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07/02/2008 | CEDH | N°20532/02

CEDH | AFFAIRE BUTTU ET BOBULESCU c. ROUMANIE (N° 2)


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE BUTTU ET BOBULESCU c. ROUMANIE (No 2)
(Requête no 20532/02)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2008
DÉFINITIF
07/05/2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Buttu et Bobulescu c. Roumanie (no 2),
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Boštjan M. Zupančič, président,   Corneliu Bîrsan,   Elisabet Fura-Sandström,

 Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   David Thór Björgvinsson,   Ineta Ziemele, juges,  et de Santiag...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE BUTTU ET BOBULESCU c. ROUMANIE (No 2)
(Requête no 20532/02)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2008
DÉFINITIF
07/05/2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Buttu et Bobulescu c. Roumanie (no 2),
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Boštjan M. Zupančič, président,   Corneliu Bîrsan,   Elisabet Fura-Sandström,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   David Thór Björgvinsson,   Ineta Ziemele, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 janvier 2008,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 20532/02) dirigée contre la Roumanie et dont deux ressortissants de cet Etat,   M. Dimitrie Nicolaie Constantin Buttu et Mme Maria Ana Teodora Bobulescu (« les requérants »), ont saisi la Cour le 22 avril 2002 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le 27 février 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4.  Les requérants, frère et sœur, sont nés respectivement en 1935 et 1940 et résident à Bucarest.
5.  En 1950, le bien immobilier situé au no 22 de la rue Dăniceni (ancienne rue Kogalniceanu) à Bucarest, composé d'une maison à plusieurs pièces ainsi que le terrain afférent de 400 m² fit l'objet d'une nationalisation. Après la nationalisation la maison fut partagée en quatre unités locatives.
6.  Le 23 janvier 1997, en application de la loi no 112/1996, l'Etat vendit l'appartement no 2 situé au premier étage de la maison, à R.T. Le 21 mars 1997, l'Etat vendit l'appartement no 2, situé au rez-de-chaussée, à E.F.E., l'appartement no 4, situé au premier étage, à S.D, et l'appartement no 1, situé au rez-de-chaussée, à B.A. Les acheteurs des appartements étaient des anciens locataires de l'État.
7.  Le 8 juillet 1997, suite à une action en revendication immobilière formulée devant le tribunal de première instance de Bucarest, contre la mairie de Bucarest, les requérants obtinrent un jugement constatant l'illégalité de la nationalisation de leur bien immobilier et ordonnant aux autorités à le leur restituer. Faute de recours, ce jugement devint définitif.
8.  En 2000, les requérants formèrent une action en annulation des contrats de vente conclu en faveur de S.D., portant sur l'appartement no 4 situé au premier étage. Au terme de la procédure, par un arrêt du 9 novembre 2001, la cour d'appel de Bucarest confirma une décision du tribunal départemental de Bucarest, constatant la légalité du contrat de vente et rejetant leur action comme mal fondée.
9.  La même année, les requérants saisirent les tribunaux d'une action en annulation du contrat de vente conclu en faveur de R.T., portant sur l'appartement no 2, situé au 1er étage. Il ressort des éléments du dossier que le 3 avril 2001, la procédure fut suspendue par la cour d'appel de Bucarest, afin que les requérants puissent poursuivre leurs démarches en vue de restitution de leur bien par la voie administrative prévue par la loi no 10/2001.
10.  En 2001, les requérants saisirent le tribunal départemental de Bucarest d'une action en annulation des contrats de vente conclus en faveur de B.A. et E.F.E., portant sur les appartements nos 1 et 2 situés au   rez-de-chaussée. Au terme de la procédure, par un arrêt du 18 novembre 2003, la Haute cour de cassation et justice fit droit à un recours formé par les acheteurs et rejeta l'action des requérants, en retenant la bonne foi des parties contractantes.
11.  Selon le Gouvernement, les requérants auraient déposé en 2001 une demande en restitution de leur bien immobilier sur le fondement de la loi no 10/2001. D'après les mêmes informations, cette demande n'a pas été solutionnée, en raison de l'absence de certains documents justificatifs.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
12.  Les dispositions légales et la jurisprudence interne pertinentes sont décrites dans les arrêts Brumărescu c. Roumanie ([GC], no 28342/95, CEDH 1999-VII, pp. 250-256, §§ 31-33), Străin et autres c. Roumanie (no 57001/00, CEDH 2005-VII, §§ 19-26) et Păduraru c. Roumanie (no 63252/00, §§ 38-53, 1 décembre 2005).
13.  La loi no 10/2001 du 14 février 2001 sur le régime juridique des biens immeubles pris abusivement par l'État entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989 a été modifiée par la loi no 247 publiée au Journal officiel du 22 juillet 2005. La nouvelle loi élargit les formes d'indemnisation en permettant aux bénéficiaires de choisir entre une compensation sous forme de biens et services et une compensation sous forme de dédommagement pécuniaire équivalant à la valeur marchande du bien qui ne peut pas être restitué en nature au moment de l'octroi de la somme.
14.  Les dispositions pertinentes de la loi no 10/2001 (republiée) telles que modifiées par la loi no 247/2005 se lisent ainsi :
Article 1
« 1.  Les immeubles que l'État (...) s'est approprié abusivement entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989, de même que ceux pris par l'Etat en vertu de la loi no 139/1940 sur les réquisitions, et non encore restitués, feront l'objet d'une restitution en nature.
2.  Si la restitution en nature n'est pas possible, il y a lieu d'adopter des mesures de réparation par équivalence. Il peut s'agir de la compensation par d'autres biens ou services (...), avec l'accord du demandeur, ou d'un dédommagement pécuniaire octroyé selon les dispositions spéciales concernant la détermination et le paiement de dédommagements pour les biens immeubles acquis abusivement.
Article 10
« 1)  Lorsque les bâtiments tombés dans le patrimoine de l'État d'une manière abusive ont été démolis totalement ou partiellement, la restitution en nature est ordonnée pour le terrain libre et pour les constructions qui n'ont pas été démolies, tandis que des mesures réparatrices par équivalence seront fixées pour les terrains occupés et pour les constructions démolies.
8)  La valeur des constructions que l'Etat s'est abusivement appropriées et qui ont été démolies est déterminée en fonction de leur valeur vénale au jour où l'administration statue sur la demande, établie selon les normes internationales d'évaluation à partir des informations à la disposition des évaluateurs.
9)  La valeur des constructions qui n'ont pas été démolies et des terrains y afférents que l'Etat s'est abusivement appropriés et qui ne peuvent pas être restitués en nature est déterminée en fonction de leur valeur vénale au jour où l'administration statue sur la demande, conformément aux normes internationales d'évaluation. »
Article 20
« 1)  Les personnes qui se sont vu octroyer des dédommagements en vertu de la loi no 112/1995 peuvent, sauf dans le cas où l'immeuble a été vendu [à des tiers] avant l'entrée en vigueur de la présente loi, en solliciter la restitution en nature, à charge pour elles de rembourser le montant reçu au titre des dédommagements, corrigé en fonction du taux de l'inflation.
2)  Dans le cas où l'immeuble a été vendu [à des tiers] dans les conditions prévues par la loi no 112/1995 (...), le demandeur a droit à des mesures de réparation par équivalence, à hauteur de la valeur vénale de l'immeuble, incluant le terrain et les constructions, déterminée conformément aux normes internationales d'évaluation. Lorsque le demandeur a reçu des dédommagements en vertu de la loi no 112/1995, il a droit à la différence entre la valeur vénale du bien et le montant reçu au titre desdits dédommagements, corrigé en fonction du taux d'inflation.
15.  Les articles 13 et 16 du titre VII de la loi no 247/2005, également pertinents dans la présente affaire, se lisent ainsi :
Article 13
« 1)  En vue d'arrêter le montant final des dédommagements à octroyer selon la présente loi, sera créée une Commission centrale des dédommagements, ci-après la Commission centrale, placée sous l'autorité du Premier ministre (...)
Article 16
« 1)  Les décisions délivrées par les autorités compétentes pour restituer le bien mentionnant des sommes à titre de dédommagement (...) seront envoyées au secrétariat de la Commission centrale au plus tard 60 jours après l'entrée en vigueur de la présente loi.
2)  Les demandes de restitution déposées en vertu de la loi no 10/2001 (...) qui n'ont pas reçu de réponse au moment de l'entrée en vigueur de la loi seront envoyées (...) au secrétariat de la Commission centrale (...) dans un délai de 10 jours à compter de la date de la délivrance des décisions des autorités compétentes pour restituer le bien.
5)  Le secrétariat de la Commission centrale dressera la liste des dossiers mentionnés aux alinéas 1 et 2 dans lesquels la demande de restitution en nature a été rejetée. Ces dossiers seront ensuite transmis à l'autorité chargée de l'évaluation, qui rédigera le rapport d'évaluation.
6)  (...) L'autorité chargée de l'évaluation rédigera le rapport d'évaluation selon la procédure prévue à cet effet et le transmettra à la Commission centrale. Le rapport contiendra le montant du dédommagement à octroyer.
7)  Sur la base du rapport d'évaluation, la Commission centrale prononcera la décision d'octroi de dédommagement ou renverra le dossier pour une nouvelle évaluation. »
16.  Le fonctionnement de la société par actions « Proprietatea » est décrit dans l'affaire Radu c. Roumanie (no 13309/03, §§ 18-20, 20 juillet 2006).
17.  La loi no 247/2005 a été modifiée en dernier lieu par l'ordonnance d'urgence du Gouvernement no 81 du 28 juin 2007, publiée au Journal Officiel du 29 juin 2007 et portant sur l'accélération de la procédure d'indemnisation pour les immeubles pris abusivement par l'Etat.
18.  Selon l'article 181 du titre I de l'ordonnance, lorsque la Commission centrale a décidé l'octroi des dédommagements dont le montant ne dépasse pas 500 000 nouveaux lei roumains (« RON »), les bénéficiaires peuvent opter entre des actions à « Proprietatea » et l'octroi des dédommagements pécuniaires. Pour les montants supérieurs à 500 000 RON, les intéressés peuvent réclamer des dédommagements pécuniaires à hauteur de 500 000 RON, et se verront octroyer des actions à « Proprietatea » pour la différence.
19.  Selon l'article 7 du titre II de l'ordonnance, dans les six mois à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le Gouvernement devra établir les règles de désignation de la société gérante de « Proprietatea ».
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
20.  Les requérants allèguent que la vente de l'appartement no 4 situé au premier étage au locataire S.D., validée par l'arrêt du 9 novembre 2001 de la cour d'appel de Bucarest, ainsi que la vente des appartements nos 1 et 2 situés au rez-de-chaussée, aux locataires E.F.E. et B.A. validée par l'arrêt du 18 novembre 2003 de la Haute cour de cassation et justice ont méconnu l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Ils se plaignent également de l'impossibilité de jouir de leur droit de propriété sur l'appartement no 2, situé au premier étage, vendu à R.T., en méconnaissance de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
A.  Sur la recevabilité
21.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal-fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle observe par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun motif d'irrecevabilité et le déclare donc recevable.
B.  Sur le fond
22.  Le Gouvernement fait observer que les requérants ont déposé une demande de restitution en nature de leur bien, sur le fondement de la loi no 10/2001 mais que cette demande n'a pas abouti en raison de l'absence de certains documents justificatifs. Il estime que la dernière réforme en la matière, à savoir la loi no 247/2005, prévoit que, dans le cas où la restitution de l'immeuble n'est pas possible, l'indemnisation se fera par l'émission de titres de participation à un organisme collectif de valeurs mobilières (« Proprietatea »), à hauteur de la valeur du bien établie par expertise. Le Gouvernement conclut que l'indemnisation prévue par la législation roumaine répond aux exigences de l'article 1 du Protocole no 1 et que le retard enregistré dans l'octroi des dédommagements aux requérants ne rompt pas le juste équilibre à ménager entre les intérêts en présence.
23.  Les requérants contestent la thèse du Gouvernement. Ils affirment que les autorités ont méconnu le jugement définitif rendu en leur faveur et ont vendu illégalement les appartements composant le bien immobilier à des tierces personnes les occupant en tant que locataires. Ils estiment que la loi no 10/2001, telle que modifiée par les lois ultérieures, ne fait que confirmer la vente de leur bien immobilier, sans leur offrir la possibilité d'en récupérer la propriété.
24.  La Cour a traité à maintes reprises des affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir Porteanu, précité, §§ 32-35).
25.  Concernant l'appartement no 2, situé au premier étage, vendu à R.T., la Cour observe que les requérants se trouvent toujours dans l'impossibilité de jouir de leur bien que les autorités devraient restituer suite à sa vente par l'Etat à des tiers. La Cour observe que, bien que la procédure en annulation du contrat de vente a été suspendue devant les tribunaux internes, une telle action ne constituait pas, en l'espèce, un recours qui présentait des perspectives raisonnables de succès (cf. mutatis mutandis Popescu et Dasoveanu c Roumanie no 24681/02, §§ 26 - 29, 19 juillet 2007).
26.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. La Cour réaffirme notamment que, dans le contexte législatif roumain régissant les actions en revendication immobilières et la restitution des biens nationalisés par le régime communiste, la vente par l'État d'un bien d'autrui à des tiers de bonne foi, même lorsqu'elle est antérieure à la confirmation en justice d'une manière définitive du droit de propriété d'autrui, s'analyse en une privation de bien. Une telle privation, combinée avec l'absence totale d'indemnisation, est contraire à l'article 1 du Protocole no 1 (Străin, précité, §§ 39, 43 et 59).
27.  Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce, la mise en échec du droit de propriété des requérants sur les appartements nos 2 et 4 (situés au premier étage), et nos 1 et 2 (situés au   rez-de-chaussée), ainsi que sur le terrain y afférent, vendus aux locataires R.T., S.D., B.A. et E.F.E., combiné avec l'absence totale d'indemnisation depuis presque dix ans, leur a fait subir une charge disproportionnée et excessive, incompatible avec le droit au respect de leurs biens garanti par l'article 1 du Protocole no 1.
Partant, il y a eu en l'espèce violation de cette disposition.
II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
28.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
29.  Les requérants réclament la restitution en nature de leurs appartements. Ils n'indiquent aucune somme correspondante à la valeur vénale de leurs biens et ne versent aucune expertise technique immobilière. Sans indiquer le montant, les requérants sollicitent la réparation du préjudice moral subi du fait des procédures internes tendant à récupérer la propriété de leurs appartements.
30.  Le Gouvernement fait observer que les requérants n'ont soumis aucune expertise technique immobilière afin d'évaluer leurs biens. D'après le Gouvernement, la valeur vénale totale des appartements litigieux serait de 371 658 euros (« EUR ») et soumet un rapport d'expertise en ce sens. Pour ce qui est de la demande de réparation du préjudice moral, le Gouvernement rappelle que les requérants n'ont pas chiffré leurs prétentions et que le préjudice allégué serait suffisamment compensé dans le cas d'un constat de violation.
31.  La Cour rappelle qu'elle a conclu à la violation de l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention en raison de la vente par l'Etat des quatre appartements composant le bien immobilier sis au no 22 de la rue Dăniceni (ancienne rue Kogalniceanu) à Bucarest, combinée avec l'absence totale d'indemnisation.
32.  La Cour estime, dans les circonstances de l'espèce, que la restitution des appartements nos 2 et 4 (situé au premier étage) et nos 1 et 2 (situés au   rez-de-chaussée) composant le bien immobilier susmentionné, ainsi que les terrains y afférents, placerait les requérants autant que possible dans une situation équivalant à celle où ils se trouveraient si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues.
33.  A défaut pour l'Etat défendeur de procéder à pareille restitution, la Cour décide qu'il devra verser aux requérants, pour dommage matériel, une somme correspondant à la valeur actuelle du bien. Compte tenu des informations dont elle dispose sur les prix du marché immobilier local et des éléments fournis par le Gouvernement, la Cour estime la valeur marchande actuelle du bien à 371 658 EUR.
34.  De surcroît, la Cour considère que les événements en cause ont pu provoquer aux requérants un état d'incertitude et des souffrances qui ne peuvent pas être compensés par le constat de violation. Elle estime que la somme de 2 000 EUR représente une réparation équitable du préjudice moral subi par les requérants.
B.  Frais et dépens
35.  Les requérants demandent le remboursement des frais et dépens encourus devant les juridictions internes sans préciser ni le montant ni soumettre de justificatif en ce sens.
36.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l'allocation de frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).
37.  La Cour observe que les prétentions des requérants au titre des frais et dépens ne sont ni chiffrées, ni accompagnées des justificatifs nécessaires. Il convient donc d'écarter leur demande.
C.  Intérêts moratoires
38.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 de la Convention ;
3.  Dit :
a)  que l'Etat défendeur que l'État défendeur doit restituer aux requérants les appartements nos 2 et 4 (situés au premier étage) et nos 1 et 2 (situés au rez-de-chaussée), ainsi que le terrain y afférent, composant l'immeuble sis au no 22 de la rue Dăniceni (ancienne rue Kogalniceanu) à Bucarest ;
b)  qu'à défaut d'une telle restitution, l'État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les mêmes trois mois, 371 658 EUR (trois cent soixante et onze mille six cent cinquante-huit euros), pour dommage matériel ;
c)  qu'en tout état de cause, l'État défendeur doit verser conjointement aux requérants 2 000 EUR (deux mille euros) pour préjudice moral ;
d)  qu'il convient d'ajouter aux sommes susmentionnées tout montant pouvant être dû à titre d'impôt et que ces sommes seront à convertir dans la monnaie de l'État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
e)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 février 2008 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Boštjan M. Zupančič   Greffier Président
ARRÊT BUTTU ET BOBULESCU c. ROUMANIE (N° 2)
ARRÊT BUTTU ET BOBULESCU c. ROUMANIE (N° 2) 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 20532/02
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété

Parties
Demandeurs : BUTTU ET BOBULESCU
Défendeurs : ROUMANIE (N° 2)

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2008-02-07;20532.02 ?

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