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09/09/2014 | CEDH | N°001-145913

CEDH | CEDH, AFFAIRE CALIGIURI ET AUTRES c. ITALIE, 2014, 001-145913


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE CALIGIURI ET AUTRES c. ITALIE

(Requêtes nos 657/10, 27897/10, 27908/10 et 64297/10)

ARRÊT

STRASBOURG

9 septembre 2014

DÉFINITIF

16/02/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Caligiuri et autres c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Işıl Karakaş, présidente,
Guido Raimondi,
András Sajó

,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délib...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE CALIGIURI ET AUTRES c. ITALIE

(Requêtes nos 657/10, 27897/10, 27908/10 et 64297/10)

ARRÊT

STRASBOURG

9 septembre 2014

DÉFINITIF

16/02/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Caligiuri et autres c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Işıl Karakaş, présidente,
Guido Raimondi,
András Sajó,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juillet 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent quatre requêtes (nos 657/10, 27897/10, 27908/10 et 64297/10) dirigées contre la République italienne et dont plusieurs ressortissants de cet Etat (« les requérants » – voir le tableau récapitulatif ci-annexé et la liste des requérants) ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Me N. Raffaelli, avocat à Catanzaro, et G. Romano, avocat à Benevent. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Spatafora et par son coagent, Mme P. Accardo.

3. Le 23 août 2011, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Les requérants étaient employés par les Provinces de Catanzaro, Piacenza et Messine et exerçaient des fonctions relevant du personnel des écoles (assistants administratifs, collaborateurs, assistants techniques et responsables administratifs dans les écoles : le « personnel ATA »). Ils avaient droit à un salaire de base, assorti d’indemnités accessoires.

5. Suite au transfert du personnel de la fonction publique territoriale vers la fonction publique de l’Etat, prévu par la loi no 124 du 3 mai 1999, les requérants furent employés, à partir du 31 décembre 1999, par le ministère de l’Education Nationale (« le ministère »). Les employés déjà en poste dudit ministère, exerçant les mêmes fonctions que les requérants, avaient droit à un traitement de base progressif selon l’ancienneté de service.

6. Selon l’article 8 de la loi no 124 susmentionnée, l’ancienneté de service acquise par les requérants auprès des collectivités locales devait être reconnue à toutes fins juridiques et économiques. Toutefois, le ministère attribua aux requérants une ancienneté fictive, en transformant la rétribution de base perçue des collectivités locales à la date du 31 décembre 1999 en années d’ancienneté et, au mépris du contrat collectif national de l’Ecole, il calcula leur traitement pécuniaire sans tenir compte de leur ancienneté de service réelle, acquise jusqu’à cette date. En outre, en transformant la rétribution de base en années d’ancienneté fictive, le ministère enleva des dernières fiches de paie des requérants tous les éléments indemnitaires dont leurs salaires étaient régulièrement assortis jusqu’au 31 décembre 1999.

7. Les requérants saisirent les tribunaux du travail de Sondrio et Milan afin d’obtenir la reconnaissance juridique et économique de l’ancienneté acquise auprès de leurs employeurs locaux d’origine et, en conséquence, le versement de la différence de rétribution née à partir du 1er janvier 2000. Ils firent valoir qu’ils percevaient un salaire qui ne correspondait pas à leur ancienneté et que ce salaire était ainsi inférieur à celui des fonctionnaires qui avaient toujours été employés par le ministère.

8. Dans les requêtes nos 27897/10, 27908/10 et 64297/10, les tribunaux accueillirent les recours des requérants et condamnèrent le ministère à reconnaître l’ancienneté acquise par les intéressés auprès des collectivités locales. Le ministère interjeta appel de ces jugements.

9. Dans la requête no 657/10, le tribunal de Catanzaro rejeta le recours de la requérante. Elle interjeta appel de ce jugement.

10. Alors que ces procédures étaient pendantes, le Parlement adopta la loi de finances pour 2006 (« la loi no 266 »). L’article 1, alinéa 218, de ladite loi était intitulé « interprétation authentique (interpretazione autentica) de l’article 8 de la loi no 124 de 1999 » ; il prévoyait que le personnel ATA devait être intégré dans les tableaux de paye de la nouvelle administration sur la base du traitement salarial global des intéressés au moment de la mutation.

11. Par plusieurs arrêts, les cours d’appel, compte tenu de la loi no 266 et de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, rendirent des décisions contraires aux prétentions des requérants (voir tableau ci-annexé).

12. Les requérants ont perdu la reconnaissance de l’ancienneté acquise auprès des autorités locales d’origine. De surcroît, ils ont vu leurs salaires devenir inférieurs à ceux d’autres membres du personnel ATA qui avaient obtenu gain de cause par des décisions ayant acquis la force de la chose jugée avant l’entrée en vigueur de la loi no 266.

13. Des informations pertinentes sur les faits relatifs à ces procédures sont contenues dans le tableau récapitulatif en annexe.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

14. Le droit et la jurisprudence internes pertinents se trouvent décrits dans les arrêts Agrati et autres c. Italie, (nos 43549/08, 6107/09 et 5087/09, 7 juin 2011) et De Rosa c. Italie, (nos 52888/08, 58528/08, 59194/08, 60462/08, 60473/08, 60628/08, 61116/08, 61131/08, 61139/08, 61143/08, 610/09, 4995/09, 5068/09 et 5141/09, 11 décembre 2012).

EN DROIT

I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

15. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 DE LA CONVENTION ET 1 DU PROTOCOLE No 1

16. Les requérants se plaignent de l’intervention législative en cours de procédure qui, selon eux, a porté atteinte à leur droit à un procès équitable. Ils indiquent que la jurisprudence avait déjà reconnu que les anciens fonctionnaires territoriaux avaient droit à la reconnaissance de leurs anciennetés acquises auprès des autorités locales de provenance. Sans intervention législative, ils pouvaient donc avoir une espérance légitime, pratiquement une certitude, d’obtenir satisfaction. Les requérants estiment que seul l’intérêt financier de l’administration, qui ne suffisait pas à caractériser un motif impérieux d’intérêt général, a motivé l’intervention législative en question. En outre, les requérants estiment que le caractère rétroactif de l’article 1 de la loi de finances pour 2006 les a privés de leurs biens dans la mesure où cette disposition a mis fin de manière définitive au litige les opposant à l’administration.

Ils invoquent l’article 6 de la Convention ainsi que l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellés en leurs parties pertinentes :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Article 1 du Protocole no 1

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. »

17. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

18. La Cour constate que les requêtes ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’elles ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

a. Les requérants

19. Les requérants font valoir que suite à leur transfert, ils ont reçu un traitement salarial globalement inférieur à celui perçu auparavant, car ils ont perdu tous les éléments indemnitaires accessoires dont leur traitement était assorti.

20. Les requérants réaffirment qu’ils ont été exclus de toute augmentation contractuelle ainsi que des avantages prévus seulement dans les contrats des collectivités locales, tels que les indemnités de qualification, de repas, de roulement, de risque de disponibilité, etc.

21. Ils rappellent que la Cour de cassation avait souligné officiellement, par une jurisprudence claire et consolidée, que « la loi est sans équivoque pour attacher au transfert l’effet de reconnaissance de l’ancienneté ». Les requérants affirment également que l’arrêt de la Cour constitutionnelle ne serait pas correct.

22. Sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants font valoir qu’il n’y avait aucun motif impérieux d’intérêt général susceptible de justifier l’ingérence dans la détermination judiciaire en cause en l’espèce.

23. Les requérants rappellent que la loi interprétative no 266 est intervenue presque six ans après la décision de transférer le personnel, alors que le transfert lui-même se trouvait déjà complètement réalisé depuis plus de cinq ans, et que la Cour de cassation avait déjà éliminé toute incertitude éventuelle d’interprétation à ce sujet. De plus, la norme interprétative avait été dissimulée dans une loi de finances.

24. S’agissant de l’article 1 du Protocole no 1, les requérants font valoir qu’ils disposaient au moment de l’introduction de leurs recours avant l’adoption de la loi litigieuse d’une espérance légitime de les voir couronnés de succès en raison d’une jurisprudence interne qui leur était favorable.

25. Les requérants concluent au caractère disproportionné de la mesure litigieuse et à la violation de l’article 1 du Protocole no 1.

b. Le Gouvernement

26. Le Gouvernement s’oppose à la thèse des requérants. Il affirme qu’à la suite de leur transfert, les requérants auraient continué à exercer les mêmes fonctions avec le même salaire, et que toute l’ancienneté acquise avait été reconnue aux fins de leur retraite. La seule différence, selon le Gouvernement, était que l’ancienneté acquise pendant le service accompli dans la fonction publique territoriale ne pouvait pas entraîner une augmentation salariale par rapport au traitement économique dont les intéressés jouissaient avant leur transfert.

27. En outre, le Gouvernement rappelle que cette interprétation de la loi no 124 de 1999 avait été entérinée par l’un des accords passées entre l’administration (ARAN) et les syndicats des employés puis confirmé dans le décret ministériel du 5 avril 2001.

28. Quant à l’article 6 § 1 de la Convention, le Gouvernement affirme qu’étant donné que des contentieux s’étaient multipliés sur l’ensemble du territoire, le législateur était intervenu par le biais d’une loi interprétative afin de combler le vide juridique qui s’était créé, en tenant compte de la difficulté de régler cette matière par la voie d’accords collectifs ou par les soins du pouvoir réglementaire : le but était d’éviter des augmentations injustifiées des salaires et une disparité de traitement entre différentes catégories d’employés. Selon le Gouvernement, qui se réfère à cet égard à plusieurs arrêts de la Cour en matière d’interventions législatives, on ne saurait parler de reformatio in peius de la position des requérants.

29. Dans les présentes affaires, les requérants, qui ne disposaient pas d’un arrêt définitif et exécutoire, ont essayé de profiter d’une aubaine et d’un vide juridique ainsi que de l’insuffisance des accords collectifs et de l’incapacité du pouvoir à régler cette matière. L’intervention du législateur était donc parfaitement prévisible et répondait à une évidente et impérieuse justification d’intérêt général (OGIS-Institut Stanislas, OGEC Saint-Pie X et Blanche de Castille et autres c. France, nos 42219/98 et 54563/00, 27 mai 2004). Selon le Gouvernement, cette situation s’apparente à celle du législateur dans l’affaire National & Provincial Building Society, Leeds Permanent Building Society et Yorkshire Building Society c. Royaume-Uni, 23 octobre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VII. Il estime qu’en plus, dans les cas d’espèce, l’intervention du législateur a permis de prévenir la création de situations discriminatoires au sein du personnel ATA. Il en conclut qu’il existait bien un impérieux motif d’intérêt public au sens de la jurisprudence de la Cour.

30. Enfin, le Gouvernement rappelle que la Cour constitutionnelle a jugé que l’intervention du législateur n’était contraire ni à la Constitution italienne ni à la Convention.

31. Quant à l’article 1 du Protocole no 1, le Gouvernement est d’avis que, lors de l’adoption de la loi de finances pour 2006, les requérants n’étaient pas titulaires d’une créance certaine et exigible envers l’Etat puisqu’aucun jugement définitif n’avait encore été rendu dans leur procédure. Il fait référence pour cela aux affaires Fernandez-Molina Gonzalez et autres c. Espagne ((déc.), nº 64359/01, CEDH 2002‑IX) et Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce (9 décembre 1994, série A no 301‑B) et en conclut que les requérants n’étaient pas titulaires d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1.

32. Il fait valoir que l’ingérence du législateur dans l’administration de la justice était justifiée par « d’impérieux motifs d’intérêt général ». Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il considère que l’objectif pour le législateur n’était pas de faire échec aux procédures en cours mais d’intervenir pour remplir un vide juridique, et souligne que ce motif a été clairement rappelé par la Cour constitutionnelle dans sa décision du 26 novembre 2009. Il estime qu’un tel objectif constitue, en l’espèce, un « impérieux motif d’intérêt général ».

2. Appréciation de la Cour

33. La Cour rappelle avoir conclu, dans des affaires soulevant des questions semblables à celles de la présente espèce, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 (Agrati et autres c. Italie, et De Rosa c. Italie, arrêts précités). Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis en l’espèce, elle considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans la présente affaire. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce l’intervention législative litigieuse, qui visait à régler définitivement et de manière rétroactive, le fond du litige opposant la requérante à l’Etat devant les juridictions internes, n’était pas justifiée par d’impérieux motifs d’intérêt général et a fait peser une « charge anormale et exorbitante » sur les requérants. De plus, l’atteinte portée à leurs biens a revêtu un caractère disproportionné, rompant le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux des individus.

34. Partant, la Cour conclut à la violation des articles 6 § 1 et 1 du Protocole no1 à la Convention

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

35. Invoquant les articles 8 et 13 de la Convention, la requérante Raffelina Caligiuri (requête no 657/10) se plaint également d’une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et dénonce une violation de son droit à un recours effectif résultant du fait que la cour d’appel a rejeté son recours.

36. La Cour note tout d’abord que ces griefs ne sont pas étayés. Pour autant qu’ils soulèvent des questions distinctes de celles examinées plus haut et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et des libertés garantis par la Convention. Partant, elle déclare ces griefs irrecevables.

37. Sous l’angle de l’article 14, la requérante se plaint d’avoir fait l’objet d’une discrimination par rapport aux autres anciens membres du personnel ATA qui ont obtenu gain de cause par des décisions ayant acquis la force de la chose jugée avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

38. Elle invoque l’article 14 de la Convention qui dispose :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

39. La Cour observe que ce grief, tel qu’il a été présenté par la requérante, est étroitement lié à celui tiré de l’article 6 de la Convention et doit lui aussi être déclaré recevable. Toutefois, eu égard aux conclusions auxquelles elle est parvenue sous l’angle de l’article 6 § 1 (paragraphes 33 et 34 ci-dessus), elle ne juge pas nécessaire de l’examiner séparément.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

40. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage matériel

1. Arguments des parties

a. Les requérants

41. Dans la requête no 657/10, la requérante réclame une indemnité de 40 000 euros (EUR) laquelle comprendrait également les pertes entraînées par la diminution de sa pension de retraite. Elle joint un certificat de service ainsi que la liste des salaires reçus entre 1996 et 2007.

42. Dans les requêtes nos 27897/10, 27908/10 et 64297/10, les requérants demandent à la Cour de rétablir la situation antérieure à la loi litigieuse en sommant l’Etat de payer toutes les différences de salaire.

43. A cet égard, les requérants joignent plusieurs documents du ministère des Finances et des dirigeants des écoles sans toutefois chiffrer leurs prétentions. A défaut de restitutio in integrum, les requérants demandent de nommer un expert afin d’évaluer le montant à allouer à chaque requérant.

44. Dans la requête no 64297/10, les requérantes envoient des aperçus des différences salariales sur la base de deux différents calculs. Elles joignent les fiches de paiement de janvier 2010 et de janvier 2012. Dans les documents annexés aux requêtes, elles quantifient leur dommage de la manière suivante :

Mme Petti demande soit une somme de 152 484,77 EUR, soit une somme de 177 802,24 EUR ;

Mme Di Fazio demande soit une somme de 202 268 EUR, soit une somme de 214 298,21 EUR ;

Mme Cacciola demande une somme de 211 650 EUR.

b. Le Gouvernement

45. Le Gouvernement s’oppose aux demandes des requérants. Il insiste sur le fait que les requérants n’ont subi aucune régression salariale. Par le biais de la temporisation, les employés provenant de collectivités locales sont uniformisés au traitement pratiqué pour les employés du ministère de l’Éducation dont ils font partie à la suite du transfert.

2. Appréciation de la Cour

46. La Cour rappelle tout d’abord que l’article 60 du règlement de la Cour prévoit que : « Sauf décision contraire du président de la chambre, le requérant doit soumettre ses prétentions, chiffrées et ventilées par rubrique et accompagnées des justificatifs pertinents, dans le délai qui lui a été imparti pour la présentation de ses observations sur le fond. Si le requérant ne respecte pas les exigences décrites dans les paragraphes qui précèdent, la chambre peut rejeter tout ou partie de ses prétentions » (Romet c. Pays-Bas, no 7094/06, §§ 65-66, 14 février 2012 ; G.R. c. Pays-Bas, no 22251/07, § 61, 10 janvier 2012 ; Mihai Toma c. Roumanie, no 1051/06, § 40, 24 janvier 2012 et K.U. c. Finlande, no 2872/02, § 58, CEDH 2008).

47. La Cour note que dans toutes les requêtes, les requérants n’ont pas dûment chiffré leurs prétentions. Ils n’indiquent pas, pour chaque requérant, quelles ont été les pertes subies par effet de l’entrée en vigueur de la loi litigieuse, mais appuient leur demande de satisfaction équitable sur des documents généraux (des tableaux des différentes tranches salariales pour le personnel des écoles, des arrêtés de titularisation des dirigeants des écoles, des déclarations de revenus, des attestations de travail).

48. La Cour ne saurait déduire des documents présentés par les requérants le dommage matériel effectivement subi.

49. S’agissant en particulier de la requête no 64297/10, la Cour note que les demandes des requérantes ne sont ni précises ni fondées sur des documents à l’égard desquels on pourrait déduire un dommage matériel effectivement subi.

Dans ces circonstances, elle estime qu’il n y a pas lieu d’octroyer une somme à ce titre.

B. Dommage moral

50. Les requérants demandent 10 000 EUR chacun au titre du dommage moral.

51. Le Gouvernement n’a pas présenté d’observations à ce sujet.

52. La Cour estime que les constats de violation auxquels elle est parvenue constituent en soi une satisfaction équitable pour le préjudice moral subi par les requérants.

C. Frais et dépens

53. S’agissant des frais et dépens, le requérants demandent les sommes suivantes :

Dans la requête no 657/10, sans justificatifs à l’appui, la requérante demande la somme de 6 000 euros (EUR) pour les frais de la procédure devant la Cour.

Dans les requêtes nos 27897/10, 27908/10 et 64297/10, justificatifs à l’appui, les requérants demandent respectivement 16 652,50 EUR pour chaque requête pour les frais de la procédure devant la Cour.

54. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En outre, lorsque la Cour constate une violation de la Convention, elle n’accorde au requérant le paiement des frais et dépens qu’il a exposés devant les juridictions nationales que dans la mesure où ils ont été engagés pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation. Cependant, la Cour estime que les montants réclamés par les requérants dans les requêtes nos 27897/10, 27908/10 et 64297/10 sont excessifs. Par conséquent elle accorde 2 000 EUR à ce titre pour chacune de ces requêtes.

55. S’agissant de la requête no 657/10, la Cour relève que la requérante n’a pas fourni de justificatifs à l’appui de sa demande et décide de ne rien allouer à ce titre.

D. Intérêts moratoires

56. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Décide, à l’unanimité, de joindre les requêtes ;

2. Déclare, à l’unanimité, les requêtes nos 27897/10, 27908/10 et 64297/10 recevables quant aux griefs tirés des articles 6 § 1 et 1 du Protocole no 1 à la Convention ;

3. Déclare, à l’unanimité, la requête no 657/10 recevable quant aux griefs tirés des articles 6 § 1, 14 et 1 du Protocole no 1 à la Convention et irrecevable pour le surplus ;

4. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

5. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;

6. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 14 de la Convention dans la requête no 657/10 ;

7. Dit, à l’unanimité,

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

Requête no 64297/10

i) 2 000 EUR (deux mille euros), conjointement aux requérantes, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt pour frais et dépens ;

Requête no27897/10

i) 2 000 EUR (deux mille euros), conjointement aux requérants plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt pour frais et dépens ;

Requête no 27908/10

i) 2 000 EUR (deux mille euros), conjointement aux requérants plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

8. Rejette, par quatre voix contre trois, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 septembre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Abel CamposIşıl Karakaş
Greffier adjointPrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Karakaş, Sajó et Lemmens.

A.I.K.
A.C.

OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DES JUGES KARAKAŞ, SAJÓ ET LEMMENS

1. Nous sommes d’accord avec nos collègues pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1. À notre regret, nous ne pouvons toutefois nous rallier à la position de la majorité en ce qui concerne la satisfaction équitable à accorder aux requérants au titre du préjudice matériel.

2. La présente affaire concerne les effets d’une disposition interprétative, à savoir l’article 1, alinéa 218, de la loi no 266 (du 23 décembre 2005) de finances pour 2006 sur les droits pécuniaires du personnel non enseignant de l’enseignement public transféré d’administrations locales au ministère de l’Éducation nationale. Comme il est rappelé dans l’arrêt (paragraphe 33), cette disposition a déjà donné lieu à un certain nombre d’affaires devant la Cour, en particulier l’affaire Agrati et autres c. Italie (nos 43549/08, 6107/09 et 5087/09, fond, 7 juin 2011, et satisfaction équitable, 8 novembre 2012), et l’affaire De Rosa c. Italie (nos 52888/08, 58528/08, 59194/08, 60462/08, 60473/08, 60628/08, 61116/08, 61131/08, 61139/08, 61143/08, 610/09, 4995/09, 5068/09 et 5141/09, 11 décembre 2012)[[1]].

Dans la première affaire, la Cour a conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 ; dans la seconde affaire, elle a seulement conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, seule disposition invoquée par les requérants. Dans la présente affaire, tout comme dans l’affaire Agrati et autres, la Cour dit qu’il y a eu violation des deux dispositions précitées.

Nous tenons à rappeler que la violation de l’article 1 du Protocole no 1, constatée par la Cour dans l’affaire Agrati et autres – et confirmée dans la présente affaire –, résultait notamment du fait qu’au moment où le législateur avait adopté la disposition « interprétative », en décembre 2005, il existait une jurisprudence claire de la Cour de cassation (et du Conseil d’État) selon laquelle la législation alors en vigueur garantissait au personnel transféré l’ancienneté acquise dans son administration d’origine, en termes d’années, de sorte qu’il avait droit au salaire correspondant, dans les échelles du ministère, à une telle ancienneté. Cette interprétation a été contredite par la loi interprétative, qui dispose que ce n’est pas l’ancienneté mais seulement le niveau de salaire qui est garanti (Agrati et autres (fond), précité, §§ 38-39).[[2]] Nous rappelons qu’en outre, l’ancienneté acquise dans les administrations locales par les requérants dans l’affaire Agrati et autres avait été reconnue pour la plupart d’eux par des juridictions d’appel. C’est au moment où des pourvois en cassation, introduits soit par le ministère soit par certains requérants, étaient pendants, que le législateur a adopté la loi litigieuse, empêchant ainsi définitivement que l’ancienneté soit intégralement reconnue (voir Agrati et autres (fond), précité, § 83).

S’agissant de l’application de l’article 41 de la Convention, la Cour a constaté dans les affaires Agrati et autres et De Rosa et autres ce qui suit : « la jurisprudence de la Cour de cassation était, avant l’adoption de la loi litigieuse, favorable à la position des requérants. Ainsi, si aucune violation de la Convention ne s’était produite, la situation des requérants aurait vraisemblablement été différente, dès lors qu’ils auraient pu se voir reconnaître l’ancienneté acquise auprès des collectivités locales [d’origine]. Partant, la Cour en déduit que la violation de la Convention constatée (...) est susceptible d’avoir causé aux requérants un dommage matériel » (Agrati et autres (satisfaction équitable), précité, § 13, et De Rosa et autres, précité, § 60). Dans l’affaire Agrati et autres, la Cour a noté : « le Gouvernement se borne à contester les demandes de satisfaction équitable chiffrées par les requérants sans toutefois produire aucun calcul. Par conséquent, la Cour juge raisonnable de dédommager le préjudice matériel des requérants à hauteur de la différence entre la rétribution qu’ils ont perçue effectivement (...) et celle à laquelle ils auraient dû avoir droit en l’absence de l’intervention législative litigieuse » (Agrati et autres (satisfaction équitable), précité, § 15).

3. En l’espèce, les cours d’appel qui ont examiné les affaires des requérants ont toutes rejeté les demandes de ceux-ci et ont donné gain de cause au ministère, sur la base de la loi no 266 précitée. Dans le cas de Mme Caligiuri (requête no 657/10), le tribunal du travail, statuant en première instance, s’était déjà prononcé dans le même sens ; dans le cas des autres requérants (nos 27897/10, 27908/10 et 64297/10), les tribunaux du travail, qui avaient statué avant l’adoption de la loi précitée en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, avaient donné gain de cause aux requérants et ordonné au ministère de reconnaître l’intégralité de leur ancienneté acquise auprès de leurs administrations locales d’origine aux fins du calcul de leurs salaires et des avantages y afférents (paragraphes 8-11 de l’arrêt). Au moins dans certains cas, les tribunaux du travail avaient explicitement ordonné au ministère de payer aux requérants la différence entre le salaire effectivement perçu par eux et le salaire auquel ils avaient droit sur la base de l’ancienneté précitée.

Tous les requérants dans la présente affaire pouvaient au départ invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation, qui leur était favorable. Ils bénéficiaient ainsi tous d’un intérêt patrimonial qui, selon la jurisprudence de la Cour, constituait, sinon une créance à l’égard de l’État, du moins une « espérance légitime » de pouvoir obtenir le paiement des sommes réclamées sur la base de l’ancienneté acquise auprès des administrations locales (Agrati et autres (fond), précité, § 74). En ôtant aux requérants cette créance ou cette espérance légitime, la disposition interprétative litigieuse leur a causé un préjudice matériel.

4. La majorité estime, quant au préjudice matériel, que la demande des requérants ne satisfait pas à l’article 60 du règlement de la Cour au motif qu’ils n’ont pas dûment chiffré leurs prétentions. En particulier, ils n’auraient pas indiqué quelles ont été les pertes subies par l’effet de l’entrée en vigueur de l’article 1, alinéa 218, de la loi no 266 précitée, et se seraient limités à appuyer leurs demandes sur des documents généraux (des tableaux de différentes tranches salariales pour le personnel des écoles, des arrêtés de titularisation des dirigeants des écoles, des déclarations de revenus, des attestations de travail – paragraphe 47 de l’arrêt). La majorité estime qu’elle ne peut déduire de ces documents le dommage qui a été effectivement subi (paragraphe 48 de l’arrêt). En ce qui concerne plus spécifiquement Mme Cacciola et consorts (requête no 64297/10), les demandes ne seraient ni précises ni fondées sur des documents dont on peut déduire l’ampleur du dommage matériel effectivement subi (paragraphe 49 de l’arrêt).

Selon l’article 60 du règlement de la Cour, un requérant doit chiffrer et ventiler par rubrique toutes ses prétentions, auxquelles il doit joindre les justificatifs nécessaires (paragraphe 2), faute de quoi la Cour peut rejeter ses demandes, en tout ou en partie (paragraphe 3).

Nous constatons que Mme Caligiuri (requête no 657/10) réclame une indemnité d’un montant bien déterminé et qu’elle a joint à sa demande un certificat de service ainsi que la liste des salaires perçus entre 1996 et 2007 (paragraphe 41 de l’arrêt). M. Abamo et consorts (requête no 27897/10), M. Ballerini et consorts (requête no 27908/10) et Mme Cacciola et consorts (no 64297/10) demandent explicitement à la Cour de rétablir la situation antérieure à la loi litigieuse et de sommer l’État défendeur de payer toutes les différences de salaire. Ils joignent à leurs demandes plusieurs documents du ministère des Finances et des dirigeants des écoles (paragraphes 42 et 43 de l’arrêt). Quant à Mme Cacciola et consorts, ils ont soumis à la Cour des aperçus des différences salariales sur la base de deux calculs différents. Ils ont également joint les fiches de paye de janvier 2010 et de janvier 2012. Dans les documents annexés à la requête, ils ont quantifié leur dommage (paragraphe 44 de l’arrêt). Le Gouvernement ne conteste pas les montants précités en soi, ni d’ailleurs aucun autre montant. Il prend seulement l’exemple des calculs faits par l’une des requérantes, Mme di Fazio (requête no 64297/10), pour essayer de démontrer qu’il n’y a pas eu de perte de salaire du tout. Son raisonnement est fondé sur des arguments qui touchent en réalité au bien-fondé du grief tiré du Protocole no 1, que la Cour rejette dans le présent arrêt (paragraphe 33), comme elle les a déjà rejetés dans l’affaire Agrati et autres.

Nous estimons que les calculs des requérants étaient suffisants, à ce stade, pour permettre à la Cour de considérer qu’il fallait leur accorder une satisfaction équitable au titre du préjudice matériel. Nous constatons par ailleurs que le fait que le Gouvernement n’a pas contesté les montants avancés par les requérants a été, dans l’affaire Agrati et autres, une des raisons pour lesquelles la Cour a décidé de leur accorder les montants qu’ils réclamaient pour perte de salaire (Agrati et autres (satisfaction équitable), précité, § 15).

Il ne nous paraît pas réaliste de demander à des membres du personnel de l’État de procéder eux-mêmes à un calcul détaillé de leurs salaires, sur la base de deux calculs différents (selon que l’ancienneté acquise auprès des administrations locales est intégralement maintenue ou que le seul niveau de salaire est plus ou moins maintenu). C’est un exercice pour lequel l’expertise nécessaire se trouve dans les administrations concernées.

Sans entrer dans le détail en ce qui concerne l’application de l’article 60 du règlement de la Cour, nous estimons en tout état de cause que, dans la présente affaire, la Cour n’aurait pas dû faire usage de la possibilité de rejeter les demandes de satisfaction équitable pour préjudice matériel qu’autorise le paragraphe 3 de cette disposition. Nous estimons au contraire que les requérants, dont non seulement le droit à un procès équitable mais également le droit au respect de leurs biens a été violé, ne devraient pas, sur la base d’une application rigide d’une règle procédurale, être privés d’une compensation pour le dommage matériel effectivement subi. Pour des raisons d’équité, nous estimons qu’il y avait lieu de leur accorder une satisfaction équitable pour réparer le préjudice matériel. Cela nous paraît d’autant plus justifié en l’espèce que la méthodologie pour le calcul des montants a déjà été fixée dans des arrêts antérieurs (voir ci-après).

5. Afin d’évaluer le préjudice matériel subi en raison de la disposition interprétative litigieuse, nous estimons qu’il convient de se fonder sur le débat soumis devant les juridictions internes relatif à la reconnaissance de l’ancienneté acquise auprès des administrations locales et, partant, sur les sommes accordées par ces juridictions sur la base de cette ancienneté ou, à défaut, sur les montants y relatifs sollicités devant elles (voir, mutatis mutandis, Arnolin et autres c. France, nos 20127/03, 31795/03, 35937/03, 2185/04, 4208/04, 12654/04, 15466/04, 15612/04, 27549/04, 27552/04, 27554/04, 27560/04, 27566/04, 27572/04, 27586/04, 27588/04, 27593/04, 27599/04, 27602/04, 27605/04, 27611/04, 27615/04, 27632/04, 34409/04 et 12176/05, § 87, 9 janvier 2007) ou, à tout le moins, sur les sommes découlant de la reconnaissance de l’ancienneté précitée. Les montants soumis à l’appréciation des juridictions internes et reconnus par elles ont été jugés pertinents dans une affaire récente contre l’Italie, qui concernait également les effets d’une intervention législative dans des procédures en cours (Azienda Agricola Silverfunghi S.a.s. et autres c. Italie, nos 48357/07, 52677/07, 52687/07 et 52701/07, § 113, 24 juin 2014, non définitif).

Bien sûr, la Cour ne serait pas en mesure de se prononcer en pleine connaissance de cause sur les montants à accorder aussi longtemps que le Gouvernement n’aurait pas produit les calculs nécessaires. C’est pour cette raison que nous aurions préféré que la Cour conclue que la question de l’application de l’article 41 quant au préjudice matériel ne se trouvait pas en état et qu’il y avait lieu de la réserver.

* * *

[[1]]. Les arrêts dans les affaires Agrati et autres et De Rosa et autres ont été rendus par une chambre. Depuis lors, il y a eu un certain nombre d’arrêts rendus par un comité de la Cour, qui ont suivi ces précédents : Montalto et autres c. Italie, nos 39180/08 et autres, 14 janvier 2014, Biasucci et autres c. Italie, nos 3601/08 et autres, 25 mars 2014, Marino et Colacione c. Italie, nos 45869/08 et 47348/08, 13 mai 2014, Bordoni et autres c. Italie, nos 6069/09 et 16797/09, 13 mai 2014, Peduzzi et Arrighi c. Italie, n° 18166/09, 13 mai 2014, et Caponetto c. Italie, n° 61273/10, 13 mai 2014. Dans toutes ces affaires de comité, la Cour a conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention ; dans l’affaire Marino et Colacione, elle a en outre conclu à la violation de l’article 1 du Protocole n° 1.

[[2]]. Dans l’arrêt Scattolon c. Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca, du 6 septembre 2011 (n° C-108/10), qui concerne le même système de transfert du personnel des administrations locales au ministère de l’Éducation nationale et la même loi interprétative que dans la présente affaire, la Cour de justice de l’Union européenne a décrit comme suit l’effet de la loi sur les droits de la demanderesse au principal : si son ancienneté de 20 ans acquise dans l’enseignement local était intégralement reconnue, elle devrait être classée dans l’échelon correspondant pour le personnel de l’État à cette ancienneté ; si ce n’étaient que les conditions salariales acquises dans l’enseignement local qui étaient reconnues, elle serait classée dans l’échelon correspondant pour le personnel de l’État à une ancienneté de 9 ans (points 30 et 31 de l’arrêt).


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-145913
Date de la décision : 09/09/2014
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure civile;Article 6-1 - Procès équitable);Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Respect des biens)

Parties
Demandeurs : CALIGIURI ET AUTRES
Défendeurs : ITALIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : RAFFAELLI N. ; ROMANO G.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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