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12/12/2017 | CEDH | N°001-179598

CEDH | CEDH, AFFAIRE CHIRAGOV ET AUTRES c. ARMÉNIE, 2017, 001-179598


GRANDE CHAMBRE

AFFAIRE CHIRAGOV ET AUTRES c. ARMÉNIE

(Requête no 13216/05)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

12 décembre 2017

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Chiragov et autres c. Arménie,

La Cour européenne des droits de l’homme, siégeant en une Grande Chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Angelika Nußberger,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Ganna Yudkivska,
Robert Spano,
Luis López Guerra,
Nebojša Vučin

ić,
Paul Lemmens,
Krzysztof Wojtyczek,
Ksenija Turković,
Egidijus Kūris,
Iulia Motoc,
Branko Lubarda,
Mārtiņš Mits,
Armen Harutyunyan,
L...

GRANDE CHAMBRE

AFFAIRE CHIRAGOV ET AUTRES c. ARMÉNIE

(Requête no 13216/05)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

12 décembre 2017

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Chiragov et autres c. Arménie,

La Cour européenne des droits de l’homme, siégeant en une Grande Chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Angelika Nußberger,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Ganna Yudkivska,
Robert Spano,
Luis López Guerra,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmens,
Krzysztof Wojtyczek,
Ksenija Turković,
Egidijus Kūris,
Iulia Motoc,
Branko Lubarda,
Mārtiņš Mits,
Armen Harutyunyan,
Lәtif Hüseynov,
Jolien Schukking, juges,
et de Johan Callewaert, greffier adjoint de la Grande Chambre,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 septembre 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 13216/05) dirigée contre la République d’Arménie et dont six ressortissants azerbaïdjanais, MM. Elkhan Chiragov, Adishirin Chiragov, Ramiz Gebrayilov, Akif Hasanof, Fekhreddin Pashayev et Qaraca Gabrayilov (« les requérants ») ont saisi la Cour le 6 avril 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). Le sixième requérant est décédé en juin 2005. Son fils, M. Sagatel Gabrayilov, poursuit la procédure en son nom.

2. Par un arrêt rendu le 16 juin 2015 (« l’arrêt au principal »), la Cour a conclu qu’il y avait violation continue des articles 8 et 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et qu’aucune question distincte ne se posait sur le terrain de l’article 14 de la Convention. Elle a estimé en particulier, quant à l’article 1 du Protocole no 1, que, pour ce qui était de la période considérée, à savoir celle postérieure au 26 avril 2002, aucun but n’avait été invoqué qui eût été susceptible de justifier l’impossibilité faite aux requérants d’accéder à leurs biens et l’absence d’indemnisation pour cette ingérence. Elle a jugé la République d’Arménie responsable des violations des droits des requérants qu’elle avait constatées (Chiragov et autres c. Arménie [GC], no 13216/05, § 201, CEDH 2015).

3. Au titre de l’article 41 de la Convention, les requérants sollicitaient une satisfaction équitable s’élevant à plusieurs millions d’euros (EUR) pour dommage et pour frais et dépens.

4. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et les requérants à lui soumettre par écrit, dans un délai de douze mois, leurs observations sur ladite question et, en particulier, à la tenir informée de tout accord auquel ils pourraient aboutir (paragraphe 222 et point 8 du dispositif de l’arrêt au principal).

5. Les parties n’étant pas parvenues à un accord, les requérants ont déposé leurs observations les 16 juin et 28 décembre 2016, et le Gouvernement a fait de même les 16 septembre et 30 décembre 2016.

6. La composition de la Grande Chambre a été arrêtée conformément aux articles 26 §§ 4 et 5 de la Convention et 24 du règlement de la Cour (« le règlement »).

7. En réponse à une demande formulée par le Gouvernement, la Cour juge qu’il n’y a pas lieu, aux fins de l’examen de la question de la satisfaction équitable, d’organiser de mission d’établissement des faits.

EN DROIT

8. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Exceptions préliminaires

9. Le Gouvernement soutient que les requérants n’ont pas démontré être titulaires de droits sur les biens en cause. Il argue qu’ils n’ont donné aucune explication quant à l’origine, la provenance ou la validité juridique des passeports techniques qu’ils ont produits, et que ces documents n’ont donc aucune valeur probante. Il ajoute que le droit en vigueur lorsqu’ils ont quitté le district de Latchin en mai 1992 ne reconnaissait pas de droits privés sur les terres, et qu’ils ne peuvent donc pas avoir eu l’espérance légitime de se voir octroyer pareils droits dix ans plus tard. Il considère que, de surcroît, il n’y a pas de lien de causalité entre l’impossibilité d’accéder à leurs biens dans laquelle ils allèguent se trouver et des agissements qui lui seraient imputables. Enfin, il soutient que les questions concernant les documents et l’indemnisation, entre autres sujets, auraient pu et auraient dû être examinées par les juridictions internes avant d’être portées devant la Cour.

10. Les requérants contestent les arguments avancés par le Gouvernement sur ce terrain, arguant que les questions qu’il soulève ont déjà été tranchées par la Cour dans l’arrêt au principal.

11. La Cour rappelle que, dans cet arrêt, elle a conclu que les passeports techniques des requérants constituaient un commencement de preuve du droit de propriété des intéressés (paragraphe 141) ; qu’ainsi, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve produits devant elle, les requérants avaient suffisamment étayé leur allégation selon laquelle ils possédaient des maisons et des terres au moment où ils avaient quitté le district de Latchin (paragraphe 143), de sorte qu’ils avaient alors sur des terres et sur des maisons des droits qui constituaient des « biens » au sens de l’article 1 du Protocole no 1, et que rien n’indiquait que ces droits se fussent éteints par la suite, par l’effet de mesures légitimes ou non, que ce soit avant ou après la ratification de la Convention par l’Arménie (paragraphe 149). Elle a considéré également que les terres et les maisons des requérants étaient constitutives de leur « domicile » aux fins de l’article 8 de la Convention (paragraphe 150). Sur la question du lien de causalité entre l’impossibilité pour les requérants d’accéder à leurs biens et les actions du gouvernement défendeur, elle a jugé que, depuis le 26 avril 2002, la République d’Arménie était responsable d’une violation à l’égard des requérants des droits garantis par les articles 1 du Protocole no 1 (paragraphe 201) et 8 de la Convention (paragraphes 207-208). Par ailleurs, en réponse à l’argument du Gouvernement selon lequel les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours internes relativement à leurs demandes de satisfaction équitable, elle rappelle que dans l’arrêt au principal elle a rejeté la même exception en considérant que le Gouvernement n’avait pas démontré que les requérants aient disposé d’un recours apte à remédier à la situation qu’ils critiquaient sur le terrain de la Convention et présentant des perspectives raisonnables de succès (paragraphe 120). Pour les mêmes raisons, elle a conclu que la République d’Arménie était responsable d’une violation à l’égard des requérants du droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention (paragraphes 214-215).

Dès lors, les exceptions préliminaires soulevées par le Gouvernement ont déjà été tranchées par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée. Partant, la Cour ne les examinera pas à nouveau dans le présent arrêt. Elles sont donc rejetées.

B. Dommage

1. Thèse des requérants

12. Les requérants réclament une indemnité pour le dommage matériel et moral qu’ils estiment avoir subi depuis le 26 avril 2002, date à laquelle l’Arménie a ratifié la Convention. Ils indiquent que, bien qu’ils aient une grande nostalgie du district de Latchin, leur région d’origine, ils ont conscience qu’ils ne peuvent y retourner compte tenu du conflit qui s’y déroule et de l’insécurité qui y règne.

13. Pour dommage moral, les requérants demandent 50 000 EUR chacun pour la souffrance et la détresse émotionnelle que leur auraient causées les violations continues des articles 1 du Protocole no 1 et 8 et 13 de la Convention. Ils indiquent que leur préjudice découle à la fois de la nature du raid de 1992 et de l’anxiété continue résultant de la perte de leurs moyens de subsistance, de leurs mauvaises conditions de vie en tant que déplacés internes et de leur incapacité à subvenir correctement aux besoins de leur famille.

14. En ce qui concerne le dommage matériel, les requérants ont communiqué des demandes d’indemnisation individuelles datées de juin 2016, qui portent sur la valeur de leurs terres et de leurs maisons ou celle de la perte des revenus fonciers correspondants, la valeur des tapis et autres articles domestiques, celle des véhicules, des arbres et arbustes fruitiers et du bétail, celle de la perte des revenus de la culture, de l’élevage, de l’emploi et d’activités commerciales, et les dépenses supplémentaires engagées à Bakou aux fins de leur relogement et de leur subsistance.

15. Soulignant qu’ils se sont vu refuser l’accès à leurs biens et, par conséquent, la possibilité d’en user et d’en jouir, les requérants exposent que lorsque, par le passé, elle a été appelée à connaître de cas de violation continue, la Cour a apprécié le préjudice subi par référence aux revenus fonciers annuels, exprimés en pourcentage de la valeur vénale du bien, que la location aurait pu produire au cours de la période pertinente (Loizidou c. Turquie (article 50), 28 juillet 1998, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV). Toutefois, ils réclament en réalité, exclusivement ou à titre supplémentaire, une indemnisation couvrant l’intégralité de la valeur vénale de leurs terres et de leurs maisons.

16. Pour prouver leurs droits sur les biens en cause, les requérants ont produit des passeports techniques délivrés entre 1985 et 1990, qui décrivent les terrains et les maisons – M. Qaraca Gabrayilov a soumis en outre une décision d’attribution des terres datant de 1974. Ils ont également fourni des témoignages de membres de leur famille, d’amis, de voisins et de collègues. À l’appui de leurs demandes relatives aux terrains et aux maisons, ils ont communiqué une évaluation réalisée à Bakou le 6 juin 2016 par le « Groupe de travail sur l’évaluation des préjudices et des pertes résultant de l’occupation de territoires azerbaïdjanais par les forces armées arméniennes ». Ils n’ont soumis à la Cour aucune autre preuve documentaire concernant leurs biens ou la valeur de ceux-ci.

17. En ce qui concerne l’état de leurs maisons, les requérants ont indiqué dans leurs observations sur la satisfaction équitable du 9 juillet 2012 et du 16 juin 2016 que, en conséquence du raid militaire de 1992, les bâtiments avaient été soit détruits par des incendies soit gravement endommagés. Cependant, ils ont joint à leurs observations de 2012 des photographies aériennes de la ville de Latchin et des villages de Chiragli et Aghbulag, téléchargées sur Google en avril 2012, sur lesquelles ils avaient marqué différents emplacements où apparaissaient selon les cas des bâtiments ou des ruines censés être leurs maisons ; et, dans leurs observations du 28 décembre 2016 en réplique à celles du Gouvernement sur la satisfaction équitable, ils ont affirmé, en renvoyant aux photographies de Google, que leurs maisons existaient encore, même si elles étaient peut-être délabrées ou occupées par des tiers. Par ailleurs, dans leurs observations sur le fond de l’affaire, ils avaient fourni des images satellite de Latchin, Chiragli et Aghbulag ainsi que du village de Kamalli, prises par le ministère azerbaïdjanais de la Défense en avril 2010.

18. Dans leurs demandes d’indemnisation pour dommage matériel, les requérants exposent ce qui suit.

a) Elkhan Chiragov

19. M. Elkhan Chiragov est né en 1950. Il est marié et a quatre enfants. À Chiragli, il aurait occupé deux emplois d’enseignant. Dans la requête qu’il a introduite devant la Cour en avril 2005, il déclarait que, après son déplacement, il avait perçu son salaire d’enseignant, un complément de revenus versé par l’État d’un montant mensuel de 25 000 manats (vraisemblablement d’« anciens » manats azerbaïdjanais (AZM), la somme indiquée correspondait à cinq dollars américains (USD) environ) pour chacun des membres de sa famille ainsi qu’une aide sous la forme de nourriture, de tentes et d’habits chauds. Il a également produit un certificat de travail attestant que, le 1er septembre 1993, il avait été engagé en tant qu’enseignant dans une école de Bakou. En juin 2016, il a fait savoir qu’il n’avait finalement pas pu travailler comme enseignant à Bakou, expliquant que l’école où il avait trouvé un emploi était trop loin de son habitation et que sa mauvaise santé ne lui permettait pas de faire le trajet.

20. Dans sa demande d’indemnisation pour dommage matériel, M. Elkhan Chiragov indique que la superficie du terrain mentionné dans son passeport technique était en réalité, après extension, de 6 500 mètres carrés (m²), mais que seuls 1 200 m² de cette surface avaient été enregistrés. Cependant, sa demande d’indemnisation ne porte que sur la surface enregistrée, soit 1 200 m². Il aurait également eu une seconde parcelle de 10 000 m², pour laquelle il réclame une somme correspondant à la perte de revenus fonciers qu’il estime avoir subie. Outre la maison d’habitation et la remise décrites dans le passeport technique, il aurait aussi possédé une étable et une seconde remise. Il sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des bâtiments et celle des articles domestiques que sa famille et lui auraient laissés sur place en 1992 (dont cinq tapis faits main). D’autre part, avant leur déplacement, sa famille et lui auraient cultivé leur terre et élevé des abeilles et du bétail ; en 1992, ils auraient eu 70 arbres fruitiers, 55 ruches, 3 chevaux, 9 vaches, 80 moutons, 120 poules, 60 dindes et 40 oies. À cet égard, il sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des arbres, des chevaux et des volailles, ainsi que la perte des revenus que lui aurait rapportés la vente de produits agricoles (fruits, pommes de terre, miel, veaux, lait, agneaux, laine). Il souhaite également être indemnisé pour la perte du salaire qu’il aurait tiré de ses deux emplois d’enseignant et pour les dépenses de subsistance que la famille aurait eues à Bakou.

21. Au total, la demande d’indemnisation pour dommage matériel soumise par M. Elkhan Chiragov pour la période de quatorze ans allant d’avril 2002 à juin 2016 s’élève à 1 573 180 « nouveaux » manats azerbaïdjanais (AZN), soit environ 790 000 EUR. Elle est ainsi ventilée : terrain (valeur et revenus fonciers) – 100 000 AZN ; bâtiments (valeur) – 260 000 AZN ; articles domestiques (valeur) – 71 480 AZN ; culture et élevage (revenus des ventes plus valeur des arbres fruitiers et du bétail) – 906 500 AZN ; salaire d’enseignant – 100 800 AZN ; frais de subsistance supplémentaires – 134 400 AZN.

b) Adishirin Chiragov

22. M. Adishirin Chiragov est né en 1947. Il est marié et a trois enfants. À Chiragli, il aurait exercé la profession d’enseignant. Dans sa requête, il déclarait qu’il percevait le même type d’aide de l’État que le premier requérant, c’est-à-dire un salaire, un complément de revenus et une assistance matérielle. En juin 2016, il a indiqué que le montant mensuel total du salaire et de la pension perçus par la famille était d’environ 700 AZN.

23. Dans sa demande d’indemnisation pour dommage matériel, M. Adishirin Chiragov expose que la superficie du terrain mentionné dans son passeport technique était en réalité, après extension, de 7 500 m², mais que seuls 1 200 m² de cette surface avaient été enregistrés. Sa demande d’indemnité porte sur la totalité de la surface réelle alléguée. M. Adishirin Chiragov aurait également eu une seconde parcelle de 12 000 m² de terres agricoles, pour laquelle il réclame une somme correspondant à la perte de revenus fonciers qu’il estime avoir subie. Il ajoute que, comme indiqué dans le passeport technique, il avait aussi une maison d’habitation avec une surface de stockage ainsi qu’une remise. Il précise toutefois que la taille de la remise était de 120 m², et non de 90 m² comme mentionné dans le passeport. Il sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des bâtiments, celle des articles domestiques que sa famille et lui auraient laissés sur place en 1992 (dont six tapis faits main) et le prix de revente sur le marché de l’occasion d’une voiture de modèle Niva. D’autre part, avant leur déplacement, sa famille et lui auraient cultivé leur terre et élevé des abeilles et du bétail ; en 1992, ils auraient eu 90 arbres fruitiers, 20 ruches, 9 vaches, 2 bœufs, 65 moutons, 150 poules, 70 dindes et 50 oies. À cet égard, M. Adishirin Chiragov sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des arbres et de la volaille ainsi que la perte des revenus que lui aurait rapportés la vente de produits agricoles (fruits, pommes de terre, miel, abeilles, veaux, lait, agneaux, laine, fromage). Il souhaite également être indemnisé pour la perte du salaire qu’il aurait tiré de son emploi d’enseignant et pour les dépenses engagées par la famille pour louer un appartement à Bakou de 1992 à 1994.

24. Au total, la demande d’indemnisation pour dommage matériel soumise par M. Adishirin Chiragov s’élève à 926 240 AZN (soit environ 465 000 EUR). Elle est ainsi ventilée : terrain (valeur et revenus fonciers) – 213 500 AZN ; bâtiments (valeur) – 129 000 AZN ; articles domestiques (valeur) – 45 950 AZN ; voiture (valeur) – 10 000 AZN ; culture et élevage (revenus des ventes plus valeur des arbres fruitiers et du bétail) – 465 390 AZN ; salaire d’enseignant – 50 400 AZN ; frais de subsistance supplémentaires – 12 000 AZN.

c) Ramiz Gebrayilov

25. M. Ramiz Gebrayilov est né en 1960. Il est marié et a quatre enfants. À Latchin, il aurait exercé la profession d’ingénieur. Dans sa requête, il disait être retraité pour raisons de santé et percevoir par mois l’équivalent de 25 USD de pension plus cinq dollars d’aide de l’État pour chacun des membres de sa famille. Dans ses observations de juin 2010, il a indiqué qu’il avait visionné une vidéo de Latchin enregistrée en 2001 sur laquelle il avait constaté que sa maison avait été totalement détruite par un incendie, et que ses voisins lui avaient expliqué que l’incendie avait eu lieu quelques jours après son départ de Latchin. En juin 2016, il a déclaré qu’à Bakou il avait d’abord continué de travailler et perçu un revenu, mais que par la suite il avait pris sa retraite et qu’il recevait désormais une pension mensuelle de 115 AZN. Le revenu de la famille comprendrait, outre cette somme, un montant mensuel de 600 AZN constitué d’une part des salaires des enfants de M. Gebrayilov et d’autre part d’aides de l’État.

26. Dans sa demande d’indemnisation pour dommage matériel, M. Gebrayilov expose que sa parcelle de terrain s’étendait en réalité sur 5 000 m² et non sur 480 m² comme mentionné dans le passeport technique. En se basant sur une estimation de l’actuel prix au mètre carré (40 AZN), il réclame une indemnité à hauteur de la totalité de la surface réelle alléguée. Il ajoute que, outre la maison d’habitation et la remise décrites dans le passeport technique, il possédait aussi une seconde remise, une étable, un garage et une source. Il sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des bâtiments et de la source, la perte des revenus constitués par les loyers que la famille aurait perçus l’été en quittant Latchin pour louer sa maison, et la valeur intégrale des articles domestiques qu’elle aurait laissés sur place en 1992 (dont 16 tapis faits main). D’autre part, avant leur déplacement, M. Gebrayilov et sa famille auraient cultivé leur terre et élevé du bétail ; en 1992, ils auraient eu 81 arbres fruitiers, 12 vaches, 8 veaux, 200 moutons et 170 agneaux. À cet égard, M. Gebrayilov sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale du bétail ainsi que la perte des revenus que lui aurait rapportés la vente de produits agricoles (fruits, légumes, lait et produits laitiers, viande, laine). Il souhaite également être indemnisé à hauteur de l’intégralité de la valeur de son atelier de réparation automobile « Auto Service », qui aurait compris 5 000 m² de terrain, un bâtiment, des outils et des machines.

27. Au total, la demande d’indemnisation pour dommage matériel soumise par M. Gebrayilov pour la période allant d’avril 2002 à juin 2016 s’élève à 1 849 555 AZN (soit environ 925 000 EUR). Elle est ainsi ventilée : terrain (valeur) – 200 000 AZN ; bâtiments et source (valeur et revenus fonciers) – 222 000 AZN ; articles domestiques (valeur) – 29 455 AZN ; culture et élevage (revenus des ventes plus valeur du bétail) – 1 168 100 AZN ; atelier « Auto Service » (valeur du terrain, des équipements et des machines) – 230 000 AZN.

d) Akif Hasanof

28. M. Akif Hasanof est né en 1959. À Aghbulag, il aurait exercé la profession d’enseignant. Dans sa requête, il disait qu’il percevait un salaire d’enseignant ainsi qu’un modique complément de revenus versé par l’État et une aide matérielle, et que l’ensemble de ces ressources lui permettait à peine de subvenir à ses besoins et à ceux des cinq membres de sa famille. En juin 2016, il a déclaré que, après avoir quitté Latchin, il avait exercé différents emplois, toujours très faiblement rémunérés. À Bakou, il n’aurait pas pu trouver d’emploi d’enseignant ni de directeur d’école.

29. Dans sa demande d’indemnisation pour dommage matériel, M. Hasanof indique que sa parcelle de terrain s’étendait en réalité sur 8 200 m2 et non sur 1 600 m² comme mentionné dans le passeport technique. Cependant, sa demande d’indemnité ne porte que sur la surface de terrain mentionnée dans le passeport technique. Ne connaissant pas la valeur vénale actuelle du terrain, M. Hasanof réclame une somme correspondant à la perte de revenus fonciers qu’il estime avoir subie. Outre la maison d’habitation et la remise décrites dans le passeport technique, il aurait aussi possédé une grange et un autre bâtiment de grande taille comprenant un garage. Il sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des bâtiments, la perte des revenus fonciers qu’il aurait tirés de la location à l’année d’une partie de la maison d’habitation, la valeur intégrale des articles domestiques que sa famille et lui auraient laissés sur place en 1992 (dont 20 tapis faits main) et le prix de revente sur le marché de l’occasion d’une voiture de modèle Niva. D’autre part, avant leur déplacement, sa famille et lui auraient cultivé leur terre et élevé des abeilles et du bétail ; en 1992, ils auraient eu 141 arbres fruitiers, des framboisiers, 50 ruches, 3 chevaux, 16 vaches, 100 moutons, 50 dindes et 50 oies. À cet égard, il sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des abeilles et du bétail (chevaux, vaches et moutons) ainsi que la perte des revenus que lui aurait rapportés la vente de produits agricoles (fruits, légumes, miel, abeilles, veaux, lait, agneaux, laine, fromage, plumes d’oie). Il souhaite également être indemnisé pour la perte du salaire qu’il aurait tiré de son emploi d’enseignant et pour les dépenses de subsistance que la famille aurait eues à Bakou.

30. Au total, la demande d’indemnisation pour dommage matériel soumise par M. Hasanof pour la période allant d’avril 2002 à juin 2016 s’élève à 2 621 490 AZN (soit environ 1 300 000 EUR). Elle est ainsi ventilée : terrain (revenus fonciers) – 84 000 AZN ; bâtiments (valeur et revenus fonciers) – 320 000 AZN ; articles domestiques (valeur) – 91 440 AZN ; voiture (valeur) – 12 000 AZN ; culture et élevage (revenus des ventes plus valeur des abeilles et du bétail) – 2 017 650 AZN ; salaire d’enseignant – 50 400 AZN ; frais de subsistance supplémentaires – 46 000 AZN.

e) Fekhreddin Pashayev

31. M. Fekhreddin Pashayev est né en 1956. Il est marié et a trois enfants. À Latchin, il aurait été employé en tant qu’ingénieur-chef au ministère des Transports. Dans sa requête, il indiquait qu’il percevait au total 125 000 manats (là encore, vraisemblablement d’« anciens » manats) par mois pour sa famille en allocations d’État aux personnes déplacées et que, de plus, sa femme percevait une pension de 170 000 manats par mois. En 2010, il a communiqué à la Cour un certificat de travail selon lequel, le 1er avril 1993, il avait été renommé à son ancien poste d’ingénieur‑chef, le lieu d’affectation de ce poste ayant été, après l’occupation du district de Latchin, transféré au dépôt d’hiver du ministère à Aghjabedi (à environ 300 kilomètres à l’ouest de Bakou). Il aurait été mis fin à ses fonctions à ce poste en janvier 2003. En juin 2016, il a déclaré que, après avoir quitté Latchin, il n’avait pas pu retrouver d’emploi en tant qu’ingénieur-chef à Bakou.

32. Dans sa demande d’indemnisation pour dommage matériel, M. Pashayev réclame la valeur intégrale de son terrain tel que décrit dans le passeport technique, sur la base d’une estimation de l’actuel prix au mètre carré, qui serait de 200 AZN. Il sollicite aussi le montant du loyer qu’il aurait pu percevoir sur cette parcelle pendant les quatorze années qui se sont écoulées entre avril 2002 et juin 2016. Il expose que, comme mentionné dans le passeport technique, il avait une maison d’habitation, une petite maison utilisée comme « maison d’été » et une petite remise. Il sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des bâtiments, le loyer que, selon ses estimations, il aurait pu retirer de la maison d’habitation, et la valeur intégrale des articles domestiques que sa famille et lui auraient laissés sur place en 1992 (dont dix tapis faits main et des bijoux d’une valeur de 96 000 AZN). D’autre part, avant leur déplacement, sa famille et lui auraient cultivé un hectare de terre dans son village natal, Kamalli, et élevé des abeilles et du bétail ; en 1992, ils auraient eu 500 arbres fruitiers, 20 ruches et 20 vaches. À cet égard, il sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des abeilles et des vaches ainsi que la perte des revenus que lui aurait rapportés la vente de produits agricoles (fruits, miel, abeilles, veaux, lait). Il souhaite également être indemnisé pour la perte du salaire qu’il aurait tiré de son emploi d’ingénieur-chef et pour les dépenses de subsistance que la famille aurait eues à Bakou, dont le loyer d’une maison qu’elle aurait habitée pendant les trois premières années qui ont suivi son départ de Latchin.

33. Au total, la demande d’indemnisation pour dommage matériel soumise par M. Pashayev s’élève à 2 224 090 AZN (soit environ 1 100 000 EUR). Elle est ainsi ventilée : terrain (valeur et revenus fonciers) – 107 860 AZN ; bâtiments (valeur et revenus fonciers) – 252 000 AZN ; articles domestiques (valeur) – 134 630 AZN ; culture et élevage (revenus des ventes plus valeur des abeilles et du bétail) – 1 494 800 AZN ; salaire d’ingénieur – 201 600 AZN ; frais de subsistance supplémentaires – 33 200 AZN.

f) Qaraca/Sagatel Gabrayilov

34. M. Qaraca Gabrayilov était né à Latchin en 1940. Il était marié et avait cinq enfants. Il est décédé le 19 juin 2005. La procédure a été poursuivie par son fils, M. Sagatel Gabrayilov, né en juillet 1970.

35. Dans sa demande d’indemnisation pour dommage matériel, M. Sagatel Gabrayilov précise que la superficie des terres agricoles que possédait sa famille s’était progressivement étendue jusqu’à atteindre en réalité 8 000 m², et non 753,60 m² comme indiqué dans le passeport technique et la décision d’attribution communiqués à la Cour. La demande d’indemnité porte sur la totalité de la surface réelle alléguée. Outre la maison d’habitation décrite dans le passeport technique, la famille aurait possédé une étable, une remise et un réservoir d’eau. M. Gabrayilov sollicite une indemnité couvrant la valeur intégrale des bâtiments et du réservoir, la perte des revenus fonciers qu’il aurait tirés de la location à l’année d’une partie de la maison d’habitation (permise par la grande surface du bâtiment) et la valeur intégrale des articles domestiques que sa famille et lui auraient laissés sur place en 1992 (dont 26 tapis faits main). D’autre part, avant leur déplacement, sa famille et lui auraient cultivé leur terre et élevé des abeilles et du bétail ; en 1992, ils auraient eu 66 arbres fruitiers, 40 ruches, 16 vaches, 150 moutons et 80 poules. À cet égard, M. Gabrayilov demande une indemnité couvrant la valeur intégrale des abeilles et du bétail, ainsi que la perte des revenus que lui aurait rapportés la vente de produits agricoles (fruits, miel, veaux, agneaux, produits des vaches, des moutons et des poules). Il souhaite également être indemnisé pour la perte des revenus que sa famille aurait tirés du tissage de tapis et de la fabrication de pain et pour les dépenses de subsistance qu’elle aurait eues à Latchin. Cependant, comme la famille ne vivait pas à Latchin pendant la période en cause, cette somme doit être déduite du total du montant réclamé.

36. Ainsi, au total, la demande d’indemnisation pour dommage matériel soumise par M. Sagatel Gabrayilov s’élève à 2 752 835 AZN (soit environ 1 400 000 EUR). Elle est ainsi ventilée : terrain (valeur) – 60 000 AZN ; bâtiments et réservoir (valeur et revenus fonciers) – 452 000 AZN ; articles domestiques (valeur) – 54 475 AZN ; culture et élevage (revenus des ventes plus valeur des abeilles et du bétail) – 2 051 960 AZN ; autres activités (revenu des ventes) – 134 400 AZN.

2. Thèse du Gouvernement

37. Le Gouvernement prie la Cour de rejeter les demandes d’indemnisation présentées par les requérants pour dommage moral. Il les estime infondées et excessives. Il avance que la souffrance que les intéressés disent avoir subie pendant plusieurs années est plutôt liée au conflit militaire et à ses conséquences qu’à l’objet de la présente affaire, à savoir l’impossibilité pour eux d’accéder à leurs biens et à leur domicile. Il ajoute que rien n’indique qu’ils soient restés en proie à une souffrance morale permanente depuis plus de vingt ans.

38. Le Gouvernement estime de même que les demandes présentées par les requérants pour dommage matériel sont sans fondement et qu’elles doivent être rejetées. De manière générale, il soutient que tout préjudice survenu avant le 26 avril 2002 échappe à la compétence de la Cour ratione temporis et, par voie de conséquence, à toute possibilité d’indemnisation. Cette considération s’appliquerait à l’endommagement comme à la destruction des bâtiments et des biens meubles (y compris les articles domestiques, les véhicules, les animaux et les cultures). À cet égard, le Gouvernement s’appuie sur l’arrêt au principal, dans lequel, expose-t-il, la Cour a conclu qu’on ne savait pas si les maisons des requérants avaient été détruites ou si elles étaient encore partiellement ou totalement intactes, et que leurs biens meubles avaient probablement été détruits au cours de l’attaque militaire de 1992 ou dans les années qui avaient suivi (paragraphe 146).

39. En ce qui concerne les maisons, le Gouvernement estime que les différentes affirmations formulées par les requérants dans leurs observations sur la satisfaction équitable ne concordent pas. Il rappelle à cet égard qu’ils ont notamment dit que leurs biens avaient été soit totalement incendiés soit gravement endommagés au cours du raid militaire. Il ajoute qu’ils n’ont pas démontré que les maisons et les biens meubles en question aient existé en 2002. Selon lui, si les violations constatées leur avaient causé un préjudice matériel, c’était à eux qu’il incombait d’en apporter la preuve, en produisant des documents pertinents démontrant non seulement l’existence des biens mais aussi la réalité des dommages allégués et la valeur du préjudice subi. Or les requérants n’auraient pas prouvé leurs allégations. Au contraire, ils auraient fondé leurs demandes sur des spéculations non vérifiées. La Cour aurait certes jugé établi par un commencement de preuve qu’ils possédaient des maisons et des terres au moment où ils ont pris la fuite (paragraphe 143 de l’arrêt au principal), mais elle n’aurait rien dit de tel quant aux biens meubles. Enfin, les demandes présentées par les requérants relativement à une perte de revenus ne seraient pas étayées et seraient de nature spéculative.

40. Outre qu’elles ne seraient pas étayées, les affirmations des requérants seraient incohérentes et contradictoires. Notamment, leurs premières déclarations sur l’affaire et leurs observations sur la satisfaction équitable ne concorderaient pas avec les informations figurant dans les passeports techniques qu’ils ont produits. Le Gouvernement estime que même si ces divergences n’ont pas empêché la Cour de conclure à la violation de la Convention relativement à l’accès des requérants à leurs biens, elles présentent une importance capitale pour l’appréciation du dommage. En outre, selon lui, les sommes réclamées au titre du dommage matériel ont largement varié au cours de la procédure. Ainsi par exemple, M. Elkhan Chiragov aurait demandé 1 573 180 AZN en 2016, 1 583 980 AZN dans ses observations sur la satisfaction équitable du 9 juillet 2012 et 2 186 980 AZN dans sa déclaration signée jointe à ses observations ultérieures. M. Ramiz Gebrayilov aurait demandé 1 849 555 AZN en 2016, 931 600 AZN dans ses observations de 2012 et 1 130 000 AZN dans la déclaration jointe à ces observations. Les demandes des autres requérants présenteraient des divergences semblables.

41. Par ailleurs, en sollicitant une indemnité pour la valeur actuelle de leurs biens les requérants sous-entendraient que la violation constatée par la Cour concerne une privation de biens. Or ils n’auraient été privés de leurs biens ni tacitement ni par voie réglementaire, ils auraient conservé leurs droits sur ces biens. La violation de l’article 1 du Protocole no 1 découlerait du refus de les laisser accéder à leurs biens et en jouir. En pareil cas, l’approche de la Cour (telle qu’énoncée par exemple dans l’arrêt Loizidou précité) consisterait à apprécier la perte de l’usage du bien par référence aux revenus fonciers annuels, exprimés en pourcentage de la valeur du bien, que la location aurait pu produire au cours de la période pertinente.

42. Le Gouvernement considère également que le calcul du dommage ne peut avoir pour point de départ la valeur vénale actuelle des biens que les requérants disent avoir possédés mais qu’il doit tenir compte des prix et de la monnaie ayant cours au moment où les intéressés ont quitté le district de Latchin, c’est-à-dire en 1992. Il produit plusieurs documents soviétiques répertoriant les prix officiels applicables à l’époque aux maisons et autres bâtiments, aux articles domestiques, aux véhicules, aux arbres fruitiers, au bétail et aux produits agricoles.

3. Appréciation de la Cour

a) Remarques liminaires

43. Lorsque, dans l’arrêt au principal, elle a réservé la question de la satisfaction équitable pour l’examiner ultérieurement, la Cour a souligné la nature exceptionnelle de la présente affaire (paragraphe 224).

44. Cette nature exceptionnelle est due à plusieurs éléments. L’un d’eux est le fait que l’affaire porte sur un conflit en cours. Le conflit dans le Haut‑Karabakh a été dans sa phase militaire active de 1992 à 1994 mais, malgré la conclusion d’un cessez-le-feu en mai 1994 et les négociations menées dans le cadre du Groupe de Minsk de l’OSCE, les parties ne sont toujours pas parvenues à un accord de paix (on trouvera une description détaillée du contexte et de la situation actuelle aux paragraphes 12 à 31 de l’arrêt au principal). Alors qu’il a été conclu il y a vingt-trois ans, l’accord de cessez-le-feu n’est toujours pas respecté. Comme les parties l’ont l’une et l’autre souligné dans leurs observations relatives à la satisfaction équitable, les violences se sont récemment intensifiées le long de la ligne de contact, plus particulièrement au cours d’affrontements militaires qui ont eu lieu début avril 2016.

45. Une autre particularité de l’affaire réside dans le fait que les événements qui ont amené les requérants à abandonner leurs biens et leur domicile ont eu lieu en mai 1992 alors que l’État défendeur, la République d’Arménie, n’a ratifié la Convention que dix ans plus tard, le 26 avril 2002. N’étant donc pas compétente ratione temporis pour connaître de faits antérieurs au 26 avril 2002, la Cour a d’abord établi que les requérants avaient toujours des droits de propriété valables sur des maisons et des terrains sis dans le district de Latchin (paragraphe 149 de l’arrêt au principal). Elle a jugé qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de l’Arménie, celle-ci était responsable de violations continues des droits des requérants au regard des articles 1 du Protocole no 1 et 8 et 13 de la Convention (paragraphes 201, 207-208 et 214-215).

46. La Cour examine donc une situation continue qui trouve son origine dans le conflit non résolu portant sur le Haut-Karabakh et les territoires environnants et qui touche toujours un grand nombre d’individus. Plus d’un millier de requêtes individuelles introduites par des personnes déplacées pendant le conflit sont pendantes devant elle. Elles sont dirigées pour un peu plus de la moitié d’entre elles contre l’Arménie et pour les autres contre l’Azerbaïdjan. Les requérants dans ces affaires ne représentent qu’une petite partie des personnes, dont le nombre est estimé à plus d’un million, qui ont dû fuir le conflit et qui n’ont pas pu depuis lors reprendre possession de leurs biens ni de leur domicile, ni être indemnisées pour l’impossibilité d’en jouir dans laquelle elles se trouvent.

47. À cet égard, la Cour estime qu’il y a lieu de rappeler l’importance du principe de subsidiarité. En l’espèce, ce principe revêt à la fois une dimension politique et une dimension juridique.

48. En ce qui concerne la dimension politique, la Cour a déjà rappelé qu’avant leur adhésion au Conseil de l’Europe l’Arménie et l’Azerbaïdjan s’étaient engagés à régler pacifiquement le conflit du Haut-Karabakh (paragraphe 87 de l’arrêt au principal). Il s’est désormais écoulé une quinzaine d’années depuis que les deux États ont ratifié la Convention, sans qu’une solution politique ne soit encore en vue. La Cour ne peut que souligner qu’il est de leur responsabilité de trouver un règlement politique au conflit dans lequel ils sont impliqués (voir, mutatis mutandis, Kovačić et autres c. Slovénie [GC], nos 44574/98 et 2 autres, §§ 255-256, 3 octobre 2008, et Demopoulos et autres c. Turquie (déc.) [GC], nos 46113/99 et 7 autres, § 85, CEDH 2010).

49. Pour ce qui est de la dimension juridique, la Cour rappelle que le principe de subsidiarité est à la base du système de la Convention (Kurić et autres c. Slovénie (satisfaction équitable) [GC], no 26828/06, § 134, CEDH 2014, et les affaires qui y sont citées). Ce principe est consacré à l’article 1 de la Convention, en vertu duquel les États contractants doivent reconnaître à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés garantis par cet instrument, tandis qu’en vertu de l’article 19, il incombe à la Cour d’assurer le respect des engagements résultant pour les États de la Convention et de ses Protocoles. De plus, il sous-tend l’obligation pour les requérants d’épuiser les voies de recours internes conformément à l’article 35 § 1 ainsi que l’obligation correspondante pour les États contractants d’ouvrir conformément à l’article 13 des voies de recours effectives contre les violations de la Convention (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 65, Recueil 1996‑IV, Demopoulos et autres, décision précitée, § 69). Il guide aussi la démarche de la Cour lorsque celle-ci, saisie de cas de violations systémiques de la Convention, applique la procédure d’arrêt pilote élaborée sur le fondement de l’article 46 (voir, par exemple, Ališić et autres c. Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Slovénie et « l’ex-République yougoslave de Macédoine » [GC], no 60642/08, § 143, CEDH 2014).

50. De plus, la Cour ne saurait trop souligner que, comme elle l’a déjà dit dans d’autres affaires découlant de situations de conflit non résolu ou révélant des violations systémiques, elle n’est pas une juridiction de première instance. Elle n’a pas la capacité, et il ne sied pas à sa fonction de juridiction internationale, de se prononcer sur un grand nombre d’affaires qui supposent d’établir des faits précis ou de calculer une compensation financière, deux tâches, qui, par principe et dans un souci d’effectivité, incombent aux juridictions internes (voir, mutatis mutandis, Demopoulos et autres, décision précitée, § 69, et Ališić et autres, précité, §§ 142-143).

51. C’est précisément le manquement du Gouvernement tant aux engagements qu’il a pris lors de son adhésion qu’aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention qui impose à la Cour en l’espèce d’agir comme une juridiction de première instance en établissant les faits de la cause, dont certains datent de plusieurs années, en appréciant des éléments de preuve relatifs à des droits de propriété et enfin en déterminant le montant de l’indemnité pécuniaire à accorder. Tout cela doit être envisagé à la lumière du fait que la présente affaire constituera l’affaire de principe appelée à servir de modèle pour des centaines d’autres affaires semblables dirigées contre l’Arménie et toujours pendantes devant la Cour.

52. Indépendamment de toute indemnité pouvant être octroyée au titre de la satisfaction équitable en l’espèce, l’exécution effective et constructive de l’arrêt au principal commande de mettre en place des mesures générales au niveau national. La Cour a déjà indiqué ce qui constituerait des mesures appropriées dans l’arrêt au principal, où elle a dit notamment que « [tant qu’]un accord de paix global n’a pas (...) été trouvé, il paraît particulièrement important de mettre en place un mécanisme de revendication des biens qui soit aisément accessible et qui offre des procédures fonctionnant avec des règles de preuve souples, de manière à permettre aux requérants et aux autres personnes qui se trouvent dans la même situation qu’eux d’obtenir le rétablissement de leurs droits sur leurs biens ainsi qu’une indemnisation pour la perte de jouissance de ces droits » (voir également le paragraphe 199 de l’arrêt au principal).

b) Principes généraux en matière de satisfaction équitable

53. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle un arrêt constatant une violation entraîne de manière générale pour l’État défendeur l’obligation juridique de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Kurić et autres, précité, § 79). Les États contractants parties à une affaire sont en principe libres de choisir les moyens dont ils useront pour se conformer à un arrêt de la Cour constatant une violation. Ce pouvoir d’appréciation quant aux modalités d’exécution d’un arrêt traduit la liberté de choix dont est assortie l’obligation primordiale imposée par la Convention aux États contractants : assurer le respect des droits et libertés garantis (article 1). Si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l’État défendeur de la réaliser, la Cour n’ayant ni la compétence ni la possibilité pratique de l’accomplir elle-même. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation, l’article 41 habilite la Cour à accorder, s’il y a lieu, à la partie lésée la satisfaction qui lui semble appropriée (Papamichalopoulos et autres c. Grèce (article 50), 31 octobre 1995, § 34, série A no 330‑B, et Kurić et autres, précité, § 80, avec les références citées). À cet égard, il faut souligner le rôle de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour dévolu au Comité des Ministres par l’article 46 § 2 de la Convention (Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (no 2) [GC], no 32772/02, §§ 84-88, CEDH 2009). Cela étant, la Cour a conscience que certaines situations – en particulier celles qui s’inscrivent dans le contexte d’un conflit de longue durée – ne peuvent faire l’objet, en réalité, d’une réparation intégrale.

54. Pour ce qui est de la demande pour préjudice matériel, la Cour rappelle qu’en vertu de sa jurisprudence, il doit y avoir un lien de causalité manifeste entre le dommage allégué par le requérant et la violation de la Convention, et la réparation peut, le cas échéant, inclure une indemnité pour perte de revenus (Kurić et autres, précité, § 81).

55. En ce qui concerne le préjudice relatif à des biens immobiliers, lorsqu’il n’y a pas eu privation de propriété mais que le requérant ne peut pas accéder à ses biens ni, dès lors, en jouir, l’approche générale de la Cour consiste à apprécier le préjudice subi par référence aux revenus fonciers annuels, exprimés en pourcentage de la valeur vénale du bien, que la location aurait pu produire au cours de la période pertinente (Loizidou, précité, § 33).

56. Un calcul précis des sommes nécessaires à une réparation des pertes matérielles subies par le requérant peut se heurter au caractère intrinsèquement aléatoire du dommage découlant de la violation. Une indemnité peut être octroyée malgré un nombre élevé de facteurs impondérables susceptibles de compliquer l’appréciation des pertes, mais plus le temps passe et plus le lien entre la violation et le dommage devient incertain. Ce qu’il faut déterminer en pareil cas, c’est le niveau de la satisfaction équitable qu’il est nécessaire d’allouer au requérant au titre de ses pertes matérielles, la Cour jouissant en la matière d’un pouvoir d’appréciation dont elle use en fonction de ce qu’elle estime équitable (Kurić et autres, précité, § 82).

57. La Cour rappelle par ailleurs qu’aucune disposition ne prévoit expressément le versement d’une indemnité pour dommage moral. Dans les arrêts Varnava et autres c. Turquie ([GC], nos 16064/90 et 8 autres, § 224, CEDH 2009) et Chypre c. Turquie ((satisfaction équitable) [GC], no 25781/94, § 56, CEDH 2014), la Cour a confirmé les principes suivants, qu’elle a progressivement élaborés dans sa jurisprudence. Les situations où le requérant a subi un traumatisme évident, physique ou psychologique, des douleurs et souffrances, de la détresse, de l’angoisse, de la frustration, des sentiments d’injustice ou d’humiliation, une incertitude prolongée, une perturbation dans sa vie ou une véritable perte de chances peuvent être distinguées de celles où la reconnaissance publique, dans un arrêt contraignant pour l’État contractant, du préjudice subi par le requérant représente en elle‑même une forme adéquate de réparation. Dans certaines situations, le constat par la Cour de la non-conformité aux normes de la Convention d’une loi, d’une procédure ou d’une pratique est suffisant pour redresser la situation. Toutefois, dans d’autres situations, l’impact de la violation peut être considéré comme étant d’une nature et d’un degré propres à avoir porté au bien-être moral du requérant une atteinte telle que cette réparation ne suffit pas. Ces éléments ne se prêtent pas à un calcul ou à une quantification précise. La Cour n’a pas non plus pour rôle d’agir comme une juridiction nationale appelée, en matière civile, à déterminer les responsabilités et à octroyer des dommages-intérêts. Elle est guidée par le principe de l’équité, qui implique avant tout une certaine souplesse et un examen objectif de ce qui est juste, équitable et raisonnable, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, c’est-à-dire non seulement de la situation du requérant, mais aussi du contexte général dans lequel la violation a été commise. Les indemnités qu’elle alloue pour dommage moral ont pour objet de reconnaître le fait qu’une violation d’un droit fondamental a entraîné un préjudice moral et elles sont chiffrées de manière à refléter approximativement la gravité de ce préjudice.

58. Enfin, en fonction des circonstances propres à l’affaire, il peut être opportun d’octroyer une somme globale au titre du dommage matériel et moral (Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c. Italie [GC], no 38433/09, § 222, CEDH 2012).

c) Octroi d’une indemnité en l’espèce

i. Considérations générales

59. Dans l’arrêt au principal, la Cour a jugé qu’il n’avait été invoqué aucun but qui eût été susceptible de justifier l’impossibilité faite aux requérants d’accéder à leurs biens et l’absence d’indemnisation pour cette ingérence et que, partant, il y avait eu et il continuait d’y avoir violation de leur droit au respect de leurs biens (paragraphe 201). Elle a estimé également que l’impossibilité faite aux requérants de regagner leurs domiciles respectifs constituait une ingérence injustifiée dans l’exercice de leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur droit au respect de leur domicile (paragraphe 207). Enfin, elle a conclu à l’absence de tout recours effectif disponible quant à ces violations (paragraphe 214). Elle considère que le retour des requérants dans leur domicile auprès de leurs biens dans le district de Latchin et l’octroi d’une indemnité pour le préjudice qu’ils ont subi depuis le 26 avril 2002 du fait de l’impossibilité pour eux d’y accéder les placeraient autant que possible dans une situation équivalente à celle où ils se seraient trouvés s’ils n’avaient pas subi de violation des droits protégés par la Convention. Toutefois, elle estime comme eux qu’à l’évidence, les conditions qui prévalent dans la région ne permettent pas et n’ont jamais permis pendant la période examinée d’envisager de manière réaliste qu’ils y retournent (voir, par exemple, les paragraphes 28 à 31, 67, 69 et 195 de l’arrêt au principal). C’est pourquoi l’octroi d’une indemnité constitue en l’espèce une satisfaction équitable appropriée.

60. Comme cela a déjà été dit, le préjudice subi par les requérants avant le 26 avril 2002 n’est pas directement lié aux violations constatées par la Cour et il ne peut, dès lors, faire l’objet d’une indemnisation au titre de l’article 41 de la Convention. Par ailleurs, pour pouvoir être indemnisés pour dommage matériel, les intéressés doivent produire des preuves suffisantes à l’appui de leurs allégations selon lesquelles ils avaient des biens qui existaient encore à l’époque. Dans l’arrêt au principal, tenant compte des circonstances particulières de l’espèce, la Cour a admis des commencements de preuve en tant que justificatifs de l’allégation selon laquelle les requérants possédaient des maisons et des terres au moment où ils ont pris la fuite (paragraphe 143). En principe, le même degré de preuve devrait être requis quant à la question de savoir si les biens existaient toujours en avril 2002 et dans quel état ils se trouvaient alors.

ii. Dommage matériel

α) Les terrains et les maisons

61. Dans l’arrêt au principal, la Cour a conclu que lorsqu’ils avaient quitté le district de Latchin, les requérants avaient sur des terres et sur des maisons des droits qui constituaient des « biens » au sens de l’article 1 du Protocole no 1, et que rien n’indiquait que ces droits se fussent éteints par la suite. Les intéressés ont donc toujours des droits sur des biens immobiliers sis à Latchin (paragraphe 149). Étant donné que, dès lors, ils n’ont pas été privés de leurs biens, ils ne peuvent se voir indemnisés pour la perte des terres et des maisons en tant que telle, mais seulement pour le préjudice lié à leur impossibilité de les utiliser et d’en jouir.

62. En ce qui concerne les maisons, la Cour a admis que, malgré les divergences entre les passeports techniques communiqués par les requérants et les déclarations faites par les intéressés dans leur requête, les passeports, combinés aux autres documents produits devant elle, constituaient un commencement de preuve du droit des requérants sur les biens en cause (paragraphes 141-143 de l’arrêt au principal). Cependant, dans leurs observations sur la satisfaction équitable, tous les requérants sauf M. Pashayev allèguent avoir possédé des bâtiments et des installations qui ne sont mentionnés ni dans les passeports ni dans leurs observations précédentes, ou dont la taille est différente de celle indiquée auparavant. Ainsi, comme l’a relevé le gouvernement défendeur, les allégations des requérants présentent plusieurs incohérences.

63. La Cour a dit également qu’on ne savait pas si les maisons des requérants avaient été détruites ou si elles étaient encore partiellement ou totalement intactes (paragraphe 146 de l’arrêt au principal). Les allégations des requérants présentent des incohérences sur ce point également : dans leurs observations sur le fond de l’affaire, ils exprimaient la crainte que leurs biens eussent été détruits ou pillés peu après leur départ (paragraphe 189) ; dans leurs observations de 2012 et 2016 sur la satisfaction équitable, ils disent d’une part que leurs biens ont été totalement incendiés ou lourdement endommagés au cours de l’assaut militaire et d’autre part que leurs maisons existent toujours, même si elles sont peut-être délabrées.

64. Pour montrer que leurs maisons existaient toujours, les requérants ont communiqué des images aériennes provenant du ministère azerbaïdjanais de la Défense et de Google. Cependant, dans ses observations de juin 2010, M. Ramiz Gebrayilov a indiqué avoir constaté en visionnant une vidéo enregistrée en 2001 que sa maison avait été totalement incendiée. De plus, dans les observations des requérants du 9 juillet 2012 sur la satisfaction équitable, il est indiqué que la voie rapide Goris-Stepanakert, qui a apparemment été achevée en 1999, passe par l’endroit où se trouvait précédemment la maison d’habitation de M. Gebrayilov. Force est donc de conclure que cette maison n’existait plus en avril 2002. En ce qui concerne l’état des maisons des autres requérants, les images fournies sont loin d’être probantes. Premièrement, elles ont été prises de très loin et les bâtiments qui s’y trouvent sont difficiles à distinguer. Deuxièmement, rien ne montre que les structures marquées d’un repère soient effectivement les maisons habitées autrefois par les requérants. Troisièmement, la plupart de ces structures sont très lourdement endommagées, et n’ont plus que des murs bruts ou des restes de murs. La seule maison dont la structure est apparemment intacte est celle qui aurait appartenu à M. Akif Hasanof. Cependant, il est impossible de distinguer l’état dans lequel elle se trouve ni, là encore, de déterminer si c’est bien la maison de l’intéressé.

65. L’évaluation qui, selon le document communiqué par les requérants, a été réalisée en juin 2016 par le « Groupe de travail sur l’évaluation des préjudices et des pertes résultant de l’occupation de territoires azerbaïdjanais par les forces armées arméniennes », a été faite sur la base des « éléments, documents et témoignages communiqués ». Toutefois, ni les éléments que le groupe de travail a examinés ni la méthode de calcul qu’il a utilisée ne sont précisés. Il n’est pas possible non plus de déterminer si l’évaluation concerne tous les bâtiments que les requérants disent à présent avoir possédés ou seulement les maisons mentionnées dans les passeports techniques. Par ailleurs, on ne sait pas si les sommes indiquées pour les terres et la ou les maisons de chacun des requérants représentent la valeur des biens en 1992, en 2002, en 2016 ou à un autre moment. Compte tenu, par ailleurs, de ce que les autres informations communiquées dans l’affaire démontrent que l’une des maisons d’habitation n’existait plus en 2002 et donnent de bonnes raisons de penser que la plupart des maisons des autres requérants, si ce n’est toutes, avaient alors déjà été très lourdement endommagées, il n’est pas possible d’accorder un grand poids à l’évaluation réalisée par le groupe de travail.

66. Eu égard à l’ensemble des facteurs impondérables mentionnés, les éléments communiqués dans cette affaire ne démontrent pas de manière suffisante que les requérants aient eu des maisons qui, en avril 2002, existaient encore et étaient dans un état tel qu’elles puissent être prises en compte aux fins de l’octroi d’une indemnité. Il n’est donc pas possible d’allouer une telle indemnité.

67. Quant aux parcelles de terrain des requérants, leur existence a été établie de la même manière que celle des maisons, c’est-à-dire essentiellement à partir des passeports techniques communiqués en l’espèce (paragraphe 60 ci-dessus). À l’exception de M. Hasanof et de M. Pashayev, les requérants affirment dans leurs demandes d’indemnisation relatives aux terrains, comme dans celles relatives aux maisons, qu’ils avaient des droits sur de vastes parcelles qui ne sont ni décrites dans les passeports ni mentionnées dans aucune décision d’attribution ou autre document. Ces affirmations non étayées ne peuvent être examinées, et la Cour ne tiendra donc compte que des parcelles désignées dans les passeports techniques.

68. Comme la Cour l’a exposé dans l’affaire Loizidou (arrêt précité, § 33 ; voir également le paragraphe 55 ci-dessus), son approche générale consiste à apprécier le préjudice résultant de l’impossibilité pour le requérant d’accéder à ses biens et, dès lors, de les utiliser et d’en jouir, par référence aux revenus fonciers, exprimés en pourcentage de la valeur vénale du bien, que la location aurait pu produire au cours de la période pertinente. Toutefois, en l’espèce, il est très difficile de déterminer la valeur des terrains des requérants. Pour les raisons exposées ci-dessus, on ne peut attacher un grand poids à l’évaluation réalisée par le « Groupe de travail sur l’évaluation des préjudices et des pertes résultant de l’occupation de territoires azerbaïdjanais par les forces armées arméniennes ». La Cour ne dispose en l’espèce d’aucune autre évaluation ni d’aucune autre information pouvant la guider dans sa démarche. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que, lorsque les parcelles ont été allouées aux requérants, le système juridique soviétique ne reconnaissait pas la propriété privée des terres, les intéressés ne bénéficiant que d’un « droit d’usage » (on trouvera une description détaillée des droits fonciers existant à cette époque aux paragraphes 145 à 148 de l’arrêt au principal). De plus, au début de la période que la Cour est compétente pour examiner, le territoire sur lequel se trouvent les terres des requérants était occupé depuis dix ans et largement dévasté, et quinze années supplémentaires se sont encore écoulées ensuite dans les mêmes conditions. Ces circonstances ajoutent encore à la difficulté d’établir la valeur des biens ; et elles sont plutôt de nature à justifier l’attribution d’une valeur très modeste aux terres des requérants.

69. En conséquence, même si une somme peut être octroyée au titre du dommage matériel pour le préjudice subi par les requérants à raison de la perte du revenu qu’ils tiraient de leurs terres, y compris les éventuels loyers et revenus de l’agriculture et de l’élevage, l’approche généralement adoptée par la Cour pour calculer le préjudice subi, telle qu’exposée dans l’arrêt Loizidou, n’apparaît ni opportune ni utile dans les circonstances de la cause.

β) Articles domestiques, arbres fruitiers et bétail

70. Les requérants sollicitent une indemnité en compensation du dommage matériel qu’ils déclarent avoir subi en raison de la perte de leurs articles domestiques, de leurs véhicules, de leurs arbres et arbustes fruitiers et de leur bétail. À l’appui de leurs demandes, ils n’ont produit aucun autre élément de preuve que des témoignages de particuliers. Surtout, on peut raisonnablement présumer que tous les biens qu’ils se plaignent d’avoir perdus ont été détruits ou ont disparu pendant le raid militaire opéré sur le district de Latchin ou au cours des dix années qui se sont encore écoulées par la suite jusqu’au mois d’avril 2002 (en ce qui concerne les biens meubles, voir les conclusions auxquelles la Cour est parvenue aux paragraphes 138 et 146 de l’arrêt au principal). À supposer que l’un quelconque de ces biens ait toujours existé en 2002, il aurait tout au moins été, après tant d’années d’abandon, endommagé au point d’être probablement inutilisable. Il n’y a dans cette affaire aucun élément permettant d’envisager une conclusion différente. Ainsi, pour ce qui est de ces biens, il n’y a pas de lien de causalité entre le dommage allégué et les violations continues constatées dans l’arrêt au principal. Il ne peut donc être octroyé aucune somme à ce titre.

γ) Perte de salaires et d’autres revenus

71. Les requérants demandent aussi une indemnité pour la perte des revenus qu’ils auraient perçus à Latchin : salaire d’enseignant ou d’ingénieur ou encore revenu d’activités commerciales. À cet égard, la Cour considère qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les violations constatées dans l’arrêt au principal et le dommage allégué : les pertes dénoncées ne sont pas liées à l’impossibilité pour les requérants d’accéder à leurs biens et à leur domicile mais plutôt à leur déplacement de Latchin en 1992. Il est impossible de spéculer sur ce qu’auraient pu être l’emploi ou les revenus des requérants à Latchin en 2002, dix ans après leur fuite. De plus, à l’exception du produit des activités commerciales de M. Ramiz Gebrayilov, les revenus que les requérants se plaignent d’avoir perdus ne figuraient pas dans leurs demandes jusqu’à 2016. En bref, il ne peut être octroyé aucune somme pour la perte par les intéressés de salaires ou d’autres revenus.

δ) Frais de subsistance plus élevés

72. Plusieurs requérants souhaitent aussi être indemnisés pour avoir dû supporter des frais de subsistance plus élevés, notamment pour la location d’un nouveau logement. La Cour est disposée, en principe, à admettre que les requérants ont dû faire face à certaines dépenses supplémentaires à Bakou. Toutefois, il faut souligner à nouveau que l’indemnisation à ce titre ne peut concerner que la période commençant le 26 avril 2002. De plus, il n’est pas possible d’établir de sommes précises, les requérants n’ayant fourni aucun justificatif de leurs frais de subsistance, pas même des baux ou des factures.

ε) Conclusion quant au dommage matériel

73. En conclusion, la Cour considère qu’il ne peut être octroyé d’indemnité au titre du dommage matériel que pour deux chefs de dommage, à savoir, d’une part, la perte des revenus issus des terres des requérants à Latchin et, d’autre part, les dépenses supplémentaires supportées au titre des frais de subsistance à Bakou. Toutefois, l’appréciation du dommage subi dépend d’un grand nombre de facteurs impondérables, en partie parce que les requérants ont de manière générale communiqué peu de documents à l’appui de leurs demandes et en partie parce qu’aucune méthode ni information fiable n’a été avancée aux fins de l’estimation de la valeur des terres. En conséquence, le dommage matériel subi par les requérants ne se prête pas à une évaluation précise.

iii. Dommage moral

74. En ce qui concerne les demandes présentées par les requérants pour dommage moral, la Cour rappelle qu’elle ne peut tenir compte de la nature du raid militaire de 1992 dénoncé par les requérants (paragraphe 13 ci‑dessus), celui-ci échappant à sa compétence en l’espèce. Elle reconnaît toutefois que les circonstances de la cause ont dû être source pour les requérants de détresse et de souffrance morale, les intéressés ayant subi une situation non résolue qui se prolongeait dans le temps et qui les a tenus éloignés des biens et domiciles qu’ils avaient laissés dans le district de Latchin et les a contraints à vivre en tant que déplacés internes à Bakou, ce qui a vraisemblablement dégradé leurs conditions d’existence.

75. La Cour estime qu’en l’espèce, le constat d’une violation ne constitue pas en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi. Comme elle l’a noté dans l’arrêt au principal, le fait que le gouvernement défendeur ait dû porter assistance à des centaines de milliers de réfugiés arméniens et de déplacés internes ne l’exonère pas totalement de ses obligations envers un autre groupe, en l’occurrence les déplacés azerbaïdjanais comme les requérants de la présente affaire. Il apparaît qu’à ce jour, le Gouvernement n’a pas mis en place de mécanisme de revendication des biens ni d’autres mesures au bénéfice des personnes se trouvant dans la situation du requérant (voir le paragraphe 52. ci-dessus et les considérations exposées aux paragraphes 199 et 200 de l’arrêt au principal). La présente affaire se distingue ainsi de l’affaire Doğan et autres c. Turquie ((satisfaction équitable), nos 8803/02 et 14 autres, § 61, 13 juillet 2006), où la Cour a considéré que, compte tenu des mesures prises par les autorités de l’État défendeur pour remédier à la situation des requérants et des autres déplacés internes, l’arrêt au principal constituait en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral ayant pu naître des violations des articles 8 et 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1.

iv. Droit des membres de la famille à une indemnité

76. La Cour rappelle que les membres de la famille d’un requérant qui ont qualité pour poursuivre la procédure après le décès de celui-ci peuvent également se substituer à lui en ce qui concerne les prétentions au titre de la satisfaction équitable, pour ce qui est tant du dommage matériel (Malhous c. République tchèque [GC], no 33071/96, §§ 67-68, 12 juillet 2001) que du dommage moral (voir, par exemple, Ječius c. Lituanie, no 34578/97, § 109, CEDH 2000-IX, Avcı et autres c. Turquie, no 70417/01, § 56, 27 juin 2006, et, a contrario, Malhous, précité, § 71, où elle a considéré que la violation n’avait pas affecté l’ayant droit personnellement). De plus, elle a déjà octroyé une indemnité pour dommage moral au fils d’une requérante qui avait poursuivi l’instance que sa mère avait engagée relativement à la durée excessive d’une procédure concernant une pension, et ce non seulement pour la période pendant laquelle la requérante était en vie mais aussi pour la période postérieure à son décès, pendant laquelle le fils avait poursuivi la procédure devant les autorités internes en tant qu’héritier de l’intéressée (Ernestina Zullo c. Italie [GC], no 64897/01, §§ 115-116 et 148‑149, 29 mars 2006).

77. Le sixième requérant de la présente affaire, M. Qaraca Gabrayilov, est décédé en juin 2005, peu après avoir introduit sa requête devant la Cour. Son fils, M. Sagatel Gabrayilov, a poursuivi la procédure, et la question se pose donc de savoir s’il a qualité pour recevoir une indemnité pour l’intégralité de la période examinée en l’espèce. Compte tenu de la nature particulière des violations en jeu, qui sont des violations continues des droits garantis par l’article 1 du Protocole no 1 et les articles 8 et 13 de la Convention, la Cour estime qu’il serait par trop formaliste d’exclure l’octroi d’une indemnité pour la période postérieure au décès du requérant. Comme cela a été rappelé ci‑dessus, dans les affaires concernant la durée excessive d’une procédure, et donc une violation qui comporte un élément de continuité, l’octroi de la satisfaction équitable ne se limite pas nécessairement à la période antérieure au décès du requérant. La situation peut être différente lorsque la procédure devant la Cour n’est pas poursuivie par les ayants droit du requérant décédé mais par l’administrateur de ses biens (Solomonides c. Turquie (satisfaction équitable), no 16161/90, §§ 42‑43 et 47, 27 juillet 2010) ou lorsque l’ayant droit du requérant poursuit la procédure devant la Cour mais n’est pas personnellement affecté par la violation constatée (Malhous, précité, § 71).

78. En l’espèce, la Cour note que la famille Gabrayilov vivait à Latchin, où elle cultivait sa terre et y élevait du bétail. La famille formait donc un ménage au sens économique du terme. En mai 1992, alors que le fils du requérant était âgé de 21 ans, tous les membres de la famille ont fui la ville ensemble. Ainsi, M. Gabrayilov fils était dans la même situation que M. Gabrayilov père : le premier a été personnellement affecté par la perte de la jouissance à Latchin des biens et du domicile du second et par l’absence de recours effectifs à cet égard. De plus, lorsqu’elle a conclu qu’il y avait eu et continuait d’y avoir violation des droits protégés par la Convention à l’égard des six requérants, la Cour a tenu compte de la période postérieure au décès de M. Gabrayilov père (paragraphe 201 de l’arrêt au principal). Pour parvenir à cette conclusion, elle a aussi établi que les six requérants avaient toujours des droits valables sur leurs terres (paragraphe 192). En l’absence de tout élément indiquant le contraire, M. Gabrayilov fils doit donc être considéré comme héritier de ces droits. Eu égard à l’ensemble de ces facteurs, la Cour conclut que M. Sagatel Gabrayilov peut se voir octroyer une indemnité pour l’intégralité de la période examinée en l’espèce.

v. Conclusion générale

79. Il découle de ce qui précède que les requérants peuvent prétendre à une indemnité pour certaines pertes matérielles et pour dommage moral. De l’avis de la Cour, le dommage matériel et le dommage moral sont en l’espèce étroitement liés. Pour les raisons exposées ci-dessus, le préjudice subi ne se prête pas à un calcul précis (paragraphes 57, 68, 72 et 73). De plus, le passage du temps fait naître certaines difficultés quant à l’appréciation du dommage : comme la Cour l’a déjà dit (paragraphe 56. ci‑dessus), l’élément temporel rend moins certain le lien entre la violation de la Convention et le dommage subi. Cette considération est particulièrement forte en l’espèce, où, comme expliqué précédemment, la période pour laquelle la Cour est compétente ratione temporis a commencé il y a quinze ans, en avril 2002, c’est-à-dire dix ans après le raid militaire et la fuite des requérants, en mai 1992, événements qui sont à l’origine du déplacement des intéressés et de leur éloignement continu de leurs biens et de leur domicile. Malgré le nombre élevé de facteurs impondérables qui entrent ici en jeu, une indemnité peut être octroyée. Pour ces raisons, la Cour jouit pour fixer les sommes à accorder aux requérants d’un pouvoir d’appréciation dont elle use en fonction de ce qu’elle estime équitable.

80. En conclusion, la Cour rappelle à nouveau, compte tenu de l’obligation première pour l’État défendeur de réparer les conséquences d’une violation de la Convention, qu’il est de la responsabilité des deux États concernés de résoudre de manière rationnelle le conflit du Haut‑Karabakh (paragraphes 48-53 ci-dessus). En l’espèce, étant donné qu’il n’a pas encore été trouvé de solution au niveau politique, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer une somme globale au titre du dommage matériel et moral. Statuant en équité, elle octroie à chacun des requérants 5 000 EUR, tous chefs de dommage confondus, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.

C. Frais et dépens

81. Les requérants réclament 29 910 livres sterling (GBP) correspondant à des honoraires d’avocat facturés pour 200 heures de travail effectuées dans le cadre de la procédure menée devant la Cour par trois de leur huit avocats. Toutefois, les relevés d’heures communiqués ne mentionnent que 26 850 GBP et 179 heures de travail. Les cinq autres avocats ont conseillé et assisté les requérants gratuitement, et il n’est donc réclamé aucune somme pour leur travail. Les requérants demandent aussi le remboursement de 1 792,87 GBP de frais de téléphone, de poste, de traduction, de photocopies et de papeterie.

82. Le Gouvernement argue que les frais et dépens réclamés par les requérants n’ont aucun lien concret avec les violations constatées par la Cour. Il ajoute que les requérants n’ont produit aucun document démontrant que les frais et dépens réclamés aient été réellement et nécessairement engagés. Enfin, il estime que les sommes demandées ne sont pas raisonnables. Sur ce dernier point, il s’étonne que tous les avocats de l’équipe travaillant sur l’affaire à titre onéreux aient facturé le même taux horaire (150 GBP) alors que certaines tâches accomplies par deux d’entre eux seraient du niveau d’un avocat junior.

83. La Cour rappelle que les requérants ne peuvent obtenir le remboursement de leurs frais et dépens en vertu de l’article 41 de la Convention que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité et leur nécessité. À cet égard, elle observe que la procédure en l’espèce a duré plus de dix ans et qu’elle a comporté deux audiences publiques. L’affaire soulevait des questions de fait et de droit complexes et les observations ont été très volumineuses. La Cour estime donc que les frais et dépens ont été nécessairement et réellement engagés. Par ailleurs, notant que plusieurs avocats n’ont pas demandé de rémunération pour leur travail, elle considère que les sommes réclamées, y compris le taux horaire appliqué, doivent être jugées raisonnables. Toutefois, les relevés d’heures fournis ne justifient que de 179 heures de travail, pour un total de 26 850 GBP d’honoraires d’avocats. La Cour octroie cette somme ainsi que le montant réclamé au titre des autres frais, soit un total de 28 642,87 GBP pour l’ensemble des frais et dépens.

D. Intérêts moratoires

84. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit

a) que l’État défendeur doit verser à MM. Elkhan Chiragov, Adishirin Chiragov, Ramiz Gebrayilov, Akif Hasanof, Fekhreddin Pashayev et Sagatel Gabrayilov, dans un délai de trois mois, les sommes suivantes :

i. 5 000 EUR (cinq mille euros) chacun, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage matériel et moral ;

ii. 28 642,87 GBP (vingt-huit mille six cent quarante-deux livres sterling et quatre-vingt-sept pence), plus tout montant pouvant être dû par eux sur cette somme à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit le 12 décembre 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Johan CallewaertGuido Raimondi
Adjoint au greffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (grande chambre)
Numéro d'arrêt : 001-179598
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : satisfaction équitable
Type de recours : Dommage matériel et préjudice moral - réparation (Article 41 - Dommage matériel;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : CHIRAGOV ET AUTRES
Défendeurs : ARMÉNIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MULLER M. ; VINE C. ; BUTLER M. ; IVERS M. ; POYNOR B. ; SWAROOP S. ; YILDIZ K.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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