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26/05/2009 | CEDH | N°4023/04

CEDH | AFFAIRE AMANALACHIOAI c. ROUMANIE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE AMANALACHIOAI c. ROUMANIE
(Requête no 4023/04)
ARRÊT
STRASBOURG
26 mai 2009
DÉFINITIF
26/08/2009
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Amanalachioai c. Roumanie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,   Elisabet Fura-Sandström,   Corneliu Bîrsan,   Boštjan M. Zupančič,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   Luis López Guerra, juges,  et de Santiago Quesad

a, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 mai 2009,
Rend l’arrêt que vo...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE AMANALACHIOAI c. ROUMANIE
(Requête no 4023/04)
ARRÊT
STRASBOURG
26 mai 2009
DÉFINITIF
26/08/2009
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Amanalachioai c. Roumanie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
Josep Casadevall, président,   Elisabet Fura-Sandström,   Corneliu Bîrsan,   Boštjan M. Zupančič,   Alvina Gyulumyan,   Egbert Myjer,   Luis López Guerra, juges,  et de Santiago Quesada, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 mai 2009,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 4023/04) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Valentin Amanalachioai (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 novembre 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.
3.  Le requérant se plaignait en particulier de l’impossibilité pour lui d’obtenir le retour de sa fille mineure qui vit actuellement chez ses grands-parents maternels.
4.  Le 3 mai 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5.  Le requérant est né en 1968 et réside à Botoşani. Il est sergent dans la police des frontières de Botoşani.
6.  Le requérant épousa A.D. Le couple eut une fille, D., née le 28 août 1994. Le 14 janvier 1999, A.D. décéda à la suite d’une leucémie et l’enfant resta avec son père à Botoşani.
7.  Le 27 janvier 2001, le requérant donna son accord pour que D. passe ses vacances scolaires chez ses grands-parents maternels, les époux D. (« les grands-parents »), âgés de 62 ans à l’époque, dans le village d’Onceşti, commune de Bârsana dans le département de Maramures.
8.  Le 4 février 2001, les grands-parents informèrent le requérant qu’ils n’entendaient pas lui rendre D.
9.  Le 5 février 2001, le requérant déposa une plainte pénale auprès de la police de Bârsana contre les grands-parents, en les accusant de garder D. sans droit.
10.  Le 6 février 2001, la police informa le requérant que, lors d’un entretien avec les grands-parents, ces derniers avaient manifesté leur refus de restituer l’enfant. Par ailleurs, elle conseilla au requérant de déposer une plainte auprès du tribunal de première instance de Shighetu Marmaţiei pour que celui-ci fixe la résidence de l’enfant.
11.  Le 24 novembre 2001, le requérant épousa B.I. Le couple eut un enfant le 26 juin 2002.
A. Demande en référé du requérant pour obtenir le retour immédiat de l’enfant
12.  Le 7 février 2001, s’appuyant sur les articles 98 et 103 du code de la famille (« CF »), le requérant saisit le tribunal de première instance de Sighetu Marmaţiei d’une demande en référé contre les grands-parents, tendant à la restitution immédiate de D. En subsidiaire, il demanda d’avoir des contactes avec sa fille et un droit de visite chaque semaine. Les grands-parents soutinrent que le requérant avait consenti à leur confier D. pour une période indéterminée et firent valoir qu’ils bénéficiaient de meilleures conditions matérielles pour élever l’enfant.
13.  Par une ordonnance de référé du 1er mars 2001, le tribunal de première instance fit droit à l’action du requérant et condamna les grands-parents à rendre l’enfant à son père. Il constata que le requérant avait seulement donné son accord pour que D. passe ses vacances chez ses grands-parents, qu’elle suivait sa scolarité à l’école maternelle à Botoşani, et qu’en tout état de cause ces derniers n’avaient pas formé de demande reconventionnelle pour obtenir la garde. Il jugea qu’il ressortait des preuves présentées en l’espèce que le requérant pouvait assurer à sa fille des conditions de vie normales, qu’il prenait soin d’elle et que le refus des grands-parents de rendre l’enfant était dû à la souffrance causée par le décès de leur fille.
14.  Les grands-parents relevèrent appel. Par un arrêt du 20 avril 2001, le tribunal départemental de Maramureş, après avoir constaté que le requérant n’avait jamais été déchu de ses droits parentaux, confirma l’ordonnance. Faute de recours, l’ordonnance de référé du 1er mars 2001 devint définitive.
15.  Le 1er mars 2001, le requérant mandata un huissier de justice pour faire exécuter l’ordonnance de référé. Le 7 mars 2001, l’huissier accompagné du requérant et d’agents de police de Bârsana se déplaça à l’école maternelle où les grands-parents avaient inscrit D., mais cette dernière était absente. En outre, il ne trouva personne au domicile des grands-parents. L’huissier ajourna l’exécution au 19 mars 2001, mais à cette dernière date il refusa de continuer l’exécution. Les 1er et 20 avril 2001, le requérant demanda sans succès à l’huissier de poursuivre l’exécution.
16.  Les 23 et 24 mai 2001, lors de nouvelles tentatives d’exécution, l’huissier de justice constata le refus des grands-parents de restituer l’enfant, au motif qu’ils avaient saisi le tribunal départemental de Maramureş d’une action pour en avoir la garde. Les 19 et 20 juillet 2001, l’huissier de justice se déplaça au domicile des grands-parents mais ces derniers étaient absents. Le 3 août 2001, l’huissier de justice informa le requérant que l’ordonnance de référé ne pouvait plus être exécutée au motif que par un arrêt au fond du 8 juin 2001 le tribunal avait rejeté son action pour obtenir le retour de l’enfant (voir paragraphe 25 ci-dessous).
17.  Le 28 août 2001, lors de l’anniversaire de D., le requérant se rendit au domicile des grands-parents. Suite à l’insistance du requérant, D. sortit de la maison. Le requérant prit D. par la main et voulut sortir dans la rue. Les grands-parents se jetèrent sur lui, prirent l’enfant par l’autre main et commencèrent à la tirer vers l’intérieur. Ils appelèrent les voisins à l’aide. Le requérant lâcha l’enfant et monta dans un taxi qui l’attendait. Selon le requérant, le grand-père continua de jeter des pierres sur la voiture.
18.  Lors de cet incident D. subit des lésions nécessitant 17 jours de soins médicaux. Le requérant et les grands-parents déposèrent des plaintes pénales en s’accusant réciproquement de coups et blessures sur D. et d’insultes. Le 15 janvier 2002, le parquet militaire d’Oradea rendit un non-lieu en faveur du requérant, au motif que les grands-parents avaient retiré leur plainte pénale. Le requérant retira également sa plainte pénale contre les grands-parents.
B. Action du requérant contre les grands-parents en vue du retour de l’enfant
19.  Le 7 février 2001, se fondant sur les articles 98 et 103 CF, le requérant saisit le tribunal de première instance de Sighetu Marmaţiei d’une action en restitution de l’enfant contre les grands-parents.
1. La procédure devant les juridictions ordinaires
20.  Par un jugement du 1er mars 2001, le tribunal de première instance fit droit à l’action du requérant. Il nota que le requérant était fonctionnaire au ministère de l’Intérieur et qu’il bénéficiait de ressources financières suffisantes pour offrir à l’enfant des conditions de vie normales, tant sur le plan matériel qu’affectif. Par ailleurs, il constata que le requérant avait seulement donné son accord pour que l’enfant se rende chez ses grands-parents maternels pendant la période des vacances.
21.  Les grands-parents relevèrent appel.
22.  Un rapport résultant d’une enquête sociale effectuée le 27 février 2001 au domicile des grands-parents par le secrétaire de la mairie de Bârsana, le médecin de la commune de Bârsana et le chef de la police de Bârsana fut versé au dossier. Le rapport décrivait la famille des grands-parents et énumérait leurs biens meubles et immeubles ainsi que leurs ressources financières. Il mentionnait également que les grands-parents ne souffraient pas de maladies contagieuses ou infectieuses. Le rapport concluait que les grands-parents bénéficiaient de revenus suffisants pour assurer un niveau de vie normal à l’enfant ainsi qu’une bonne éducation et proposait de laisser D. vivre chez ses grands-parents. Il n’y a dans le dossier aucune indication de la personne ou de l’autorité ayant ordonné cette enquête.
23.  Lors de l’audience du 8 juin 2001, le témoin G.I., dont l’audition avait été demandée par les grands-parents, et les témoins M.R., la maîtresse d’école de D. de Botosani, et B.I., la conjointe du requérant, cités par ce dernier, furent interrogés par le tribunal. Le témoin G.I. déclara que le requérant avait donné son accord pour que l’enfant vive chez ses grands-parents, alors que les témoins M.R. et B.I. déclarèrent que le requérant avait donné son accord pour que l’enfant passe uniquement la période des vacances chez ses grands-parents.
24.  Le requérant sollicita l’ajournement de l’audience, au motif que l’enquête sociale effectuée à son domicile n’avait pas été versée au dossier. Il demanda également l’audition du témoin A.V. Le tribunal rejeta ces demandes sans fournir de motifs et ouvrit les débats au fond.
25.  Par un arrêt rendu le même jour, le tribunal départemental fit droit à l’appel des grands-parents et rejeta l’action du requérant. Après avoir écarté la déclaration de B.I. pour défaut d’impartialité, le tribunal retint que le requérant avait donné son accord pour que D. vive chez ses grands-parents et que dès lors, ces derniers ne la gardaient pas sans droit. Le tribunal jugea que :
« (...) il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant de retourner auprès de son père qui habite dans un appartement de deux pièces, en location, en raison de ce que, vu son âge, [D.] ne pourrait pas rester seule à la maison pendant que son père travaille. Le requérant n’a pas non plus agi dans l’intérêt de son enfant au moment où il a vendu l’appartement de quatre pièces (...) situé à Sighetu Marmaţiei et a déménagé à Botoşani, sans acheter un autre appartement (...) pour assurer le confort de l’enfant, préférant louer un appartement de deux pièces en gaspillant ainsi son argent pour payer le loyer. »
26.  Le tribunal départemental conclut que le requérant ne pouvait pas offrir à sa fille les mêmes conditions matérielles et morales que ses grands-parents auxquels D. était très attachée.
27.  Se fondant sur l’arrêt du 8 juin 2001, la grand-mère demanda à la mairie de Bârsana de la nommer curatrice de D. Par une décision du 28 août 2001, le maire la nomma curatrice de l’enfant. Le requérant contesta cette décision auprès des autorités administratives départementales qui l’informèrent qu’elles n’étaient pas compétentes pour annuler un tel acte et qu’il devait saisir à cette fin les juridictions nationales.
28.  Le requérant forma un recours contre l’arrêt du 8 juin 2001 précité. Il faisait valoir qu’en vertu de l’article 98 du code de la famille, il devait exercer ses droits parentaux sur l’enfant, mais qu’il en était empêché par la rétention de D. par ses grands-parents.
29.  Par un arrêt définitif du 23 octobre 2001, la cour d’appel de Cluj rejeta son recours. La cour d’appel jugea que D. vivait chez ses grands-parents depuis janvier 2001, qu’elle s’était intégrée dans leur famille et dans la vie sociale du village où ils habitaient et qu’elle avait refusé de retourner auprès de son père, comme cela ressortait du procès-verbal dressé par l’huissier de justice lors des tentatives pour assurer le retour de l’enfant. Par ailleurs, constatant qu’une autre procédure relative au droit de garde était pendante entre les parties (voir paragraphes 37-40 ci-dessous), la cour d’appel estima que, « pour le moment », il était dans l’intérêt de l’enfant de rester vivre chez ses grands-parents.
30.  Sur demande de la direction départementale pour la protection des droits des enfants de Botoşani (« la DDPDE de Botoşani»), une assistante sociale de la direction départementale pour la protection des droits des enfants de Maramureş (« la DDPDE de Maramureş ») se déplaça le 4 septembre 2002 au domicile des grands-parents et rédigea un rapport sur la situation de D. Elle nota que la grand-mère manifestait un grand intérêt pour élever et éduquer D., qui fréquentait l’école avec de bons résultats. En outre, il ressortait des discussions avec l’enfant que cette dernière manifestait des réticences à l’égard de son père, au motif que ce dernier avait eu un comportement violent lors de ses visites. A la suite d’une de ces altercations, l’enfant avait subi un traumatisme nécessitant 17 jours de soins médicaux, comme cela ressortait d’un certificat médical (voir paragraphes 17 et 18 ci-dessus). En dernier lieu, le rapport faisait état de la situation financière des grands-parents qui pouvaient offrir des conditions de vie normales à leur petite-fille.
31.  Le 6 septembre 2002, un assistant social et un psychologue de la DDPDE de Botoşani effectuèrent une enquête sociale au domicile du requérant et estimèrent que les conditions matérielles, morales et sociales dans lesquelles vivait sa famille, étaient satisfaisantes pour élever un deuxième enfant. Ils notèrent que l’intérêt supérieur de l’enfant était de vivre avec son père et soulignèrent que la DDPDE de Botosani avait demandé le soutien de la DDPDE de Maramures, de la police et de l’autorité tutélaire de Bârsana pour obtenir le retour de D., en leur envoyant copie du jugement définitif du 30 janvier 2002 du tribunal de première instance de Botoşani (voir paragraphe 39 ci-dessous). Faute de réponse dans le délai de trente jours prévu par la loi, une nouvelle demande avait été faite auprès des autorités susmentionnées. Jusqu’à la date de rédaction du rapport, seule l’autorité tutélaire de Bârsana avait répondu en envoyant une copie du jugement du 22 mai 2002 du tribunal de première instance de Sighetu Marmaţiei (voir paragraphe 41 ci-dessous).
2. La procédure devant la Cour suprême de justice
32.  Le 23 octobre 2002, le procureur général près la Cour suprême de justice fit droit à la demande du requérant de former un recours en annulation contre l’arrêt définitif du 23 octobre 2001. Il fit valoir que les tribunaux avaient commis de graves erreurs de droit, parvenant ainsi à une solution erronée du litige. Il souligna plus particulièrement qu’en vertu des articles 98 et 101 § 1 CF, en cas de décès de l’un des parents, l’autre parent exerce seul les droits parentaux et qu’il appartenait au requérant de prendre les mesures concernant son enfant et de prendre soin d’elle. En outre, l’article 103 CF prévoyait que les parents avaient le droit de demander le retour de l’enfant à toute personne qui le retenait sans droit. Par ailleurs, le requérant présentait des garanties financières et morales pour élever sa fille. Il était souligné également qu’en vertu de l’article 44 § 1 de la Constitution, le droit d’élever son enfant n’est pas seulement une obligation mais également un droit du parent. Il appartenait en premier lieu au parent de surveiller le développement physique et de s’occuper de l’éducation de l’enfant. Il était également souligné que le droit de demander le retour de l’enfant à la personne qui le retient sans droit est imprescriptible et qu’en l’espèce l’intérêt supérieur de l’enfant pouvait être assuré en même temps que le respect du droit du requérant d’exercer ses droits parentaux.
33.  Le 13 décembre 2002, le « collectif de soutien » de l’autorité de tutelle de la mairie de Bârsana (voir paragraphe 55 ci-dessus) effectua une enquête sociale au domicile des grands-parents. Il n’y a aucune indication dans le dossier sur la personne ou l’autorité qui a ordonné cette enquête ou sur la composition du collectif de soutien. Il ressortait de ce rapport d’enquête, signé par le maire et le secrétaire de la mairie, que l’enfant était très attachée à ses grands-parents qui lui assuraient des conditions de vie normales des points de vue matériel et moral.
34.  Le 19 mai 2003, le parquet près le tribunal de première instance de Sighetu Marmatiei interrogea D. Le parquet nota que D. était une enfant « bien élevée, avec un état d’esprit positif, communicative, spontanée et possédant un vocabulaire très riche pour son âge ». D. déclara que pendant qu’elle habitait chez son père, elle passait beaucoup de temps enfermée dans la maison, qu’elle n’avait pas beaucoup d’amis, que son père amenait des femmes à la maison et que parfois il était violent envers elle. Elle disait également que le plus heureux jour de sa vie avait été celui où elle était partie vivre chez ses grands-parents, qui l’aimaient beaucoup.
35.  Sur demande du requérant, le 21 janvier 2003, l’autorité de tutelle de la mairie de Botoşani réalisa une enquête sociale en vue de la verser au dossier devant la Cour suprême de Justice. Le rapport présenta la situation du requérant sur son lieu de travail et nota qu’en 2000, il vivait avec sa fille dans un appartement en location de deux pièces. Le rapport prit note également du fait que les grands-parents avaient modifié le nom de l’enfant sans l’accord de son père, en l’inscrivant à l’école sous leur propre nom de famille. Après avoir constaté que le requérant s’était marié et qu’il était devenu propriétaire d’un appartement de quatre pièces, l’autorité tutélaire évalua le climat psychosocial de sa nouvelle famille et estima qu’elle offrait les conditions matérielles et affectives nécessaires pour élever l’enfant. Elle conclut que l’intérêt supérieur de D. était de vivre avec son père.
36.  Par un arrêt du 20 juin 2003, la Cour suprême de Justice rejeta le recours en annulation. Elle retint tout d’abord que l’affaire fondée sur l’article 103 CF était complexe et qu’il était indéniable que, tant le requérant que les grands-parents avaient un comportement social normal et qu’ils éprouvaient une réelle affection pour l’enfant. Toutefois, l’intérêt supérieur de l’enfant demandait qu’elle reste vivre chez ses grands-parents. Pour motiver son arrêt, la Cour suprême considéra que le requérant avait demandé aux grands-parents de s’occuper de sa fille sans préciser pour quelle période, que lors de ses tentatives pour reprendre l’enfant il avait eu un comportement violent à l’égard des grands-parents et de l’enfant et qu’il ressortait d’un rapport de la DDPDE de Maramureş  que lors d’une tentative pour reprendre l’enfant, celle-ci avait subi des lésions nécessitant de 15 à 17 jours de soins médicaux (voir paragraphe 30 ci-dessus). En outre, la Cour suprême constata :
« (...) à présent le requérant s’est remarié, il n’est pas propriétaire d’un appartement et habite en location avec son épouse âgée de 23 ans avec laquelle il a un enfant de 11 mois (...) Dès lors, si le recours en annulation était admis, la mineure serait élevée pratiquement, étant donné que le requérant a un emploi du temps très chargé, par sa jeune épouse qui a déjà son propre enfant à charge (et non pas celui d’une autre femme).
Toutes les preuves présentées mènent à la conclusion que la mineure est élevée dans des conditions optimales par ses grands-parents maternels, leur affection étant d’autant plus grande vu la situation spéciale dans laquelle ils se trouvent, à savoir celle d’élever l’enfant de leur fille unique décédée très jeune dans des conditions dramatiques.
Il convient dès lors de conclure qu’au moins pour le moment, il est de l’intérêt de la mineure de rester dans le milieu familial, social et scolaire où elle est restée ces derniers années, milieu qui assure un climat propice à son développement.»
C. Action des grands-parents pour obtenir la garde de l’enfant
37.  En 2001, les grands-parents saisirent le tribunal de première instance de Botoşani d’une action contre le requérant en demandant l’attribution de la garde de l’enfant et le versement d’une allocation mensuelle.
38.  Le tribunal de première instance de Botoşani ordonna des enquêtes sociales aux domiciles des deux parties et délivra une commission rogatoire au tribunal de première instance de Sighetu Marmaţiei pour entendre des témoins. Une enquête fut réalisée le 27 septembre 2001 par l’autorité de tutelle attachée à la mairie de Botosani.
39.  Par un jugement du 30 janvier 2002, le tribunal de première instance rejeta l’action des grands-parents. Il estima qu’il ressortait des auditions des témoins et du rapport d’enquête que le requérant s’occupait parfaitement de l’enfant. Il jugea qu’il ressortait des preuves que le requérant avait seulement consenti à ce que l’enfant passe ses vacances chez ses grands-parents. Le tribunal constata également qu’un malentendu entre les parties était survenu le 28 août 2001 quand elles s’étaient disputées pour la garde et que l’enfant avait été légèrement blessée. Néanmoins il constata que les faits ne pouvaient pas être clairement établis dans la mesure où les témoins présents étaient susceptibles de partialité par rapport à l’une ou l’autre des parties.
40.  Le tribunal s’exprima dans les termes suivants :
« Bien qu’il ressorte des auditions des témoins et de l’enquête sociale qu’il y a beaucoup d’affection entre les grands-parents et l’enfant, vu la pratique judiciaire en la matière, cet élément n’est pas suffisant pour qu’un parent soit privé de son droit d’élever et d’éduquer son enfant (...).
En vertu de l’article 98 § 2 CF, lorsque l’un des parents décède, l’autre parent exerce les droits parentaux.
Le requérant n’a pas été déchu des droits parentaux et les éléments du dossier ne permettent pas de constater l’existence de raisons solides pour ne pas lui confier la garde de la mineure, dans la mesure où il n’est pas établi que la garde de l’enfant par son père aurait des conséquences graves sur son bon développement physique et sur son éducation, le requérant étant une personne respectable, qui s’est marié pendant la procédure avec le témoin B.I., et qui a un travail stable, bien rémunéré et se préoccupe de sa fille. »
Faute d’appel des parties, ce jugement devint définitif le 19 avril 2002.
D. Nouvelle demande en référé du requérant pour obtenir le retour de l’enfant
41.  Le 8 avril 2002, le requérant saisit le tribunal de première instance de Sighetu Marmaţiei d’une nouvelle demande en référé contre les grands-parents pour obtenir le retour immédiat de l’enfant. Par une décision du 22 mai 2002, le tribunal déclara sa demande irrecevable, au motif que la condition d’urgence n’était pas remplie en l’espèce, en raison de ce que l’enfant avait commencé les cours de l’école primaire.
E. Plainte pénale contre les grands-parents
42.  Le requérant demanda plusieurs fois aux grands-parents d’exécuter l’ordonnance de référé du 1er mars 2001, mais ces derniers s’y opposèrent.
43.  Le 8 mars 2001, le requérant saisit le parquet près le tribunal de première instance de Sighetu Marmaţiei d’une plainte pénale contre les grands-parents pour non-respect d’une décision de justice, à savoir l’ordonnance de référé du 1er mars 2001. A une date non précisée, le parquet rendit un non-lieu en faveur des grands-parents, en leur infligeant une sanction administrative. Par une décision du 19 janvier 2002, le parquet près la cour d’appel de Cluj confirma le non-lieu, aux motifs que l’enfant refusait de quitter ses grands-parents et qu’en tout état de cause, l’action du requérant en restitution de l’enfant avait été rejetée par les juridictions nationales le 23 octobre 2001 (voir paragraphe 29 ci-dessus).
F. Action des grands-parents en déchéance du requérant de ses droits parentaux
44.  En 2004, les grands-parents saisirent les juridictions nationales d’une action en déchéance du requérant de ses droits parentaux. Le requérant forma une demande reconventionnelle, en sollicitant le retour immédiat de l’enfant, en faisant valoir qu’il était dans l’impossibilité d’exercer ses doits parentaux, et plus particulièrement ses droit d’élever et d’éduquer l’enfant dans un climat familial. Il souligna qu’il avait le droit d’élever l’enfant dans sa nouvelle famille compte tenu de ce qu’il bénéficiait d’un cadre propice à cette fin et insista sur le fait qu’il n’avait pas revu son enfant depuis plusieurs années.
45.  Par un jugement avant dire droit du 26 novembre 2004, le tribunal de première instance prit acte du désistement des grands-parents. Le recours du requérant contre ce jugement fut accueilli par un arrêt du 17 novembre 2005 qui renvoya l’affaire devant le tribunal départemental de Botoşani.
46.  Le 28 février 2006, le tribunal départemental demanda à la DDPDE de Botoşani un avis sur la situation du requérant. Lors de l’audience du 10 mars 2006, la DDPDE de Botoşani informa le tribunal qu’il lui était impossible de réaliser les vérifications requises par la loi, au motif que, bien que le domicile légal de l’enfant soit chez son père, elle vivait en fait chez ses grands-parents dans un autre département. Elle souligna que le requérant se trouvait dans l’impossibilité d’exercer ses droits parentaux et que les grands-parents refusaient de mauvaise foi de collaborer avec l’institution afin d’assurer des contacts entre l’enfant et son père.
47.  Par un jugement du 11 avril 2006, le tribunal départemental rejeta l’action des grands-parents, au motif qu’ils n’avaient pas qualité à agir. S’agissant de la demande reconventionnelle, le tribunal déclina sa compétence en faveur du tribunal de première instance de Botoşani.
48.  Ce tribunal délivra une commission rogatoire pour faire interroger D. par le tribunal de première instance de Sighetu Marmaţiei. Le 11 octobre 2006, D. déclara vouloir rester vivre chez ses grands-parents.
49.  Par un jugement du 26 octobre 2006 le tribunal de première instance rejeta l’action du requérant. Citant l’article 103 CF, le tribunal s’exprima dans les termes suivants :
« Bien que, tant le requérant que les défendeurs soient des personnes ayant un comportement social normal et que leur affection pour la mineure soit réelle, le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant veut que la fille reste chez ses grands-parents maternels. D’ailleurs, les lettres qu’elle a envoyées au tribunal et dans lesquelles elle demande à rester vivre chez ses grands-parents pour lesquels elle éprouve une profonde affection vont dans le même sens.
Toutes les preuves mènent à la conclusion que la mineure est élevée dans des conditions optimales par ses grands-parents, leur affection étant d’autant plus grande compte tenu de la situation spéciale dans laquelle ils se trouvent, à savoir prendre soin de l’unique enfant de leur fille décédée. Il convient de conclure que, au moins pour le moment, il est dans l’intérêt de l’enfant de rester vivre dans le milieu familial, social et scolaire dans lequel elle a vécu les dernières années, cet environnement lui étant favorable. »
50.  Le requérant releva appel contre ce jugement. Citant les articles 97 § 1 et 98 § 2 CF, il souligna que les droits des enfants devaient être assurés par ses parents et qu’il devait exercer seul les droits parentaux. Par un arrêt du 7 mai 2007, le tribunal départemental de Botosani rejeta son appel, au motif que l’enfant avait commencé à vivre chez ses grands-parents avec l’accord du requérant et que personne n’était coupable de ce que, avec le temps, un fort attachement s’était créé entre l’enfant et ses grands-parents. En examinant l’affaire à la lumière des dispositions pertinentes du code de la famille et de la loi no 272/2004 sur la protection des droits de l’enfant, le tribunal départemental jugea que, bien que le requérant soit à même de s’occuper de l’enfant, il convenait de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant et plus particulièrement sa volonté. Le tribunal départemental retint enfin qu’une rupture brutale des rapports entre l’enfant et ses grands-parents pourrait avoir « des conséquences désastreuses sur le psychisme de l’enfant ».
51.  Par un arrêt définitif du 19 septembre 2007, la cour d’appel de Suceava rejeta le recours du requérant.
G. Action de la grand-mère contre le requérant en paiement d’une pension alimentaire
52.  En 2007, la grand-mère de D. saisit le tribunal de première instance de Sighetu Marmatiei d’une action contre le requérant, en versement d’une pension alimentaire pour l’enfant.
53.  Par un jugement du 11 avril 2007, le tribunal fit droit à l’action et condamna le requérant à lui verser 190 lei roumains (RON) par mois. Le 17 avril 2007, la moitié du salaire du requérant fut saisi pour assurer le versement de la pension alimentaire mensuelle jusqu’à nouvel ordre. Par un arrêt définitif du 21 novembre 2007, le tribunal départemental rejeta comme étant mal fondé le recours du requérant contre le jugement précité.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
54.  Les dispositions pertinentes du code de la famille (« CF ») sont ainsi libellées :
Article 97 § 2
« Les parents exercent leurs droits parentaux dans l’intérêt de l’enfant. »
Article 98
« Les mesures concernant la personne de l’enfant et ses biens sont prises par les parents, d’un commun accord.
Lorsque l’un des parents décède (...), l’autre parent exerce seul les droits parentaux. »
Article 100 §§ 1 et 3
« L’enfant mineur habite chez ses parents (...).
En cas de mésentente entre les parents, le tribunal, après avoir entendu l’autorité de tutelle et l’enfant, s’il a atteint l’âge de dix ans, décide, en tenant compte de l’intérêt de l’enfant. »
Article 103
« Les parents ont le droit de demander que leur enfant leur soit remis par toute personne le gardant sans en avoir le droit.
Les tribunaux rejettent la demande de retour si elle est contraire aux intérêts de l’enfant. Celui-ci est entendu après l’âge de dix ans. »
Article 108
« L’autorité de tutelle [autoritatea tutelară] doit exercer un contrôle effectif et continu sur la manière dont les parents s’acquittent de leurs obligations concernant la personne et les biens de l’enfant.
Les délégués de l’autorité de tutelle ont le droit de rendre visite aux enfants chez eux et de se renseigner par tous les moyens sur la manière dont les personnes qui en ont la charge s’occupent d’eux, sur leur santé et leur développement physique, leur éducation (...) ; au besoin, ils donnent les instructions nécessaires. »
55.  L’autorité de tutelle peut être aidée dans son travail par des collectifs de soutien. Ces collectifs sont composés par des députés, des enseignants, des juristes, des responsables de la croix rouge, etc. Les collectifs de soutien n’ont pas un pouvoir de décision, celui-ci appartenant à l’autorité de tutelle ; ils étudient seulement sur le terrain l’application des dispositions légales en la matière ou certains aspects des problèmes avec lesquels l’autorité de tutelle est confrontée (I. Filipescu, Traité de droit de la famille, 5ème édition, 2000, p. 536). Si l’enfant n’habite pas à son domicile, l’autorité de tutelle compétente est celle de sa résidence.
56.  Les Directions départementales pour la protection des droits de l’enfant sont des institutions publiques au niveau départemental, avec personnalité morale, sous l’autorité du conseil départemental. Le rôle de ces institutions est d’assurer aux enfants en difficulté la protection et l’assistance nécessaires pour bénéficier de leurs droits et de leur fournir soutien et conseils pour prévenir les situations qui mettent en danger la sécurité et le développement de l’enfant.
57.  Dans une décision no 2435 du 1er novembre 1984, la Cour suprême de justice, saisie d’une demande formée par des grands-parents de se voir attribuer la garde d’un enfant à la suite du divorce de ses parents, a statué ainsi :
« En vertu de l’article 42 du code de la famille, en cas de divorce, les enfants mineurs sont pris en charge par l’un des parents et uniquement, de manière exceptionnelle, par un tiers, lorsque sa prise en charge par l’un des parents nuit à ses intérêts.
La simple affection qui existe entre le mineur et ses grands-parents n’est pas suffisante pour accorder la garde à ces derniers, et écarter ainsi les parents de leur obligation légale d’éduquer et élever directement l’enfant, même si les parents ont donné leur accord pour que l’enfant soit gardé par les grands-parents. L’accord donné par les parents ne lie pas le tribunal qui doit juger compte tenu des intérêts de l’enfant. »
58.  Les dispositions du code de procédure civile (« CPC »), en vigueur à l’époque des faits, concernant l’exécution d’une décision de justice, ainsi que les modifications ultérieures sont décrites dans l’arrêt Lafargue c. Roumanie, (no 37284/02, § 68, 13 juillet 2006). L’article 581 du CPC, qui est également pertinent en l’espèce, est ainsi libellé :
« Le tribunal ordonne des mesures à caractère temporaire en cas d’urgence, pour ne pas préjuger l’existence d’un droit qui pourrait être affecté par des retards, pour prévenir un préjudice imminent qui ne pourrait pas être réparé, ainsi qu’afin d’écarter les obstacles qui pourraient apparaître lors d’une exécution (...)
L’ordonnance de référé est temporaire et exécutoire. Le tribunal peut décider que l’exécution se fera sans sommation et sans qu’un délai soit nécessaire »
59.  La loi no 272/2004 sur la protection des droits de l’enfant a été publiée au Journal officiel le 23 juin 2004. En vertu des articles 14 et 16 de cette loi, l’enfant, même séparé de ses parents, a le droit à un contact direct avec ces derniers et avec sa famille. Afin d’assurer les relations personnelles entre l’enfant et le parent, la loi prévoit des rencontres avec le parent et des visites au domicile de ce dernier, des visites prolongées, la correspondance ainsi que la transmission de renseignements à l’enfant concernant son parent (article 15).
60.  Selon l’article 33 de cette loi, l’enfant ne peut pas être séparé de ses parents ou de l’un d’entre eux contre leur volonté, à l’exception des situations expressément prévues par la loi, sous réserve d’une décision judiciaire et uniquement si cette séparation est imposée par l’intérêt supérieur de l’enfant. Toute séparation de l’enfant et de ses parents doit être précédée par la mise en œuvre par le service d’assistance sociale d’une série de mesures (« plan de servicii ») pour l’information et le conseil des parents, une thérapie ou une médiation, dont le but est de prévenir la séparation de l’enfant de ses parents (articles 34 et 35). Si, après la mise en place de ce plan, il est constaté que le maintien de l’enfant auprès de ses parents n’est pas possible, la direction générale de l’assistance sociale et de la protection de l’enfant peut demander qu’une « mesure de protection spéciale » soit prise en faveur de l’enfant (article 35 § 5).
61.  Selon l’article 39 de la loi précité, les enfants qui, temporairement ou de manière définitive, ne bénéficient pas de la protection de leurs parents, peuvent bénéficier de la « protection alternative », comme la tutelle, les mesures de protection spéciale prévues par la même loi ou l’adoption. Les mesures de protection spéciale sont le placement, le placement en régime d’urgence et la surveillance spécialisée. Les parents peuvent contester en justice les mesures de protection spéciale.
EN DROIT
I.  SUR L’OBJET DU LITIGE
62.  Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant allègue que les autorités roumaines n’ont pas pris les mesures adéquates pour assurer l’unité familiale par le retour immédiat de D. et l’exercice de ses droits parentaux. Se fondant sur l’article 6 § 1 de la Convention, il se plaint de l’issue et de l’iniquité de la procédure finalisée par l’arrêt du 20 juin 2003 et de la non-exécution du jugement du 1er mars 2001 du tribunal de première instance de Sighetu Marmaţiei.
63.  Tel que formulé par le requérant et dans les circonstances de l’espèce, ce grief appelle un examen sur le terrain du seul article 8 de la Convention. En statuant sur le problème principal soulevé au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, la Cour considère qu’il ne s’impose pas d’examiner séparément les autres griefs formulés au regard de l’article 6 de la Convention (Kamil Uzun c. Turquie, no 37410/97, § 64, 10 mai 2007)
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
64.  Le requérant invoque l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A.  Sur la recevabilité
65.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
1. Thèses des parties
a) Le requérant
66.  Le requérant estime que les autorités nationales n’ont pas pris les mesures nécessaires pour assurer le respect de sa vie familiale. Il souligne qu’il est titulaire des droits parentaux et qu’il a la garde de l’enfant sans toutefois pouvoir exercer ces droits de manière effective. Il considère que les grands-parents retiennent l’enfant sans droit et qu’ils la manipulent, en l’influençant sur son choix de vivre ou non avec son père.
67.  Il fait valoir qu’en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer l’exécution immédiate de l’ordonnance de référé du 1er mars 2001 ordonnant le retour de D. auprès de lui, les autorités nationales ont porté gravement préjudice à ses droits parentaux. Il souligne le défaut de pertinence des motifs retenus par les juridictions nationales pour refuser d’ordonner le retour de l’enfant. Il dénonce également la durée de la procédure statuant sur le fond de sa demande de restitution de l’enfant qui, selon lui, a été anormalement longue compte tenu de l’objet du litige et estime que les juridictions nationales ont fondé leurs décisions sur des preuves qui n’étaient pas conformes à la réalité. Il note que l’écoulement du temps dû au défaut de diligence des autorités l’a mis devant le fait accompli et qu’à présent l’enfant, élevée depuis plusieurs années sous l’influence de ses grands-parents, refuse tout contact avec lui.
68.  Le requérant relève que l’urgence d’une mesure visant à obtenir la restitution d’un enfant s’apprécie par rapport à la qualité du tiers qui retient l’enfant. Ainsi, les autorités doivent agir avec encore plus de diligence lorsque l’enfant est retenu par un tiers et non pas par l’autre parent.
b) Le Gouvernement
69.  Le Gouvernement souligne que la procédure d’ordonnance en référé est une procédure spéciale et exceptionnelle par laquelle les juridictions saisies ne jugent pas le fond de l’affaire, mais ordonnent des mesures à caractère provisoire si les conditions d’urgence sont réunies. Il observe qu’en l’occurrence l’ordonnance de référé du 1er mars 2001 ordonnait une mesure provisoire valable jusqu’au moment où les juridictions nationales trancheraient le fond de l’affaire. Dès lors, selon lui, la période qui peut être prise en compte pour débattre de la non-exécution de l’ordonnance précitée prend fin le 8 juin 2001, date à laquelle les juridictions nationales ont rejeté au fond la demande du requérant visant à obtenir le retour de l’enfant.
70.  Le Gouvernement fait également valoir qu’en vertu des dispositions légales internes, le principal critère à prendre en considération dans le cadre de mesures prise pour la protection des mineurs est l’intérêt supérieur de l’enfant. Il souligne que tout changement dans la situation concrète de l’enfant peut entraîner la modification des mesures prises dans son intérêt. Il fait valoir également que la législation et la jurisprudence françaises et anglaises octroient un rôle important aux grands-parents atténuant, ainsi « l’exclusivité » du pouvoir paternel.
71.  Le Gouvernement note que l’inexécution de l’ordonnance de référé du 1er mars 2001 et l’arrêt de la Cour suprême de justice du 20 juin 2003 peuvent constituer une ingérence dans le droit du requérant au respect de sa vie familiale. Cependant, cette ingérence était prévue par la loi, à savoir l’article 581 du CPC qui réglemente les demandes en référé et l’article 103 du CF. Elle visait un but légitime, à savoir l’intérêt supérieur de l’enfant de rester avec ses grands-parents auxquels elle était très attachée et qui lui offraient des conditions matérielles, morales et éducatives adéquates.
72.  Quant à la proportionnalité de l’ingérence, le Gouvernement note que le requérant a bénéficié d’une seule décision favorable ordonnant le retour de D. auprès de lui, alors que les grands-parents disposent de trois décisions favorables. Il souligne que la Cour suprême de Justice a jugé que l’intérêt supérieur de D. était de vivre chez ses grands-parents où elle bénéficiait de conditions optimales pour son développement. Il remarque, par ailleurs, que le requérant avait parfois un comportement violent à l’égard des grands-parents et de l’enfant comme cela ressort d’un rapport d’expertise réalisé par la DDPDE de Maramureş (voir paragraphe 30 ci-dessus).
2. Appréciation de la Cour
73.  La Cour souligne en premier lieu que, par essence, le lien entre le requérant et son enfant mineur relève de la vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention (voir, notamment, les arrêts Keegan c. Irlande, 26 mai 1994, p. 17-18, § 44, série A no 290, Hokkanen c. Finlande, arrêt du 23 septembre 1994, série A no 299-A, p. 19-20, §§ 54-55 et Gnahoré c. France, no 40031/98, § 49, CEDH 2000-IX). Elle relève d’ailleurs que ce point n’est pas controversé. Il lui incombe dès lors de déterminer si, au vu des principes dégagés par sa jurisprudence (voir, par exemple, Elsholz c. Allemagne [GC], no 25735/94, § 43, CEDH 2000-VIII, Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, no 31679/96, § 94, CEDH 2000-I, et Iglesias Gil et A.U.I. c. Espagne, no 56673/00, § 49, CEDH 2003-V), les circonstances dénoncées par le requérant révèlent un manquement à son droit au respect de sa vie familiale.
a) Existence d’une ingérence
74.  La Cour note que le requérant se plaint de son impossibilité d’obtenir le retour de l’enfant et d’exercer ses droits parentaux sur D. La Cour estime que sont aussi bien en jeu les obligations « positives » que « négatives » des autorités nationales, mais qu’il n’y a pas lieu d’insister sur cette distinction, qui ne se prête de toute manière pas à une définition précise et dont les principes applicables sont largement comparables (Iglesias Gil et A.U.I., précité, § 48 et Bianchi c. Suisse, no 7548/04, § 88, 22 juin 2006). Les décisions et l’ensemble des procédures dénoncées à la suite du refus des grands-parents de restituer l’enfant constituent une « ingérence » au sens du paragraphe 2 de l’article 8 de la Convention, dans la mesure où elles empêchent le requérant de jouir de l’exercice de son autorité parentale et du droit de garder sa fille (voir Schmidt c. France, no 35109/02, § 58, 26 juillet 2007).
b) Sur la justification de l’ingérence
i) « Prévue par la loi » et « but légitime »
75.  En l’espèce, la Cour relève que la décision litigieuse du 20 juin 2003 de la Cour suprême de Justice était fondée sur l’article 103 du code de la famille (« CF ») selon lequel le tribunal pouvait ne pas ordonner le retour d’un enfant auprès des personnes ayant l’autorité parentale en faisant prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant.
76.  Sans se pencher sur la « qualité » de cette loi (voir Kruslin c. France, 24 avril 1990, § 27, série A no 176-A), la Cour note toutefois que l’article 103 CF confère aux juridictions nationales un pouvoir d’appréciation dont l’étendue et la manière dont il s’exerce ne sont pas indiqués avec suffisamment de clarté et de précision, compte tenu du but légitime de la mesure. S’il est incontestable que la notion d’intérêt supérieur de l’enfant est très complexe, il n’en reste pas moins que le contenu de cet article ne prévoit pas, lors de la prise d’une telle mesure, de garanties pour protéger les droits des principales parties en cause, à savoir les parents et l’enfant, contre l’arbitraire (a contrario, Schmidt, précité, §§ 64-65).
77.  Cependant, la Cour rappelle qu’elle a déjà jugé que les circonstances pouvant commander la prise en charge d’un enfant, ou présider à l’exécution de pareilles décisions, sont si diverses qu’on ne saurait guère libeller une loi capable de parer à toutes les éventualités (Olsson c. Suède (no 1), 24 mars 1988, § 62, série A no 130). En conséquence, elle partira du principe que l’ingérence en question était « prévue par la loi ». Néanmoins, la marge d’appréciation des autorités internes, et singulièrement celle des cours et tribunaux, dans l’interprétation et l’application de la loi, entrera en ligne de compte dans l’examen de la conformité de la mesure litigieuse aux exigences du juste équilibre.
78.  Par ailleurs, il ressort clairement du contenu de l’article 103 précité ainsi que des motifs retenus par les juridictions nationales que son application en l’espèce avait pour objectif la sauvegarde des intérêts de D. La mesure litigieuse poursuivait donc un but légitime au regard du second paragraphe de l’article 8, à savoir la protection des droits et libertés d’autrui.
ii) Nécessité de l’ingérence dans une société démocratique
79.  Pour apprécier la « nécessité » de la mesure litigieuse « dans une société démocratique », la Cour examinera, à la lumière de l’ensemble de l’affaire, si le juste équilibre devant exister entre les intérêts concurrents présents, ceux de l’enfant, du père et, dans les circonstances de l’affaire, ceux des grands-parents, tout en gardant à l’esprit le respect de l’ordre public, a été ménagé dans les limites de la marge d’appréciation dont les États jouissent en la matière (Maumousseau et Washington c. France, no 39388/05, § 62, CEDH 2007-...). Elle n’a pas pour tâche de se substituer aux autorités internes pour réglementer les questions de garde, mais il lui incombe d’apprécier sous l’angle de la Convention les décisions qu’elles ont rendues dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (Hokkanen, précité § 55, et Elsholz précité, § 48).
80.  Si la Cour reconnaît que les autorités nationales jouissent d’une grande latitude pour apprécier en particulier la nécessité de confier un enfant à une autre personne que ses parents, il lui faut en revanche exercer un contrôle plus rigoureux sur les restrictions supplémentaires. Ces restrictions supplémentaires comportent le risque d’amputer les relations familiales entre les parents et un jeune enfant (Gnahoré précité, § 54, et Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 65, CEDH 2003-VIII). Pareilles mesures doivent reposer sur des considérations inspirées par l’intérêt de l’enfant et ayant assez de poids et de solidité (Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 148, CEDH 2000-VIII et Couillard Maugery c. France, no 64796/01, § 242, 1er juillet 2004).
81.  La Cour rappelle que dans les affaires de ce type, l’intérêt des enfants doit passer avant toute autre considération. La Cour souligne cependant que cet intérêt présente un double aspect (Gnahoré précité, § 59) : d’une part, garantir aux enfants une évolution dans un environnement sain ; d’autre part, maintenir ses liens avec sa famille, sauf dans les cas où celle-ci s’est montrée particulièrement indigne car briser ce lien revient à couper l’enfant de ses racines (Maumousseau et Washington précité, § 67). Il en résulte que l’intérêt de l’enfant commande que seules des circonstances tout à fait exceptionnelles puissent conduire à une rupture d’une partie du lien familial, et que tout soit mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et, le cas échéant, le moment venu, « reconstituer » la famille (Schmidt précité, § 84).
82.  La Cour examinera, d’abord les motifs avancés par les juridictions nationales pour justifier la décision de placer D. chez ses grands-parents et, dans un deuxième temps, si les autorités nationales ont manifesté le souci de maintenir un lien parental entre D. et son père.
α)  Sur les motifs des décisions des juridictions nationales refusant le retour de l’enfant
83.  La Cour observe d’emblée qu’il ressort du dossier, qu’avant la survenance du litige, en confiant son enfant à ses grands-parents pour les vacances, le requérant a eu un comportement normal et pouvant être considéré comme étant dans l’intérêt de l’enfant, dans le but de renforcer le lien familial entre sa fille et les parents de sa mère décédée. Elle note également que, si le déplacement de D. au domicile de ses grands-parents avait été fait avec l’accord du requérant, le non-retour de l’enfant à son domicile avant le 23 octobre 2001, période pendant laquelle le requérant exerçait ses droits parentaux, peut revêtir un caractère illicite, d’autant plus qu’une ordonnance de référé ordonnait son retour immédiat auprès de son père.
84.  La Cour observe qu’en l’espèce, les juridictions nationales ont rendu des solutions contradictoires quant au fait de savoir si le requérant avait donné son accord pour que D. reste vivre chez ses grands-parents pour une période indéterminée (voir paragraphes 13, 36 et 40 ci-dessus). Cependant, l’affirmation du requérant selon laquelle il avait donné son accord pour que D. reste chez ses grands-parents seulement pendant les vacances, est confortée par son attitude. Il a en effet initié des démarches pour obtenir le retour de D. sans délai après que les grands-parents l’ont informé de leur refus de la restituer. La Cour relève d’ailleurs sur ce point que, si l’enfant avait été confiée à ses grands-parents pour une période indéterminée, ceux-ci n’auraient pas eu besoin de faire cette démarche. Dès lors, la Cour estime que la présente affaire se différencie des affaires Hokkanen précitée et Nanning c. Allemagne, (no 39741/02, §§ 67-68, 12 juillet 2007) dans lesquelles il était établi que les parents avait donné leur accord pour que les enfants restent vivre respectivement chez les grands-parents et les parents adoptifs pour des périodes très longues, sans faire de démarches pour obtenir leur retour.
85.  La Cour note à titre liminaire que toutes les juridictions nationales ont été d’accord sur le fait que le requérant était capables d’offrir à D. des conditions de vie normales et que son affection pour l’enfant était sincère. Cependant, afin de refuser d’ordonner le retour de D. auprès du requérant, les juridictions nationales ont fondé leurs décisions sur les conditions matérielles et le comportement du requérant, les difficultés potentielles pour D. de s’intégrer dans sa nouvelle famille et sur l’intégration de D. dans le milieu des grands-parents pour lesquels elle avait un attachement profond.
86.  La Cour rappelle que le fait qu’un enfant puisse être accueilli dans un cadre plus propice à son éducation ne saurait en soi justifier qu’on le soustraie aux soins de ses parents biologiques (Wallová et Walla c. République tchèque, no 23848/04, § 71, 26 octobre 2006). En l’espèce, le requérant, fonctionnaire, bénéficiait d’un logement stable et de conditions matérielles normales, comme l’ont d’ailleurs constaté les juridictions nationales. Ses capacités éducatives et affectives n’ont pas été mises en cause (a contrario, Rampogna et Murgia c. Italie (déc.), no 40753/98, 11 mai 1999 et M.G. et M.T.A. c. Italie (déc.), no 17421/02, 28 juin 2005).
87.  Quant à l’allégation concernant le prétendu comportement violent du requérant, la Cour note que toutes les décisions font référence au seul incident survenu le 28 août 2001 (voir paragraphe 17 ci-dessus) qui n’a pas donné lieu à une enquête pénale (voir le paragraphe 18 et 40 ci-dessus) ou spécialisée pour évaluer le comportement du requérant. A cet égard, la Cour ne peut que constater qu’il ressort du dossier qu’à aucun stade de la procédure, et malgré l’objet du litige, les juridictions nationales n’ont estimé nécessaire de demander un rapport spécialisé sur l’état psychologique du père et de l’enfant, les rapports existant entre eux ou, compte tenu du jeune âge de l’enfant, sur les influences que le milieu dans lequel elle vivait pouvait exercer sur elle.
88.  La Cour admet que les nouvelles conditions de vie du requérant devaient être prises en compte par les juridictions nationales. Toutefois, dans la mesure où le rapport d’expertise réalisé au domicile du requérant a constaté que la nouvelle famille du requérant offrait des conditions affectives et morales normales pour élever un enfant (voir paragraphe 35 ci-dessus in fine), la Cour estime qu’une motivation plus convaincante était nécessaire pour se démarquer d’un tel rapport.
89.  L’argument décisif retenu par les juridictions nationales pour rejeter la demande du requérant tendant au retour de l’enfant a été le grand attachement qui existait entre D. et ses grands-parents au cours des dernières années ; ainsi elles ont estimé qu’il était dans l’intérêt supérieur de D. de rester vivre temporairement dans le milieu dans lequel elle avait vécu dernièrement et auquel elle s’était intégrée. Un tel argument est compréhensible compte tenu de la capacité d’adaptation d’un enfant et du fait que D. vit chez ses grands-parents depuis un très jeune âge. La Cour réitère toutefois le principe bien établi dans sa jurisprudence selon lequel le but de la Convention consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (voir, mutatis mutandis, Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, série A no 37, p. 16, § 33). Dans cette logique, elle considère qu’un respect effectif de la vie familiale commande que les relations futures entre parent et enfant se règlent sur la seule base de l’ensemble des éléments pertinents, et non par le simple déroulement du temps (Ignaccolo-Zenide, précité, § 102 et Pini et autres c. Roumanie, nos 78028/01 et 78030/01, § 175, CEDH 2004-V (extraits)).
90.  La Cour estime que, dans la présente affaire, les motifs retenus par les juridictions nationales pour refuser le retour de D. auprès de son père, ne correspondent pas aux circonstances « tout à fait exceptionnelles » qui pourraient justifier une rupture du lien familial. Elle consent toutefois au fait qu’en raison du passage du temps et de l’intégration de D. dans la famille des grands-parents, les juridictions nationales ont pu refuser « pour le moment », comme elles le notent d’ailleurs elles-mêmes, le retour de l’enfant. Cependant, si la Cour admet qu’un changement dans la situation de fait peut justifier de manière exceptionnelle une décision concernant la prise en charge de l’enfant, elle doit s’assurer que les changements essentiels en cause ne sont pas le résultat d’une action ou inaction des autorités de l’Etat (Monory c. Roumanie et Hongrie, no 71099/01, § 83, 5 avril 2005 et, mutatis mutandis, Sylvester c. Autriche, nos 36812/97 et 40104/98, § 59, 24 avril 2003) et que les autorités compétentes ont mis tout en œuvre pour maintenir les relations personnelles et, le cas échéant, le moment venu, « reconstituer » la famille (Schmidt précité, § 84).
β)  Sur les mesures prises par les autorités nationales pour assurer le lien familial entre le requérant et son enfant
91.  La Cour estime qu’il convient d’accorder en l’occurrence un poids important au fait que personne ne conteste que le requérant a l’autorité parentale et la garde de D. En outre, les juridictions nationales s’accordent à dire que l’enfant a son domicile chez son père. Toutefois, le requérant ne peut pas exercer ses droits parentaux.
92.  La Cour rappelle tout d’abord que dans les affaires concernant le retour des enfants, l’adéquation d’une mesure se juge à la rapidité de sa mise en œuvre (Ignaccolo-Zenide, précité, § 102, Pini et autres c. Roumanie, nos 78028/01 et 78030/01, § 175, CEDH 2004-V (extraits), et Monory, précité, § 82).
93.  Sur ce point, il convient de noter que, bien que le requérant ait formé sa demande en référé le 7 janvier 2001, elle n’a été examinée par les tribunaux que les 1er mars et 20 avril 2001, soit dix semaines environ après le refus des grands-parents de restituer l’enfant et le dépôt de la demande du requérant. Or, la Cour n’est pas convaincue qu’un tel laps de temps cadre avec l’essence d’une telle action, qui implique l’urgence et dont le but est de prémunir l’individu contre tout préjudice pouvant résulter du simple écoulement du temps (Ignaccolo-Zenide, précité, § 102). Si une diligence particulière est exigée de la part des autorités lorsque la garde de l’enfant est en jeu, la Cour est d’avis que cette exigence de célérité est d’autant plus stricte dans le cas où, comme en l’espèce, un parent demande le retour de son enfant de chez une personne qui le détient sans en avoir le droit et sans son accord.
94.  La Cour rappelle également que pour ce qui est de l’exécution des décisions concernant le retour d’un enfant, la compréhension et la coopération de l’ensemble des personnes concernées constituent toujours un facteur important (Ignaccolo-Zenide précité, § 94). En outre, lorsque des difficultés apparaissent, dues principalement au refus de la personne avec laquelle se trouve l’enfant de se soumettre à l’exécution de la décision ordonnant son retour immédiat, il appartient aux autorités compétentes de prendre les mesures adéquates afin de sanctionner ce manque de coopération et, si des mesures coercitives à l’égard des enfants ne sont pas, en principe, souhaitables dans ce domaine délicat, le recours à des sanctions ne doit pas être écarté en cas de comportement manifestement illégal de la personne avec laquelle vit l’enfant (Maumousseau et Washington, précité, § 83).
95.  La Cour note qu’en l’occurrence, les tentatives du requérant pour contraindre les grands-parents à faire exécuter l’ordonnance de référé à l’aide d’un huissier de justice et en suivant la voie pénale se sont avérées vaines, en raison notamment de l’attitude peu active des autorités compétentes (voir les paragraphes 15 et 16 ci-dessus). En outre, les autorités pénales ont rendu leur décision définitive deux ans et demi après le dépôt de la plainte par le requérant contre les grands-parents qui refusaient d’exécuter une décision de justice définitive (voir le paragraphe 43 ci-dessus). De surcroît, les autorités spécialisées dans la protection des droits de l’enfant n’ont pas réussi à coopérer utilement (voir paragraphe 31 ci-dessus). Dès lors, la Cour estime qu’en n’agissant pas avec diligence, les autorités nationales ont, par leur comportement, favorisé l’intégration de D. dans son nouveau milieu et, partant, ont contribué de manière décisive à la consolidation d’une situation de fait contraire au droit du requérant protégé par l’article 8 de la Convention.
96.  La Cour note également que les parties ont soulevé des arguments similaires devant les juridictions nationales lors de l’action ayant pour objet le retour de l’enfant et de celle portant sur la garde de D. Or, si ces arguments n’ont pas été retenus par les juridictions nationales pour retirer au requérant la garde de D., ils n’ont pourtant pas été estimés suffisants pour ordonner le retour de l’enfant auprès de son père (voir paragraphes 39 et 40 ci-dessus). Qui plus est, les juridictions nationales ont jugé que l’affection existante entre l’enfant et les grands-parents ne suffisait pas, à elle seule, à justifier la séparation d’un parent et son enfant (voir également les paragraphes 40 et 57 ci-dessus). Dès lors, cette pratique des juridictions nationales a affecté la prévisibilité de l’action du requérant qui visait à obtenir le retour de l’enfant de chez les personnes qui la gardaient sans en avoir le droit.
97.  La Cour considère en outre que, si les juridictions nationales refusent temporairement le retour d’un enfant auprès de son père qui n’a pas vu ses droits parentaux limités, il n’en reste pas moins que des mesures doivent être prises pour aménager et assurer un juste équilibre entre l’intérêt de l’enfant et celui du parent qui doit exercer ses droits parentaux. Là où l’existence d’un lien familial se trouve établie et où les raisons qui fondent le refus de retour de l’enfant sont dues à l’absence de contacts entre les parties concernées et au passage du temps, l’État doit en principe agir de manière à permettre à ce lien de se développer (Keegan, précité, p. 19, § 49, Hokkanen précité, p. 20, § 55 et Ignaccolo-Zenide, précité, § 94). Les obligations de l’État ne se limitent pas à veiller à ce que l’enfant puisse rejoindre son père, mais elles englobent également l’ensemble des mesures préparatoires permettant de parvenir à ce résultat (mutatis mutandis Kosmopoulou c. Grèce, no 60457/00, § 45, 5 février 2004).
98.  La Cour relève que le fondement juridique sur lequel les juridictions nationales ont fondé leur refus de restituer D. au requérant est l’article 103 CF. Toutefois, la Cour constate que cet article permet aux tribunaux de refuser le retour de l’enfant et de le confier à une personne qui n’avait auparavant aucun droit sur lui, sans prévoir en même temps un aménagement des droits des parents sur l’enfant. Or, une telle mesure peut aboutir à des situations qui, comme en l’espèce, règlent les relations futures entre parent et enfant non pas sur un ensemble d’éléments pertinents, mais sur le simple déroulement du temps (Ignaccolo-Zenide, précité, § 102). De l’avis de la Cour, une telle mesure temporaire peut être efficace si elle est entourée de garanties et mesures prévues par les autorités afin d’empêcher la rupture du lien entre l’enfant et le parent qui, de surcroît, s’est vu reconnaitre l’exercice des droits parentaux.
99.  La Cour note que dans son action demandant le retour de l’enfant finalisée par l’arrêt du 20 juin 2003, se fondant sur les dispositions du CF, le requérant a fait valoir aussi son impossibilité d’exercer ses droits parentaux, l’absence de tout contact avec l’enfant l’empêchant de participer à son éducation et à son développement. Or, les juridictions nationales n’ont aucunement examiné la possibilité pour le requérant d’exercer d’une manière effective ses droits parentaux dont il n’a pas été déchu.
100.  A ce titre, la Cour déplore que pendant une si longue période de temps, les autorités ne se soient nullement souciées de la dilution progressive et même de la rupture des relations entre D. et son père, plus particulièrement de l’absence de contacts concrets et effectifs entre les intéressés ; ainsi, au lieu d’ordonner des mesures pour maintenir et améliorer, le cas échéant, les rapports entre le père et l’enfant, les juridictions nationales ont préféré laisser le temps régler la situation, ce qui a abouti, vu l’âge et l’attitude de l’enfant, au risque d’une aliénation croissante et définitive entre les deux, qui n’est aucunement à considérer comme étant dans l’intérêt supérieur de l’enfant (voir, Bianchi, précité, § 99 et, mutatis mutandis, Kutzner c. Allemagne, no 46544/99, § 79, CEDH 2002-I). Les juridictions nationales n’ont fait qu’entériner la situation créée par le défaut de diligence des autorités pour faire exécuter les décisions rendues à la suite de la demande en référé.
101.  La Cour trouve également particulièrement regrettable que, dans la mesure où le requérant bénéficiait de l’exercice des droits parentaux et où D. n’était placée chez ses grands-parents que temporairement, l’enfant n’ait manifestement pas bénéficié d’un soutien psychologique pour maintenir et améliorer ses rapports avec son père, soutien susceptible de rendre possible son retour auprès de lui. Une telle mesure aurait permis que les intérêts du requérant convergent avec celui de l’enfant, et non pas qu’ils soient en concurrence, comme c’est le cas en l’occurrence (mutatis mutandis, Pini et autres c. Roumanie précité, § 163 in fine).
102.  La Cour observe que dans la procédure en référé, le requérant a demandé en subsidiaire un droit de visite avec l’enfant (voir le paragraphe 12 ci-dessus). Après cette procédure, il est compréhensible que, ayant tous les droits sur l’enfant, contrairement aux grands-parents, le requérant ait demandé le retour immédiat de D. et non pas un droit de visite. Dès lors, la Cour considère que, dans le contexte très particulier de l’affaire, le requérant ne peut pas être blâmé pour ne pas avoir demandé un droit de visite après la procédure en référé. La Cour note qu’avec l’entrée en vigueur de la loi no 272/2004 sur la protection des droits de l’enfant, la législation nationale prévoit en faveur de l’enfant le droit d’avoir des contacts avec ses parents. En outre, cette loi met en place un système de mesures propre à prévenir la séparation d’un enfant et de ses parents ainsi qu’à assurer des relations entre l’enfant et ses parents lorsqu’une mesure de placement a été ordonnée.
103.  A la lumière de ce qui précède, la Cour considère que la passivité des autorités est à l’origine de la rupture des relations entre l’enfant et son père. Il s’ensuit qu’on ne saurait prétendre en l’occurrence que le droit au respect de la vie familiale du requérant a été protégé de manière effective, nonobstant les aspirations légitimes de ce dernier de voir sa famille réunie, comme le prescrit l’article 8 de la Convention.
Dès lors, il y a eu violation de cette disposition.
III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
104.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
105.  Le requérant réclame au titre du préjudice matériel le retour de sa fille auprès de lui ainsi que, en cas de refus de D. de revenir auprès de lui, la condamnation du Gouvernement à lui verser une astreinte de 100 euros (EUR) par jour de retard jusqu’au moment du regroupement familial. Il sollicite également un milliard d’EUR au titre du préjudice moral qu’il aurait subi en raison de la séparation de sa fille, de l’inexécution de l’ordonnance de référé et de l’iniquité de la procédure ayant pour objet le retour de l’enfant.
106.  Le Gouvernement ne conteste pas que l’impossibilité pour le requérant de retrouver sa fille lui ait causé un certain préjudice moral. Toutefois, il souligne que le requérant n’a pas été déchu de ses droits parentaux qu’il peut exercer à tout moment, y compris en demandant un droit de visite. Il considère excessive la somme sollicitée par le requérant au titre du préjudice moral et estime qu’un éventuel constat de violation pourrait constituer par lui-même une réparation suffisante du préjudice moral prétendument subi par le requérant.
107.  La Cour rappelle qu’elle a constaté la violation de l’article 8 de la Convention. Elle estime que le préjudice matériel du requérant n’est pas étayé. Cependant, aux yeux de la Cour, on ne saurait douter que, tout en gardant une attitude extrêmement digne, le requérant connaît, de longue date, une détresse profonde en raison de la violation relevée en l’espèce. En outre, ce dernier a dû consacrer beaucoup de temps et d’efforts pour essayer d’obtenir l’exercice effectif de ses droits parentaux, ce qui n’est toujours pas le cas. Dans le contexte de l’affaire et compte tenu de l’attitude actuelle de D. qui, âgée de quatorze ans, déclare vouloir rester vivre avec ses grands-parents, les efforts du requérant devraient être soutenus par les autorités compétentes, dans le but de d’établir un contact entre l’enfant et le père. A cet égard, la Cour estime qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant que les autorités nationales compétentes prennent l’initiative et coordonnent leur activité afin de rétablir progressivement le lien paternel entre D. et le requérant.
Ces divers facteurs ne se prêtent guère à un calcul. Statuant en équité, comme le veut l’article 41, elle alloue au titre de préjudice moral la somme de 20 000 EUR.
B.  Frais et dépens
108.  Le requérant demande également 6 600 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et devant la Cour.
109.  Le Gouvernement ne s’oppose pas au remboursement des frais et dépens liés aux procédures qui font l’objet de la requête devant la Cour, pour autant qu’ils soient étayés par des pièces justificatives et que leur montant ne dépasse pas un certain seuil raisonnable.
110.  La Cour rappelle que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, p. 21, § 66). Compte tenu des éléments en sa possession et des critères dégagés dans sa jurisprudence, la Cour, statuant en équité, octroie au requérant 3 000 EUR pour frais et dépens.
C.  Intérêts moratoires
111.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.  Déclare, à l’unanimité, la requête recevable ;
2.  Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
3.  Dit, par six voix contre une,
a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en monnaie nationale au taux applicable à la date du règlement :
i.  20 000 EUR (vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii.  3 000 (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 mai 2009 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Santiago Quesada Josep Casadevall   Greffier Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée de la juge Fura-Sandström.
J.C.M  S.Q. 
OPINION DISSIDENTE DE LA JUGE FURA-SANDSTRÖM
1.  La majorité a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention. Je ne partage pas son opinion, pour les raisons suivantes.
2.  Mon point de départ est que le juge national est mieux placé que le juge international pour se prononcer dans les affaires concernant la vie familiale et pour trouver le juste équilibre entre les intérêts et les droits des personnes concernées, notamment l’intérêt supérieur de l’enfant. Les États possèdent une large marge d’appréciation dans ce domaine, et c’est bien ainsi, comme j’ai déjà eu l’occasion de le constater dans mes opinions dissidentes dans les affaires Reigado Ramos c. Portugal (no 73229/01, 22 novembre 2005) et Kříž c. République tchèque (no 26634/03, 9 janvier 2007).
3.  J’admets que les circonstances du cas d’espèce sont particulières et que les autorités judiciaires roumaines pourraient éventuellement être critiquées pour ne pas avoir fait davantage et plus vite. Comme le relève la majorité, les autorités compétentes n’ont pas non plus réussi à coopérer entre elles pour protéger le droit de l’enfant (paragraphe 95). Aussi regrettable qu’elle soit, je ne suis pas convaincue que cette attitude des autorités a « contribué de manière décisive à la consolidation d’une situation de fait contraire au droit du requérant protégé par l’article 8 de la Convention » (paragraphe 95).
4.  Rappelons les faits. Le 27 janvier 2001, le requérant donna son accord pour que sa fille, âgée de 6 ans, passât les vacances scolaires chez ses grands-parents maternels. Le 4 février 2001, ceux-ci informèrent le requérant qu’ils n’entendaient pas lui rendre sa fille. Le lendemain, le requérant porta plainte à la police (paragraphes 7-9). Ce fut le début d’une série d’actions judiciaires et administratives qui n’ont pas, à ce jour, permis au requérant de revoir sa fille.
5.  Toutefois, il ne ressort pas du dossier que le requérant ait également tenté de trouver une solution à l’amiable avec les grands-parents, seul ou avec l’assistance des autorités compétentes.
6.  Les autorités nationales se sont trouvées face à une situation complexe et délicate. La complexité est démontrée par le fait que les tribunaux internes ont évalué les preuves différemment (voir le contenu de l’accord donné par le requérant, paragraphe 23) et ont rendu des jugements parfois contradictoires (paragraphes 16 et 25). En plus, lors des tentatives d’exécution, un incident violent a eu lieu entre les grands-parents et le requérant, au cours duquel la petite fille a subi des lésions qui ont nécessité 17 jours de soins médicaux (paragraphe 18). Je trouve pour le moins étonnant que le parquet militaire ait rendu un non-lieu en faveur du requérant au motif que les grands-parents avaient retiré leur plainte pénale, alors qu’étaient en cause des allégations concernant des actes de violence perpétrés sur une mineure. Cela renforce l’impression de complexité du dossier et peut-être comporte-t-il des faits qui nous échappent.
7.  Un père ayant tous les droits parentaux s’est trouvé dans l’impossibilité d’exercer ses droits et dans l’incapacité de maintenir le contact avec sa fille parce que les grands-parents auxquels il l’avait confiée s’y opposaient. Une situation inacceptable, certes, mais peut-être la réponse n’était-elle ni blanche ni noire. Le choix n’était peut-être pas entre une résidence permanente chez le père ou chez les grands-parents. Peut-être aurait-il fallu chercher une solution intermédiaire : droit de visite, visites accompagnées, garde alternée, médiation ou soutien psychologique ? Nous, les juges internationaux, nous ne pouvons pas le savoir et nous n’avons pas le droit de spéculer.
8.  Les autorités nationales ont interrogé l’enfant, qui a expliqué qu’elle préférait vivre avec ses grands-parents (paragraphe 48). Les juges nationaux ont conclu qu’il convenait de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant et, plus particulièrement, sa volonté (paragraphe 50). Ils ont prononcé leurs décisions en tenant compte de tous les facteurs pertinents, y compris le souhait exprimé par l’enfant. Est-ce notre rôle de refaire cette évaluation des faits et de revoir l’interprétation du droit interne sans avoir le bénéfice de l’audition des parties ? Je ne le pense pas.
9.  Je ne partage pas la conclusion de la majorité selon laquelle « en n’agissant pas avec diligence, les autorités nationales ont, par leur comportement, favorisé l’intégration de D. dans son nouveau milieu et, partant, ont contribué de manière décisive (gras ajouté) à la consolidation d’une situation de fait contraire au droit du requérant protégé par l’article 8 de la Convention » (paragraphe 95). Il me semble que le requérant y a également lui-même contribué, du moins je n’arrive pas à écarter cette hypothèse.
10.  C’est pour toutes ces raisons que j’estime que la Cour aurait mieux fait de donner la priorité au principe de subsidiarité dans cette affaire.
ARRÊT AMANALACHIOAI c. ROUMANIE
ARRÊT AMANALACHIOAI c. ROUMANIE 
ARRÊT AMANALACHIOAI c. ROUMANIE – OPINION SÉPARÉE
ARRÊT AMANALACHIOAI c. ROUMANIE – OPINION SÉPARÉE 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 4023/04
Date de la décision : 26/05/2009
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 8 ; Préjudice moral - réparation ; Dommage matériel - demande rejetée

Analyses

(Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE, (Art. 8-2) GARANTIES CONTRE LES ABUS, (Art. 8-2) INGERENCE, (Art. 8-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 8-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 8-2) PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI, MARGE D'APPRECIATION, OBLIGATIONS POSITIVES


Parties
Demandeurs : AMANALACHIOAI
Défendeurs : ROUMANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2009-05-26;4023.04 ?

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