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08/07/2014 | CEDH | N°001-145338

CEDH | CEDH, AFFAIRE PENNINO c. ITALIE, 2014, 001-145338


ANCIENNE DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE PENNINO c. ITALIE

(Requête no 43892/04)

ARRÊT

(Révision)

STRASBOURG

8 juillet 2014

DÉFINITIF

17/11/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Pennino c. Italie (demande en révision de l’arrêt du 24 septembre 2013),

La Cour européenne des droits de l’homme (ancienne deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Işıl Karakaş, présidente, <

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Peer Lorenzen,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Nebojša Vučinić,
Paulo Pinto de Albuquerque, juges,
et de Stanley Naismith, gre...

ANCIENNE DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE PENNINO c. ITALIE

(Requête no 43892/04)

ARRÊT

(Révision)

STRASBOURG

8 juillet 2014

DÉFINITIF

17/11/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Pennino c. Italie (demande en révision de l’arrêt du 24 septembre 2013),

La Cour européenne des droits de l’homme (ancienne deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Işıl Karakaş, présidente,
Guido Raimondi,
Peer Lorenzen,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Nebojša Vučinić,
Paulo Pinto de Albuquerque, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 juin 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 43892/04) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. Ciro Pennino (« le requérant »), a saisi la Cour le 29 novembre 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Par un arrêt du 24 septembre 2013, la Cour a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention à raison du fait que, à la suite de la déclaration d’insolvabilité de la municipalité de Bénévent, le requérant, créancier de ladite municipalité, n’avait pas pu obtenir le paiement de sa créance, et violation de l’article 6 § 1 de la Convention à raison du fait que le requérant avait été privé, pendant un temps excessivement long, de son droit d’accès à un tribunal qui eût pu lui permettre d’obtenir l’exécution du jugement reconnaissant sa créance vis-à-vis de la municipalité. La Cour a également décidé d’allouer au requérant 30 000 euros (EUR) pour dommage matériel et moral et 5 000 EUR pour frais et dépens. Elle a rejeté la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

3. Le 20 décembre 2013, le Gouvernement a informé la Cour qu’il avait appris que le requérant aurait recouvré sa créance et que celle-ci aurait été augmentée des intérêts légaux et d’une somme à titre de compensation de l’inflation. En conséquence, se fondant sur l’article 80 du règlement de la Cour, il demandait la révision de l’arrêt.

4. Le 18 février 2014, la Cour a examiné la demande en révision et a décidé d’accorder au représentant du requérant un délai de six semaines pour présenter d’éventuelles observations. Celles-ci lui sont parvenues le 21 mars 2014.

EN DROIT

I. THÈSES DES PARTIES

5. Le Gouvernement demande la révision de l’arrêt du 24 septembre 2013, alléguant avoir eu, après son prononcé, connaissance d’un fait nouveau pertinent, à savoir le paiement de la créance du requérant augmentée des intérêts légaux et d’une somme à titre de compensation de l’inflation. En particulier, le 19 mars 2009, le requérant se serait vu verser la somme de 24 261,46 EUR.

6. Le Gouvernement indique également que la requête a été communiquée le 29 août 2006 et que ses dernières observations datent de mars 2007. Il soutient que le laps de temps – long à ses yeux – qui s’est écoulé entre ces observations et le prononcé de l’arrêt a rendu difficile la préparation de sa défense. Il ajoute que les informations pertinentes n’étaient pas détenues par l’État, mais par une administration locale autonome, la municipalité de Bénévent, qui se serait trouvée dans la situation de gérer une quantité très importante de données relatives à ses différents créanciers. Il précise enfin que le représentant du requérant n’a pas informé la Cour du paiement de la créance, ce qui s’analyse, selon lui, en un non-respect de ses obligations.

7. Le représentant du requérant soutient quant à lui que, par une lettre du 13 janvier 2014, il a informé la Cour que son client avait reçu le paiement attendu. Il considère en outre que, lors de l’exécution de l’arrêt du 24 septembre 2013, il devrait être possible d’opérer une distinction entre ce qui était dû au titre du préjudice matériel et ce qui était dû au titre du préjudice moral. Il soutient de surcroît que toute carence d’information en temps utile de sa part était due à l’intervalle compris entre la date de la présentation des demandes de satisfaction équitable et celle du prononcé de l’arrêt par la Cour, intervalle qui aurait également eu pour effet un affaiblissement de ses contacts avec son client.

8. En conclusion, le représentant des requérants sollicite le rejet de la demande en révision au motif que son client a, en tout état de cause, subi un préjudice patrimonial important pendant des longues années. Il ajoute qu’il y a, en Italie, des « centaines d’administrations locales en détresse ». À titre subsidiaire, il s’en remet à la sagesse de la Cour.

II. APPRÉCIATION DE LA COUR

9. La Cour rappelle que, selon l’article 44 de la Convention, ses arrêts sont définitifs et que, dans la mesure où elle remet en question ce caractère définitif, la procédure en révision, non prévue par la Convention mais instaurée par le règlement de la Cour, revêt un caractère exceptionnel : d’où l’exigence d’un examen strict de la recevabilité de toute demande en révision d’un arrêt de la Cour dans le cadre d’une telle procédure (Pardo c. France, 10 juillet 1996 (révision – recevabilité), § 21, Recueil des arrêts et décisions 1996-III ; Gustafsson c. Suède, 30 juillet 1998 (révision – bien-fondé), § 25, Recueil 1998-V ; et Stoicescu c. Roumanie (révision), no 31551/96, § 33, 21 septembre 2004).

10. La Cour rappelle ensuite qu’elle doit déterminer s’il y lieu de réviser l’arrêt du 24 septembre 2013 par application de l’article 80 de son règlement qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :

« En cas de découverte d’un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l’issue d’une affaire déjà tranchée et qui, à l’époque de l’arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d’une partie, cette dernière peut (...) saisir la Cour d’une demande en révision de l’arrêt dont il s’agit. (...) »

11. Il y a donc lieu de déterminer en l’espèce si le fait en question, d’une part, aurait pu exercer une influence décisive sur l’issue de l’affaire déjà tranchée et si, d’autre part, il ne pouvait raisonnablement être connu du Gouvernement avant le prononcé de l’arrêt initial (Grossi et autres c. Italie (révision), no 18791/03, § 18, 30 octobre 2012).

12. S’agissant de la première question, la Cour observe que la présente affaire concerne les effets des dispositions italiennes sur les administrations locales en état de détresse financière. Elle note en particulier que les créanciers de celles-ci ne peuvent entamer ou continuer des actions en exécution à l’encontre de l’administration déclarée insolvable et que leurs créances sont satisfaites dans le cadre d’une procédure administrative qui se déroule sous l’autorité d’un organe extraordinaire de liquidation (organo straordinario di liquidazione – « OSL »).

13. La Cour rappelle ensuite que le requérant était un créancier de la commune de Bénévent, déclarée insolvable. Dans son arrêt du 24 septembre 2013, la Cour a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 et de l’article 6 § 1 de la Convention, en observant notamment : a) qu’à partir de la déclaration d’insolvabilité et jusqu’à l’approbation de la reddition des comptes, aucune procédure d’exécution ne pouvait être entamée ou poursuivie relativement aux créances de la municipalité rentrant dans la compétence de l’OSL ; b) que la célérité de la procédure administrative échappait complètement au contrôle du requérant ; c) qu’elle-même n’avait pas été informée de l’approbation de la reddition des comptes par l’OSL ; d) que le requérant, dont la créance avait été reconnue par une décision de justice émise en 2002, avait été privé de son droit d’accès à un tribunal pendant une période excessivement longue ; e) que la créance du requérant n’avait pas été payée ; f) que le manque de ressources d’une commune (c’est-à-dire d’un organe de l’État) ne pouvait justifier qu’elle omette d’honorer les obligations découlant d’un jugement définitif rendu en sa défaveur.

14. En ce qui concernait la satisfaction équitable, la Cour a observé dans son arrêt que le préjudice matériel subi par le requérant correspondait au montant de la créance non payée, augmenté des intérêts légaux et d’une somme à titre de compensation de l’inflation, et que, de plus, l’intéressé avait subi un tort moral certain. La Cour a donc alloué 30 000 EUR au requérant, tous préjudices confondus.

15. Dans ces circonstances, la Cour est d’avis que le paiement, en 2009, de la créance du requérant était un fait pouvant exercer une influence décisive sur l’issue de l’affaire. D’une part, cette circonstance permet de délimiter la période pendant laquelle les droits du requérant au respect de ses biens et à l’accès à un tribunal ont subi des restrictions ; d’autre part, elle a une influence directe et évidente sur le montant de la somme allouée au titre du préjudice matériel, qui, dans l’arrêt initial, a été fixé à hauteur du montant de la créance non payée, auquel se sont ajoutés les intérêts légaux et une somme à titre de compensation de l’inflation (paragraphe 14 ci-dessus).

16. À ce dernier égard, la Cour souligne qu’il convient d’éviter que son arrêt puisse avoir pour effet un enrichissement sans cause. Cela serait le cas en l’espèce si le requérant devaient obtenir, en plus du paiement de sa créance au niveau interne, une somme ultérieure au titre de la satisfaction équitable pour préjudice matériel, calculée sur la base du montant de la créance en question. Celle-ci serait alors en pratique versée deux fois au requérant. La Cour observe également que la conduite du représentant du requérant a été inappropriée dans la mesure où il n’a pas informé la Cour du paiement de la créance (voir, mutatis mutandis, Bugajny et autres c. Pologne (révision), no 22531/05, § 24, 15 décembre 2009).

17. En revanche, s’agissant de la deuxième question, la Cour observe que, en l’espèce, le paiement de la créance était un fait qui pouvait raisonnablement être connu du Gouvernement avant le prononcé de l’arrêt initial. Elle rappelle qu’une administration locale en détresse, même lorsque sa gestion financière est confiée à un OSL, demeure un organe de l’État. Puisque la présente requête a été, bien avant le paiement de la créance, communiquée au gouvernement défendeur, ce dernier avait la possibilité de se renseigner auprès de la municipalité de Bénévent ou de l’OSL pour obtenir toute information pertinente ou encore de demander à ces deux organes de lui faire connaître dans les meilleurs délais tout développement significatif de l’affaire.

18. De telles démarches n’ont de toute évidence pas été entreprises ou du moins n’ont pas été effectuées de manière efficace, puisque le Gouvernement n’a appris le paiement de la créance, survenu le 19 mars 2009, qu’après le 24 septembre 2013, date du prononcé de l’arrêt initial. La Cour réaffirme que tout manque de communication en temps utile entre l’administration locale concernée et le bureau de l’agent du Gouvernement auprès du Conseil de l’Europe ne peut qu’être imputé à l’État défendeur.

19. Pour ce qui est du laps de temps écoulé entre la date limite de présentation des dernières observations et le prononcé de l’arrêt (paragraphe 6 ci-dessus), la Cour reconnaît qu’il a été, sans conteste, très long. Il n’en demeure pas moins que les parties ont l’obligation de porter à la connaissance de la Cour tout fait pertinent s’étant produit dans l’ordre juridique interne, d’autant plus lorsque ce fait peut être décisif pour l’issue du litige.

20. Dans ces circonstances, la Cour juge que les faits sur lesquels la demande en révision se fonde pouvaient raisonnablement être connus du Gouvernement avant le prononcé de l’arrêt initial (voir, mutatis mutandis, Grossi et autres, précité, §§ 20-24, et Bugajny et autres, précité, §§ 25-26). Il s’ensuit que la demande en révision du Gouvernement doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

Décide de rejeter la demande en révision de l’arrêt du 24 septembre 2013.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 juillet 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithIşıl Karakaş
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (ancienne deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-145338
Date de la décision : 08/07/2014
Type d'affaire : révision
Type de recours : Révision rejetée

Parties
Demandeurs : PENNINO
Défendeurs : ITALIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ROMANO G. ; FERRARA A.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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