossier d'instruction.
24.  Par la même décision, le tribunal rejeta ensuite comme irrecevable l'exception d'inconstitutionnalité soulevée par l'avocat du requérant au motif que celle-ci ne visait pas de dispositions légales qui auraient été décisives pour l'issue de l'affaire. Le tribunal nota par ailleurs que le requérant avait déclaré devant le tribunal renoncer à soulever l'exception d'inconstitutionnalité formulée par son avocat.
25.  Le 18 février 1999, le tribunal militaire territorial de Bucarest, composé du lieutenant-colonel S.P., président, et du lieutenant L.P., juge, condamna le requérant à une peine de douze ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs et contrebande, infractions prévues respectivement par l'article 323 du code pénal et par les articles 175 et 179 combinés de la loi no 141/1997. Il interdit également au requérant, pour une durée de cinq ans, d'exercer les droits civils mentionnés à l'article 64 a), b) et c) du code pénal, à savoir le droit d'élire ou d'être élu, celui d'occuper une fonction investie de l'autorité de d'Etat et celui d'exercer la profession qui lui avait permis de commettre l'infraction à l'origine de sa condamnation.
26.  Le tribunal nota tout d'abord que les faits s'étaient déroulés dans les nuits du 23 au 24 mars 1998 et du 16 au 17 avril 1998, ainsi que le parquet l'avait indiqué dans son réquisitoire, et que la responsabilité du requérant et des autres inculpés était fondée sur les déclarations des inculpés, sur celles des témoins entendus par le parquet et par le tribunal, sur les procès-verbaux de confrontation, de reconstitution et de perquisition, ainsi que sur la liste des communications téléphoniques entre les coïnculpés et les transcriptions de celles qui avaient été interceptées par les services spéciaux.
27.  Le tribunal releva que, bien qu'initialement les coïnculpés aient nié avec véhémence se connaître ou avoir eu des conversations téléphoniques à l'époque des faits litigieux, ils avaient admis ultérieurement le contraire. Il souligna à cet égard que les écoutes téléphoniques et la liste des communications téléphoniques entre les inculpés confirmaient catégoriquement qu'ils se connaissaient et avaient eu de longues et nombreuses conversations téléphoniques lors des événements de la nuit du 16 au 17 avril 1998, dont le contenu témoignait clairement de ce qu'ils avaient commis les infractions dont ils étaient soupçonnés.
28.  Quant à l'utilisation de ces enregistrements téléphoniques comme moyen de preuve dans le procès pénal, le tribunal souligna tout d'abord que les enregistrements audio et vidéo avaient été admis pour la première fois comme moyen de preuve en matière pénale par la loi no 141 du 14 novembre 1996 sur la modification du CPP, et estima que les notes envoyées par le parquet au tribunal, qui contenaient le compte rendu des interceptions téléphoniques du requérant, leur transcription écrite et les cassettes des enregistrements, avaient respecté en l'espèce les conditions prévues par la loi, en l'occurrence l'article 912 du CPP. Le tribunal rappela aussi que, lors d'une audience publique antérieure, il avait rejeté les demandes faites par les avocats de certains inculpés de consulter la documentation sur laquelle le procureur s'était fondé pour autoriser les écoutes téléphoniques ainsi que l'autorisation motivée donnée par le parquet aux services spéciaux pour qu'ils procèdent aux écoutes, au motif que cela n'était pas prévu par la loi.
29.  Quant aux allégations du requérant selon lesquelles l'interception de ses communications aurait été illégale faute d'une transcription intégrale, par écrit, du résultat de ces écoutes, le tribunal déclara qu'effectivement, selon l'article 92 2 du CPP, les enregistrements devaient être transcrits intégralement par écrit. Toutefois, il rejeta cet argument pour le motif suivant :
« Il est évident qu'une transcription intégrale n'est objectivement pas possible lorsque des poursuites pénales en cours, dans des causes qui ont été disjointes, sont dirigées à l'encontre d'autres personnes et concernent d'autres faits, et se situent dans un rapport d'indivisibilité ou de connexité avec les faits pour lesquels les inculpés ont déjà été renvoyés en jugement.
D'ailleurs, le procureur n'avait pas caché la circonstance que, dans certains cas, certains passages n'avaient pas été transcrits (...).
De l'avis du tribunal, la transcription par écrit des enregistrements téléphoniques doit être intégrale, mais la notion d'intégralité porte sur les faits et les personnes qui ont été renvoyés en justice ; il est évident que, si d'autres passages se réfèrent à d'autres personnes et à d'autres faits pour lesquels les poursuites pénales sont encore en cours, il y aurait là une atteinte grave au principe de célérité et de confidentialité des poursuites pénales, voire une atteinte même au caractère secret, non public, des poursuites pénales à l'égard de ceux qui n'ont pas encore été renvoyés en jugement. La méfiance des inculpés envers ces enregistrements découle non pas tant des aspects relatifs à la légalité des interceptions qui, de l'avis du tribunal, est hors de doute, que de la valeur probante et du caractère univoque de ces moyens de preuve. »
30.  Quant à la liste des communications téléphoniques entre les coïnculpés, utilisée comme preuve à charge par le parquet, le tribunal releva que l'obtention, par le procureur, d'une liste des postes téléphoniques appelés par un inculpé n'équivalait pas à l'interception de ses communications. Il nota qu'à la différence des écoutes téléphoniques, la loi ne prévoyait pas de dispositions spéciales en la matière et estima, dès lors, que le procureur pouvait à tout moment du procès pénal demander une telle mesure d'instruction aux autorités compétentes et l'utiliser à l'appui des poursuites, en vertu du droit commun en matière de preuve.
D.  La procédure devant la cour d'appel militaire et la décision de la Cour constitutionnelle
31.  A une date non précisée, le parquet et les coïnculpés firent appel de ce jugement. Le parquet demanda l'aggravation des peines prononcées par le tribunal à l'encontre de tous les inculpés. Le requérant sollicita le bénéfice des circonstances atténuantes et la requalification juridique des faits retenus à son encontre en omission de dénonciation, infraction punie par l'article 262 du code pénal. Il allégua aussi qu'il n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un défenseur devant le tribunal militaire territorial et dénonça la participation à certaines audiences devant le tribunal, en tant que représentant du ministère public, du procureur A.D., qui avait été chargé également de l'enquête devant le parquet. Il contesta, enfin, la légalité des écoutes téléphoniques auxquelles il avait été soumis.
32.  Le 11 octobre 1999, l'avocat du requérant souleva une exception d'inconstitutionnalité de l'article 911-5 du CPP, à laquelle les autres coïnculpés souscrivirent. La cour d'appel renvoya le dossier devant la Cour constitutionnelle qui, par un arrêt définitif du 3 février 2000, rejeta l'exception. Après avoir analysé les principes énoncés par la Cour dans l'affaire Klass et autres c. Allemagne (arrêt du 6 septembre 1978, série A no 28), la juridiction constitutionnelle estima que l'article 911-5 du CPP contenait suffisamment de garanties pour éviter l'arbitraire des autorités dès lors qu'il réglementait en détail la procédure d'autorisation des interceptions des communications, de transcription et de certification des enregistrements ainsi obtenus. Elle nota, en outre, que c'était au tribunal devant lequel les autorités de poursuite entendaient se prévaloir du résultat des écoutes téléphoniques qu'il appartenait d'examiner la légalité de l'autorisation du procureur, et que le simple fait que l'organe de poursuite pénale ait pu méconnaître, dans une affaire donnée, les garanties prévues par la loi posait une question d'application de la loi qui ne relevait pas de sa compétence. Elle releva, par ailleurs, que l'absence de notification des interceptions téléphoniques à la personne visée ne saurait être considérée comme incompatible avec l'article 8 de la Convention car c'est cette abstention qui assure l'efficacité des écoutes téléphoniques. L'arrêt du 3 février 2000, revêtu de la mention « définitif et obligatoire », fut publié au Journal officiel no 159 du 17 avril 2000.
33.  Par un arrêt du 8 juin 2000, la cour d'appel militaire rejeta l'appel du parquet comme non fondé. En revanche, elle accueillit en partie celui du requérant et, estimant que le tribunal avait mal individualisé les peines encourues pour les infractions dont l'intéressé s'était rendu coupable, réduisit la peine prononcée à l'encontre de celui-ci à huit ans d'emprisonnement et l'assortit d'une peine complémentaire d'interdiction des droits mentionnés à l'article 64 a), b) et c) du code pénal pour une durée de quatre ans.
34.  La cour d'appel écarta tout d'abord la demande du requérant de se voir octroyer le bénéfice des circonstances atténuantes compte tenu de sa conduite pendant le procès pénal, qu'elle jugea dépourvue de sincérité. Elle estima ensuite que le tribunal avait correctement qualifié juridiquement les faits commis. Elle constata aussi que l'avocat auquel le requérant avait donné mandat pour le défendre devant le parquet l'avait également défendu devant le tribunal, même à défaut d'une délégation expresse du requérant. Or, elle jugea que le fait pour le requérant d'avoir accepté la présence pendant les audiences de cet avocat qui, de surcroît, l'avait défendu d'une manière élaborée, en invoquant diverses atteintes aux dispositions du droit interne et de la Convention européenne, équivalait à un accord tacite entre eux.
35.  Quant aux écoutes téléphoniques dont le requérant avait contesté la légalité, la cour d'appel confirma le jugement du tribunal dans les termes suivants :
« La question de l'illégalité de l'interception des communications téléphoniques invoquée par l'inculpé a été résolue par la Cour constitutionnelle  ; le fait que les conversations téléphoniques n'ont pas été transcrites intégralement n'est pas pertinent du moment que la transcription qui a été versée au dossier comme élément de preuve, combinée avec l'audition des cassettes, prouve la matérialité des faits pour lesquels les inculpés ont été condamnés ; l'interception des conversations téléphoniques n'était pas illégale parce qu'il existe un mandat en ce sens du parquet près la Cour suprême de justice au nom de l'inculpé qui, d'ailleurs, n'a pas contesté la réalité et le contenu des conversations téléphoniques en cause. »
E.  La procédure devant la Cour suprême de justice
36.  Le requérant et le parquet militaire près la cour d'appel formèrent un recours contre cette décision. Le premier demanda à la Cour suprême d'écarter les preuves résultant de la transcription de ses communications téléphoniques interceptées par les services spéciaux au motif qu'elles n'étaient pas conformes à la loi, étant donné que les organes de poursuites n'avaient pas versé au dossier du tribunal la documentation à l'appui de laquelle ils avaient autorisé et effectué les écoutes litigieuses. Le parquet contestait la réduction de la durée de la peine prononcée par le tribunal à l'encontre du requérant, qu'il estimait non justifiée compte tenu du manque de sincérité de celui-ci pendant le procès et du danger social élevé découlant des faits commis. Il demandait l'annulation de la décision de la cour d'appel et la confirmation du jugement prononcé par le tribunal.
37.  Par un arrêt définitif du 26 février 2001, la Cour suprême de justice rejeta le recours du requérant comme non fondé. En revanche, elle accueillit celui du parquet et porta la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre du requérant à quatorze ans d'emprisonnement, qu'elle assortit de la peine complémentaire d'interdiction des droits civils mentionnés à l'article 64 a), b) et c) du code pénal pour une durée de huit ans. La Cour suprême jugea que la culpabilité du requérant était largement prouvée par ses communications téléphoniques interceptées à la date des faits litigieux, par les déclarations du coïnculpé T. et par celles des officiers chargés de la protection de l'aéroport militaire d'Otopeni. Elle nota que les juridictions inférieures avaient cependant sous-estimé la contribution du requérant à la commission des infractions de contrebande et d'association de malfaiteurs, qu'elle qualifia de « décisive ». Elle releva plus particulièrement qu'en visant des gains importants, illicites et immédiats, le requérant avait mis en danger tout le système de défense de l'aéroport et nuit sciemment à l'activité de l'autorité aéronautique civile roumaine, ce qui justifiait l'alourdissement de sa peine d'emprisonnement.
38.  La Cour suprême indiqua en outre que les autorisations du parquet visant l'interception des communications téléphoniques du requérant avaient été versées par le parquet au dossier d'instruction du tribunal et estima que les exigences de l'article 912 du CPP avaient en l'espèce été respectées. Elle confirma enfin que le requérant avait été dûment assisté par l'avocat de son choix devant le tribunal militaire territorial, comme il ressortait des décisions avant dire droit adoptées durant le jugement au fond de l'affaire, et nota que le non-versement du mandat de représentation au dossier d'instruction par le requérant ou son avocat ne constituait en aucun cas un motif de nullité absolue des décisions des juridictions inférieures.
II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT
A.  La Constitution
39.  Les dispositions pertinentes de la Constitution se lisent ainsi :
Article 11
«  2.  Les traités ratifiés par le Parlement selon les voies légales font partie intégrante de l'ordre juridique interne. »
Article 20
« 1)  Les dispositions constitutionnelles concernant les droits et libertés des citoyens seront interprétées et appliquées en conformité avec la Déclaration universelle des Droits de l'Homme et les pactes et autres traités auxquels la Roumanie est partie.
2)  En cas de contradiction entre les pactes et traités concernant les droits fondamentaux de l'homme auxquels la Roumanie est partie et les lois internes, les dispositions internationales prévalent. »
B.  Loi no 14 du 24 février 1992 sur l'organisation et le fonctionnement du service roumain de renseignements (publiée au Journal officiel du 3 mars 1992)
40.  Les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :
Article 2
« Le service roumain de renseignements organise et déploie toute activité visant à recueillir, vérifier et utiliser les renseignements nécessaires pour connaître, prévenir et contrecarrer les actions qui, au regard de la loi, menacent la sécurité nationale de la Roumanie. »
Article 8
« Le service roumain de renseignements est autorisé à détenir et à utiliser tout moyen adéquat pour obtenir, vérifier, classer et mémoriser des informations touchant à la sécurité nationale, dans les conditions prévues par la loi. »
Article 10
« Dans les circonstances qui constituent des menaces pour la sûreté nationale de la Roumanie, le service roumain de renseignements, par l'intermédiaire de fonctionnaires spécialement nommés, sollicite l'autorisation du procureur afin de procéder aux mesures autorisées en conformité avec l'article 13 de la loi no 51/1991 sur la sûreté nationale de la Roumanie. »
Article 45
« Tous les documents internes du service roumain de renseignements sont couverts par le secret d'Etat, sont conservés dans ses propres archives et ne peuvent être consultés qu'avec l'approbation du directeur, dans les conditions prévues par la loi.
Les documents, données et renseignements du service roumain de renseignements ne peuvent tomber dans le domaine public que quarante ans après leur archivage. »
C.  Loi no 51/1991 du 29 juillet 1991 sur la sûreté nationale de la Roumanie
41.  Les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :
Article 3
« Constituent des menaces à l'égard de la sûreté nationale de la Roumanie :
a)  les plans et les actions qui visent à supprimer ou porter atteinte à la souveraineté, à l'unité, à l'indépendance ou à l'indivisibilité de l'Etat roumain ;
b)  les actions qui ont pour finalité directe ou indirecte de provoquer une guerre contre l'Etat ou une guerre civile, qui facilitent l'occupation militaire étrangère (...) ;
c)  la trahison par l'aide portée aux ennemis ;
d)  les actions armées ou tous autres actes violents qui poursuivent l'affaiblissement du pouvoir de l'Etat ;
e)  l'espionnage, la transmission de secrets d'Etat à un pouvoir ou à une organisation étrangers ou à leurs agents, la détention illégale de documents ou de secrets d'Etat en vue de leur transmission à un pouvoir ou à une organisation étrangers (...) ;
f)  le sabotage ou toute action qui vise à détruire par la force les institutions démocratiques de l'Etat ou qui porte gravement atteinte aux droits et aux libertés fondamentales des citoyens roumains ou qui peut porter atteinte à la capacité de défense ou à d'autres intérêts similaires du pays, ainsi que les actes de destruction ou de dégradation (...) des infrastructures nécessaires au bon déroulement de la vie socio­économique ou à la défense nationale ;
g)  les actions par lesquelles il est porté atteinte à la vie, à l'intégrité physique ou à la santé des personnes qui remplissent d'importantes fonctions dans l'Etat (...) ;
h)  la conception, l'organisation ou la commission d'actions totalitaires ou extrémistes de nature communiste, fasciste, raciste, séparatiste (...) ;
i)  les actes terroristes, la conception ou l'appui donné à de telles activités (...) ;
j)  les attentats contre une collectivité (...) ;
k)  le vol d'armement, de munitions, de matière explosive, radioactive ou toxique auprès des unités autorisées à les détenir, la contrebande de telles matières (...) ainsi que le port illégal d'armement ou de munitions si cela met en danger la sûreté nationale ;
l)  la création ou la constitution d'une organisation (...) ayant pour finalité l'une des activités énumérées aux points a) à k) ci-dessus, ainsi que le déroulement en secret de telles activités par des organisations et des groupes constitués en conformité avec la loi. »
Article 8
« L'activité de renseignements visant la sauvegarde de la sûreté nationale est effectuée par le service roumain de renseignements, organe spécialisé pour recueillir des renseignements à l'intérieur du pays (...) »
Article 10
« L'activité de renseignements pour la sauvegarde de la sûreté nationale a un caractère de secret d'Etat. »
Article 13
« Les situations prévues à l'article 3 constituent le fondement légal en vertu duquel il est loisible aux organes ayant des attributions dans le domaine de la sûreté nationale de demander au procureur, dans des cas justifiés et tout en respectant les dispositions du code de procédure pénale, l'autorisation d'effectuer les actes suivants en vue de recueillir des informations : l'interception de communications (...)
L'autorisation est délivrée par des procureurs spécialement désignés par le procureur général de Roumanie. (...) Le procureur émet un mandat qui doit contenir : son accord pour les catégories de communications qui peuvent être interceptées, les catégories d'informations, de documents ou d'objets qui peuvent être obtenues, l'identité de la personne, si elle est connue, dont les communications doivent être interceptées ou qui se trouve en possession des informations ou des données qui doivent être obtenues ; la description générale, si et quand cela est possible, de l'endroit où seront exécutées les activités autorisées ; la durée de validité du mandat.
La durée de validité du mandat ne peut dépasser six mois. Dans des cas justifiés, le procureur général peut proroger, sur demande, la durée du mandat, sans que chaque prolongation dépasse trois mois.
Toute personne qui se considère comme indûment lésée par les activités qui font l'objet du mandat (du procureur) peut déposer une plainte auprès du procureur hiérarchiquement supérieur à celui qui a émis le mandat. »
Article 16
« Les moyens d'obtention des informations nécessaires à la sauvegarde de la sûreté nationale ne doivent pas léser, de quelque façon que ce soit, les droits et libertés des citoyens, leur vie privée, leur honneur ou leur réputation (...) Celui qui s'estime lésé (...) peut saisir les commissions permanentes de la défense et de l'ordre public des deux chambres du Parlement. »
42.  Par un jugement avant dire droit du 5 avril 2006, la cour d'appel de Bucarest,  saisie d'une affaire concernant des interceptions autorisées par le procureur entre 2001 et 2004, souleva devant la Cour Constitutionnelle une exception d'inconstitutionnalité de l'article 13 de la loi no 51/1991. Elle faisait valoir devant le juge constitutionnel qu'en dépit de la modification du CPP, l'article 13 de la loi no 51/1991 pouvait encore constituer le fondement légal de l'interception de communications téléphoniques de particuliers dans des cas d'atteinte présumée à la sûreté nationale, ce qui permettait de passer outre les garanties spécifiques prévues en la matière par le CPP. Le Gouvernement, dont la Cour constitutionnelle sollicita l'avis, estima que l'exception d'inconstitutionnalité était fondée dès lors que la procédure d'interception des communications prévue par l'article 13 de la loi no 51/1991 ne contenait pas les garanties nécessaires pour limiter les ingérences des autorités dans la vie privée des individus.
Par une décision du 7 novembre 2006, la Cour constitutionnelle rejeta l'exception d'inconstitutionnalité soulevée par la cour d'appel. Elle se prévalut du caractère spécial de la loi no 51/1991, ce qui justifiait, à son avis, la compatibilité de l'article 13 de la loi avec la Constitution et l'absence de toute discrimination entre ceux dont les communications étaient interceptées en vertu de cette loi spéciale et d'autres, dont les communications étaient interceptées sur le fondement des dispositions de caractère général du CPP.
Cette décision fut revêtue de la mention « définitive et obligatoire » et publiée au Journal officiel roumain du 16 janvier 2007.
D.  Code de procédure pénale (CPP) en vigueur à l'époque des faits
43.  Les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :
Article 278 – Plainte contre un acte du procureur
« Une plainte contre une mesure ou un acte d'instruction pénale accomplis par le procureur (...) donne lieu à une décision du procureur en chef du parquet. Si la mesure ou l'acte contestés ont été accomplis par le procureur en chef ou sur la base de ses instructions, la plainte donne lieu à une décision du procureur hiérarchiquement supérieur. »
Article 63 – Les preuves et leur appréciation
« (...) Les éléments de preuve n'ont pas de valeur préétablie. Il incombe aux organes de poursuite pénale et aux juridictions de faire une appréciation de chaque preuve selon leur intime conviction, à l'issue d'un examen en conscience de toutes les preuves administrées. »
E.  Loi no 141 du 14 novembre 1996 sur la modification du CPP
44.  La loi no 141/1996 introduisit dans le CPP un nouvel article (911-5 cité ci-dessus) régissant les modalités et les conditions d'interception des communications téléphoniques, ainsi que leur utilisation comme moyen de preuve dans un procès pénal. Cet article dispose :
Article 911 du CPP
« S'il y a des données ou des indices convaincants de la préparation ou de la commission d'une infraction pour laquelle des poursuites pénales ont lieu ex officio, et si l'interception est utile pour découvrir la vérité, les enregistrements de communications sur bande magnétique effectués sur autorisation motivée du procureur désigné par le procureur en chef du parquet de la cour d'appel dans les cas et conditions prévus par la loi peuvent servir comme moyen de preuve lors d'un procès pénal lorsque les communications enregistrées renferment des faits ou des circonstances de nature à contribuer à l'établissement de la vérité.
L'autorisation du procureur est donnée pour la durée nécessaire à l'enregistrement et ne peut dépasser trente jours. Elle peut être prolongée dans les mêmes conditions, pour des raisons bien justifiées, chaque prolongation ne pouvant dépasser trente jours. »
Article 912 du CPP
« L'autorité qui a effectué les enregistrements mentionnés à l'article 911 rédige un procès-verbal dans lequel elle doit énoncer l'autorisation donnée par le procureur pour procéder à l'interception, le ou les numéros des postes téléphoniques entre lesquels ont eu lieu les communications, le nom des personnes entre lesquelles ont eu lieu ces communications, s'il est connu, la date et l'heure de chaque communication et le numéro d'ordre de la bande ou de la cassette contenant l'enregistrement.
Les communications enregistrées sont transcrites intégralement par écrit et annexées au procès-verbal, avec un certificat d'authenticité de l'autorité qui a effectué l'interception, contresigné par le procureur qui effectue ou qui supervise les poursuites pénales en cause. La bande ou la cassette originale contenant l'enregistrement est annexée au procès-verbal, avec le cachet de l'autorité ayant effectué l'interception. »
Article 915 du CPP
« Les moyens de preuve susmentionnés peuvent être soumis à une expertise technique à la demande du procureur, des parties ou d'office. »
F.  Lois nos 281 du 24 juin 2003 et 356 du 21 juillet 2006 et l'ordonnance d'urgence du Gouvernement du 60/2006 sur la modification du CPP et de certaines lois spéciales
45.  Les dispositions pertinentes du CPP en matière d'interception et d'enregistrement des conversations téléphoniques étaient ainsi libellées après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2004, de la loi no 281 du 24 juin 2003 sur la modification du CPP :
Article 911  Sur les conditions d'interception et d'enregistrement des conversations et des communications et les cas où cela peut être autorisé
« S'il y a des données ou des indices convaincants de la préparation ou de la commission d'une infraction pour laquelle des poursuites pénales ont lieu ex officio et si l'interception est utile pour découvrir la vérité, les enregistrements de communications sur bande magnétique s'effectuent sur autorisation motivée du tribunal, à la demande du procureur, dans les cas et conditions prévus par la loi. L'autorisation est délivrée en chambre du conseil par le président du tribunal qui serait compétent pour trancher l'affaire en premier ressort. L'interception et l'enregistrement de communications s'imposent pour découvrir la vérité lorsque l'identification de l'auteur ou l'établissement de la situation de fait ne peuvent être réalisés par d'autres moyens.
L'interception et l'enregistrement de conversations et communications peuvent être autorisés s'agissant des infractions contre la sûreté nationale prévues par le code pénal et par d'autres lois spéciales, ainsi qu'en matière de trafic de stupéfiants, d'armes ou de personnes, d'actes de terrorisme, de blanchiment d'argent, de fabrication de fausse monnaie, en cas d'infractions prévues par la loi no 78/2000 pour prévenir, découvrir et sanctionner les faits de corruption, s'agissant d'autres infractions graves qui ne peuvent pas être révélées ou dont les auteurs ne peuvent pas être identifiés par d'autres moyens, ou s'agissant d'infractions commises au moyen de communications téléphoniques ou par d'autres moyens de télécommunication.
L'autorisation est délivrée pour la durée nécessaire à l'enregistrement et au maximum pour 30 jours. L'autorisation peut être prolongée dans les mêmes conditions, pour des raisons bien justifiées, chaque prolongation ne pouvant pas dépasser 30 jours. La durée maximum des enregistrements autorisés est de 4 mois. Les mesures ordonnées par le tribunal sont levées avant le terme de la période pour laquelle elles avaient été autorisées si les motifs qui les avaient justifiées ont cessé. (...) L'autorisation d'interception et d'enregistrement des conversations et des communications est donnée par décision avant dire droit motivée comprenant : les indices concrets et les faits qui justifient l'interception et l'enregistrement des conversations et des communications  ; les raisons pour lesquelles ces mesures sont indispensables à la découverte de la vérité ; la personne concernée, le moyen de communication ou le lieu mis sous surveillance ; la période pour laquelle l'interception et l'enregistrement sont autorisés. »
Article 912 du CPP  Les organes qui effectuent l'interception et l'enregistrement
« Le procureur procède personnellement aux interceptions et aux enregistrements prévus à l'article 911 du CPP ou peut ordonner que ces mesures soient effectuées par les organes chargés des poursuites pénales. Le personnel appelé à apporter le concours technique nécessaire pour les interceptions et les enregistrements est obligé de garder le secret des opérations, sans quoi il serait puni en vertu du code pénal.
En cas d'urgence, lorsque l'obtention de l'autorisation prévue par l'article 911 du CPP porterait un grave préjudice aux poursuites, le procureur peut ordonner, à titre provisoire, par une ordonnance motivée, l'interception et l'enregistrement sur bande magnétique ou sur tout autre type de support des conversations et des communications, en informant immédiatement le tribunal, dans un délai de 24 heures maximum. Le tribunal se prononce dans un délai de 24 heures au plus tard sur l'ordonnance du procureur et, s'il la confirme et le juge nécessaire, ordonne l'autorisation de continuer l'interception et les enregistrements dans les conditions prévues à l'article 911-3. Si le tribunal ne confirme pas l'ordonnance du procureur, il doit ordonner l'arrêt immédiat des interceptions et des enregistrements et la destruction de ceux effectués.
Le tribunal ordonne que les personnes dont les conversations et communications ont été interceptées et enregistrées soient informées par écrit, avant la clôture des poursuites pénales, des dates auxquelles les interceptions et les enregistrements ont été effectués. »
Article 913 – La certification des enregistrements
« Le procureur ou l'organe chargé des poursuites pénales dresse un procès-verbal sur le déroulement des interceptions et des enregistrements prévus à l'article 911-2, en y faisant figurer : l'autorisation donnée par le tribunal, le ou les numéros des postes téléphoniques entre lesquels les conversations ont eu lieu, le nom des personnes qui ont échangé les conversations, s'il est connu, la date et l'heure de chaque conversation et le numéro d'ordre de la bande magnétique ou de tout autre support contenant l'enregistrement.
Les conversations enregistrées sont transcrites intégralement par écrit et annexées au procès-verbal, avec un certificat attestant leur authenticité délivré par l'organe de poursuites pénales, vérifié et contresigné par le procureur qui effectue ou qui surveille les poursuites pénales. (...) La correspondance dans une langue étrangère est transcrite en roumain, par l'intermédiaire d'un interprète. Le procès-verbal est annexé à la bande magnétique ou à tout autre support qui contient l'enregistrement, scellé par l'organe chargé des poursuites pénales. La bande magnétique des enregistrements, leur transcription écrite et le procès-verbal sont remis au tribunal, qui, après avoir entendu le procureur et les parties, décide lesquelles, parmi les informations recueillies, sont nécessaires pour l'examen de l'affaire, et dresse un procès-verbal en ce sens. Les conversations contenant des secrets d'Etat ou professionnels ne sont pas mentionnées dans le procès-verbal (...) La bande magnétique des enregistrements, leur transcription écrite et le procès-verbal sont gardés au greffe du tribunal, dans des emplacements spécialement prévus, sous pli scellé.
Le tribunal peut autoriser, sur demande motivée de l'inculpé, de la partie civile ou de leur avocat, la consultation des enregistrements et de leur transcription qui sont déposés au greffe et ne sont pas consignés dans le procès-verbal.
Le tribunal ordonne la destruction de tous les enregistrements qui n'ont pas été utilisés comme moyen de preuve en l'affaire. (...) »
Article 916 du CPP – La vérification des moyens de preuve
« Les moyens de preuve susmentionnés peuvent être soumis à une expertise technique à la demande du procureur, des parties ou d'office. Les enregistrements peuvent servir de moyen de preuve s'ils ne sont pas interdits pas la loi »
46.  La loi no 356/2006, entrée en vigueur trente jours après sa publication au Journal officiel, le 21 juillet 2006, maintint l'exigence prévue par l'article 911 du CPP que les opérations d'interception et d'enregistrement des communications effectuées par téléphone ou par un autre moyen électronique soient réalisées en vertu d'une autorisation motivée rendue par un juge. L'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 60/2006 publiée au Journal officiel le 7 septembre 2006 précisa que le juge compétent pour délivrer l'autorisation était le président du tribunal compétent pour juger l'affaire en premier degré de juridiction ou, en son absence, un juge qu'il a désigné à cet effet.
EN DROIT
I.  OBSERVATION PRÉLIMINAIRE SUR l'OBJET DU LITIGE
47.  La Cour observe d'emblée que, dans ses observations complémentaires et dans de nombreuses communications ultérieures, le requérant réitère une partie des griefs qu'il avait soumis au stade de la recevabilité de la requête, dont, notamment, le fait d'avoir été jugé et condamné par des tribunaux militaires et non par des juridictions civiles.
48.  A cet égard, la Cour rappelle que l'objet du litige qu'elle est appelée à trancher sur le fond se trouve délimité par sa décision sur la recevabilité, et qu'elle n'a en principe pas compétence pour connaître des doléances déclarées irrecevables (voir notamment Lamanna c. Autriche, no 28923/95, § 23, 10 juillet 2001, et, mutatis mutandis, Thlimmenos c. Grèce [GC], no 34369/97, § 28, CEDH 2000-IV). Par sa décision du 22 septembre 2005, la Cour n'a déclaré recevables que les griefs tirés par le requérant des articles 6 § 1 et 8 de la Convention et relatifs à l'interception de ses communications téléphoniques et à l'utilisation de leur transcription comme preuve au procès pénal dirigé contre lui. S'agissant plus particulièrement du grief se rapportant à l'article 6 § 1 que la chambre a déclaré recevable, l'un des principaux arguments soulevés, à l'époque, par le requérant – et auquel la Cour reviendra plus loin – était le fait que les juridictions nationales avaient omis de se prononcer sur un moyen de droit expressément soulevé par son avocat et tiré de l'incompatibilité de la législation nationale autorisant, à l'époque, les écoutes téléphoniques, avec l'article 8 de la Convention.
49.  Par conséquent, la Cour se limitera à l'examen des griefs déclarés recevables.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
50.  Le requérant se plaint de l'interception de ses communications téléphoniques par les autorités et y voit une atteinte injustifiée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Ce droit est garanti par l'article 8 de la Convention, qui dispose :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
A.  Thèses des parties
1.  Le Gouvernement
51.  Le Gouvernement ne conteste pas qu'il y ait eu ingérence dans le droit du requérant au respect de la vie privée en raison de l'interception de ses communications téléphoniques par les services spéciaux. Il souligne qu'à l'origine, le parquet avait délivré le 5 septembre 1997 aux services spéciaux un mandat pour procéder, sur le fondement de la loi no 51/1991 sur la sûreté nationale, à la mise sur écoute d'une personne d'origine arabe, J.A.A., soupçonnée d'être impliquée dans un trafic d'armes au bénéfice d'organisations étrangères. C'est ainsi que le parquet avait pu obtenir des informations indiquant que cette personne, dont la mise sur écoute avait été autorisée, était également impliquée dans un réseau criminel dont faisait partie le requérant, réseau qui effectuait le transport illicite de cigarettes. Dans ses observations complémentaires, le Gouvernement se réfère également à un mandat que le procureur aurait délivré en vue de faire intercepter des communications téléphoniques du requérant du 6 mars au 5 septembre 1998, et qui aurait visé ce dernier personnellement.
52.  Le Gouvernement considère qu'en l'espèce, l'ingérence dans la vie privée du requérant était donc prévue par la loi, à savoir l'article 13 de la loi no 51/1991 sur la sûreté nationale et l'article 10 de la loi no 14/1992 sur l'organisation du service roumain de renseignements. Il relève que les deux lois en question sont accessibles, puisqu'elles ont été publiées au Journal officiel roumain les 7 août 1991 et 3 mars 1992 respectivement. Considérant que la condition de prévisibilité de la loi était également remplie et que le mécanisme institué au niveau national offrait suffisamment de garanties contre l'arbitraire, il avance les arguments suivants :
a)  la loi no 51/1991 énonce expressément, dans son article 3, les cas qui constituent des menaces envers la sûreté nationale et peuvent donner lieu à des mesures de surveillance ;
b)  seul un procureur spécialement désigné par le procureur général peut autoriser l'interception ;
c)  celui qui s'estime lésé dans ses droits peut déposer une plainte devant le procureur hiérarchiquement supérieur à celui qui a autorisé les écoutes et peut également saisir les commissions parlementaires chargées du contrôle du service roumain de renseignements, en vertu des articles 13 et 16 de la loi no 51/1991 ;
d)  depuis la décision de la Cour constitutionnelle no 486 du 2 décembre 1997, il est loisible à toute personne qui s'estime lésée par une décision du procureur autorisant des écoutes téléphoniques d'introduire une plainte devant une juridiction nationale ;
e)  l'interception des communications téléphoniques du requérant a eu lieu pendant six mois, sans aucune prolongation, et ne visait que les postes téléphoniques de son domicile et de son bureau ;
f)  la transcription des communications téléphoniques interceptées et les procès-verbaux dressés par l'organe qui a effectué l'enregistrement sont réglementés par l'article 912 du CPP, qui vient compléter la loi no 51/1991 et qui requiert une description détaillée des faits constatés lors des écoutes ainsi que des précisions sur l'identité de la personne mise sur écoute ;
g)  à la clôture de l'instruction pénale, le procureur est tenu, en vertu de l'article 257 du CPP, de présenter à la personne présumée coupable d'une infraction les documents obtenus pendant les poursuites pénales et qui seront utilisés comme preuve à charge dans le réquisitoire ;
h)  les données interceptées par le service roumain de renseignements ne sont pas accessibles au public en vertu de l'article 10 de la loi no 51/1991 sur la sécurité nationale ; leur divulgation ou leur usage en méconnaissance de la loi sont passibles d'une peine d'emprisonnement.
53.  Le Gouvernement relève en outre que l'ingérence dans le droit du requérant au respect de la vie privée poursuivait un but légitime, à savoir la prévention et la punition de faits portant atteinte à la sûreté de l'Etat, et qu'elle était proportionnée au but légitime recherché. Il estime que, comme dans l'affaire Klass c. Allemagne (arrêt du 6 septembre 1978, série A no 28), le mécanisme institué au niveau national offrait suffisamment de garanties contre l'arbitraire, dont la plus importante est, selon lui, que la procédure dirigée contre le requérant s'est déroulée devant des tribunaux indépendants et impartiaux, établis par la loi, qui ont examiné les transcriptions de ses communications interceptées et décidé de ne pas les écarter pour des motifs d'illégalité.
54.  Dans ses observations complémentaires, le Gouvernement indique qu'à la suite d'un changement de la législation nationale, la procédure d'autorisation des mesures de surveillance secrète a été modifiée et que pareille autorisation relève à présent de la compétence d'un juge. Il souligne aussi que le contrôle de la fiabilité des enregistrements relève désormais de la compétence de l'Institut national d'expertise criminalistique instauré par la décision du Gouvernement no 368 du 3 juillet 1998, institut qui agit sous l'autorité du ministère de la Justice et dont les experts sont désignés en vertu de l'ordonnance du Gouvernement no 75 du 24 août 2000, approuvée par la loi no 488 du 11 juillet 2002.
2.  Le requérant
55.  Le requérant conteste la thèse du Gouvernement. Il souligne que, dans l'affaire Rotaru, la Cour a d'ores et déjà examiné la loi no 14/1992 régissant l'organisation du service roumain de renseignements et jugé que ce texte ne fournissait pas suffisamment de garanties pour éviter les abus des autorités (Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, §§ 61-63, CEDH 2000-V). La même conclusion serait donc selon lui applicable en la présente espèce, et l'interception de ses communications téléphoniques, fondée sur la loi no 14/1992, ne serait pas « prévue par la loi » comme l'exige le deuxième paragraphe de l'article 8 de la Convention.
56.  Il ajoute que les infractions pour lesquelles il était poursuivi ne justifiaient pas l'interception de ses communications sur le fondement légal indiqué par le Gouvernement, car la simple présence de militaires sur une base telle que l'aéroport d'Otopeni ne donnait pas aux faits qui lui étaient reprochés le caractère d'une menace pour la sûreté nationale.
57.  Il déclare qu'en tout état de cause, l'écoute de ses communications téléphoniques n'était pas conforme à la loi, étant donné que l'autorisation délivrée par le procureur ne le visait pas directement mais avait été émise au nom d'une autre personne d'origine étrangère soupçonnée de trafic d'armes.
58.  Il considère de surcroît qu'il n'a pas non plus bénéficié des garanties nécessaires contre l'arbitraire, et souligne que la possibilité pour une personne lésée par une mesure de mise sur écoute de s'adresser au procureur hiérarchiquement supérieur à celui qui a autorisé l'interception, telle que prévue par l'article 13 de la loi no 51/1991, est loin de constituer une garantie satisfaisante vu le manque d'indépendance des procureurs à l'égard de l'exécutif.
59.  Le fait que l'autorisation d'interception à laquelle se réfère le Gouvernement dans ses observations complémentaires ait couvert la période où il était incarcéré, du 29 avril au 29 juillet 1998, prouve, selon lui, l'insuffisance flagrante de la protection contre l'arbitraire prévue dans la loi et le caractère injuste de l'ingérence dans sa propre vie privée et celle des membres de sa famille.
60.  Il relève enfin qu'il ne lui aurait pas été loisible de demander une expertise de l'enregistrement de ses communications car la seule autorité qui aurait pu attester la réalité et la fiabilité des enregistrements en comparant les voix était le service roumain de renseignements, à savoir l'autorité même qui avait réalisé et transcrit les écoutes téléphoniques. Quant aux récents changements législatifs indiqués par le Gouvernement, il y voit la preuve de l'insuffisance du cadre législatif applicable à l'époque des faits. Il souligne que la loi no 51/91 est toujours en vigueur et risque de constituer le fondement légal d'autres ingérences des autorités dans la vie privée des individus.
B.  Appréciation de la Cour
61.  La Cour relève que le grief du requérant porte, d'une part, sur la méconnaissance des dispositions légales nationales en matière d'écoutes téléphoniques faute d'une autorisation du procureur délivrée à son nom et, d'autre part, sur l'inexistence d'une base légale suffisante en droit roumain pour procéder à des écoutes téléphoniques en l'absence d'une loi offrant suffisamment de garanties contre l'arbitraire. Les communications téléphoniques se trouvant comprises dans les notions de « vie privée » et de « correspondance » au sens de l'article 8 § 1 précité, leur interception, la mémorisation des données ainsi obtenues et leur éventuelle utilisation dans le cadre des poursuites pénales dirigés contre le requérant s'analysent en une « ingérence d'une autorité publique » dans l'exercice du droit que lui garantissait l'article 8 (voir, parmi d'autres, les arrêts Malone c. Royaume­Uni du 2 août 1984, série A no 82, p. 30, § 64 ; Kruslin c. France et Huvig c. France du 24 avril 1990, série A no 176-A et 176-B, p. 20, § 26, et p. 52, § 25, Halford c. Royaume-Uni du 25 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-III, pp. 1016–1017, § 48 ; Aalmoes et 112 autres c. les Pays-Bas (déc.), no 16269/02, 25 novembre 2004).
Il convient de rappeler à cet égard que l'expression « prévue par la loi » impose non seulement le respect du droit interne, mais concerne aussi la qualité de la loi, qui doit être compatible avec le principe de la prééminence du droit (Halford, précité, § 49 ; Aalmoes et 112 autres, précitée ; Khan c. Royaume-Uni, no 35394/97, § 26, CEDH 2000-V). Dans le contexte de la surveillance secrète exercée par les autorités publiques, le droit interne doit offrir une protection contre l'ingérence arbitraire dans l'exercice du droit d'un individu au regard de l'article 8. En outre, la loi doit user de termes assez clairs pour indiquer aux individus de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite les autorités publiques à prendre pareilles mesures secrètes (Malone, précité, § 67 ; Weber et Saravia c. Allemagne (déc.), no 54934/00, § 93, CEDH 2006-...). Si l'on ne peut jamais, quel que soit le système, écarter complètement l'éventualité de l'action irrégulière d'un fonctionnaire malhonnête, négligent ou trop zélé, ce sont la probabilité d'une telle action et les garanties fournies pour se protéger contre elle qui importent aux fins du contrôle de la Cour en l'espèce (Klass précité, § 59 ; Aalmoes et 112 autres, précitée).
1.  Quant au fondement légal de l'ingérence
62.  En l'espèce, s'il n'est pas contesté qu'il y a eu ingérence dans le droit du requérant au respect de la vie privée, les parties ne s'accordent pas quant à sa base légale : selon le requérant, il s'agirait de la loi no 14/1992 régissant l'organisation du service roumain de renseignements, que la Cour a déjà jugée incompatible avec l'article 8 § 2 dans l'affaire Rotaru c. Roumanie ([GC], no 28341/95, §§ 61-63, CEDH 2000-V), alors que, selon le Gouvernement, il s'agirait plutôt de la loi no 51/1991 sur la sûreté nationale.
63.  La Cour admet, à l'instar du Gouvernement, que les constats qu'elle a formulés dans l'affaire Rotaru, citée par le requérant, ne sont pas directement applicables à l'espèce. En effet, l'objet du litige porté devant la Cour dans ladite affaire ne concernait pas les mesures de surveillance secrète autorisées par le parquet en vertu de la loi no 51/1991 sur la sûreté nationale, mais la conservation et l'utilisation par le service roumain de renseignements de données recueillies par les anciens organes de sûreté de l'Etat concernant la vie privée de M. Rotaru, ainsi que l'impossibilité pour ce dernier de les réfuter (Rotaru, précité, §§ 61-63).
64.  Il convient néanmoins de constater que l'infraction de contrebande de cigarettes dont le requérant était soupçonné n'est pas citée à l'article 3 de la loi no 51/1991 parmi les actes qui constituent des menaces à l'égard de la sûreté nationale, lesquelles auraient justifié, de l'avis du Gouvernement, l'interception de ses communications : la loi en cause se réfère expressément à l'infraction de contrebande de matériaux explosifs ou radioactifs, mais non à la contrebande de cigarettes (paragraphe 41 ci-dessus). Seule une lecture large de l'article 3 de la loi no 51/1991 permettrait de considérer cette disposition comme un fondement légal de l'ingérence, si l'on envisage les circonstances dans lesquelles la contrebande de cigarettes a eu lieu, à savoir sur un aéroport militaire, ce qui aurait pu en effet affecter la capacité de défense du pays.
65.  A supposer donc que l'ingérence dans la vie privée du requérant ait un tel fondement en droit interne, encore faut-il, pour qu'elle n'emporte pas violation de l'article 8, que les conditions prévues dans la loi nationale pour autoriser les écoutes téléphoniques par les services spéciaux aient été respectées et, en ce cas, qu'il y ait dans la loi suffisamment de garanties pour éviter que les autorités ne puissent prendre des mesures arbitraires portant atteinte au droit du requérant au respect de la vie privée. La Cour se penchera donc sur chacune de ces exigences.
2.  Sur l'observation des exigences prévues par la loi en matière d'interception des communications téléphoniques
66.  Il ne ressort pas clairement des pièces du dossier si une autorisation a été délivrée par le procureur pour permettre spécifiquement l'écoute des communications du requérant, comme l'exige expressément l'article 13 de la loi no 51/1991, ou si les interceptions litigieuses ont été réalisées par hasard dans le cadre des écoutes qui avaient été autorisées quant aux communications d'une personne d'origine arabe, J.A.A. Selon les observations initiales du Gouvernement, il s'agirait plutôt de cette dernière hypothèse, à laquelle souscrit le requérant en contestant toutefois qu'il y ait eu une autorisation qui l'aurait visé personnellement. Cette thèse semble contredite par la motivation des arrêts de la cour militaire et de la Cour suprême de justice, qui indiquent qu'il y aurait eu, dans le dossier du tribunal, un mandat délivré par le parquet près la Cour suprême de justice autorisant l'interception des communications de M. Popescu (paragraphes 35 et 38 ci-dessus). Par ailleurs, le Gouvernement se réfère également, dans ses observations complémentaires, à un mandat d'interception que le procureur aurait délivré à une date ultérieure aux premières interceptions des communications du requérant, et qui l'aurait cette fois visé personnellement (paragraphe 51 in fine ci-dessus).
67.  Quoi qu'il en soit, l'existence ou l'inexistence d'une telle autorisation n'est pas un élément décisif car, à supposer même qu'il y en ait eu une et que les exigences du droit interne loi en matière d'interception des communications téléphoniques aient donc été respectées, il reste à examiner si la loi elle-même – dans sa rédaction à l'époque des faits – était susceptible de prémunir le requérant contre l'arbitraire des autorités en prévoyant des garanties suffisantes dans un domaine aussi sensible que le droit au respect de la vie privée.
3.  Sur les garanties prévues par la loi pour assurer le degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique
68.  La Cour admet – à l'instar du Gouvernement – que la présente affaire présente des similitudes avec l'affaire Klass c. Allemagne (arrêt du 6 septembre 1978, série A no 28) dans la mesure où l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée du requérant visait également la sauvegarde de la sûreté nationale. En la matière, la Cour a admis que l'existence de dispositions législatives accordant des pouvoirs de surveillance secrète de la correspondance et des télécommunications pouvait, devant une situation exceptionnelle, se révéler nécessaire dans une société démocratique, et que les législateurs nationaux jouissaient d'un certain pouvoir discrétionnaire, qui n'est pas illimité pour autant (Klass, § 49 in fine).
69.  Il reste que, si l'affaire Klass précitée a donné lieu à un constat de non-violation de l'article 8 au motif que la loi allemande sur la sûreté nationale (la « G10 ») contenait des garanties adéquates et suffisantes pour prémunir les individus contre d'éventuels abus des autorités (voir aussi, dans le même sens, Weber et Saravia précitée, § 137), la Cour n'est pas persuadée que tel est aussi le cas en la présente espèce. En effet, l'examen minutieux des exigences de la législation roumaine applicable et des obstacles de fait potentiellement rencontrés par toute personne s'estimant lésée par une mesure d'interception de ses communications relève des insuffisances incompatibles avec le degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique.
a)  Manque d'indépendance des autorités compétentes pour autoriser l'ingérence
70.  Force est de constater tout d'abord qu'en cas de menace pour la sûreté nationale, les communications téléphoniques pouvaient être interceptées, en vertu de l'article 13 de la loi no 51/1991, par les services spéciaux du service roumain de renseignements pour une durée de six mois sur simple autorisation du procureur (paragraphe 41 ci-dessous). Il était loisible à ce dernier, sur demande des services spéciaux, de proroger ensuite la durée des écoutes pour des délais de trois mois consécutifs, sans qu'aucune limite temporelle ne soit prévue par la loi (voir, a contrario, les arrêts Klass, §§ 51-52, Prado Bugallo c. Espagne, no 58496/00, § 29, 18 février 2003, et Valenzuela Contreras c. Espagne, Recueil 1998-V, § 60).
71.  Il s'agissait là assurément de mesures portant gravement atteinte au droit au respect de la vie privée des particuliers, et laissées à la discrétion du procureur. Or, la Cour a déjà jugé que les procureurs roumains, agissant en qualité de magistrats du ministère public, ne remplissaient pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif (Vasilescu c. Roumanie, arrêt du 22 mai 1998, Recueil 1998-III, p. 1075, §§ 40, 41, Pantea c. Roumanie, no 33343/96, §§ 238-239, CEDH 2003-VI).
b)  Absence de tout contrôle a priori des autorisations du procureur
72.  La Cour a d'ores et déjà constaté que les décisions du procureur ne pouvaient pas, à l'époque, être attaquées devant un organe juridictionnel indépendant et impartial, la seule voie de recours prévue par la loi contre pareilles décisions étant la contestation devant le procureur hiérarchiquement supérieur (voir, mutatis mutandis, Rupa c. Roumanie (déc.), 14 décembre 2004, no 58478/00).
73.  L'autorisation du procureur de procéder à l'interception des communications n'était donc susceptible, à l'époque des faits, d'aucun contrôle a priori de la part d'un juge ou d'une autre autorité indépendante, que ce soit un contrôle d'office ou à la demande de l'intéressé ; il ressort d'une lecture des dispositions nationales applicables que les personnes qui faisaient l'objet d'interceptions de leurs communications n'en étaient d'ailleurs à aucun moment informées, et la loi ne prévoyait aucune possibilité d'introduire un recours devant un tribunal (voir, a contrario, Kruslin précité, § 34).
c)  Absence de tout contrôle a posteriori du bien-fondé de l'interception par une autorité indépendante et impartiale
74.  Une personne dont les communications avaient été mises sur écoute et qui se serait vu renvoyer en jugement en raison de faits révélés par ce moyen ne pouvait pas non plus bénéficier d'un contrôle a posteriori du bien-fondé de l'interception de ses communications de la part d'une autorité judiciaire indépendante et impartiale.
75.  L'article 911-5 du CPP n'obligeait ni les services secrets ni le procureur à verser au dossier d'instruction du tribunal saisi d'une accusation pénale la documentation sur le fondement de laquelle ils s'étaient appuyés lorsqu'ils avaient respectivement sollicité et autorisé l'interception des communications, comme l'a d'ailleurs expressément indiqué le requérant dans son exception d'inconstitutionnalité de l'article 911-5 du CPP (paragraphe 22 ci-dessus).
76.  Or, ces lacunes de la loi semblent avoir abouti, en l'espèce, à l'impossibilité pour les tribunaux saisis de l'accusation pénale portée contre le requérant de vérifier le bien-fondé de l'autorisation donnée par le parquet ; ces tribunaux se sont ainsi bornés à contrôler le respect des conditions de forme quant aux interceptions proprement dites, aux comptes rendus et aux transcriptions des communications interceptées (paragraphes 28, 29, 35 et 38 ci-dessus).
77.  De l'avis de la Cour, la simple possibilité pour un particulier – prévue par l'article 16 in fine de la loi no 51/1991 – de saisir les commissions de la défense et de l'ordre public des deux chambres du Parlement national ne saurait suppléer à l'absence de tout contrôle a priori ou a posteriori des écoutes par une autorité judiciaire indépendante et impartiale. Tel qu'il était régi par la loi, le contrôle du pouvoir législatif semblait plutôt théorique et, en tout cas, dépourvu d'effet pratique pour l'individu, dans la mesure où une personne mise sur écoute n'était pas censée prendre connaissance de l'existence de telles mesures secrètes à son égard. De plus, la loi ne prévoyait aucune sanction ou mesure que les commissions parlementaires auraient été compétentes de prendre en cas de méconnaissance de la loi par les autorités ayant réalisé ou autorisé les interceptions (voir, a contrario, Klass précité, §§ 53 et 55).
d)  Manque de garanties concernant la sauvegarde du caractère intact et complet des enregistrements et leur destruction
78.  La loi n'obligeait pas le procureur à préciser dans l'autorisation les numéros de téléphone mis sur écoute ni ne prévoyait de garanties pour sauvegarder le caractère intact et complet des enregistrements (mutatis mutandis, Prado Bugallo précité, § 30 in fine ; Kruslin précité, § 35). En l'espèce, il est indéniable que le parquet a versé au dossier du tribunal des transcriptions fragmentaires des conversations téléphoniques du requérant mises sur écoute (paragraphes 29 et 35 ci-dessus). Cela n'est pas, en soi, incompatible avec les exigences du l'article 8. La Cour peut admettre que, dans certaines circonstances, il soit excessif, ne serait-ce que d'un point de vue pratique, de transcrire et de verser au dossier d'instruction d'une affaire la totalité des conversations interceptées à partir d'un poste téléphonique. Cela pourrait certes aller à l'encontre d'autres droits, tel, par exemple, le droit au respect de la vie privée d'autres personnes qui ont passé des appels à partir du poste mis sous écoute. Si tel est le cas, l'intéressé doit néanmoins se voir offrir la possibilité d'écouter les enregistrements ou de contester leur véracité, d'où la nécessité de les garder intacts jusqu'à la fin du procès pénal, et, plus généralement, de verser au dossier d'instruction les pièces qui lui semblent pertinentes pour la défense de ses intérêts. La Cour y reviendra plus loin.
79.  La loi ne contenait pas non plus de précisions concernant les circonstances dans lesquelles les informations obtenues par écoutes téléphoniques pouvaient être détruites (mutatis mutandis, Amann c. Suisse [GC], no 27798/95, § 78, CEDH 2000-II ; voir, a contrario, Klass précité, § 52).
e)  Manque d'indépendance de l'autorité qui aurait pu attester la réalité et la fiabilité des enregistrements
80.  Il ressort de la motivation du jugement avant dire droit du tribunal militaire de Bucarest du 5 février 1999 (paragraphe 21 ci-dessus) que la seule autorité nationale qui aurait pu attester la réalité et la fiabilité des enregistrements en procédant à une comparaison des voix était le service roumain de renseignements, à savoir l'autorité même qui était chargée d'intercepter les communications, de les mettre par écrit et de certifier leur authenticité, autorité dont l'indépendance et l'impartialité pouvaient, de ce fait, être mises en doute (voir, mutatis mutandis, Hugh Jordan c. Royaume-Uni, no 24746/94, §§ 106, 4 mai 2001 ; McKerr c. Royaume-Uni, no 28883/95, § 112, CEDH 2001-III ; Ögur c. Turquie, [GC] no 21954/93, CEDH 1999-III, §§ 91-92).
81.  Il s'agissait là d'un obstacle de fait assurément susceptible de dissuader – à l'instar d'un obstacle de droit – les personnes qui auraient souhaité alléguer d'éventuels abus des autorités. A cet égard, la Cour considère que, dès lors qu'il y a un doute sur la réalité ou la fiabilité d'un enregistrement, il devrait y avoir une possibilité claire et effective de le faire expertiser par un centre public ou privé indépendant de celui qui a effectué les écoutes.
4.  Le nouveau cadre législatif
82.  La Cour relève que le Code de procédure pénale comporte désormais de nombreuses garanties en matière d'interception et de transcription des communications, d'archivage des données pertinentes et de destruction de celles qui ne le sont pas ; en attestent les lois nos 281/2003 et 356/2006 sur la modification du CPP qui exigent que les opérations d'interception et d'enregistrement des communications effectuées par téléphone ou par un autre moyen électronique soient réalisées en vertu d'une autorisation motivée rendue par un juge (paragraphes 45-46 ci-dessus).
83.  Il ressort de plus des observations complémentaires du Gouvernement que le contrôle de la fiabilité des enregistrements est désormais l'apanage de l'Institut national d'expertise criminalistique, qui agit sous l'autorité du ministère de la Justice et dont les experts ont désormais la qualité de « fonctionnaires publics » et sont complètement indépendants des autorités compétentes pour intercepter ou transcrire les communications mises sur écoute (paragraphe 54 ci-dessus).
84.  Il reste que ces changements législatifs, qu'il convient de saluer, sont largement postérieurs aux faits dénoncés par le requérant. Par ailleurs, force est de constater qu'en dépit des amendements apportés au CPP par les lois nos 281/2003 et 356/2006, des mesures de surveillance dans des cas d'atteinte présumée à la sûreté nationale semblent pouvoir être ordonnées aujourd'hui encore par le parquet selon la procédure prévue à l'article 13 de la loi no 51/1991, laquelle n'a pas été abrogée à ce jour. En atteste la récente décision de la Cour constitutionnelle publiée au Journal officiel du 16 janvier 2007, par laquelle le juge constitutionnel, saisi par un tribunal interne qui alléguait précisément l'inconstitutionnalité de l'article 13 au motif que celui-ci permettait d'éluder les garanties prévues par le CPP en matière d'interception des communications, invoqua le caractère spécial de la loi no 51/1991 pour justifier son application à des faits postérieurs à l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure prévue par le CPP (paragraphe 42 ci-dessus).
5.  Conclusion
85.  A la lumière des circonstances de l'espèce, la Cour considère que le requérant n'a pas joui du degré minimal de protection contre l'arbitraire voulu par l'article 8 de la Convention.
86.  Partant, il y a eu violation de cette disposition.
III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
87.  Le requérant se plaint d'avoir été condamné sur le fondement de moyens de preuve qui n'auraient pas été régulièrement recueillis en vertu du droit interne et de l'article 8 de la Convention, et y voit une méconnaissance de l'article 6 § 1 de la Convention, qui dispose dans ses parties pertinentes :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
A.  Thèses des parties
88.  Le requérant considère que l'utilisation comme preuve au procès pénal dirigé contre lui d'écoutes téléphoniques dépourvues d'une base légale suffisante était de nature à entacher d'arbitraire les décisions de condamnation rendues à son encontre par les juridictions nationales et à emporter violation de l'article 6.
89.  Il relève tout d'abord que les juridictions nationales, qui se sont appuyées sur la transcription de ses communications et sur la liste de ses communications téléphoniques pour fonder leurs décisions de condamnation, n'ont nullement examiné si ces preuves avaient été régulièrement recueillies par le parquet en vertu du droit interne, dont la Convention, et plus particulièrement l'article 8, faisaient partie.
90.  Rappelant que les juges nationaux sont dans l'obligation, compte tenu du rang supérieur conféré en droit interne à la Convention par rapport à la loi nationale, d'écarter l'application des normes nationales contraires à la Convention et à ses protocoles additionnels, le requérant fait valoir que les juridictions nationales – en particulier le tribunal militaire territorial et la Cour suprême de justice – ont pourtant omis de se prononcer sur un moyen de droit expressément soulevé par son avocat et tiré de l'incompatibilité de la législation nationale autorisant, à l'époque, les écoutes téléphoniques – à savoir l'article 911-5 du CPP – avec l'article 8. Or, il s'agissait d'un moyen de droit déterminant pour l'issue de la procédure.
91.  Le requérant soutient par ailleurs que le tribunal militaire territorial de Bucarest a refusé de renvoyer devant la Cour constitutionnelle l'exception d'inconstitutionnalité de l'article 911-5 du CPP soulevée par son avocat le 15 février 1999.
92.  Il invoque le non-versement par le parquet au dossier d'instruction du mandat d'autorisation des écoutes et de la transcription intégrale des communications interceptées pour justifier le fait qu'il se soit limité à contester la légalité desdites interceptions devant les juridictions nationales et non pas leur contenu proprement dit.
93.  Enfin, il considère que l'illégalité de l'interception de ses communications, dont la transcription a ensuite été utilisée par les juges comme moyen de preuve, n'a pas manqué d'avoir des répercussions sur l'équité de la procédure pénale dirigée contre lui car elle en a préjugé l'issue.
94.  Le Gouvernement réplique en faisant valoir que les juridictions nationales ont pris en compte la transcription des écoutes téléphoniques du requérant comme élément de preuve pour étayer leurs décisions de condamnation, sans pour autant y accorder un poids particulier. Il relève que l'avocat du requérant a eu la possibilité, devant les juridictions nationales, de consulter le dossier complet contenant la transcription des écoutes autorisées par le parquet. Il déclare à cet égard que la mention « secret » apposée par le juge sur les documents était opposable aux tiers, lesquels ne pouvaient pas y avoir accès compte tenu des renseignements sur la vie privée des coïnculpés contenus dans lesdits documents, ce qui ne signifiait nullement que les coïnculpés, leurs avocats ou le procureur s'en seraient vu interdire l'accès.
95.  Il souligne que le requérant n'a jamais nié le contenu des enregistrements litigieux ni contesté leur authenticité.
96.  Quant au fait que les juridictions nationales auraient omis de se prononcer expressément sur un moyen de droit tiré par le requérant de l'incompatibilité de l'article 911-5 du CPP avec l'article 8 de la Convention, le Gouvernement fait valoir que cette question a été tranchée par la décision de la Cour constitutionnelle du 3 février 2000, qui a rejeté l'exception d'inconstitutionnalité de l'article précité au motif que celui-ci était compatible avec la Constitution et avec l'article 8 de la Convention. Or, dès lors qu'une telle décision revêtait un caractère définitif et était obligatoire erga omes à partir de la date de sa publication au Journal officiel (le 17 avril 2000), comme il ressort de la loi sur l'organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, le fait que les juridictions nationales, en particulier la Cour suprême de justice, ne soient pas revenues sur ses termes n'était pas de nature à priver le requérant des garanties associées au droit à un procès équitable, dont le droit d'avancer des arguments et d'obtenir une réponse motivée pour chacun d'entre eux.
97.  De manière générale, le Gouvernement souligne que les juridictions nationales sont unanimes à considérer qu'elles ont non seulement la faculté, mais aussi l'obligation d'écarter – ex officio ou à la demande des parties – les dispositions du droit interne qui seraient incompatibles avec la Convention et ses protocoles additionnels. Il fournit à l'appui plusieurs exemples d'arrêts adoptés par les tribunaux nationaux d'où il ressort que ceux-ci, confrontés à une loi que la Cour avait déclarée incompatible avec la Convention, se sont abstenus de l'appliquer.
98.  Le requérant réplique sur ce dernier point que, bien que la Convention ait priorité, en théorie, sur toute norme de droit interne qui irait à l'encontre de ses dispositions, cela ne signifie pas que, dans la pratique, l'application directe de la Convention se fasse automatiquement, les juridictions nationales étant encore réticentes à écarter l'application des normes nationales contraires à la Convention et à ses protocoles additionnels et à appliquer directement les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour.
B.  Appréciation de la Cour
1.  Sur le manque des juridictions nationales à répondre au moyen de droit tiré de l'incompatibilité de l'article 911-5 du CPP avec l'article 8 de la Convention
99.  Le requérant se plaint que les juridictions nationales – en particulier le tribunal militaire territorial et la Cour suprême de justice – ont omis de se prononcer sur un moyen de droit expressément soulevé par son avocat et tiré de l'incompatibilité de la législation nationale autorisant, à l'époque, les écoutes téléphoniques, à savoir l'article 911-5 du CPP, avec l'article 8. Or, il s'agissait là selon lui d'un moyen de droit déterminant pour l'issue de la procédure.
100.  La Cour rappelle que le droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention, englobe, entre autres, le droit des parties au procès à présenter les observations qu'elles estiment pertinentes pour leur affaire. La Convention ne visant pas à garantir des droits théoriques ou illusoires mais des droits concrets et effectifs (Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, série A no 37, p. 16, § 33), ce droit ne peut passer pour effectif que si ces observations sont vraiment « entendues », c'est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi. Autrement dit, l'article 6 implique notamment, à la charge du « tribunal », l'obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence (Perez c. France [GC], no 47287/99, § 80, CEDH 2004-I, et Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, p. 19, § 59).
101.  En l'espèce, la Cour note que, s'il est vrai que le tribunal militaire territorial statuant en première instance a refusé de renvoyer devant la Cour constitutionnelle l'exception d'inconstitutionnalité de l'article 911-5 du CPP, cette omission a été réparée en appel, la cour militaire d'appel ayant saisi la juridiction constitutionnelle de l'exception soulevée par l'avocat du requérant et tirée de l'incompatibilité de la législation nationale autorisant, à l'époque, les écoutes téléphoniques, avec l'article 8 (paragraphe 32 ci-dessus). Or, par une décision du 3 février 2000, la Cour constitutionnelle a conclu à la compatibilité de la loi nationale en cause avec l'article 8 de la Convention et avec les principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour en la matière.
102.  Cette conclusion se heurte, certes, au constat de la Cour énoncé aux paragraphes 84 et 85 ci-dessus mais, aussi regrettable soit-elle, il convient néanmoins de rappeler qu'il n'appartient pas généralement à la Cour de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne (voir, entre autres, Garcίa Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I ; Perez précité, § 82 ; Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 115, CEDH 2000-VII). Cela vaut également s'agissant d'une erreur d'application ou d'interprétation de la jurisprudence de la Cour par le juge constitutionnel national.
103.  Pour autant que le grief du requérant peut se comprendre comme le reproche envers les juridictions nationales saisies du bien-fondé de l'accusation pénale dirigée contre lui de ne pas avoir elles-mêmes examiné le moyen de droit tiré de l'incompatibilité de la législation nationale avec l'article 8 de la Convention, la Cour estime qu'un système basé sur la primauté de la Convention et de la jurisprudence y relative sur les droits nationaux est à même d'assurer au mieux le bon fonctionnement du mécanisme de sauvegarde mis en place par la Convention et ses protocoles additionnels. Il n'est pas dépourvu d'importance de rappeler à cet égard, que, dans sa Recommandation du 12 mai 2004 (Rec. (2004)6), le Comité des Ministres s'est félicité de ce que la Convention faisait partie intégrante de l'ordre juridique interne de l'ensemble des Etats parties. Cela implique l'obligation pour le juge national d'assurer le plein effet de ses normes en les faisant au besoin passer avant toute disposition contraire qui se trouve dans la législation nationale, sans devoir attendre son abrogation par le législateur (mutatis mutandis, Vermeire c. Belgique, arrêt du 29 novembre 1991, série A no 214-C, p. 84, § 26).
104.  Or la Cour relève que le statut conféré à la Convention en droit interne permet justement aux juridictions nationales d'écarter – ex officio ou à la demande des parties – les dispositions du droit interne qu'elles jugent incompatibles avec la Convention et ses protocoles additionnels. Le simple fait qu'elles ont choisi, en l'espèce, la voie d'un renvoi à la Cour constitutionnelle – qui statue sur la compatibilité de la loi avec le droit interne dont la Convention fait partie intégrante – et qu'elles n'ont pas elles-mêmes tranché cette question alors qu'il leur était également loisible de le faire, ne saurait en soit entraîner une méconnaissance de l'article 6. Il en va d'autant plus ainsi que ni la Convention en général, ni son article 13 en particulier, ne prescrivent aux Etats contractants une manière déterminée d'assurer dans leur droit interne l'application effective des dispositions de cet instrument (mutatis mutandis, Syndicat suédois des conducteurs de locomotives, arrêt du 6 février 1976, série A no 20, § 50 ; Silver et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 25 mars 1983, série A no 61, § 113).
105.  La Cour ne saurait donc souscrire à l'argument du requérant selon lequel les juridictions nationales n'ont pas examiné le moyen de droit tiré de l'incompatibilité de la législation nationale avec l'article 8 de la Convention.
2.  Sur l'emploi, par les juridictions nationales, des transcriptions des communications téléphoniques interceptées
106.  Le requérant allègue pour l'essentiel que sa condamnation s'appuyait principalement sur les transcriptions de ses communications téléphoniques interceptées en méconnaissance de la loi nationale et de la Convention. Il estime que l'emploi d'un élément de preuve illégalement obtenu prive un accusé d'un procès équitable et emporte violation de l'article 6. La Cour ne saurait souscrire par principe et in abstracto à une telle thèse. Si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que telles, matière qui relève au premier chef du droit interne. La Cour ne saurait donc exclure l'admissibilité d'une preuve recueillie sans respecter les prescriptions du droit national (Schenk c. Suisse, arrêt du 12 juillet 1988, série A no 140, § 46 ; Khan précité, § 35, et P.G et J.H c. Royaume-Uni, no 44787/98, § 76, CEDH 2001-IX). La Cour rappelle par ailleurs que, par le passé, elle a déjà eu l'occasion de déclarer que l'utilisation d'un enregistrement illégal et de surcroît comme unique élément de preuve ne se heurte pas en soi aux principes d'équité consacrés par l'article 6 § 1 de la Convention, y compris lorsque cet élément a été obtenu en violation des exigences de la Convention, en particulier celles de l'article 8 de la Convention (Khan précité, § 40 ; P.G et J.H c. Royaume-Uni précité, § 81 ; Schenk précité, § 49).
107.  Cela ne dispense pas la Cour du devoir de rechercher si, en l'espèce, la procédure litigieuse, envisagée comme un tout, y compris le mode d'administration des preuves, a revêtu un caractère équitable (arrêts Edwards c. Royaume-Uni du 16 décembre 1992, série A no 247-B, pp. 34-35, § 34, Bernard c. France du 23 avril 1998, Recueil 1998-II, § 37, et Garcia Ruiz c. Espagne du 21 janvier 1999, Recueil 1999-I), sans qu'il soit question pour autant de dire si le requérant est coupable ou non, ou de remettre en cause une décision de condamnation (Khan précité, § 34, et P.G et J.H précité, § 76).
108.  Saisies du bien-fondé de l'accusation pénale dirigée contre le requérant, les juridictions nationales ont admis les enregistrements des communications du requérant en tant que moyen de preuve à charge, en vertu de l'article 91 du CPP qui régissait à l'époque l'utilisation des écoutes téléphoniques comme moyen de preuve au procès pénal. A cet égard, la Cour observe qu'il a été loisible au requérant et à son avocat de consulter les notes du parquet contenant les transcriptions des conversations du requérant versées par le président du tribunal militaire territorial de Bucarest au dossier d'instruction de l'affaire (paragraphe 20 ci-dessus). Cela ressort clairement tant de la motivation du jugement avant dire droit du tribunal militaire territorial du 16 février 1999 (paragraphe 23 ci-dessus) que des arguments soulevés en défense par l'avocat du requérant, notamment pour fonder l'exception d'inconstitutionnalité de l'article 91 du CPP, lesquels attestent une profonde connaissance des notes du parquet comprenant les transcriptions des communications téléphoniques et les comptes rendus des services spéciaux sur les circonstances de l'interception (paragraphe 22 ci-dessus).
109.  La Cour relève que l'illégalité des écoutes téléphoniques alléguée par le requérant devant les juges nationaux se rapporte exclusivement à la méconnaissance des dispositions nationales légales de par l'absence d'autorisation du parquet le visant personnellement et de transcription intégrale des communications interceptées par les services spéciaux. Le requérant n'a jamais nié le contenu des enregistrements litigieux ni contesté leur authenticité, que ce soit devant les juridictions nationales (voir, a contrario, Schenk précité, § 47) ou même devant la Cour. Si tel avait été le cas, une question distincte aurait pu se poser sous l'angle des articles 6 ou 13 de la Convention dans la mesure où, comme il ressort de la motivation du jugement avant dire droit du tribunal militaire de Bucarest du 5 février 1999, la seule autorité nationale qui aurait pu attester la réalité et la fiabilité des enregistrements était celle même qui était chargée d'intercepter les communications, de les transcrire par écrit et d'en certifier l'authenticité, et dont l'indépendance et l'impartialité pouvaient de ce fait être mises en doute (mutatis mutandis, Rotaru, §§ 67-73 ; Schenk, § 77 ; Khan, § 38).
110.  Enfin, la Cour relève qu'en matière de preuve, le droit procédural roumain prévoit que les preuves n'ont pas de valeur préétablie et ne sont pas hiérarchisées, leur force probante étant fonction de l'intime conviction des juges quant à l'ensemble des preuves administrées, sans qu'il y ait donc présomption de supériorité d'une preuve sur une autre (paragraphe 39 ci-dessus). Elle considère qu'il convient, en l'espèce, d'attacher du poids à la circonstance que les enregistrements litigieux n'ont pas constitué le seul moyen de preuve soumis à l'appréciation souveraine des juges (voir, mutatis mutandis, Schenk précité, §§ 47 et 48 ; Turquin c. France, no 43467/98 (déc.), 24 janvier 2002). En effet, le tribunal militaire territorial et les juridictions supérieures ont confronté les enregistrements à d'autres éléments de preuve, tels que les déclarations des coïnculpés, les témoignages des agents chargés de la sécurité de l'aéroport d'Otopeni et les procès-verbaux de confrontation, de reconstitution et de perquisition, autant d'éléments parmi lesquels les enregistrements litigieux ont certes compté dans la décision des juges nationaux de condamner le requérant, mais sans pour autant qu'ils aient constitué l'élément unique ayant forgé leur intime conviction quant à la culpabilité de celui-ci (paragraphes 26 et 37 ci-dessus).
111.  A la lumière de ce qui précède, la Cour considère que l'utilisation des enregistrements litigieux comme pièce à conviction n'a pas privé le requérant d'un procès équitable et n'a donc pas enfreint l'article 6 § 1 de la Convention.
IV.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
112.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
113.  A titre principal, le requérant demande à la Cour de constater qu'il y a eu en l'espèce violation des articles 6 § 1 et 8 de la Convention, ce qui implique, selon lui, l'obligation pour les autorités nationales de rouvrir la procédure dirigée contre lui en respectant les droits garantis par la Convention. Subsidiairement, il demande une réparation, qu'il laisse à l'appréciation de la Cour, du préjudice moral et matériel découlant du fait qu'il a été condamné et a dû purger une peine de prison à l'issue d'un procès où ses droits garantis par les articles 6 et 8 de la Convention ont été bafoués.
114.  Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Cour, tout en soulignant la conformité du droit interne avec la recommandation no R (2000)2 du Comité des Ministres sur le réexamen ou la réouverture de certaines affaires à la suite des arrêts de la Cour.
115.  La Cour relève que la seule base à retenir pour l'octroi d'une satisfaction équitable réside, en l'espèce, dans le fait qu'il y a eu une ingérence injustifiée dans le droit du requérant au respect de sa vie privée (paragraphe 86 ci-dessus). Elle ne décèle aucun lien de causalité entre les faits à l'origine de la violation constatée et le préjudice matériel allégué par le requérant qui n'est, du reste, ni quantifié ni justifié.
116.  La Cour estime que le constat de violation de l'article 8 constitue une réparation suffisante du préjudice moral subi par l'intéressé à raison de cette violation. Cette conclusion ne dispense pas l'Etat défendeur de choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à adopter dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d'en effacer dans la mesure du possible les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, § 198, CEDH 2004-II ; Maestri c. Italie [GC], no 39748/98, § 47, CEDH 2004-I ; Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000-VIII).
117.  La Cour relève par ailleurs que le requérant – qui s'est déjà vu verser 850 euros (EUR) par le Conseil de l'Europe au titre de l'assistance judiciaire – ne présente aucune demande supplémentaire de remboursement d'éventuels frais et dépens.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,
1.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;
2.  Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 de la Convention ;
3.  Dit que le constat de violation de l'article 8 de la Convention constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant en raison de cette violation ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 avril 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Boštjan M. Zupančič   Greffier Président
ARRÊT DUMITRU POPESCU c. ROUMANIE (n° 2)
ARRÊT DUMITRU POPESCU c. ROUMANIE (n° 2) 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 71525/01
Date de la décision : 26/04/2007
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 8 ; Non-violation de l'art. 6 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 8-1) RESPECT DE LA CORRESPONDANCE, (Art. 8-2) GARANTIES CONTRE LES ABUS


Parties
Demandeurs : DUMITRU POPESCU
Défendeurs : ROUMANIE (N° 2)

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2007-04-26;71525.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award