La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2018 | CEDH | N°001-180276

CEDH | CEDH, AFFAIRE FÉDÉRATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS ET SYNDICATS DE SPORTIFS (FNASS) ET AUTRES c. FRANCE, 2018, 001-180276


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE FÉDÉRATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS ET SYNDICATS DE SPORTIFS (FNASS) ET AUTRES c. FRANCE

(Requêtes nos 48151/11 et 77769/13)

ARRÊT

Cette version a été rectifiée conformément à l’article 81 du règlement de
la Cour le 29 mai 2018

STRASBOURG

18 janvier 2018

DÉFINITIF

18/04/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Fédération nationale des associations et syndicats de s

portifs (FNASS) et autres c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une Chambre composée de :

Ang...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE FÉDÉRATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS ET SYNDICATS DE SPORTIFS (FNASS) ET AUTRES c. FRANCE

(Requêtes nos 48151/11 et 77769/13)

ARRÊT

Cette version a été rectifiée conformément à l’article 81 du règlement de
la Cour le 29 mai 2018

STRASBOURG

18 janvier 2018

DÉFINITIF

18/04/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS) et autres c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une Chambre composée de :

Angelika Nußberger, présidente,
Erik Møse,
André Potocki,
Yonko Grozev,
Síofra O’Leary,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Lәtif Hüseynov, juges,
et de Milan Blaško, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 décembre 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve deux requêtes (nos 48151/11 et 77769/13) dirigées contre la République française, et dont cinq personnes morales de cet État (paragraphe 6 ci-dessous) et quatre-vingt-dix-neuf personnes physiques (« les requérants », dont un ressortissant géorgien, voir annexe) d’une part, et Mme Jeannie Longo (« la requérante ») d’autre part, ont saisi la Cour respectivement les 23 juillet 2011 et 6 décembre 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Me R. Palao, avocat à Avignon. Quatre d’entre eux (la FNASS, l’UNPF, MM. Da Silva et Kerckhof) sont représentés par Me L. Misson, avocat à Liège (Belgique). La requérante est représentée par Me C. Ravaz, avocate à Toulon. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

3. Les requérants, syndicats sportifs et sportifs professionnels, allèguent que l’obligation de localisation qui est imposée aux sportifs du « groupe cible » désignés par l’agence nationale antidopage en vue de la réalisation de contrôles antidopage inopinés porte atteinte à leurs droits garantis par l’article 8 de la Convention et l’article 2 du Protocole no 4. La requérante y voit également une violation de l’article 8 de la Convention.

4. Le 26 juin 2013, les griefs des requérants tirés de l’article 8 et de l’article 2 du Protocole no 4 ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour. Informé de son droit de prendre part à la procédure (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du règlement), le gouvernement géorgien n’a pas répondu. Le 18 juin 2014, le grief de la requérante concernant l’article 8 a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour. En particulier, la partie de la requête introduite par M. Ciprelli, le mari de la requérante, qui avait également saisi la Cour le 6 décembre 2013, a été déclarée irrecevable selon la disposition du règlement précité.

5. Le 8 octobre 2013, l’Agence mondiale antidopage (ci-après l’AMA) s’est vue accorder l’autorisation d’intervenir dans la procédure écrite (article 36 § 2 de la Convention et article 44 § 3 du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

A. Requête no 48151/11

6. Les requérants sont la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS), le Syndicat national des joueurs de rugby (Provale), l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), l’Association des joueurs professionnels de handball (AJPH), le Syndicat national des basketteurs (SNB). Créée en 1992, la FNASS est une union de syndicats sportifs salariés aujourd’hui composée des syndicats représentatifs des athlètes (SAF), des basketteurs (SNB), des cyclistes (UNCP), des footballeurs (UNFP), des handballeurs (AJPH) et des rugbymen (Provale). Elle représente quelque trois mille cinq cents sportifs professionnels évoluant en France. Elle a pour objet la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des sportifs professionnels de toutes les disciplines. Les quatre-vingt-dix-neuf autres requérants sont des joueurs professionnels de handball, de football, de rugby et de basket.

1. Les faits présentés dans le formulaire de requête

7. Le 14 avril 2010, le Gouvernement prit une ordonnance no 2010-379 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage (ci-après l’ordonnance du 14 avril 2010 »). Cette ordonnance visait, d’une part, à harmoniser les dispositions du code du sport avec les dispositions de la dernière version du code mondial antidopage (ci-après CMAD), en vigueur au 1er janvier 2009 (voir paragraphe 45 ci-dessous), qui faisait suite à la troisième conférence mondiale sur la lutte contre le dopage tenue à Madrid en novembre 2007 (Titre I), et, d’autre part, à clarifier certaines dispositions du code du sport relatives à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (Titre II). Les dispositions de l’ordonnance furent ratifiées par la loi no 2012-158 du 1er février 2012, visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs ; elles ont été codifiées dans le code du sport, dont les dispositions ont depuis lors subi plusieurs modifications, aux articles L. 232-2 et suivants.

8. L’article 3 de l’ordonnance (article L. 232-5 du code du sport) précisait les missions et les pouvoirs de l’Agence française de lutte contre le dopage (ci-après AFLD) et était ainsi rédigé :

« I. – Au I de l’article L. 232-5 du même code, les 1o à 13o sont remplacés par les dispositions suivantes:

1oElle définit un programme annuel de contrôles ;

(...)

3o Pour les sportifs soumis à l’obligation de localisation mentionnée à l’article L.232-15, elle diligente les contrôles dans les conditions prévues aux articles L. 232-12 à L. 232-16 :

a) Pendant les manifestations sportives organisées par les fédérations agréées ou autorisées par les fédérations délégataires ;

b) Pendant les manifestations sportives internationales définies à l’article L. 230-2 avec l’accord de l’organisme international compétent ou, à défaut, de l’Agence mondiale antidopage ;

c) Pendant les périodes d’entraînement préparant aux manifestations sportives mentionnées à l’article L. 230-3 ;

d) Hors des manifestations sportives mentionnées à l’article L. 230-3, et hors des périodes d’entraînement y préparant ;

(...) ».

9. L’article 6 de l’ordonnance (article L. 232-13-1 du code du sport, voir paragraphe 63 ci-dessous) prévoyait notamment que les contrôles antidopage individualisés sur les sportifs inscrits dans le groupe cible pouvaient être réalisés dans les lieux d’entrainement et de manifestation sportive mais également « dans tout lieu choisi avec l’accord du sportif, permettant de réaliser le contrôle dans le respect de sa vie privée et de son intimité, y compris, à sa demande, à son domicile ».

10. L’article 7 de l’ordonnance ajoutait que :

« L’article L. 232-15 du même code est ainsi rédigé :

Sont tenus de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation permettant la réalisation de contrôles mentionnés à l’article L. 232-5 les sportifs, constituant le groupe cible, désignés pour une année par l’Agence française de lutte contre le dopage parmi :

1 Les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoir au sens du présent code, ou les sportifs ayant été inscrits sur une de ces listes au moins une année durant les trois dernières années ;

2 Les sportifs professionnels licenciés des fédérations agréées ou ayant été professionnels au moins une année durant les trois dernières années ;

3 Les sportifs qui ont fait l’objet d’une sanction disciplinaire sur le fondement des articles L. 232-9, L. 232-10 ou L. 232-17 lors des trois dernières années.

Ces renseignements peuvent faire l’objet d’un traitement informatisé par l’agence, en vue d’organiser des contrôles. Ce traitement informatisé portant sur les données relatives à la localisation des sportifs est autorisé par décision du collège de l’agence prise après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

11. Par une requête enregistrée le 1er juin 2010, une partie des requérants (organisations syndicales et vingt-quatre requérants individuels) ainsi que d’autres sportifs, demandèrent au Conseil d’État l’annulation de l’ordonnance, et en particulier de ses articles 3 et 7 (paragraphes 8 et 10 ci‑dessus). À propos de l’obligation de localisation prévue par ces deux derniers articles, ils dénoncèrent un système de contrôle « particulièrement intrusif » qui commande aux sportifs appartenant au groupe cible de communiquer à l’AFLD des informations sur leur lieu de résidence, d’entraînement et de compétition de façon à pouvoir être localisés à tout moment et de se soumettre sur le champ aux divers contrôles ordonnés discrétionnairement et sans préavis. Ils se plaignirent en particulier de la possibilité de réaliser des contrôles hors des manifestations sportives et hors des périodes d’entraînement, c’est-à-dire y compris lorsqu’un sportif n’est plus à la disposition de son employeur, mais en congé, en repos ou placé sous le régime de la maladie ou de l’accident du travail. Ils firent valoir que l’article 3 portait atteinte à leur liberté d’aller et de venir du fait de l’obligation de localisation permanente, y compris sur des séquences de vie non professionnelle, à leur droit à une vie familiale normale et à la liberté individuelle du sportif. Ils expliquèrent que la mise en œuvre inconditionnée de l’article 3-I-3od) de l’ordonnance, soit des contrôles hors des manifestations sportives et hors des périodes d’entraînement, faisait planer en permanence, entre 6 et 21 heures (horaire de contrôle prévu à l’article L. 232-14 du code du sport, paragraphe 64 ci-dessous), la perspective de contrôles physiquement intrusifs pour les sportifs ciblés, une telle perspective imposant la déclaration préalable et systématique de leur emploi du temps, en violation du droit de nouer des relations avec ses semblables et du droit à la jouissance tranquille de sa vie privée. Enfin, les requérants dénoncèrent une atteinte au principe d’égalité, l’obligation de localisation en vue de la réalisation de contrôle antidopage étant réservée aux sportifs appartenant au groupe cible.

12. Par un arrêt du 24 février 2011, le Conseil d’État rejeta la requête en ces termes :

« (...) En ce qui concerne les articles 3 et 7 de l’ordonnance attaquée :

Considérant que ces dispositions encadrent strictement la localisation des lieux dans lesquels les contrôles de l’AFLD sur les sportifs appartenant au groupe « cible » peuvent être diligentés ainsi que la période durant laquelle ces contrôles peuvent être effectués ; qu’elles soumettent ces sportifs, eu égard aux nécessités de la lutte contre le dopage, à l’obligation de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation afin de permettre l’organisation de contrôles, notamment inopinés, en vue de déceler efficacement la prise de substances dopantes, lesquelles peuvent n’être décelables que peu après leur utilisation alors même qu’elles ont des effets durables ; qu’ainsi, les articles 3 et 7 de l’ordonnance attaquée, qui ne font pas obstacle à la liberté d’aller et de venir des sportifs, ne portent au droit au respect de la vie privée et familiale de ces derniers, garanti par l’article 8, et à la liberté individuelle que des atteintes nécessaires et proportionnées aux objectifs d’intérêt général poursuivis par la lutte contre le dopage, notamment la protection de la santé des sportifs ainsi que la garantie de l’équité et de l’éthique des compétitions sportives; que l’ordonnance attaquée ne méconnaît pas non plus, en tout état de cause, les stipulations de la convention internationale contre le dopage dans le sport qui ne sont pas d’effet direct ;

Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit ; que les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur celles des sportifs « Espoir », lesquelles incluent des sportifs amateurs et les sportifs professionnels licenciés, qui peuvent être soumis à l’obligation de localisation en vue de la réalisation de contrôle anti-dopage ne sont pas dans la même situation que les autres sportifs eu égard au niveau des compétitions auxquelles ils sont appelés à participer et au risque plus élevé de dopage que peuvent entraîner ces compétitions ; que les sportifs qui ont fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour dopage lors des trois dernières années ne sont pas non plus dans la même situation que les autres sportifs ; que, par ailleurs, les sportifs appartenant au « groupe cible » ne sont pas dans la même situation que d’autre professions ; qu’ils peuvent ainsi, sans que soit méconnu le principe d’égalité, être soumis à des conditions particulières de contrôle anti-dopage ; »

2. Éléments nouveaux résultant des observations des parties

a) Éléments apportés par le Gouvernement

13. Dans ses observations initiales et complémentaires des 22 octobre 2013 et 17 février 2014, le Gouvernement a informé la Cour de la situation des requérants personnes physiques au regard de la législation critiquée de la manière suivante :

a) Huit des quatre-vingt-dix neufs requérants n’ont jamais appartenu au groupe cible de l’AFLD (MM. Millo-Chluski, Nallet, Traille, Mas, Domingo, Dusautoir, Heymans et Para).

b) Sur les vingt-quatre requérants parties à la procédure interne, aucun ne faisait partie du groupe cible à la date d’introduction de la requête devant la Cour.

c) Onze requérants, qui n’étaient pas partie à la procédure interne, appartenaient au groupe cible à la date d’introduction de la requête (MM. Da Silva, Gomis, Ho You Fat, Perquis, Congre, Coulibaly, Cavalli, Cabarry, Huget, Honrubia et Gharbi). Selon le Gouvernement, ces sportifs sont entrés dans le groupe cible en septembre et octobre 2010. Ils auraient tous été contrôlés, entre deux et huit fois pour certains. Neuf d’entre eux ont fait l’objet d’un ou de deux avertissements. L’un d’entre eux (M. Huget) a fait l’objet de trois avertissements ayant conduit à l’engagement d’une procédure disciplinaire et au prononcé d’une sanction administrative qu’il n’a pas contesté devant le Conseil d’Etat. Sur les onze requérants précités, six d’entre eux ont vu leur appartenance au groupe cible renouvelée, à la suite de deux délibérations du collège de l’AFLD en date des 12 et 25 septembre 2013. L’appartenance de MM. Coulibaly, Cavalli, Gomis, Cabarry et Huget n’a pas été renouvelée.

d) S’agissant de M. Kerckhof, le Gouvernement indique qu’il est entré dans le groupe cible le 7 novembre 2009 et qu’il a été renouvelé pour une année le 17 septembre 2010. Il précise que pendant sa période d’appartenance à ce groupe, un manquement à ses obligations de localisation a été relevé.

14. Dans un courrier du 22 août 2016, le Gouvernement a informé la Cour que, par délibérations de l’AFLD des 4 septembre et 22 octobre 2014, cinq (MM. Honrubia, Perquis, Congre, Da Silva, Gharbi) des six sportifs appartenant encore en 2013 au groupe cible de l’AFLD (paragraphe 13 c) ci-dessus) ont été radiés de celui-ci à la suite de leurs demandes en ce sens au motif qu’ils y étaient inscrits depuis quatre ans.

b) Éléments apportés par les requérants

15. Dans leurs observations en réplique du 3 décembre 2013, les huit requérants non placés en groupe cible de l’AFLD (paragraphe 13 a) ci‑dessus) indiquent qu’ils font partie du groupe cible de l’International Rugby Board (IRB). Ils affirment avoir fait l’objet d’une localisation sur le territoire français au même titre que les requérants appartenant au groupe cible de l’AFLD et soutiennent qu’ils sont soumis au pouvoir de sanction de l’AFLD, qui dispose d’une compétence subsidiaire en la matière.

16. Par ailleurs, les vingt-quatre requérants qui ont saisi le Conseil d’État indiquent leur situation au moment de l’introduction de la requête, le 23 juillet 2011 :

a) Quatre d’entre eux (MM. Pierre, Sissokho, Psaume, Talmont) ont été intégrés en 2010 dans le groupe cible, renouvelés le 11 juin 2010 pour une durée de douze mois. Ils produisent un courrier de l’AFLD du 17 juin 2011 invitant le président de la Ligue de football professionnel à transmettre, avant le 2 septembre 2011, la liste des joueurs qui devront être inscrits ou renouvelés dans le groupe cible. Ils ne fournissent cependant pas la liste actualisée des sportifs qui ont été maintenus dans le groupe cible.

b) Quatre autres ont été intégrés dans le groupe cible en 2009 ou 2010 et ont fait l’objet d’un renouvellement pour une période de douze mois à compter du 23 septembre 2010 (MM. Busselier, Ternel, Kiour, Haon). Dans la lettre du 23 septembre 2010 au président de la Ligue nationale de handball et au président de la Fédération française de handball et transmettant la liste actualisée des sportifs du groupe cible, le président de l’AFLD rappelle que ces sportifs sont tenus de se « localiser » quotidiennement conformément à la délibération no 54 du 18 octobre 2007 (paragraphes 69 et 70 ci-dessous).

c) Treize autres ont été intégrés dès 2009 et soutiennent avoir fait l’objet d’une inscription ou d’un renouvellement le 11 juin 2010 pour une période minimum de douze mois (MM. Strunc, Soliman, Dondon, Jeanneau, Melody, Kerckhof, Linehan, Maynier, Ouattara, Tsagarakis, Moncade, Pons et Toffin). Ils produisent une lettre de l’AFLD du 11 juin 2010 adressée au président de la Ligue nationale de BasketBall à qui il est demandé d’envoyer, avant le 30 août 2010, la liste des joueurs qui devront être inscrits ou renouvelés dans le groupe cible. Ils ne fournissent cependant pas la liste actualisée des sportifs qui ont été maintenus dans le groupe cible (voir, cependant, pour M. Kerckhof, les observations du Gouvernement au paragraphe 13 d) ci-dessus).

d) Trois requérants ont été intégrés en 2009 pour une période de douze mois (MM. Ayed, Guilbert et Dearlove).

17. Les autres requérants précisent qu’ils ont intégré le groupe cible après la décision du Conseil d’État et qu’ils se sont joints, en tant qu’adhérents à leurs syndicats, à la requête devant la Cour. Ils ne fournissent aucun document permettant d’attester de leur appartenance au groupe cible.

18. Dans les observations complémentaires du 5 décembre 2013, l’avocat du requérant M. Da Silva a informé la Cour que ce dernier a contesté auprès du président de l’AFLD la décision de le maintenir dans le groupe cible pour une période de dix-huit mois à compter du 26 septembre 2013 :

« (...) J’ai intégré pour la première fois le groupe cible le 20 septembre 2010 soit déjà depuis trois ans et vous venez de me reconduire au minimum jusqu’en 2015 ce qui fera en tout cinq années ! C’est totalement inacceptable et disproportionné.

Je me suis soumis à toutes les obligations que l’appartenance au groupe cible impose. Cela a eu des conséquences sur ma vie familiale et une influence non négligeable sur mes enfants qui voient régulièrement débarquer chez moi des contrôleurs à 6 h du matin. J’ai toujours rempli ma localisation dans les temps, je ne me suis jamais soustrait à un contrôle et je n’ai jamais en 3 ans été sanctionné du moindre avertissement, et je ne vous parle même pas d’avoir été contrôlé positif à la moindre substance interdite...

Expliquez [les] raisons scientifiques pour lesquelles vous me maintenez dans le groupe ? Est-ce que parce que je suis en fin de carrière je suis un tricheur potentiel ? (...) me maintenir dans le groupe cible encore 18 mois c’est me stigmatiser aux yeux de mes coéquipiers comme un tricheur en puissance. Ce n’est pas acceptable.

Oui il est nécessaire de lutter contre le dopage dans le sport mais pas au détriment de MA vie. (...) Je vous demande donc de revoir votre position sur mon appartenance au groupe cible, ce n’est pas en maintenant la même personne 5 années consécutives dans le groupe que vous combattrez efficacement le dopage ».

B. Requête no 77769/13

19. La requérante, née en 1958, est une ressortissante française. Elle est une coureuse cycliste internationale classée dans la liste des athlètes de haut niveau. Elle a établi de nombreux records mondiaux et affirme avoir fait l’objet durant toute sa carrière de plus de 1 200 contrôles antidopage. Elle soutient avoir déjà été contrôlée de façon inopinée à l’étranger (USA, Chine, Suisse, Australie) et régulièrement lors des championnats du monde et des Jeux Olympiques.

20. Par une décision du directeur des contrôles de l’AFLD du 14 mars 2008, la requérante fut désignée parmi les sportifs constituant le groupe cible et faisant l’objet à ce titre de contrôles individualisés. À cette époque, la durée de l’inscription dans le groupe cible était illimitée.

21. L’ordonnance du 14 avril 2010 précitée (paragraphe 10 ci-dessus) fixa une limite dans le temps à la désignation des sportifs du groupe cible, soit un an.

22. Par une décision du 10 juin 2010, en application des règles du droit transitoire, la requérante fit l’objet d’une nouvelle inscription dans le groupe cible.

23. En 2011, à la suite de trois manquements aux règles de localisation, la requérante fut entendue par une commission de discipline de la Fédération française de cyclisme. Elle fut relaxée au motif que, s’agissant de son dernier manquement aux États-Unis en juin 2011, elle n’appartenait plus au groupe cible, et n’était plus susceptible d’être contrôlée à ce moment-là.

24. Par un courrier du 20 décembre 2011, la requérante fut invitée par l’AFLD à présenter ses observations sur l’éventualité de la reprise de son inscription au groupe cible. Dans une lettre, puis au cours d’un entretien en présence de son conseil avec le président de l’AFLD, la requérante exprima son opposition à cette éventualité. Elle soutint entre autres qu’elle figurait dans le groupe cible de l’Union Cycliste internationale (UCI). Par courriel du 16 mars 2012, l’UCI informa l’AFLD que la requérante ne faisait plus partie du groupe cible.

25. Entre temps, le 10 février 2012, le mari et entraîneur de la requérante fut mis en examen des chefs d’importation de marchandises prohibées, infractions aux réglementations sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses, importation sans raison médicale dûment justifiée de produits dopants.

26. Le 19 mars 2012, le directeur des contrôles de l’AFLD procéda à l’inscription de la requérante dans le groupe cible. Celle-ci forma un recours gracieux contre cette décision qui fut rejeté le 22 mai 2012.

27. Quelques jours auparavant, le président de la Fédération française de cyclisme était intervenu auprès du président de l’AFLD, dans la perspective de la sélection de la requérante aux Jeux Olympiques de Londres, pour faire part de son regret du délai pris pour l’inscrire dans le groupe cible.

28. Par une délibération du collège l’AFLD du 27 septembre 2012, anticipant une décision du Conseil d’État du 10 octobre 2012 (CE, no 357097) sur l’incompétence du directeur des contrôles pour décider de l’inclusion d’un sportif dans le groupe cible (paragraphe 60 ci-dessous), le collège de l’Agence, afin d’éviter un vide juridique préjudiciable à la mise en œuvre du contrôle de localisation des sportifs, approuva la désignation dans le groupe cible de la requérante.

29. Le 11 février 2013, la requérante et son mari citèrent l’AFLD et trois de ses dirigeants devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils les accusaient d’avoir transmis des informations confidentielles au journal l’Équipe sur la procédure disciplinaire engagée en 2011 et sur la procédure pénale en cours.

30. Par une lettre du 20 mars 2013, la requérante contesta la perspective d’un possible renouvellement de son inscription dans le groupe cible.

31. La requérante fut à nouveau désignée dans le « groupe cible » par une délibération du collège de l’AFLD du 28 mars 2013, comportant la motivation suivante :

« Considérant qu’elle soutient (...), que, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 avril 2010, une inscription dans le groupe cible ne peut intervenir que pour une durée d’un an insusceptible d’être renouvelée ; que cette argumentation doit être écartée au motif que les dispositions du code du sport relatives à l’obligation de localisation doivent être interprétées à la lumière des « principes » posés par le code mondial antidopage (...) ; que dans son article 2.4, le code mondial antidopage pose en principe l’existence tant d’un contrôle de localisation que d’une possibilité de sanction en cas de méconnaissance des exigences en découlant si trois manquements sont constatés « pendant une période de dix-huit mois » ; qu’en outre, sa limitation à une période d’une année non renouvelable pourrait priver d’effet utile le contrôle de localisation, ce que n’a manifestement pas souhaité le législateur ; »

32. Les 28 décembre 2012 et 28 mai 2013, la requérante forma un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État contre les délibérations des 27 septembre 2012 et 28 mars 2013 de l’AFLD. Elle fit notamment valoir que le régime de localisation et de contrôles inopinés des sportifs du groupe cible était contraire à l’article 8 de la Convention, et se plaignit d’avoir été soumise à ce régime depuis plusieurs années.

33. Entre-temps, par un mémoire du 11 mars 2013, la requérante demanda au Conseil d’État de soumettre au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l’obligation de localisation ainsi formulée :

« Les dispositions des articles L. 232-5-3o et L. 232-15 du code du sport instituant un régime de localisation et de contrôles inopinés des sportifs appartenant au groupe cible portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, au regard, d’une part de l’article 34 de la Constitution, d’autre part, des articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (liberté d’aller et venir, respect de la vie privée et inviolabilité du domicile), de l’article 66 de la Constitution [« Nul ne peut être détenu arbitrairement. L’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, assure le respect de ce principe (...) »] et, enfin, du principe d’égalité devant la loi ? »

34. Par une décision du 29 mai 2013, le Conseil d’État décida de ne pas renvoyer la QPC. À cette occasion, il indiqua que les dispositions critiquées ne mettaient pas en cause la liberté individuelle que l’article 66 de la Constitution place sous la protection de l’autorité judiciaire (détention arbitraire) mais relevaient de la compétence du juge administratif (voir la position de la Cour de cassation sur cette question, paragraphe 73 ci‑dessous).

35. Par un arrêt du 18 décembre 2013, le Conseil d’État joignit les deux requêtes des 28 décembre 2012 et 28 mai 2013 et les rejeta, après avoir décidé de ne pas renvoyer une seconde QPC. Sur la violation alléguée du droit au respect de la vie privée et familiale, le Conseil d’État se prononça comme suit :

« (...) Considérant, en premier lieu, que les dispositions précédemment citées du code du sport, relatives aux obligations imparties aux sportifs désignés dans le groupe « cible », ne portent atteinte ni à la liberté d’aller et venir ni à la liberté de circulation garantie par l’article 2 du Protocole additionnel no 4 à la [Convention] ; qu’elles encadrent strictement la détermination des lieux dans lesquels les contrôles sur les sportifs appartenant au groupe « cible » peuvent être diligentés ainsi que les périodes et horaires durant lesquels ces contrôles peuvent être effectués ; qu’elles excluent que les contrôles puissent avoir lieu au domicile des sportifs hors leur consentement ; que le traitement informatisé prévu à l’article L 232-15 en vue de l’organisation des contrôles est soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; que, si le dispositif ainsi défini se révèle contraignant pour ces sportifs, notamment en les soumettant à l’obligation de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation, les dispositions législatives en cause sont justifiées par les nécessités de la lutte contre le dopage, qui implique notamment de pouvoir diligenter des contrôles inopinés afin de déceler efficacement l’utilisation de certaines substances dopantes qui peuvent n’être décelables que peu de temps après leur prise alors même qu’elles ont des effets plus durables ; que ces dispositions ne portent ainsi au droit au respect de la vie privée et familiale des sportifs concernés, garanti par l’article 8 de la convention, que des atteintes nécessaires et proportionnées aux objectifs d’intérêt général poursuivis par la lutte contre le dopage, notamment la protection de la santé des sportifs ainsi que la garantie de l’équité et de l’éthique des compétitions sportives ; (...)

Considérant en septième lieu, que si les dispositions de l’article L.232-15 du code du sport, qui prévoient que les désignations dans le groupe « cible » sont faites « pour une année », imposent à l’[AFLD] de revoir, de façon périodique, la composition du groupe « cible » de telle sorte que les contraintes liées à l’obligation de fournir des renseignements précis et actualisés sur la localisation ne pèsent pas, sans raison particulière, sur les mêmes sportifs pendant une durée trop longue, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire à l’Agence de procéder à une nouvelle désignation dans le groupe « cible » de sportifs qui y figuraient déjà ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que l’article L. 232-15 ferait par lui-même obstacle à ce que l’Agence désigne à nouveau un sportif qui figurait déjà dans le groupe cible doit être écarté ; ».

36. Par un jugement rendu en 2014, le tribunal correctionnel de Paris débouta la requérante de son action contre l’AFLD.

37. Par une délibération du 9 avril 2015, l’AFLD radia la requérante de la liste des sportifs du groupe cible.

38. Par un jugement du 9 mars 2017, à l’issue d’une procédure dont il a contesté l’équité devant la Cour (paragraphe 4 ci-dessus), le mari de la requérante fut condamné à un an de prison avec sursis pour avoir importé de l’érythropoïétine (EPO).

II. DROIT ET PRATIQUES INTERNATIONAUX

A. Le Conseil de l’Europe

39. Dès 1967, le Comité des Ministres (ci-après CM) du Conseil de l’Europe a adopté la résolution (67)12 sur le doping des athlètes qui fut suivie en 1979, 1984 et 1988 de trois recommandations dont la dernière prévoyait l’institution de contrôle antidopage sans préavis hors compétition (Recommandation R (88)12 du CM aux États membres concernant l’institution de contrôles antidopage sans préavis hors compétition).

40. Par la suite, la Convention contre le dopage (STE no 135, ci-après « la Convention du Conseil de l’Europe ») a été adoptée par le CM le 16 novembre 1989. Instrument de référence à l’échelle européenne, ce texte a été ratifié par tous les États membres du Conseil de l’Europe et cinq États non membres (Australie, Bélarus, Canada, Maroc et Tunisie). Il établit un certain nombre de normes et de règles communes engageant les États parties à adopter des mesures nécessaires à une harmonisation nationale et internationale pour lutter efficacement contre le dopage dans le sport. Un groupe de suivi de la Convention a été mis en place ; il associe à ses travaux l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, créée en 1999 (voir paragraphe 45 ci-dessous) et les fédérations sportives internationales. En outre, a été créée le Comité ad hoc européen pour l’AMA (CAHAMA), comité d’experts chargé de coordonner les positions des États européens dans la continuité de l’AMA.

41. Le préambule de la Convention du Conseil de l’Europe met en exergue les aspects éthiques, moraux et de santé de la lutte antidopage :

« (...) Préoccupés par l’emploi de plus en plus répandu de produits et de méthodes de dopage parmi les sportifs dans l’ensemble du sport et par ses conséquences pour la santé des pratiquants et pour l’avenir du sport. (...)

Conscient que les pouvoirs publics et les organisations sportives volontaires ont des responsabilités complémentaires dans la lutte contre le dopage dans le sport, et en particulier, dans la garantie du bon déroulement – sur la base du principe du fair-play . des manifestations sportives, ainsi que de la protection de la santé de ceux qui y prennent part ».

42. L’article 7 de la Convention du Conseil de l’Europe intitulé « Collaboration avec les organisations sportives concernant les mesures que celles-ci doivent prendre », en son point 3, indique ce qui suit :

« En outre, les Parties encouragent leurs organisations sportives à :

a) instituer, en nombre suffisant pour être efficaces, des contrôles antidopage non seulement au cours des compétitions, mais encore sans préavis à tout moment approprié hors des compétitions; ces contrôles devront être menés de manière équitable pour tous les sportifs et comporter des tests appliqués et répétés à des sportifs pris, le cas échéant, au hasard. (...) ».

43. Un protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe a été ouvert à la signature le 12 septembre 2002 et est entré en vigueur le 1er avril 2004. Il a pour but d’assurer la reconnaissance mutuelle des contrôles anti-dopage et de renforcer la mise en œuvre de la Convention par un système de contrôle obligatoire.

44. Lors de la 14e conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables du sport du 29 novembre 2016, ceux-ci ont adopté une résolution no 1.1 sur le rôle des gouvernements face aux nouveaux défis de la lutte contre le dopage dans le sport au niveau national et international. La résolution rappelle les défis considérables qui ont récemment menacé l’intégrité du système antidopage international. Elle fait état des nécessités de protéger les sportifs contre les régimes de dopage forcés ou encouragés et souligne qu’ils sont sujets à une véritable éducation antidopage. Elle réaffirme le soutien des ministres à l’AMA, « régulateur mondial antidopage responsable pour l’établissement des normes et le suivi », et appelle au renforcement de sa capacité. Elle salue la coopération accrue entre le Conseil de l’Europe et l’AMA et encourage le Groupe de suivi établi pour la mise en œuvre de la Convention de 1989 à poursuivre ses travaux d’harmonisation afin d’offrir des conseils pratiques aux États parties sur la manière de faire face aux nouveaux problèmes antidopage dans le respect de la Convention. Les ministres reconnaissent que toutes les organisations antidopage doivent se conformer aux règles de bonne gouvernance et au principe de proportionnalité tout en respectant les droits fondamentaux des individus soumis au règlement antidopage, notamment en ce qui concerne la protection des données.

B. Le Code mondial antidopage et les standards internationaux

45. La lutte contre le dopage a pris une nouvelle dimension au début des années 2000. L’AMA fut créée à la suite du scandale provoqué, lors du Tour de France en 1998, par la découverte d’un vaste trafic de substances dopantes impliquant une équipe et plusieurs coureurs de renom. Il s’agit d’une organisation internationale indépendante, fondation de droit privé suisse, composée et financée par le mouvement sportif olympique et les gouvernements des États. Elle élabore le CMAD, adopté en 2003 et entré en vigueur le 1er janvier 2004, puis révisé en 2009 et 2015. Elle coordonne et supervise le dispositif mondial antidopage dans toutes les disciplines sportives, en vue de l’application harmonisée de principes généraux communs au niveau international : définition des faits de dopage, liste des substances interdites, contrôles, sanctions et régime des autorisations à fin d’usage thérapeutique.

46. Le CMAD est l’instrument d’harmonisation des pratiques des différentes fédérations internationales et des États dans le domaine de la lutte contre le dopage. Les « Fondements du code mondial antidopage » sont énoncés dans sa partie introductive de la manière suivante :

« Les programmes antidopage visent à préserver la valeur intrinsèque du sport. Cette valeur intrinsèque est souvent qualifiée « d’esprit sportif » ; elle est l’essence même de l’olympisme ; elle exhorte à jouer franc jeu. L’esprit sportif valorise la pensée, le corps et l’esprit, et se distingue par les valeurs suivantes : l’éthique, la santé, l’excellence dans la performance, l’épanouissement de la personnalité et l’éducation, le divertissement et la joie, le travail d’équipe, le dévouement et l’engagement, le respect des règles et lois, le respect de soi-même et des autres participants, le courage, l’esprit de groupe et la solidarité. Le dopage est contraire à l’essence même de l’esprit sportif ».

47. L’article 2 du CMAD énumère les cas de violations des règles antidopage, dont celle relative à l’obligation de localisation libellée à l’époque des faits de la manière suivante :

« 2.4 Violation des exigences applicables en matière de disponibilité des sportifs pour les contrôles hors compétition, y compris le manquement à l’obligation de transmission d’informations sur la localisation, ainsi que les contrôles établis comme manqués sur la base de règles conformes aux standards internationaux de contrôle. La combinaison de trois contrôles manqués et/ou manquements à l’obligation de transmission d’informations sur la localisation pendant une période de dix-huit mois, telle qu’établie par les organisations antidopage dont relève le sportif, constitue une violation des règles antidopage. »

48. Dans sa formulation à l’époque des faits, l’article 5 du CMAD, qui concerne les contrôles, précise que les organisations nationales antidopage et les fédérations internationales ont compétence en la matière et veillent à :

« 5.1.1 Planifier et réaliser un nombre significatif de contrôles en compétition et hors compétition sur des sportifs relevant de sa compétence, y compris des sportifs appartenant à son groupe cible de sportifs soumis aux contrôles. Chaque fédération internationale devra définir un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles parmi ses sportifs de niveau international et chaque organisation nationale antidopage devra définir au niveau national un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles parmi les sportifs présents dans son pays, ou qui en sont ressortissants, résidents, ou qui sont membres ou licenciés d’une organisation sportive de son pays. Conformément à l’article 14.3, tout sportif compris dans un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles sera assujetti aux exigences en matière de localisation énoncées dans les standards internationaux de contrôle.

5.1.2 Sauf dans des circonstances exceptionnelles, s’assurer que tous les contrôles hors compétition sont des contrôles inopinés.

5.1.3 Faire des contrôles ciblés une priorité. (...)»

49. Dans sa formulation à l’époque des faits, l’article 10.3.3 du CMAD intitulé « Sanctions à l’encontre des individus » prévoit que « Pour les violations de l’article 2.4 (Violation des exigences applicables en matière de disponibilité des sportifs pour les contrôles hors compétition), la période de suspension sera d’au moins un an et d’au plus deux ans, selon la gravité de la faute du sportif».

50. L’article 14.3 intitulé « Informations sur la localisation des sportifs » prévoit, à l’époque des faits, que la Fédération internationale et l’organisation nationale antidopage doivent coordonner l’identification des sportifs et la collecte des informations actualisées sur leur localisation, et les transmettre à l’AMA.

51. La version révisée du CMAD, entrée en vigueur le 1er janvier 2015, contient de nombreux changements. Ceux qui intéressent les présentes requêtes sont les suivants : en vertu de l’article 2.4 révisé, l’infraction de manquements aux obligations de localisation est constituée dès lors que trois manquements sont constatés sur une période de douze mois (et non plus dix-huit mois, voir paragraphe 47 ci-dessus) ; par ailleurs, l’article 5.2 révisé prévoit que « Tout sportif peut être tenu de fournir un échantillon à tout moment et en tout lieu » si, selon le commentaire sur cet article fait par l’AMA elle-même, l’organisation antidopage a des soupçons graves et spécifiques que le sportif puisse être impliqué dans des activités de dopage.

52. Les dispositions du CMAD sont complétées par cinq standards internationaux. Le standard sur les contrôles, tel que rédigé à l’époque des faits, précise à l’article 11 intitulé « Exigences concernant les informations sur la localisation du sportif » ce qui suit :

« 11.1. Objectifs/principes généraux

11.1.1 Il est reconnu et accepté que a) des contrôles sans préavis hors compétition sont essentiels à l’efficacité du contrôle du dopage ; et b) sans informations exactes sur la localisation du sportif, ces contrôles peuvent être inefficaces et souvent impossibles.

[11.1.1 Commentaire : cette reconnaissance est le fondement du raisonnement qui sous-tend l’article 2.4 du Code et cette section 11 des standards internationaux de contrôle].

11.1.2 Dès lors, outre l’élaboration d’un plan de répartition des contrôles conformément à la section 4 de ces standards internationaux, chaque FI[Fédération internationale] et ONAD [Organisme national antidopage]devra créer un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles (...). Les sportifs inclus dans un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles seront soumis aux exigences des informations sur la localisation stipulées à la Section 11, (voir article 14.3 du Code) et seront tenus de les respecter.

11.1.3 Un sportif inclus dans un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles est tenu de transmettre à chaque trimestre des informations sur sa localisation qui fournissent des renseignements exacts et complets sur sa localisation durant le trimestre à venir avec toutes les indications sur les lieux où il résidera, s’entraînera et concourra au cours du trimestre, afin de pouvoir être localisé pour un contrôle à tout moment durant ce trimestre. Le défaut de se conformer est considéré comme un manquement à l’obligation de transmission et donc un défaut d’information sur la localisation au sens de l’article 2.4 du Code.

11.1.4 Un sportif inclus dans un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles est également tenu de préciser dans les informations sur sa localisation, pour chaque jour du trimestre à venir, une période quotidienne de 60 minutes où il sera disponible en un lieu indiqué pour un contrôle : (voir clause 11.4). Ceci ne limite aucunement l’obligation du sportif d’être disponible pour un contrôle à tout moment en tout lieu. Cela ne limite pas non plus son obligation de fournir les informations spécifiées dans la clause 11.3 concernant sa localisation en dehors de la période de 60 minutes. Toutefois, si le sportif n’est pas disponible pour un contrôle à l’endroit indiqué au cours de la période de 60 minutes spécifiée pour le jour donné dans les informations sur sa localisation, et n’a pas actualisé les informations sur sa localisation avant la période de 60 minutes pour indiquer une autre période et un autre lieu pour le jour donné, ce manquement sera considéré comme un contrôle manqué et dès lors constituera un défaut d’informations sur la localisation aux termes de l’article 2.4 du Code.

[11.1.4 Commentaire : L’objet de la période de 60 minutes est de parvenir à un équilibre entre la nécessité de localiser le sportif pour le contrôle, et l’impraticabilité et l’injustice qu’il y aurait à rendre les sportifs potentiellement responsables d’un contrôle manqué chaque fois qu’ils s’écartent de la routine déclarée antérieurement. (...) Après consultation approfondie des partenaires bénéficiant d’une expérience particulière des informations sur la localisation, il a été considéré que la meilleure façon de maximiser les chances de trouver un sportif à tout moment, tout en fournissant une atténuation raisonnable et appropriée de la responsabilité d’un contrôle manqué « 24/24, 7j./7 », était de combiner les meilleurs éléments de chaque système, à savoir exiger la transmission d’informations sur la localisation sur une base de « 24/24, 7j./7 » tout en limitant le risque de contrôle manqué à une période de 60 minutes par jour (...)]. »

11.3 Exigences pour la transmission des informations sur la localisation

Selon l’article 11.3.1, le sportif doit transmettre à la Fédération internationale ou à l’organisme national de lutte antidopage les renseignements suivants : une adresse postale complète ; les détails de tout handicap du sportif, la confirmation spécifique du consentement du sportif à partager les informations sur sa localisation avec d’autres organisations compétentes pour le contrôler ; pour chaque jour durant le trimestre à venir, l’adresse complète du lieu où le sportif résidera (à savoir : domicile, hébergement temporaire, hôtel, etc.) ; pour chaque jour durant le trimestre à venir, le nom et l’adresse de chaque lieu où le sportif s’entraînera, travaillera ou poursuivra toute autre activité régulière (école, par ex.), ainsi que les horaires habituels de ces activités régulières. Selon l’article 11.3.2, les informations sur la localisation doivent également comprendre, pour chaque jour durant le trimestre à venir, une période spécifique de 60 minutes entre 6 heures et 23 heures chaque jour, au cours de laquelle le sportif sera disponible et accessible pour un contrôle dans un endroit précis. Le commentaire de cette disposition indique que le sportif peut choisir l’endroit pour cette période de 60 minutes ; il peut s’agir de son lieu de résidence, d’entraînement ou de compétition, ou cela peut être un autre endroit comme le travail ou l’école, et le défaut d’être disponible pour le contrôle à l’endroit indiqué durant la période spécifiée sera considéré comme un contrôle manqué. Selon l’article 11.3.6, un sportif peut déléguer la transmission des informations à un tiers.

11.4 Disponibilité pour le contrôle

« 11.4.1 Un sportif inclus dans un groupe cible de sportifs soumis aux contrôles doit spécifiquement être présent et disponible pour le contrôle chaque jour du trimestre considéré durant la période de 60 minutes indiquée pour le jour donné dans les informations sur la localisation transmises, à l’endroit et à l’heure que le sportif a indiqués dans les informations transmises. »

C. La Convention internationale contre le dopage dans le sport du 19 octobre 2005

53. La Convention internationale contre le dopage dans le sport adoptée sous l’égide de l’UNESCO (ci-après la Convention de l’UNESCO) est entrée en vigueur le 1er février 2007. Le préambule de cette Convention énonce ce qui suit :

« (...) Consciente que le sport doit jouer un rôle important dans la protection de la santé, (...)

Préoccupée par le recours au dopage dans le sport et par ses conséquences sur la santé des sportifs, le principe du franc-jeu, l’élimination de la fraude et l’avenir du sport, (...)

Consciente aussi de l’influence que les sportifs de haut niveau exercent sur la jeunesse, (...)

Consciente que les pouvoirs publics et les organisations sportives ont des responsabilités complémentaires pour ce qui est de prévenir et de combattre le dopage dans le sport, en particulier pour veiller au bon déroulement, dans un esprit de franc-jeu, des manifestations sportives et pour protéger la santé de ceux qui y prennent part, (...)

Sachant que l’élimination du dopage dans le sport dépend en partie d’une harmonisation progressives des normes et des pratiques antidopage dans le sport et de la coopération à l’échelle nationale et mondiale (...) ».

54. Le CMAD ne s’imposant pas aux États en raison du caractère privé des textes adoptés par l’AMA, ces derniers ont élaboré une convention internationale afin de fournir un cadre juridique internationalement reconnu pour permettre l’intégration de celui-ci dans leur droit interne. Ratifiée par la France et par 186 États à ce jour, l’article 4 de la Convention de l’Unesco précise que les dispositions du CMAD ne font pas partie intégrante de la Convention et n’ont pas d’effet direct dans le droit des États. Il indique qu’« afin de coordonner la mise en œuvre de la lutte contre le dopage dans le sport aux niveau national et international, les États parties s’engagent à respecter les principes énoncés dans le CMAD, qui servent de base aux mesures visées à l’article 5 de la présente Convention ». Les articles 3 et 5 prévoient que les États s’engagent « à adopter des mesures appropriées aux niveaux national et international qui soient conformes aux principes énoncés dans le Code » et que « ces mesures peuvent comprendre des lois, des règlements, des politiques ou des pratiques administratives ». L’article 12 de la Convention prévoit que les États encouragent les contrôles antidopage conformes au CMAD y compris les contrôles inopinés et les contrôles hors compétition. L’article 19 encourage les États à mettre en œuvre des programmes d’éducation sur la lutte contre le dopage, pour les sportifs mais aussi pour la communauté sportive en général qui doit disposer d’informations sur « les effets négatifs du dopage sur les valeurs éthiques du sport » et sur « les conséquences du dopage sur la santé ».

III. DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

55. Les articles 6 et 165 du traité sur le fonctionnement de l’Union (TFUE) sont ainsi libellés :

Article 6

« L’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres. Les domaines de ces actions sont, dans leur finalité européenne (...)

e) l’éducation, la formation professionnelle, la jeunesse et le sport; »

Article 165

« 1. L’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative.

2. L’action de l’Union vise : (...)

- à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux.

3. L’Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière d’éducation et de sport, et en particulier avec le Conseil de l’Europe. (...) ».

56. L’Union apporte sa contribution aux révisions du CMAD. Ainsi, dans une contribution adressée à l’AMA en mars 2012 (6846/12), le Conseil de l’Union européenne a exprimé son point de vue sur l’obligation de localisation en se référant à un avis du groupe « article 29 » sur la protection des données (avis 4/2009). Cet avis souligne que les informations à fournir concernant la localisation et les périodes de contrôles doivent être clairement déterminées en tenant compte des exigences des principes de nécessité et de proportionnalité eu égard aux finalités des contrôles hors compétition. Dans une autre contribution relative à la révision du CMAD (no 6427/13), le Conseil a indiqué que les droits des sportifs pourraient être renforcés par l’élaboration de lignes directrices visant à garantir la proportionnalité des mesures relatives aux groupes cibles de sportifs et à la localisation des sportifs.

IV. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

57. En France, la loi no 2006-405 du 5 avril 2006 a adapté le dispositif législatif français aux exigences du CMAD et créée l’AFLD, qui reprend les compétences du ministère des sports en matière de contrôle antidopage. Selon l’article L. 235-5-I du livre II (Acteurs du sport) du titre III (Santé des sportifs et lutte contre le dopage) du code du sport, cette agence est une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale qui définit et met en œuvre les actions de lutte contre le dopage. Elle dispose d’une compétence réglementaire limitée, d’une compétence exclusive pour diligenter, réaliser les contrôles antidopage et analyser les résultats ainsi que d’un pouvoir disciplinaire complémentaire de celui de principe exercé par les fédérations sportives.

58. À la différence de nombreux pays, le sport en France est un service public, ce qui explique l’intervention de l’État. Selon l’article L. 230-1 du code du sport, « le ministre chargé des sports, en liaison avec les autres ministres et organismes intéressés, engage et coordonne les actions de prévention, de surveillance médicale, de recherche et d’éducation mises en œuvre avec le concours, notamment, des fédérations sportives agréées (...), pour assurer la protection de la santé des sportifs et lutter contre le dopage ». Les fédérations sportives sont des associations, et donc des personnes privées, mais elles reçoivent un agrément « en vue de participer à une mission de service public » (article L. 131-15 du code du sport) et une délégation de pouvoir du ministre en charge des sports pour l’organisation des compétitions (article 131-8 du code du sport).

59. La loi du 5 avril 2006 précitée a également institué l’obligation de localisation pour certains sportifs de haut niveau. L’ordonnance du 14 avril 2010, en cause dans la présente espèce, a mis en conformité le code du sport avec le CMAD, en élargissant la portée du dispositif relatif aux contrôles inopinés en ce qui concerne tant les catégories de sportifs concernées que les périodes au cours desquelles ces contrôles peuvent être réalisés.

60. La désignation d’un sportif dans le groupe cible soumis à l’obligation de localisation est précédée d’une phase contradictoire. À compter de la réception du courrier l’informant de l’appartenance au groupe cible, le sportif dispose de quinze jours pour s’opposer à cette intégration. La décision d’inscription était prise, à l’époque des faits par le directeur des contrôles de l’AFLD. Aujourd’hui, c’est le collège de cette autorité qui prend cette décision (paragraphe 28 ci-dessus). Elle est motivée et peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État. Depuis 2010, et selon l’article R. 311-1 du code de justice administrative, le Conseil d’État est compétent en premier et dernier ressort pour les recours dirigés contre les décisions de l’AFLD au titre de sa mission de contrôle ou de régulation.

A. Le code du sport

61. En plus des dispositions contestées de l’ordonnance litigieuse reprises dans le code du sport aux articles L. 232-5 et L. 232-15 (paragraphes 8 et 10 ci-dessus), les articles pertinents à l’époque des faits sont les suivants.

62. L’article L. 232-13 prévoit que les contrôles antidopage peuvent être diligentés dans le cadre du programme annuel de contrôle de l’AFLD ou à la demande d’une fédération agréée ainsi qu’à la demande de l’AMA, d’une organisation nationale antidopage ou d’un organisme sportif international.

63. L’article L. 232-13-1 porte sur les lieux de contrôle. Il est ainsi libellé :

Article L. 232-13-1

« Les contrôles peuvent être réalisés :

1 Dans tout lieu où se déroule un entraînement ou une manifestation mentionnés à l’article L 230-3 [manifestation sportive organisée par une fédération agréée ou autorisée par une fédération délégataire et manifestation sportive internationale] ;

2 Dans tout établissement mentionné à l’article L 322-2 [établissements où sont pratiquées une ou des activités physiques ou sportives et qui doivent présenter pour chaque type d’activité et d’établissement des garanties d’hygiène et de sécurité définies par voie réglementaire], dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, ainsi que dans ses annexes ;

3 Dans tout lieu choisi avec l’accord du sportif, permettant de réaliser le contrôle, dans le respect de sa vie privée et de son intimité, y compris, à sa demande, à son domicile ;

4 Dans le cadre de la garde à vue d’un sportif soupçonné d’avoir commis les délits prévus aux articles L 232-9 et 232-10 ».

64. Les articles L. 232-14 et L. 232-17 portent sur les horaires des contrôles et les sanctions en cas de manquement aux obligations de localisation notamment et sont ainsi libellés :

Article L. 232-14

« Dans l’exercice de leur mission de contrôle, les personnes mentionnées à l’article L 232-11 ne peuvent accéder aux lieux mentionnés à l’article L 232-13-1 qu’entre 6 heures et 21 heures, ou à tout moment dès lors que ces lieux sont ouverts au public ou qu’une manifestation sportive ou un entraînement y préparant est en cours. Un contrôle réalisé au domicile d’un sportif ne peut avoir lieu qu’entre 6 heures et 21 heures. (...) ».

Article L. 232-17

« I.- Se soustraire, tenter de se soustraire ou refuser de se soumettre aux contrôles prévus aux articles L 232-12 à L. 232-16, ou de se conformer à leurs modalités, est passible des sanctions administratives prévues par les articles L. 232-21 à L. 232-23.

II.- Les manquements aux obligations de localisation prévues par l’article L. 232-15 sont également passibles des sanctions administratives prévues par les articles L. 232‑21 à L. 232-23 ».

65. Les articles L. 232-21 et L. 232-23 du code du sport indiquent que les sanctions sont administratives (avertissement, interdiction temporaire ou définitive de participer aux manifestations sportives) et qu’elles peuvent être complétées par une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 45 000 euros (EUR). Selon l’article L. 232-24, les décisions prononcées peuvent faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative et l’AMA peut aussi saisir celle-ci contre une décision d’une fédération sportive ou de l’AFLD.

66. En plus des contrôles antidopage, consistant en des opérations de prélèvements d’échantillon, le code du sport (article L. 232-19) prévoit que des opérations de contrôle (visite domiciliaire et saisie) peuvent être effectuées en vue de la recherche d’infraction sous le contrôle du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention.

67. La France a transposé les dispositions de la dernière version du CMAD (paragraphe 51 ci-dessus) dans l’ordonnance du 30 septembre 2015 ratifiée par la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016, et suivie de deux décrets d’application du 29 janvier 2016. Il a notamment été procédé à la révision de l’article L. 232-13-1 du code du sport (paragraphe 63 ci-dessus) : la mention de l’accord du sportif prévu au 3o de cette disposition est supprimée. De plus, l’article L. 232-14 (paragraphe 64 ci-dessus) prévoit désormais que les contrôles antidopage peuvent avoir lieu entre 6 et 23 heures (et non plus 21 heures). L’ordonnance de 2015 a également introduit la possibilité de contrôle de nuit, sous réserve du consentement du sportif. Désormais, l’article 232-14-1 du code du sport prévoit que des opérations de contrôle peuvent avoir lieu au domicile ou au lieu d’hébergement d’un sportif entre 23 et 6 heures, dans le respect de sa vie privée et de son intimité, s’il appartient à un groupe cible ou participe à une manifestation sportive internationale d’une part, et, d’autre part, s’il existe à son encontre des soupçons graves et concordants qu’il a contrevenu ou va contrevenir aux dispositions relatives à la lutte antidopage et qu’il existe un risque de disparition des preuves.

B. Les délibérations de l’AFLD

68. Les obligations qui pèsent sur les sportifs en matière de localisation sont définies par la délibération de l’AFLD no 54 rectifiée des 12 juillet 2007 et 18 octobre 2007 portant modalités de transmission et de gestion des informations de localisation des sportifs faisant l’objet de contrôles individualisés et de sanctions en cas de manquement (ci-après « la délibération no 54 »), et la délibération no 219 du 29 mars 2012 complétant l’article 2 de la délibération no 54. Les articles 16 et 36 de l’Annexe II-2 (article R. 232-86 du code du sport – Règlement disciplinaire type des fédérations sportives agréées relatif à la lutte contre le dopage), dans leur version en vigueur du 25 juillet 2007 au 16 janvier 2011 (Décret no 2007-1133 du 24 juillet 2007 relatif aux dispositions réglementaires du code du sport), prévoient en effet que les conditions de transmission des informations propres à permettre la localisation du sportif sont fixées par une délibération du collège de l’AFLD. La délibération no 54, dans son préambule, se réfère à l’article 36 de l’Annexe II-2 précitée. La délibération no 53 du 7 juin 2007 autorise le traitement automatisé des données relatives à la localisation des sportifs soumis à des contrôles individualisés. Dans une délibération no 68 du 4 octobre 2007, le Collège de l’AFLD s’engage à respecter les principes énoncés dans le CMAD et, dans les domaines de sa compétence, à mettre en vigueur ses dispositions. Son adhésion aux principes énoncés au CMAD dans sa version révisée de 2009 a été réitérée dans une délibération de 2011.

69. À l’époque des faits, les articles 1er, 2, 3, 9, 12 et 13 de la délibération no 54 étaient ainsi libellés :

Article 1er

« L’Agence informe (...) les personnes désignées par le directeur des contrôles de l’Agence parmi les sportifs inscrits sur les listes des sportifs de haut-niveau et les sportifs professionnels licenciés des fédérations sportives agréées, qu’elles peuvent faire l’objet de contrôles individualisées prévus à l’article L. 232-5 du code du sport et qu’elles sont, à cet effet, soumises à l’obligation de transmettre les informations propres à permettre leur localisation pour réaliser des contrôles antidopage inopinés. (...)

L’agence appelle l’attention des sportifs soumis à cette obligation sur le fait que la non transmission des informations de localisation dans les délais fixés à l’article 2 de la présente délibération, la transmission d’information insuffisamment précises et actualisées relative au créneau horaire d’une heure ainsi que l’absence au cours de ce créneau horaire à l’adresse ou sur le lieu indiqués, constituent des manquements à leur obligation de localisation entraînant, sauf circonstances exceptionnelles, la notification d’un avertissement ».

Article 2

« Ces informations doivent permettre d’établir un emploi du temps quotidien et détaillé des sportifs concernés, afin de procéder à des prélèvements sur leurs lieux d’entraînement, dans tout lieu permettant d’assurer le respect de leur intimité, ou à leur domicile. Les informations doivent être transmises à l’Agence pour chaque trimestre civil au plus tard le 15 du mois précédant ledit trimestre (...)

Article 3

« Tout sportif désigné par le directeur des contrôles de l’Agence pour faire l’objet de contrôles individualisés doit indiquer, pour chaque jour, un créneau horaire d’une heure, durant lequel il est susceptible de faire l’objet d’un ou de plusieurs contrôles individualisés par l’Agence française de lutte contre le dopage, en application de l’article L. 232-15 du code du sport. Le contrôle ne peut être engagé qu’entre six heures et vingt et une heures, sauf si les lieux sont ouverts au public ou qu’une compétition ou une manifestation sportive ou un entraînement y préparant est en cours et que le sportif y participe ou y a participé.

Les contrôles individualisés peuvent avoir lieu à tout moment de chacun des créneaux horaires indiqués par le sportif.

L’Agence peut également procéder à des contrôles en dehors de ces créneaux horaires. (...) ».

Article 4

« Pour transmettre les informations permettant sa localisation, le sportif, son représentant légal, ou la ou les personnes investies de l’autorité parentale, peuvent :

- soit faire parvenir à l’Agence, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, par télécopie ou par courriel, le formulaire mentionné à l’article 5, dûment complété ;

- soit se connecter au serveur mentionné à l’article 6 et saisir les coordonnées en ligne via le module de gestion des informations de localisation des sportifs mentionnés par la délibération de la commission nationale de l’informatique et des libertés du 25 avril 2007 susvisée.

Le sportif peut déléguer par écrit à une personne de son choix la transmission à l’Agence des informations relatives à sa localisation, conformément au formulaire annexé à la présente délibération. Cette délégation doit être transmise au directeur du département des contrôles de l’Agence par courrier avec avis de réception. Dans cette hypothèse, le sportif demeure toutefois seul responsable des renseignements qui seront transmis à l’Agence. » (...)

Article 7

« Tout changement apporté aux informations déclarées devra être effectué le plus tôt possible, et au plus tard la veille de la date effective, avant 17 heures. Pour ce faire, le sportif peut soit utiliser le formulaire de changement d’informations annexé à la présente délibération, qu’il transmettra à l’Agence par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, par télécopie ou par courriel, soit actualiser en ligne les renseignements le concernant au moyen du logiciel mentionné à l’article 4.

En cas de circonstances exceptionnelles et à condition d’avoir préalablement informé ou tenté d’informer par tout moyen le département des contrôles de l’Agence, le changement pourra intervenir jusqu’au début du créneau horaire. » (...)

Article 9

« Les manquements aux obligations de transmission d’informations relatives à la localisation des sportifs appartenant au groupe cible de l’Agence sont :

- La non transmission à l’Agence des informations de localisation requises, dans le délai prévu au deuxième alinéa de l’article 2 de la présente délibération ;

- la transmission à l’Agence d’informations insuffisamment précises et actualisées pour permettre la réalisation de contrôles individualisés prévus à l’article L. 232-5 du code du sport pendant le créneau horaire d’une heure défini par le sportif ;

- L’absence du sportif durant le créneau d’une heure à l’adresse ou sur le lieu indiqués par lui pour la réalisation de contrôles individualisés. Le préleveur missionné à cet effet, constate le manquement du sportif à l’issue de l’absence de celui-ci, à l’adresse ou au le lieu indiqué, pendant une période continue de trente minutes durant le créneau horaire.

Le fait de pouvoir réaliser un contrôle sur le sportif considéré le même jour, mais en dehors du créneau horaire spécifié, ou malgré l’absence de transmission des informations attendues, est sans effet sur la constatation du manquement. » (...)

Article 12

« Pour ce qui concerne les manquements afférents à la non transmission des informations requises ou à leur caractère insuffisant pour diligenter les contrôles individualisés durant le créneau horaire d’une heure chaque jour, un nouvel avertissement peut être notifié au sportif s’il n’a pas satisfait à ses obligations d’information dans un délai de 7 jours ouvrables à compter de la notification du précédent avertissement.

Pour chacun des sportifs soumis à l’obligation de localisation, la première constatation par l’Agence d’un des manquements visés à l’alinéa précédent, donne lieu à l’émission, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, d’un rappel au sportif de ses obligations telles qu’elles sont définies à l’article 2 de la présente délibération. Le sportif dispose alors de trois jours ouvrables à compter de la notification de ce courrier pour transmettre les informations demandées sans encourir d’avertissement de la part de l’Agence. A défaut de transmission des informations dans ce délai, l’Agence notifie un avertissement au sportif, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Une nouvelle tentative de contrôle sur un sportif appartenant au groupe cible de l’Agence, durant le créneau d’une heure par jour, ne peut être considérée comme un contrôle manqué entrainant un avertissement, que si cette tentative se déroule postérieurement à la date de notification au sportif du précédent contrôle manqué. »

Article 13

« Si le sportif commet trois manquements mentionnés à l’article 9 pendant une période de dix-huit mois consécutifs, l’Agence transmet à la fédération compétente un constat d’infraction, pour l’application de la sanction prévue par l’article 36 du règlement disciplinaire type des fédérations sportives agréées relatif à la lutte contre le dopage humain, annexé à l’article R. 232-86 du code du sport. »

70. Selon le formulaire de localisation de l’AFLD, les sportifs du groupe cible doivent transmettre les informations, pour chaque trimestre, au plus tard, le 15 du mois qui précède le début du trimestre suivant. Doivent être indiquées les informations personnelles suivantes : nom, adresse du domicile, nationalité, téléphone, mail, fédération, discipline, licence. Les renseignements sur la localisation comprennent les indications suivantes : site d’entraînement principal, site d’entraînement secondaire, autres activités régulières, adresses temporaires supplémentaires, compétitions, stages d’entraînement, planning trimestriel c’est à dire les adresses où le sportif se trouve chaque jour pendant le créneau horaire choisi.

71. Par une délibération no 2014-145 du 3 décembre 2014, l’AFLD a modifié la délibération no 54 précitée et décidé de réduire la période de prise en compte de manquements susceptibles d’entraîner l’ouverture d’une procédure disciplinaire à 12 mois au lieu de 18 auparavant (paragraphe 51 ci‑dessus).

C. Jurisprudence

72. Dans une décision du 9 juillet 2014 (CE, No 373304), le Conseil d’État a confirmé sa position sur le système de localisation (paragraphes 12 et 35 ci-dessus).

73. Dans un arrêt du 16 octobre 2013, la Cour de cassation a rejeté une QPC relative à l’obligation de localisation des sportifs du groupe cible. Elle a exclu que les atteintes dénoncées par un sportif soumis à l’obligation de localisation puissent relever de la compétence du juge judiciaire :

« (...) que l’action introduite par MM. X... et Y... et dirigée contre l’[AFLD], qui est une autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale et investie d’une mission de service public dans l’exercice de laquelle elle a pris la mesure qu’il est demandé de lever et d’en indemniser les conséquences dommageables, relève par nature de la compétence de la juridiction administrative ; (...) que les droits et libertés garantis par la Constitution auxquelles il est prétendu que les dispositions contestées auraient porté atteinte ne relèvent pas de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel ; qu’en outre, l’obligation de localisation imposée aux sportifs faisant partie du groupe cible ne constitue pas, par elle-même, une restriction à la liberté d’aller et de venir, les contrôles doivent être réalisés dans le respect de leur vie privée et de leur intimité, ne sont effectués au domicile que sur leur demande et selon une plage horaire déterminée, et sont placés sous le contrôle de l’autorité judiciaire lorsqu’ils sont destinés à la recherche d’infractions ou sont susceptibles de donner lieu à des saisies ; que, dans ces conditions, en l’absence d’atteinte à un droit ou une liberté placé sous la protection de la seule autorité judiciaire, le moyen tiré de ce que les dispositions législatives contestées porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne saurait être présenté devant la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige ; ».

D. Le rapport du Sénat fait au nom de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage (17 juillet 2013)

74. En février 2013, une commission d’enquête a été créée au Sénat en vue de proposer de nouveaux axes à la politique de lutte contre le dopage. Déposé le 17 juillet 2013, le rapport d’environ 235 pages, est divisé en deux parties : « Le dopage, un enjeu éthique et sanitaire » et « Les voies et moyens de la lutte contre le dopage » (parmi lesquels un meilleur contrôle des calendriers des compétitions) pour conclure à un « Combat protéiforme ». Dans l’introduction du rapporteur, il est indiqué que « des éléments très documentés permettent de constater la réalité des dangers encourus par les personnes qui se dopent ». Selon ce rapport, 1 à 2 % des contrôles sont positifs au plan mondial. Cependant, les statistiques sous‑évaluent l’ampleur des pratiques dopantes dans le sport, notamment parce que la mise au point des méthodes de détection a toujours un temps de retard sur l’apparition de nouvelles substances ou l’ingéniosité des protocoles de dopage. Plus généralement, le rapport dénonce la loi du silence à laquelle se heurte la lutte contre le dopage : difficile recherche de la preuve, tentative d’intimidation, manque de crédibilité du monde sportif quant à sa capacité d’autorégulation, déni sociétal généralisé, mise en péril du travail d’information et de pédagogie.

75. Dans sa partie intitulée « Les dangers du dopage », le rapport souligne que, dans un premier temps, le dopage s’est essentiellement limité à l’usage détourné de médicaments, d’hormones ou de substances psychoactives : stéroïdes anabolisants dans les années 70, testostérone, hormones peptidiques (l’EPO et l’hormone de croissance) à partir des années 90. Aujourd’hui, coexistent l’usage détourné des médicaments et hormones et la mise au point de protocoles de dopage particulièrement sophistiqués et même l’apparition de molécules spécialement créées à des fins de dopage : «Les protocoles de dopage reposent notamment sur l’utilisation simultanée de plusieurs substances micro-dosées et de différentes structures chimiques et sur un jeu d’équilibre subtil entre la durée des effets escomptés et celle de la fenêtre de détection ». Le rapport indique que l’un des faits saillants du dopage aujourd’hui est le dévoiement de certaines molécules n’ayant pas fait l’objet d’une mise sur le marché et l’émergence d’une industrie spécifique au dopage. En outre, le dopage génétique constitue une menace déjà bien réelle.

76. Selon le rapport, le dopage met doublement en danger la santé publique :

« - les substances utilisées ont des effets secondaires potentiellement graves et pour la plupart connus [le rapport renvoie à un rapport de l’Académie de médecine, voir paragraphe 81 ci-dessous], que ces effets résultent directement de leur usage ou indirectement de l’accroissement de la charge de travail permise ;

- le dopage nuit à l’intelligibilité des campagnes de promotion des activités sportives fondées sur les effets bénéfiques du sport pour la santé ».

Il poursuit en indiquant que « si les effets indésirables des produits dopants sont connus, il manque à la lutte contre le dopage des indicateurs sanitaires fiables reposant sur des données épidémiologiques précises (mortalité, morbidité...) ». Une des propositions du rapport à cet égard est de financer des études épidémiologiques en vue d’améliorer l’état des connaissances à la fois sur les pratiques dopantes et sur les risques sanitaires encourus.

77. Le rapport souligne encore l’importance des conduites dopantes chez les sportifs amateurs et les non licenciés, en particulier les jeunes. Il note que cette catégorie échappe aux dispositions du code du sport afférentes à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. « Le secteur des non‑licenciés demeure ainsi très peu contrôlé alors qu’il semble être le terrain de ce qui pourrait s’apparenter à un « dopage de masse ». Le rapport fait à cet égard de nombreuses recommandations à visée préventives et éducatives.

78. Le rapport indique que le dopage constitue un enjeu international à de multiples égards, qui doit trouver une réponse nécessairement mondiale. Il souligne l’importance majeure des textes européens et internationaux précités (Convention du Conseil de l’Europe, CMAD). À l’échelle de l’Union européenne en particulier, il constate les différences de législation en matière de dopage et encourage l’adoption par l’Union de directives d’harmonisation en matière de lutte contre le trafic de produits dopants.

79. Le rapport considère que l’obligation de localisation des sportifs constitue une contrainte lourde mais nécessaire. Il se réfère aux décisions rendues par le Conseil d’État (paragraphes 12 et 35 ci-dessus) et aux garanties et assouplissements prévus par les textes pour considérer que l’atteinte à la vie privée des sportifs et à la possibilité de mener une vie familiale normale « semble en effet proportionnée aux objectifs d’intérêt général qui s’attache à la lutte contre le dopage ».

80. Il indique encore, s’agissant de la liste des lieux de contrôle inopinés prévu par l’article L. 232-13-1 du code du sport, qu’il n’est pas possible de s’affranchir de ce cadre. Ainsi, s’il ne souhaite pas que le contrôle soit réalisé à son domicile, le sportif pourra être escorté jusqu’au lieu de son choix (cabinet du préleveur, club etc..). Sur le moment du contrôle inopiné, et le fait qu’il est souvent mal perçu par les sportifs car il perturbe le cycle d’entraînement ou le cycle de récupération, le rapport souligne que ces phases sont précisément « à risque » du point de vue de la prise des produits dopants. Il poursuit en précisant que la seule limite qui s’impose aux contrôles inopinés est celle de la nuit, entre 21 et 6 heures du matin.

81. Le rapport préconise enfin la généralisation de l’utilisation du rapport biologique, outil de ciblage des contrôles introduit par la loi no 2012-348 du 12 mars 2012 qui a institué le « profil biologique » du sportif. Ce procédé consiste à rechercher dans les résultats des analyses successives opérées sur un athlète, non pas la trace de substances interdites mais des variations anormales de ses paramètres biologiques révélant l’usage de tels produits.

E. Le rapport d’information du Sénat fait au nom de la commission des affaires européennes sur l’Union européenne et le sport professionnel (20 février 2013)

82. Ce rapport fait un bilan de la politique sportive européenne. Si, au regard du droit européen, le sport était conçu au départ comme une simple activité économique, le traité de Lisbonne consacre le rôle de l’Union dans le domaine du sport (paragraphe 55 ci-dessus). Il contient une partie sur la lutte contre le dopage. Il souligne ce qui suit :

« La lutte antidopage revêt au sein de l’Union européenne un visage différent d’un État membre à l’autre. On distingue ainsi trois catégories de pays : - Les États disposant d’une législation en la matière, les pouvoirs publics encadrant la lutte contre le dopage. C’est notamment le cas de la France ; . Les États où gouvernements et autorités sportives combattent conjointement le phénomène, à l’image de l’Autriche ; . Les États où les problèmes de dopage relèvent essentiellement de la compétence des associations sportives, à l’instar de l’Allemagne ».

Le rapport relève également une profonde disparité entre certains États membres quant à la formation des groupes cibles :

« En 2010, la Belgique, l’Estonie, la Lituanie ou la Slovaquie se distinguent notamment par un nombre d’athlètes ciblés très élevés au regard de la population du pays. La Bulgarie, Chypre, Malte, la Pologne et la Roumanie ne pratiquaient pas, quant à eux, un tel suivi ».

F. Le rapport de l’Académie nationale de médecine intitulé « La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique » (2012)

83. Dans la partie « Usage et dangers des produits dopants » de son rapport, l’Académie de médecine indique que le dopage a globalement trois objectifs :

« - augmenter la charge de travail supportable à l’entraînement comme en compétition, par masquage des signaux physiologiques d’alerte (euphorie et agressivité effaçant la sensation de fatigue, effets antalgiques supprimant les douleurs).

C’est le rôle des stimulants, notamment les dérivés amphétaminiques ; des narcotiques comme les morphiniques, la cocaïne ou les cannabinoïdes ; des glucocorticoïdes. Les associations sont fréquentes. La plus célèbre est connue sous l’appellation de « pot belge » composé d’un mélange d’amphétamine/cocaïne/héroïne ! À court terme, le dépassement des limites de l’organisme peut conduire à l’épuisement, au coup de chaleur voire à la mort surtout si les conditions thermiques sont défavorables (décès de Tom Simpson sur le Tour de France en 1967). À moyen et long termes, des troubles comportementaux, une décompensation psychiatrique ou une toxicomanie peuvent se déclarer et, plus particulièrement avec les amphétamines, l’éclosion de maladies cardiovasculaires telles une HTA ou une valvulopathie ou encore des cardiomyopathies avec la cocaïne. Une mention spéciale doit être faite de l’usage régulier et prolongé des glucocorticoïdes dont les effets indésirables sont bien documentés : notamment, fragilisation de l’appareil musculo-tendineux, dépression immunitaire, HTA et insuffisance cortico-surrénalienne.

- augmenter les capacités aérobies grâce à l’utilisation de l’érythropoïétine (EPO) ou de l’autotransfusion sanguine, habituellement dans les sports d’endurance (marathon, cyclisme sur route...). Ces méthodes sont associées à des risques non négligeables d’accroissement de la viscosité sanguine à l’origine d’accidents thrombo‑emboliques et de syndromes d’intolérance ou encore d’accidents de transfusion et de transmission d’agents infectieux.

- augmenter la masse musculaire dans les sports où la force explosive est primordiale (sprint, haltérophilie...). L’hormone de croissance (GH), les anabolisants stéroïdiens (A.S.), les béta2-agonistes sont les médicaments les plus utilisés dans ce but. Les conséquences de l’abus de ces produits, le plus souvent administrés à des doses supra-thérapeutiques, sont multiples, notamment cardio-vasculaires (cardiomégalie, maladie coronaire, HTA, troubles du rythme) et carcinologiques (cancers du côlon, de la prostate et du foie).

En outre, on notera des effets indésirables plus spécifiques aux A. S. (dermatologiques : acné ; psychiatriques : agressivité et dépendance ; sexuels : insuffisance testiculaire et gynécomastie chez l’homme, modification du morphotype et hypertrophie clitoridienne chez la femme) et à la GH (morphologiques : hypertrophie des mâchoires et des extrémités ; métaboliques : développement d’une insulino-résistance et de perturbations lipidiques de type hypertriglycéridémique ; endocriniennes : insuffisance thyroïdienne).

Les conséquences néfastes de ces déviances médicamenteuses sont d’autant plus à craindre lorsqu’elles sont appliquées chez les enfants en pleine croissance. Les effets désastreux de ces pratiques sont abondamment décrits dans le rapport Spitzer concernant les conséquences du dopage d’État tel qu’il était organisé dès le plus jeune âge en République Démocratique Allemande (RDA). L’étude portant sur 10 000 sportifs dopés a identifié 1 000 troubles mineurs et 500 troubles graves (changement de sexe, stérilité, cancer ...).

84. Selon le rapport, dans sa partie intitulée « les populations à risque », il est difficile de mener des études épidémiologiques sur la thématique du dopage compte tenu de l’extrême discrétion dont font preuve les intéressés. Néanmoins, des constats faits en France et certaines recherches suggèrent que ce phénomène dépasse largement le cadre du sport de haut niveau. Selon les études réalisées dans le monde, 3 à 5 % des adolescents qui suivent un entraînement quotidien ont déjà été confrontés au dopage. Le rapport cite un article de la Libre Belgique mis en ligne en 2010 selon lequel « Près de 8 % des jeunes âgés de 14 à 18 ans auraient recours à des hormones de croissance. Ils les achètent sur des sites Web belges et étrangers qui les font livrer à domicile ». De plus, il signale que si l’impact du dopage chez les adultes est moins connu, « une série d’articles ancienne révélait que la prévalence du dopage chez l’adulte était comprise entre 5 et 15 % ».

85. Les difficultés de la lutte contre le dopage sont, d’après le rapport, d’ordre scientifique, réglementaire et sociologique. Parmi les aspects scientifiques, il faut retenir que « certains produits sont le résultat d’une manipulation chimique de la structure de médicaments déjà sur le marché et effectuée par de petits laboratoires plus ou moins clandestins. (...) Plus inquiétante est l’émergence de nouveaux produits actuellement à l’étude au sein de l’industrie pharmaceutique. ». De plus, « dans un avenir peut-être proche, on peut craindre que se répandent des techniques déviantes comprenant l’utilisation de « cellules normales ou génétiquement modifiées ou le transfert d’acides nucléiques ». Les difficultés auxquelles sont enfin confrontées les organisations en charge de la lutte contre le dopage sont la vitesse de métabolisation de certains produits, comme l’EPO, et les protocoles de dopage très sophistiqués. À cet égard, le rapport explique que le dopage dans le sport de haut niveau est devenu :

« une affaire de professionnels qui connaissent bien la pharmacologie, la pharmacocinétique des substances et la physiologie de l’exercice : temps d’élimination et période pendant laquelle les produits ou leurs métabolites peuvent être détectés dans les urines, durée des effets, associations médicamenteuses aboutissant à une réduction des doses administrées ayant pour effet de réduire les fenêtres de détection. En outre, ils ont accès à des laboratoires capables de contrôler préalablement à la compétition, la présence résiduelle ou l’absence de produits illicites dans le sang et l’urine. Il est évident que les protocoles de dopage actuellement en cours, ne peuvent être établis que grâce à la contribution active de scientifiques médecins et pharmaciens ».

Le rapport relève encore les obstacles réglementaires à la lutte antidopage dont celui du rôle des fédérations, prééminent mais ambigu.

86. Le rapport insiste sur la prévention « volontariste, pertinente et massive » qui doit être mise en œuvre pour lutter contre le dopage. Cette prévention passe par le sport de haut niveau :

« La lutte contre le dopage dans le sport de haut niveau et notamment dans le sport spectacle est d’autant plus prioritaire que le champion, célébré par la presse sportive et objet de toutes les attentions par les pouvoirs politiques, fait figure de modèle pour le jeune pratiquant pour qui il représente la quintessence de la réussite sociale et financière. »

87. Il constate encore que le bien-fondé de la lutte contre le dopage fait débat et indique ce qui suit à cet égard :

« Ceux qui le mettent en doute font référence au contexte d’assistance médicamenteuse dans lequel évoluent nos sociétés contemporaines, à l’échec de la prohibition aux USA dans les années trente et au coût économique de cette démarche. C’est ainsi que la gestion du passeport sanguin coûte à l’Union Cycliste Internationale (UCI) environ 4-5 millions d’euros par an. Ses détracteurs proposent de rendre le dopage licite en le plaçant sous contrôle médical. Cette position ne semble pas tenir compte des réalités. En effet, la carrière sportive n’offre pas de solution de continuité : on ne « naît » pas sportif de haut niveau, on le devient peu à peu, grâce à son talent mais aussi à son travail et après avoir franchi de nombreuses barrières de sélection. Or, cette longue marche débute dès le jeune âge pouvant déboucher sur des comportements addictifs. En conséquence, si le dopage devient licite et apparaît indispensable pour progresser dans le sport, les enfants vont suivre l’exemple de leurs modèles magnifiés par les médias et adopter très tôt une conduite dopante potentiellement nuisible à leur santé.

Enfin, l’éthique sportive est fondée sur l’égalité des chances. Si le dopage était autorisé, les victoires et les performances des champions deviendraient en grande partie le fruit de la compétence des équipes scientifiques dont la notoriété augmenterait d’autant, au risque de voir le sportif être transformé en cobaye humain. ».

88. Les recommandations du rapport sont les suivantes : développement par l’État d’une politique volontariste de prévention du dopage, indépendamment de toutes pressions économiques, sportives ou politiques ; mise en place d’un observatoire des accidents et complications liées au dopage ; développement de toutes les collaborations possibles pour partager les informations utiles concernant les produits dopants, y compris ceux en développement, et les méthodes d’analyse permettant leur détection précoce ; introduction dans le CMAD d’un allègement du calendrier sportif ou l’établissement de normes fixant, selon les sports, une limite individuelle au nombre de participations des sportifs aux compétitions ; limitation de la compétence des fédérations internationales aux seules grandes manifestations sportives de renom effectivement international ; développement d’une politique de recherche, plus particulièrement épidémiologique, afin d’évaluer l’étendue du fléau et ses implications sanitaires ; mise en œuvre d’une formation approfondie concernant le dopage, ses méthodes et ses risques afin d’en faire le pivot essentiel de la prévention chez les jeunes ainsi que l’inscription dans le cahier des charges des sociétés de diffusion audio-visuelle des spots d’informations concernant le dopage.

EN DROIT

I. SUR LA JONCTION DES REQUETES

89. La Cour considère que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu, en application de l’article 42 § 1 de son règlement, de joindre les requêtes, eu égard à leur similitude quant aux faits et aux questions juridiques qu’elles posent.

II. SUR LES EXCEPTIONS D’IRRECEVABILITÉ DU GOUVERNEMENT

90. Le Gouvernement soulève plusieurs exceptions d’irrecevabilité dans l’affaire no 48151/11 et une exception d’irrecevabilité dans la requête no 77769/13.

A. Requête no 48158/11

1. Qualité de victime des syndicats requérants

91. Le Gouvernement soutient que les syndicats requérants ne peuvent se prétendre victimes, au sens de l’article 34 de la Convention, de mesures qui auraient porté atteinte aux droits que la Convention reconnaît à leurs membres. Il souligne que la reconnaissance de l’intérêt à agir de ces organisations devant le Conseil d’État ne se confond pas avec l’exigence que les personnes morales soient in se directement affectées par la mesure litigieuse.

92. Les syndicats requérants rappellent que leur statut prévoit la défense de leurs adhérents, lesquels sont des sportifs professionnels qui par définition sont intégrés ou ont vocation à être intégrés dans le groupe cible. La FNASS et les syndicats soulignent leur légitimité à faire valoir l’intérêt de tous les sportifs, qui, individuellement pour la plupart, n’ont pas la possibilité pratique de faire valoir leurs doléances et arguments. Ils considèrent que leur intérêt à agir au niveau national doit leur permettre de saisir la Cour en tant que responsables des conditions de l’exercice du sport à des niveaux national et international, sauf à les priver d’un recours effectif. Ils estiment qu’ils peuvent donc être considérés, a minima, comme victime potentielle au sens de l’article 34 de la Convention.

93. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 34 de la Convention, elle peut être saisie par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus par la Convention ou ses protocoles. Pour qu’un requérant puisse se prétendre victime d’une violation de la Convention, il doit exister un lien suffisamment direct entre celui-ci et la violation alléguée. La notion de « victime » est interprétée de façon autonome et indépendante des règles de droit interne telles que l’intérêt à agir ou la qualité pour agir (voir, notamment, Association de défense des intérêts du sport c. France (déc.), no 36178/03, 10 avril 2007, Stukus et autres c. Pologne, no 12534/03, § 34, 1er avril 2008, Tunnel Report Limited c. France, no 27940/07, § 24, 18 novembre 2010).

94. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le statut de « victime » ne peut être accordé à une association ou un syndicat que s’ils sont directement touchés par la mesure litigieuse (Winterstein et autres c. France, no 27013/07, § 108, 17 octobre 2013, Syndicat CFDT des services de santé et des services sociaux de Côtes d’Or et autres c. France (déc.), no 11052/06, 21 octobre 2008).

95. En l’espèce, la Cour observe que, si la FNASS et les quatre syndicats se sont vus reconnaître un intérêt à agir par le Conseil d’État pour contester l’ordonnance litigieuse, cette circonstance ne peut suffire à les considérer comme victimes au sens de l’article 34 de la Convention. Les intéressés ne sont pas directement et personnellement victimes de la violation des articles 8 et 2 du Protocole no 4 invoqués et le seul fait qu’ils aient pour objet statutaire la défense des intérêts de leurs membres ne suffit pas à leur conférer une telle qualité. Partant, en tant qu’elle a été introduite par la FNASS, Provale, l’UNFP, l’AJPH et la SNB, la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

2. Qualité de victime des requérants individuels

96. A la lumière des précisions apportées sur la situation des intéressés au regard de la législation critiquée, le Gouvernement considère que les huit requérants n’ayant jamais été placés dans le groupe cible de l’AFLD ne peuvent se prétendre victimes d’une violation de la Convention au sens de l’article 34 de la Convention. Il précise que leur appartenance au groupe cible de l’IRB ne leur confère pas davantage la qualité de victime car cette fédération a son siège en Irlande et échappe donc à la juridiction de l’État français. Il estime en outre que l’éventualité que l’AFLD ou la Fédération française de rugby leur inflige une sanction disciplinaire est hypothétique.

97. S’agissant des quatre-vingt-onze autres requérants, le Gouvernement souligne que l’appréciation à porter sur leur situation est nécessairement évolutive, compte tenu de la durée de validité d’une inscription dans le groupe cible, limitée à un an depuis l’adoption de l’ordonnance du 14 avril 2010 sous réserve d’un éventuel renouvellement. Le Gouvernement indique qu’il est exact que les quatre-vingt-onze sportifs ont été à un moment ou à un autre inclus dans le groupe cible de l’AFLD. Il rappelle toutefois que seuls onze d’entre eux appartenaient au groupe cible de l’AFLD à la date d’introduction de la requête devant la Cour ainsi qu’à celle de sa communication par la Cour (paragraphe 13 c) ci-dessus). Le Gouvernement soutient enfin que les délibérations de l’AFLD en date des 4 septembre 2014 et 22 octobre 2014 (paragraphe 14 ci-dessus) constituent des faits nouveaux que les cinq requérants concernés auraient dû porter à la connaissance de la Cour. Il considère que la radiation de leur nom de la liste du groupe cible prive d’effet ou d’objet la violation de l’article 8 qu’ils invoquent. Eu égard à cette circonstance nouvelle, il invite la Cour à considérer que les cinq intéressés ont perdu la qualité de victime au sens de l’article 34 de la Convention.

98. S’agissant des huit sportifs appartenant au groupe cible de l’IRB, les requérants précisent que si l’AFLD ne gère pas directement leur localisation, le code du sport lui donne la possibilité de les sanctionner. Ils ajoutent qu’ils pourraient intégrer ou réintégrer le groupe cible de l’AFLD. Dans ces conditions, ils estiment être victimes au sens de l’article 34 de la Convention.

99. Les vingt-quatre requérants mentionnés au paragraphe 16 ci‑dessus affirment être victimes car ils étaient membres du groupe cible au moment du dépôt de la requête devant la Cour.

100. Les autres requérants indiquent qu’ils se sont joints à la procédure devant la Cour pour la seule raison qu’ils avaient intégré le groupe cible après la décision du Conseil d’État.

101. La Cour constate qu’elle est saisie de deux demandes d’exception d’irrecevabilité de la part du Gouvernement : la première concerne les huit requérants faisant partie du groupe cible de l’IRB mentionnés au paragraphe 15 ci-dessus ; la seconde se fonde sur la perte de qualité de victime des cinq requérants mentionnés au paragraphe 14 ci-dessus, au motif qu’ils n’auraient pas informé la Cour de leur radiation du groupe cible prononcée en 2014.

102. La Cour observe à cet égard que l’obligation de localisation critiquée par les requérants est prévue par l’article L. 232-15 du code du sport et la délibération no 54 qui énoncent que les sportifs constituant le groupe cible désignés pour une année sont tenus de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation. Dans ces conditions, elle considère que seuls les requérants qui faisaient partie de ce groupe au moment de l’introduction de la requête, soit le 23 juillet 2011, peuvent se prétendre victimes au sens de l’article 34 de la Convention. Ainsi, elle exclut que tel était le cas des huit requérants de l’IRB. Par ailleurs, et eu égard aux éléments dont elle dispose, elle considère que seuls les requérants mentionnés aux paragraphes 13 c) et d) et 16 b) ci-dessus peuvent se prétendre victimes au titre de l’article 34. Enfin, s’agissant de la qualité de victime des cinq requérants mentionnés au paragraphe 14 ci-dessus, la Cour retient que les intéressés faisaient partie du groupe cible à la date d’introduction de la requête et qu’il n’est pas contesté qu’ils ont été soumis à l’obligation de localisation et à des contrôles qui ont abouti à des avertissements. Elle considère donc que leur radiation du groupe cible en 2014 n’est pas de nature à leur faire perdre la qualité de victime, l’appartenance à ce groupe étant par définition limitée dans le temps. La Cour rejette donc la deuxième exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement.

103. En conclusion, en tant qu’elle a été introduite par MM. Da Silva, Gomis, Ho You Fat, Perquis, Congre, Coulibaly, Cavalli, Cabarry, Huget, Honrubia, Gharbi, Kerckhof, Busselier, Ternel, Kiour et Haon (« les requérants » pour la suite du présent arrêt), la requête est compatible ratione personae avec les dispositions de la Convention. S’agissant des autres requérants individuels, elle doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

3. Sur l’épuisement des voies de recours internes

104. Le Gouvernement demande à la Cour de rejeter la requête pour non épuisement des voies de recours internes à l’égard des soixante-quinze requérants qui n’ont pas saisi le Conseil d’État en vue d’obtenir l’annulation des dispositions litigieuses de l’ordonnance du 14 avril 2010 (paragraphe 11 ci-dessus).

105. À titre subsidiaire, le Gouvernement estime que certains griefs exposés par les requérants dans leurs observations n’ont pas été invoqués devant le Conseil d’État et qu’ils doivent être également rejetés pour non épuisement des voies de recours internes : il s’agit du grief relatif au traitement automatisé des informations relatives à la localisation du sportif et de celui portant sur l’atteinte à la santé des sportifs et à la liberté de prescription des praticiens du fait de la procédure d’autorisation à usage thérapeutique de médicament.

106. Les requérants qui n’ont pas saisi le Conseil d’État indiquent qu’ils ont été intégrés au groupe cible a posteriori, et qu’il était vain d’introduire un nouveau recours devant cette juridiction.

107. La Cour observe que onze requérants parmi ceux qu’elle a déclaré victimes au sens de l’article 34 de la Convention n’ont pas exercé de recours devant le Conseil d’État. Cela tient au fait qu’ils n’étaient pas encore inscrits dans le groupe cible (paragraphe 13 c) ci-dessus) au moment de l’introduction du recours en annulation contre l’ordonnance du 14 avril 2010 le 1er juin 2010. Dans ces circonstances, et eu égard à la décision de rejet prononcée par le Conseil d’État le 24 février 2011, la Cour considère qu’ils n’étaient pas tenus de saisir à nouveau cette juridiction d’un recours manifestement voué à l’échec. Il convient donc de rejeter l’exception.

108. À titre surabondant, la Cour indique que les griefs cités par le Gouvernement au paragraphe 105 ci-dessus ont été déclarés irrecevables le 26 juin 2013 par le président de la section siégeant en tant que juge unique (paragraphe 4 ci-dessus) au motif qu’ils avaient été formulés tardivement pour la première fois dans un mémoire complémentaire du 15 mars 2013. En conséquence, la Cour ne les examinera pas malgré les observations faites par les parties sur ces deux questions. Si tel était également le cas du grief relatif au droit au respect de la « vie privée », il convient cependant de considérer qu’il touche un aspect particulier du grief initial soulevé dans le délai sous l’angle du droit au respect de la « vie familiale », et, qu’à ce titre, il peut être examiné par elle (voir, par exemple, Paroisse gréco-catholique Sâmbata Bihor c. Roumanie (déc.), no 48107/99, 25 mai 2004).

B. Requête no 77769/13

109. Le Gouvernement soutient que la radiation de la requérante du groupe cible, le 9 avril 2015, élément qu’elle n’a pas porté à la connaissance de la Cour, lui a fait perdre la qualité de victime au sens de l’article 34 de la Convention.

110. La requérante n’a pas fourni d’observations sur ce point.

111. La Cour observe que la requérante était incluse dans le groupe cible au moment de l’introduction de la requête et qu’elle a été soumise à l’obligation de localisation contestée. Dans ces conditions, elle juge que sa radiation de ce groupe en 2015 n’est pas de nature à lui faire perdre la qualité de victime (paragraphe 102 ci-dessus). La Cour rejette en conséquence l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

112. Les requérants et la requérante allèguent que l’obligation de localisation porte atteinte à l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

A. Sur la recevabilité

113. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle le déclare donc recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

a) Requête no 48151/11

i. Les requérants

114. Les observations ont été présentées dans un premier mémoire au nom de l’ensemble des requérants. Le mémoire complémentaire concerne spécifiquement les requérants MM. Da Silva et Kerckhof et contient des arguments qui seront présentés, pour les distinguer, par la mention « les deux requérants ».

115. Les requérants soutiennent que le dispositif de localisation les astreint à communiquer des renseignements précis sur leur emploi du temps entre 6 et 21 heures ou, reprenant la formule de l’article L. 232-14 du code du sport, « à tout moment dès lors que ces lieux sont ouverts au public ou qu’une manifestation sportive ou entraînement y préparant est en cours ». Ils considèrent que cette contrainte constitue une ingérence dans leur droit au respect de leur vie familiale, de leur vie privée et de leur domicile.

116. Ils rappellent que les informations à transmettre concernent leur emploi du temps quotidien, y compris celui du week-end, des jours fériés ou des vacances. Concrètement, cela inclut aussi l’endroit où ils dorment car ils ne sont pas nécessairement levés à 6 heures du matin. Ils rappellent aussi que les informations visent tous les lieux de séjour comme le domicile, les résidences provisoires, les hôtels même sans lien avec l’activité sportive, et donc aussi les lieux de vacances, y compris à l’étranger. Les requérants font remarquer que la loi aligne les horaires de localisation antidopage sur les horaires des perquisitions domiciliaires et dénoncent une surveillance permanente. Ils ajoutent que le créneau horaire d’une heure qu’ils doivent indiquer pour la réalisation de contrôles individualisés n’empêche pas les contrôles à tout moment, ainsi que le prévoit l’article L. 232-14 du code du sport et l’article 3 de la délibération no 54 (paragraphes 64 et 69 ci-dessus).

117. Les requérants font valoir que l’obligation de localisation supprime le droit du sportif de profiter des rares moments où il pourrait mener une vie familiale normale, compte tenu des contraintes propres à son métier (travail durant le week-end, déplacements sur les lieux de compétition, périodes d’entraînement). Leur mode de vie serait également atteint car ils sont contraints dans leur choix de lieu de vie privée : à titre d’exemple, ils indiquent qu’ils ne peuvent pas faire de randonnée, de campement ni se tenir à distance de plus de vingt-quatre heures d’un lieu pouvant se prêter à un contrôle.

118. Les requérants dénoncent enfin une atteinte à leur domicile, du fait de l’imbrication entre la vie professionnelle et la vie privée engendrée par l’obligation de localisation. Ils estiment, d’une part, que les lieux d’entraînement et de compétition sur lesquels peuvent être réalisés des contrôles constituent des locaux professionnels soumis aux garanties protégées par l’article 8. Ils expliquent, d’autre part, que pour pouvoir transmettre, au titre du créneau de soixante minutes (article 3 de la délibération no 54, paragraphe 69 ci-dessus), un lieu propice au contrôle et répondant aux critères de respect de leur vie privée et de leur intimité a fortiori les week-ends, jours fériés et pendant les vacances, ils se trouvent de facto sinon de jure obligés de placer leur créneau horaire à leur domicile privé. Au regard de cet élément, ils affirment que c’est en réalité sans leur accord que le contrôle est susceptible d’avoir lieu à leur domicile.

119. Les requérants considèrent que l’ingérence est prévue par l’ordonnance du 14 avril 2010, qui a valeur de loi au sens de la jurisprudence de la Cour. Ils dénient à la délibération no 54 une telle qualification. Ils font valoir à cet égard que leur requête vise à contester les contraintes fixées par la loi et non celles que l’AFLD se fixe à elle‑même et qui sont susceptibles d’évoluer par simple délibération. Ils donnent pour exemple le créneau journalier prévu uniquement par une délibération de l’AFLD. Ils indiquent que cette agence pourrait décider, par exemple, en l’absence de valeur contraignante de la Convention de l’UNESCO, par une délibération de même nature, de demander aux sportifs de se rendre disponible pour une durée de trois heures.

120. Selon les requérants, l’obligation de localisation des sportifs professionnels ne répond pas à un problème de santé publique plus important que celui qui touche les sportifs amateurs. Au demeurant, la santé des sportifs professionnels est déjà assurée grâce à un suivi médical de qualité, des contrôles inopinés sur les lieux d’entraînement et de compétition, et des suivis biologiques organisés par les fédérations. En outre, et à titre de comparaison, ils font valoir qu’aucune mesure coercitive n’est prise à l’égard du problème majeur de santé publique que constituent le tabagisme et l’alcoolisme. Les deux requérants affirment encore qu’il est incohérent d’interdire le dopage et de promouvoir des pratiques sportives qui causent du tort aux athlètes, comme la boxe ou le football américain. Ils ajoutent que, par définition, les sports de haut niveau sont des sports à risque qui peuvent nuire à la santé des sportifs à long terme. Ils soutiennent enfin que les produits consommés ne sont pas nuisibles à la santé des sportifs dès lors qu’ils peuvent être prescrits à tout citoyen.

Les deux requérants considèrent que l’invocation par le Gouvernement et l’AMA dans leurs observations de la dimension éthique de la lutte antidopage est à nuancer car le dopage est un phénomène structurel lié à la professionnalisation et à la commercialisation du sport. La lutte contre le dopage se bornerait à protéger les intérêts économiques du « spectacle sportif ».

121. Quant à la nécessité de l’ingérence, les requérants font valoir ce qui suit. En premier lieu, se référant au constat fait par la commission sénatoriale de l’absence d’étude épidémiologique en matière de produits dopants et de risques sanitaires encourus (paragraphe 76 ci-dessus), ils estiment qu’il n’a jamais été démontré que les substances interdites n’étaient décelables que sur une très courte période et qu’il faudrait dès lors opérer des prélèvements chaque jour y compris le week-end.

122. Les requérants soutiennent, deuxièmement, que les statistiques concernant les contrôles hors compétitions démontrent que les résultats positifs aux produits dopants sont extrêmement faibles. Sur ce point, ils citent une étude réalisée dans neuf pays d’Europe par Uni Global Union (Fédération mondiale des syndicats sportifs) sur une année qui fait apparaître que sur 13 738 contrôles au cours des compétitions, 222 cas positifs ont été relevés alors que sur 17 166 contrôles en dehors des compétitions, seules 28 violations aux règles antidopage ont été relevées.

123. Les requérants soulignent troisièmement que l’ingérence litigieuse est en tout état de cause disproportionnée au regard du but de protection de la santé puisque, en tant que sportifs professionnels salariés, ils font déjà l’objet d’un contrôle au titre de la médecine du travail. Ils rappellent qu’ils travaillent sous la responsabilité et la subordination d’un employeur, et que des contrôles inopinés peuvent être diligentés sur leurs lieux de travail près de onze mois sur douze. Par ailleurs, ils considèrent qu’ils sont sous l’emprise d’une législation dérogatoire au droit commun : aucune autre catégorie professionnelle ne serait soumise à de telles obligations intrusives sous peine de sanctions disciplinaires sévères. Les requérants citent à titre d’exemple les militaires, les médecins, les pilotes d’avion, et les responsables d’industrie et les politiciens.

124. Les deux requérants dénoncent l’inefficacité de la lutte antidopage mise en place. D’une part, ils soulignent l’accroissement spectaculaire de la production industrielle de produits dopants et le retard des contrôles sur la technologie industrielle pharmaceutique : les contrôleurs chercheraient des produits que les sportifs n’utilisent plus et les sportifs absorberaient des produits que les contrôleurs ne cherchent pas encore. D’autre part, ils soulignent le rôle ambigu des fédérations sportives, nationales et internationales, dans la lutte contre le dopage, et leur faible pouvoir d’action en tant que personnes privées.

125. Les deux requérants font également valoir que leur sort est comparable à celui des auteurs d’infractions sexuelles inscrits sur un fichier ou des personnes munies d’un bracelet électronique qui doivent se localiser. Le sportif de haut niveau serait présumé potentiel « dopé ».

126. Les deux requérants considèrent encore que le consensus international qui plaiderait en faveur des contrôles inopinés, et sur lequel se fondent l’AMA et le Gouvernement, est un faux consensus. Les États ne peuvent être juridiquement liés par le CMAD qui émane d’une fondation de droit privé ; s’ils ont finalement ratifié la Convention de l’UNESCO, c’est sous la pression et pour permettre leur candidature à l’organisation de Jeux Olympiques ou de championnats du monde.

127. Les deux requérants soulignent que le système de localisation d’une heure par jour décrit par l’AMA dans ses observations (paragraphe 150 ci-dessous) ne correspond pas entièrement au système mis en place par elle ni à celui de la France. Ils estiment qu’un système de contrôle moins attentatoire aux droits des sportifs pourrait être mis en place : prise en compte de la gravité des infractions soupçonnées, obligation de localisation uniquement après une première violation du CMAD, possibilité d’une « période de vacances » sans obligation de localisation après le point culminant de la saison, libre choix entre l’obligation de fournir les lieux de résidence ou une période quotidienne de disponibilité de soixante minutes, renforcement de l’action des États pour lutter contre la production clandestine de dopants et le trafic.

128. Enfin, les deux requérants insistent sur le fait qu’ils n’ont pas donné leur consentement au système de contrôle mis en place, et n’ont renoncé à leur droit au respect de leur vie privée que de manière viciée et non éclairée. Ils font valoir qu’ils ne peuvent obtenir un contrat de travail de sportif professionnel sans être affilié à une fédération sportive qui applique le CMAD et le système de localisation.

ii. Le Gouvernement

129. Le Gouvernement considère que les requérants se méprennent sur la portée de l’obligation de localisation. Si le standard international de l’AMA (point 11.1.4, paragraphe 52 ci-dessus) pose en principe que le sportif doit être disponible pour un contrôle à tout moment, une telle disposition ne figure ni dans le code du sport ni dans la délibération no 54. En France, est exigé du sportif qu’il fournisse à titre prévisionnel un emploi du temps trimestriel ménageant, quotidiennement, un lieu et un créneau horaire de soixante minutes de son choix, durant lesquels il est susceptible de faire l’objet d’un contrôle individualisé, créneau compris entre 6 et 21 heures.

130. Le Gouvernement reconnaît que l’obligation de localisation quotidienne entre 6 et 21 heures constitue une ingérence dans la vie privée et familiale des personnes concernées.

131. Cette ingérence est prévue par la loi. Cette dernière comprend les articles L. 232-5, L. 232-14 et L. 232-15 du code du sport (paragraphe 61 ci‑dessus, qui renvoie aux paragraphes 8 et 10 ci-dessus, et, paragraphe 64 ci-dessus) ainsi que, contrairement à ce qu’affirment les requérants, la délibération no 54 de l’AFLD publiée au Journal officiel de la République française et sur son site Internet. Selon le Gouvernement, ces textes, législatif et réglementaire, détaillent de manière précise les obligations critiquées. Il souligne que la jurisprudence du Conseil constitutionnel admet qu’une autorité administrative indépendante soit investie d’une compétence réglementaire, et que le règlement disciplinaire type (mentionné à la fin de l’article 13 de la délibération no 54, paragraphe 69 ci-dessus) habilite l’AFLD à intervenir en matière de localisation (paragraphe 68 ci-dessus). Dans cette matière, l’AFLD doit se conformer aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes, y compris les traités et engagements internationaux, au nombre desquels figurent la Convention du Conseil de l’Europe et la Convention de l’UNESCO.

132. L’ingérence poursuit le double objectif de protection de la santé des sportifs et de la garantie de l’équité et de l’éthique des compétitions sportives. Ces objectifs ont une valeur quasi universelle ainsi que le reflète le préambule de la Convention de l’UNESCO (paragraphe 53 ci-dessus) et sont conformes aux buts énoncés au paragraphe 2 de l’article 8 au titre de « la protection de la santé et de la morale ». Concernant la protection de la santé, le Gouvernement soutient que le fait de limiter l’obligation de localisation aux professionnels ne signifie pas que les pouvoirs publics se désintéressent de la situation des sportifs amateurs. Par ailleurs, il souligne que ce n’est pas l’utilisation du médicament en tant que tel qui est dangereux pour la santé, mais bien son usage détourné pour des fins autres que thérapeutiques. Le Gouvernement réfute la thèse selon laquelle le dopage devrait être autorisé lorsqu’il est « médicalement bien encadré ». Il s’agirait d’une incitation au retour de pratiques auxquelles la communauté sportive et les États ont entendu tourner le dos. La compétition sportive ne saurait devenir un affrontement entre laboratoires par athlètes interposés. Pour ce qui est de la morale, le Gouvernement récuse l’idée selon laquelle la lutte contre le dopage se bornerait à protéger les intérêts économiques du « spectacle sportif » sans se soucier de l’éthique. Le fait que le sport ne soit pas à l’abri de certains excès, ne doit pas conduire à les tolérer, au risque d’en accroître les effets délétères mais bien davantage à y faire face au nom précisément de l’éthique.

133. Le Gouvernement soutient que les restrictions litigieuses sont nécessaires et proportionnées pour lutter contre les nouvelles méthodes de dopage. Certaines substances interdites, comme l’hormone de croissance ou l’EPO, ont une vie très courte et deviennent indétectables au bout de quelques jours voire de quelques heures, et les méthodes de contournement sont nombreuses. Il indique qu’il existe un large consensus international sur la nécessité des contrôles inopinés et les modalités selon lesquels ils doivent s’exercer : engagements pris par les États lors de la ratification de la Convention de l’UNESCO, adhésion au CMAD de 660 organismes représentant l’ensemble des acteurs de la lutte antidopage (à l’exception des ligues sportives professionnelles des États-Unis) et de l’AFLD (paragraphe 68 ci-dessus). Il en conclut que les États disposent d’une marge d’appréciation importante au regard de l’ingérence litigieuse.

134. Quant à la proportionnalité des mesures, le Gouvernement souligne ce qui suit :

- les contrôles ne concernent en France qu’un nombre restreint de sportifs, le pourcentage de sportifs appartenant au groupe cible de l’AFLD (en 2011, 556 sportifs, 728 en 2012 en vue des Jeux Olympiques de Londres) au regard de la population nationale est l’un des plus faibles parmi les 28 États de l’Union ;

- la décision d’inscription dans le groupe cible est précédée d’une phase contradictoire. Elle est prise par le collège de l’AFLD, doit être motivée et peut être soumise au contrôle du juge administratif ;

- la durée d’inscription est circonscrite puisqu’elle est annuelle. Une réinscription implique un réexamen de la situation de l’intéressé ;

- la localisation peut être modifiée jusqu’à la veille à 17 heures du jour concerné, voire jusqu’au début du créneau de soixante minutes indiqué par l’intéressé en cas de circonstances exceptionnelles ;

- le contrôle n’a lieu au domicile de l’intéressé que si celui-ci y consent et il ne doit donner des informations que sur ce lieu et non sur sa vie privée et familiale ;

- la sanction ne concerne que l’absence du sportif au lieu indiqué pour le créneau horaire ; les sanctions, administratives et non pénales, sont proportionnées : elles ne sont engagées qu’au bout du troisième manquement durant une période de dix-huit mois et la première omission n’est pas considérée comme un manquement ;

- le taux peu élevé de contrôle positif s’interprète dans une large mesure comme le signe de l’efficacité et de l’impact dissuasif des moyens mis en œuvre et parmi eux des contrôles effectués à partir des informations de localisation.

135. En réponse aux observations des deux requérants quant à l’absence de consentement du sportif sur le système mis en place, le Gouvernement fait observer que la réglementation s’applique non sur le fondement d’une adhésion du sportif aux règles édictées mais en vertu de la loi et des règlements. Par ailleurs, il considère que les requérants entretiennent une confusion entre le principe de l’inviolabilité du domicile qui ne trouve pas à s’appliquer en cas de « consentement », et la renonciation à un droit conventionnellement garanti.

136. En réponse à l’argument des requérants selon lequel les sportifs professionnels ne seraient pas les « bonnes personnes » à contrôler, le Gouvernement indique que ce n’est pas leur qualité de professionnel qui les soumet à la législation mais celle de sportif, et que les contrôles n’ont pas pour objet de démontrer leur aptitude à un poste de travail mais poursuivent un objectif de santé publique. C’est la raison pour laquelle ces contrôles ne sont pas confiés à l’employeur mais à une autorité publique indépendante.

137. Le Gouvernement ajoute que le parallèle fait par les deux requérants avec le bracelet électronique est fallacieux car, contrairement à ce qu’ils affirment, il n’y a pas de surveillance permanente du sportif. Celui‑ci a toute latitude pour organiser sa vie privée et familiale pour autant qu’il ménage dans son emploi du temps un créneau de soixante minutes qui peut porter sur une période et un lieu qui reste à sa discrétion ; la détermination de ce lieu ne signifie nullement qu’il est tenu d’informer l’AFLD de l’ensemble des lieux qu’il est amené à fréquenter. L’application du dispositif en période de congé ou de vacance est par ailleurs justifiée par l’efficacité du dispositif.

b) Requête no 77769/13

i. La requérante

138. La requérante soutient que son inscription dans le groupe cible à compter de 2008 constitue une atteinte grave et répétée à sa vie privée. Elle précise que les contrôles inopinés ont en réalité lieu à son domicile ou à son domicile provisoire lors de ses déplacements car c’est le seul endroit fixe et certain de localisation. Elle considère que cette obligation a eu des conséquences sur tous les membres de sa famille et qu’elle est donc également attentatoire à la vie familiale.

139. La requérante estime que cette ingérence n’est pas prévue par la loi. À cet égard, elle indique que l’ordonnance du 14 avril 2010 précitée ne prévoit pas que les inscriptions dans le groupe cible peuvent être renouvelées au-delà de la période d’un an. Elle fait également valoir que, jusqu’en 2012 (paragraphe 28 ci-dessus), l’autorité compétente pour procéder à l’inscription des sportifs dans le groupe cible n’était pas clairement désignée, ce qui était source de décisions autoritaires et arbitraires. La requérante ajoute que la loi ne définit pas la nature et le contenu des contrôles inopinés : l’AFLD agirait hors cadre légal et procéderait à des contrôles urinaires, sanguins et au suivi biologique sans avertissement et sans demander d’autorisation.

140. La requérante soutient que l’obligation de localisation ne poursuit pas un but de santé publique. Elle ne protège pas la santé des athlètes car elle les soumet à un stress permanent destructeur de la santé physique et psychique. Les prélèvements à répétition, - elle affirme en avoir subi un tous les trois ou quatre jours -, endommagent les veines et la capacité du bras, et associés à des entraînements, aboutissent à une fatigue intense qui met en danger le sportif. Elle fait valoir qu’un sportif professionnel prend davantage soin de sa santé qu’un individu sédentaire pour en déduire que la santé des athlètes n’a pas de réelle raison d’être protégée, pas plus que celle d’une femme enceinte qui fume, boit ou se drogue, ou celle d’un étudiant qui se drogue pour réussir. La requérante ajoute que depuis la mise en place du groupe cible, il n’y a quasiment pas eu de cas de dopage révélés par des contrôles inopinés. Elle soutient que la création d’un tel groupe est en opposition avec les principes de loyauté et d’équité puisqu’elle stigmatise les uns « présumés coupables » face aux autres, libres de leurs mouvements et de leurs agissements. Elle considère enfin que son inscription dans un tel groupe était discriminatoire à cause de son âge et de son sexe, et le contraire de l’équité, alors qu’elle a représenté dignement la France dans un nombre innombrable de compétitions.

141. Quant à la nécessité de la mesure, elle souligne premièrement que seuls des contrôles faits dans de réelles conditions de hasard en dehors de la saison sportive et pour tous les sports pourraient s’avérer efficaces. Elle indique deuxièmement qu’il n’y a pas de raison de désigner toujours les mêmes pour composer le groupe cible, qui est déjà restreint, et affirme que sa situation n’a pas été réexaminée après la décision de relaxe dont elle a bénéficié. Elle considère que son renouvellement médiatisé dans le groupe cible après sa relaxe était constitutif d’une atteinte à sa présomption d’innocence. Elle dénonce troisièmement le voyeurisme de l’AFLD qui sait en permanence où est l’athlète et ce qu’il fait, ce qui rend tout imprévu interdit (repas qui se prolonge, rencontre inopinée, fatigue passagère, problème familial etc...). Elle désigne en particulier les contrôles dans les hôtels, intrusifs et humiliants car à la vue de tout le monde. Elle ajoute que les membres de la famille ne sont pas épargnés et qu’ils subissent la réalité des contrôles, à l’instar d’un repris de justice à son domicile. La requérante souligne, quatrièmement, que les modifications de dernière minute du créneau horaire sont interdites par téléphone, et que les proches ne peuvent pas modifier celui-ci par email au dernier moment. Cinquièmement, elle affirme qu’aucun accord n’est demandé pour la venue d’un contrôleur au domicile, à l’hôtel ou dans la famille du sportif.

142. La requérante affirme être la seule sportive inscrite en permanence dans le groupe cible depuis 2008 et considère que le rejet de sa demande de non renouvellement est disproportionnée, car elle n’a jamais commis un acte constituant un trouble à l’ordre public ou un fait de dopage. Elle dénonce le fonctionnement de l’AFLD qu’elle considère opaque : elle estime que devraient être portés à la connaissance du public le nom des athlètes inscrits, la discipline, les motifs de l’inscription, le nombre de manquement, les échantillons prélevés, la durée de leur conservation et la notification de leur destruction, sans quoi ne peut être vérifié le respect des règles d’égalité et d’équité pour chaque sport et pour chaque catégorie de sportifs. Elle regrette également de ne pas pouvoir recevoir le résultat de ses analyses et en déduit que l’AFLD entretient volontairement l’anxiété dans un but autre que la protection de sa santé.

143. La requérante estime qu’en suivant le raisonnement du Gouvernement dans ses observations, qui justifie son inscription dans le groupe cible au regard de ses palmarès et de sa longévité, elle aurait pu être dans le groupe cible depuis 1979 avec tous les titres obtenus chaque année et y serait restée pendant plus de trente-cinq ans. Or, sa longévité est la preuve scientifique qu’elle n’a jamais utilisé de produits dangereux.

ii. Le Gouvernement

144. Le Gouvernement reprend les observations qu’il a formulées dans la requête des requérants (paragraphes 129 à 137 ci-dessus) et précise, s’agissant de la requérante, que son maintien dans le groupe cible était bien-fondé compte tenu de son palmarès, très fourni et d’une longévité exceptionnelle - l’intéressée ayant remporté de nombreuses épreuves entre 2008 et 2011- , de la perspective de sa sélection aux Jeux Olympiques de Londres en 2012, des trois manquements relevés à son encontre et de la mise en cause de son mari dans le cadre d’une enquête préliminaire relative à l’importation de substances prohibées.

145. Le Gouvernement souligne qu’il n’est pas rare qu’un sportif de haut niveau demeure astreint à donner des informations sur sa localisation pendant plusieurs années.

146. Il produit un tableau récapitulatif des contrôles et prélèvements dont a fait l’objet la requérante entre 2008 et 2013 soit vingt contrôles ayant donné lieu à trente-trois prélèvements, ce qui diffère du chiffre qu’elle a avancé devant la Cour.

147. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement conclut à la non violation de l’article 8 de la Convention.

2. Arguments du tiers intervenant dans la requête no 48151/11

148. L’AMA, en sa qualité d’intervenante, fait valoir que la lutte anti dopage est nécessaire pour préserver l’égalité des chances entre les sportifs et protéger leur santé. Elle indique que les pratiques dopantes sont combattues dans le monde entier, tant par les Gouvernements que par le monde sportif qui ont adopté les instruments internationaux en la matière (Convention du Conseil de l’Europe, CMAD et Convention de l’UNESCO). Elle soutient qu’il existe un consensus sur l’absolue nécessité de procéder à des contrôles hors compétition, qui ne sont pas possibles sans le système de localisation. La conduite de tels contrôles est d’ailleurs prévue par ces instruments. Elle ajoute que cette politique correspond à la volonté des sportifs.

149. Les nouvelles pratiques de dopage, qui permettent notamment à des sportifs de s’adonner au dopage pendant leur période de préparation et de continuer à bénéficier des effets de celui-ci pendant la compétition alors qu’il n’est plus détectable, rendent le contrôle hors compétition indispensable. Certains athlètes consomment par ailleurs des micro-doses de certaines substances (EPO, stéroïde) indétectables lors des compétitions. Il convient aussi de ménager un effet de surprise aux contrôles hors compétition pour tenir de compte de manipulations, comme l’hyperhydratation, la dilution du sang ou la substitution d’urine, qui permettent de masquer ou de rendre indétectable une substance prohibée dans un laps de temps très court.

150. Le contrôle hors compétition implique nécessairement, selon l’AMA, un système de localisation précis mais compatible avec la vie privée des sportifs. Il en est ainsi car 1) seuls les sportifs inscrits dans le groupe cible sont concernés par les obligations de localisation ; 2) avant 2009, les sportifs pouvaient être contrôlés à tout moment. Depuis lors, la fenêtre durant laquelle les contrôles peuvent être opérés est limitée entre 6 et 23 heures, période réduite en France entre 6 et 21 heures, et les sportifs doivent se rendre disponibles uniquement durant une période de soixante minutes ; 3) le sportif a le choix du lieu où il souhaite être contrôlé durant la période de soixante minutes qu’il a lui-même choisie et qui n’est pas nécessairement son domicile ; 4) le système est suffisamment souple pour que le sportif puisse indiquer ses changements de localisation facilement ; 5) sur le plan des sanctions, il faut au moins trois violations pour qu’une procédure disciplinaire soit intentée. En définitive, selon l’AMA, les sportifs conservent une entière liberté 23 heures sur 24 puisque seule une période de soixante minutes doit être indiquée.

3. Appréciation de la Cour

a) Sur l’applicabilité de l’article 8 de la Convention et l’existence d’une ingérence dans la vie privée et familiale

151. La Cour observe que les parties s’accordent à considérer que l’obligation de localisation constitue une ingérence dans les droits garantis par l’article 8 de la Convention. Toutefois, il lui incombe de délimiter cette ingérence, le système de localisation litigieux touchant à plusieurs aspects de la vie privée, voire de la vie privée sociale, et se répercutant sur la vie familiale, protégés par l’article 8.

i. Principes généraux

152. La Cour rappelle que les notions de vie privée et familiale sont des notions larges qui ne peuvent faire l’objet d’une définition exhaustive (Hadri-Vionnet c. Suisse, no 55525/00, § 51, 14 février 2008). La notion de « vie familiale » implique que les intéressés puissent mener une vie familiale normale (Marckx c. Belgique, 13 juin 1979, § 31, série A no 31). La notion de « vie privée » est initialement comprise comme le droit à l’intimité, c’est-à-dire le droit de vivre autant qu’on le désire à l’abri des regards étrangers (X. c. Islande, no 6825/74, décision de la Commission du 18 mai 1976, D R 5 p. 88) ou le droit de vivre en privé, loin de toute attention non voulue (Smirnova c. Russie, nos 46133/99 et 48183/99, § 95, CEDH 2003-IX).

153. Cette disposition protège le droit à l’épanouissement personnel, que ce soit sous la forme du développement personnel ou sous celle de l’autonomie personnelle, qui reflète un principe important sous-jacent dans l’interprétation des garanties de l’article 8 (Bărbulescu c. Roumanie [GC], no 61496/08, § 70, 5 septembre 2017 et les affaires citées). Elle englobe le droit pour tout individu d’aller vers les autres afin de nouer et développer des relations avec ses semblables et le monde extérieur, soit le droit à une « vie privée sociale », et peut inclure les activités professionnelles ou les activités qui ont lieu dans un contexte public (idem, §§ 70 et 71). Selon la Cour, « il existe donc une zone d’interaction entre l’individu et autrui qui, même dans un contexte public, peut relever de la « vie privée » (Peck c. Royaume-Uni, no 44647/98, § 57, CEDH 2003-I, Uzun c. Allemagne, no 35623/05, § 43, CEDH 2010 (extraits)).

154. La Cour rappelle également que tout comme la « vie privée », la notion de « domicile » figurant à l’article 8 de la Convention est un concept autonome, qui ne dépend pas des qualifications du droit interne, mais est défini en fonction des circonstances factuelles, notamment par l’existence de liens suffisants et continus avec un lieu déterminé (Prokopovitch c. Russie, no 58255/00, § 36, CEDH 2004‑XI (extraits)). Le domicile est normalement le lieu, l’espace physiquement déterminé où se développe la vie privée et familiale. L’individu a droit au respect de son domicile, conçu non seulement comme le droit à un simple espace physique mais aussi comme le droit à la jouissance, en toute tranquillité, de cet espace (Giacomelli c. Italie, no 59909/00, § 76, CEDH 2006‑XII). À ce titre, il est notamment protégé des atteintes matérielles ou corporelles, telles que l’entrée dans le domicile d’une personne non autorisée (idem). La notion de « domicile » se prête à une interprétation extensive et peut s’appliquer à une résidence de vacances (Demades c. Turquie, no 16219/90, §§ 31 à 34, 31 juillet 2003 et Fägerskiöld c. Suède, no 37664/04, 26 février 2008). La Cour n’a pas exclu qu’une loge d’artiste ou une chambre d’hotel puissent être assimilées à un «domicile » (Hartung c. France (déc.), no 10231/07, 3 novembre 2009 et O’Rourke c. Royaume-Uni (déc.), no 39022/97, 26 juin 2001). Enfin, la notion de domicile n’est pas limitée aux lieux d’habitation où se déroule la vie privée. Elle comprend le domicile professionnel car interpréter les mots « vie privée » et « domicile » comme incluant certains locaux ou activités professionnels ou commerciaux répond à l’objet et au but essentiels de l’article 8 : prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics » (Niemietz c. Allemagne, 16 décembre 1992, § 31, série A no 251‑B).

ii. Application en l’espèce

155. En l’espèce, la Cour observe que l’obligation de localisation litigieuse, telle que déterminée à l’époque des faits, impose aux sportifs placés dans le groupe cible de donner pour le trimestre à venir, via le système ADAMS (Anti-doping Administration and Management System) ou le formulaire de l’AFLD, d’une part, leur emploi du temps quotidien détaillé, y compris le week-end, et, d’autre part un créneau d’une heure, entre 6 et 21 heures, dans un lieu où ils seront présents, afin de permettre des contrôles inopinés (paragraphe 69 ci-dessus). Ces contrôles peuvent se dérouler hors des manifestations sportives et des périodes d’entraînement. Ils sont donc susceptibles d’être réalisés au domicile des sportifs si ces derniers l’ont choisi comme lieu de localisation du créneau d’une heure durant lequel ils sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle par l’AFLD.

156. La Cour constate ainsi que les sportifs du groupe cible sont astreints à fournir à une autorité publique des informations précises, détaillées et actualisées sur leurs lieux de résidence et sur leurs déplacements quotidiens sept jours sur sept. Ils sont en outre soumis, chaque jour, pour une heure, à une exigence stricte de localisation et de disponibilité. Le non-respect de chacune de ces obligations est considéré comme un manquement aux obligations de transmission d’informations relatives à la localisation (article 9 de la délibération no 54, paragraphe 69 ci-dessus). À l’époque des faits, trois manquements pendant une période de dix-huit mois consécutifs entraînaient une sanction (article 13 de la délibération no 54, paragraphe 69 ci-dessus). Pour déterminer si de telles obligations constituent une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, la Cour doit examiner les répercussions de ces mesures sur la vie quotidienne des requérants et de la requérante et notamment les contraintes et les restrictions qu’elles peuvent engendrer.

157. À cet égard, la Cour observe la diversité et l’exhaustivité des renseignements que les requérants et la requérante doivent livrer sur leurs vies privées. Ces informations couvrent l’ensemble des espaces publics et privés qu’ils fréquentent. Elles portent, en effet, sur les lieux de toutes leurs activités, qu’elles soient professionnelles, comme les sites d’entraînement, ou qu’elles soient sans lien avec le sport. Elles englobent également leurs adresses privées, qu’il s’agisse de leur domicile privé ou d’un logement temporaire qu’ils occuperaient pour des raisons professionnelles ou personnelles. De plus, ces indications devant être communiquées pour chaque trimestre à venir, ils sont contraints de planifier leur vie privée en prévoyant longtemps à l’avance leur emploi du temps En outre, ces prévisions sont contraignantes car toute modification au cours du trimestre doit être signalée. Enfin, les obligations litigieuses limitent les sportifs concernés dans leurs choix de vie car ils doivent impérativement être présents et disponibles chaque jour, pendant une heure, dans un lieu précis tel qu’il permette d’opérer un contrôle. Bien que prévisible pour les sportifs de haut niveau, cette exigence de transparence et de disponibilité suffit à la Cour pour considérer que les obligations critiquées par les requérants portent atteinte à la qualité de leur vie privée, avec des répercussions sur leur vie familiale et leur mode de vie. En particulier, elles réduisent l’autonomie personnelle immédiate des intéressés.

158. C’est également l’intimité des lieux où s’exerce la vie privée, c’est à dire le respect du domicile, qui est concerné par le dispositif de localisation. D’une part, la Cour n’exclut pas que les lieux d’entraînement, et de manifestations sportives ou de compétition, et leurs annexes, telle une chambre d’hôtel en cas de déplacement, puissent être assimilés à un domicile au sens de l’article 8 de la Convention. D’autre part, elle constate en tout état de cause que l’article L. 232-13-1-3o du code du sport organise la possibilité d’opérer des contrôles au domicile des intéressés. Or, la Cour retient que les requérants et la requérante n’ont parfois pas d’autres choix que de se localiser en ce lieu pour le créneau horaire quotidien, ce que le Gouvernement ne conteste pas. Ils se trouvent alors confrontés au dilemme consistant, soit à se plier à l’obligation litigieuse et à renoncer ainsi à la jouissance paisible de leur domicile, soit refuser de s’y soumettre et s’exposer ainsi à des sanctions, même si ils n’ont pas usé de produits interdits.

159. Eu égard à ce qui précède, la Cour considère que l’obligation de localisation représente une ingérence dans l’exercice par les requérants et la requérante des droits découlant du paragraphe 1 de l’article 8. Pareille ingérence enfreint l’article 8, sauf si elle est « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire » « dans une société démocratique » pour le ou les atteindre.

b) Sur la justification de l’ingérence

i. Prévue par la loi

160. La Cour rappelle que les mots « prévue par la loi » veulent d’abord que la mesure incriminée ait une base en droit interne. Ils ont trait aussi à la qualité de la loi en cause : ils exigent l’accessibilité de celle-ci à la personne concernée, qui de surcroît doit pouvoir en prévoir les conséquences pour elle, et sa compatibilité avec la prééminence du droit. Cette expression implique donc notamment que la législation interne doit user de termes assez clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à des mesures affectant leurs droits protégés par la Convention. D’après la jurisprudence constante, la notion de « loi » doit être entendue dans son acception « matérielle » et non « formelle ». En conséquence, elle inclut l’ensemble constitué par le droit écrit, y compris les textes de rang infra législatif, ainsi que la jurisprudence qui l’interprète (Fernández Martínez c. Espagne [GC], no 56030/07, § 117, CEDH 2014 (extraits)).

161. Les requérants et la requérante ne contestent pas que l’ingérence est prévue par les articles 3 et 7 de l’ordonnance du 14 avril 2010 codifiés aux articles L. 232-5 et L. 232-15 du code du sport. Ils considèrent en revanche et de manière générale que les délibérations de l’AFLD ne sont pas des « lois » car elles sont prises par une institution qui n’aurait pas l’autorité pour édicter des règles accessibles et précises.

162. La Cour observe que l’article L. 232-15 précité précise les obligations des sportifs au titre de leur appartenance au groupe cible ainsi que la durée de leur inscription dans ce groupe. Pour la mise en œuvre de cette disposition, l’AFLD, autorité publique indépendante, créée par la loi no 2006-405 du 5 avril 2006, dotée de la personnalité morale, en charge notamment de la planification et de la réalisation des contrôles antidopage, et à ce titre de la désignation des sportifs dans le groupe cible, a défini les obligations qui pèsent sur eux, comme l’y invitait l’article R 232-86 du code du sport (paragraphe 68 ci-dessus), dans la délibération no 54 (paragraphe 69 ci-dessus). Ce texte, publié au Journal officiel, est donc accessible. Il prévoit l’information des sportifs de leur désignation dans le groupe cible, qui est toujours précédée d’une phase contradictoire et peut faire l’objet d’un recours juridictionnel devant le Conseil d’État (paragraphe 60 ci‑dessus). Il énonce par ailleurs le contenu des informations de localisation, les modalités de communication et de modification de ces informations, les manquements à l’obligation de localisation et les sanctions encourues. Eu égard aux indications précises et détaillées de ce texte, qui a été pris par une autorité de l’État en conformité avec les dispositions du CMAD, la Cour estime qu’il permet aux sportifs licenciés et entourés de leur entraîneur, de régler leur conduite et de bénéficier d’une protection adéquate contre l’arbitraire.

163. En conclusion, l’ingérence est « prévue par la loi » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention.

ii. But légitime

164. Les parties ne s’accordent pas sur les objectifs de l’obligation litigieuse. Le Gouvernement invoque les buts légitimes que constituent la protection de la santé publique et de la morale. Les requérants et la requérante ne considèrent pas que la lutte contre le dopage poursuive ces buts : selon eux, la réalité des méfaits du dopage n’est pas établie, la santé des sportifs professionnels est déjà protégée et l’éthique invoquée fait office de façade pour protéger les intérêts économiques du sport ou stigmatiser certains athlètes.

165. La Cour estime tout d’abord que les requérants ne démontrent d’aucune manière que ce sont des intérêts économiques qui président à la lutte contre le dopage. Elle considère par ailleurs que les autres arguments des requérants et de la requérante relèvent de l’appréciation de la nécessité de l’ingérence. S’agissant du premier but invoqué, la protection de la « santé », la Cour observe avec le Gouvernement qu’il est inscrit dans les textes internationaux pertinents et que tous les éléments du dossier vont dans le sens d’un tel objectif. La Convention du Conseil de l’Europe (paragraphe 40 ci-dessus), le CMAD (paragraphe 45 ci-dessus), la Convention de l’UNESCO (paragraphe 53 ci-dessus) et le code du sport (paragraphe 57 ci-dessus) présentent à l’unisson la lutte antidopage comme une préoccupation de santé, que le sport a notamment pour objectif de promouvoir (voir paragraphes 171 à 177 ci-dessous). En conséquence, la Cour admet que l’obligation de localisation entend répondre à des questions de « santé », celle des sportifs professionnels, mais également celle des sportifs amateurs et en particulier les jeunes (paragraphes 77 ci-dessus et 166 ci-dessous), au sens du second paragraphe de l’article 8.

166. À propos du second des objectifs invoqués, la protection de la morale, le Gouvernement renvoie à la loyauté des compétitions sportives. La Cour observe que la nécessité de combattre le dopage est depuis toujours admise dans le domaine sportif et elle renvoie à cet égard aux textes internationaux précités qui font du fair play et de l’égalité des chances l’un des fondements de la lutte antidopage. Or, la Cour estime que ce que le Gouvernement qualifie de morale, s’agissant de la recherche d’un sport égalitaire et authentique, se rattache également au but légitime que constitue la « protection des droits et liberté d’autrui ». En effet, l’usage de substances dopantes pour obtenir des résultats dépassant ceux des autres sportifs, d’abord, écarte injustement les compétiteurs de même niveau qui n’y recourent pas, ensuite, incite dangereusement les pratiquants amateurs, et en particulier les jeunes, à utiliser de tels procédés pour capter des succès valorisants et, enfin, prive les spectateurs d’une compétition loyale à laquelle ils sont légitimement attachés.

iii. Nécessité dans une société démocratique

167. Il reste à déterminer si l’ingérence résultant de l’obligation litigieuse peut passer pour « nécessaire dans une société démocratique ». Pour qu’elle puisse être considérée comme telle, il faut qu’il soit démontré qu’elle répond à un « besoin social impérieux », que les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier sont pertinents et suffisants et qu’elle est proportionnée au but légitime visé.

168. La Cour rappelle que dans ses décisions des 24 février 2011 et 18 décembre 2013, le Conseil d’État, après avoir reconnu que l’obligation de localisation était contraignante, a jugé qu’elle ne portait pas une atteinte excessive à l’article 8 de la Convention au regard des objectifs d’intérêt général poursuivis par la lutte contre le dopage, notamment la protection de la santé des sportifs ainsi que la garantie de l’équité et de l’éthique des compétitions sportives. Il a souligné en particulier l’importance des contrôles inopinés, certaines substances dopantes ne pouvant être décelables que peu de temps après leur prise alors même qu’elles ont des effets plus durables.

169. La Cour partage le constat du Conseil d’État selon lequel les obligations de localisation imposées aux requérants et à la requérante sont astreignantes. Il convient de reconnaître qu’elles ont des répercussions importantes sur leur vie quotidienne et peuvent être considérées comme portant des atteintes significatives à leur vie privée en raison de l’ampleur des informations à fournir à l’AFLD et de la limitation au quotidien de leur autonomie personnelle. Le dispositif de localisation a également des conséquences sur la jouissance de leur domicile puisque des contrôles antidopage peuvent y avoir lieu de manière intrusive. Ainsi, la Cour accepte l’affirmation des requérants qui estiment être soumis à des obligations auxquelles la majorité de la population active n’est pas tenue.

170. Cela étant, la Cour doit examiner les arguments tenant à l’intérêt général invoqués par le Gouvernement et par la partie intervenante pour justifier l’atteinte à la vie privée des requérants et de la requérante. À cet égard, elle considère que, pour se prononcer sur l’équilibre des intérêts en présence, il lui faut au préalable s’interroger sur les dangers du dopage ainsi que sur l’existence d’une communauté de vue aux niveaux européen et international sur la question posée par les requêtes.

α) Les dangers du dopage

171. La Cour observe que les requérants et la requérante ne considèrent pas le dopage comme une menace pour la santé. Il ne lui appartient pas de répondre à cette position par des arguments fondés sur des connaissances médicales. En revanche, la Cour constate un vaste consensus des autorités médicales, gouvernementales et internationales pour dénoncer et combattre les dangers que le dopage représente pour l’organisme des sportifs qui s’y livrent.

172. Elle renvoie sur ce point aux fondements des textes internationaux pertinents, qui légitiment tous la lutte antidopage au nom de la protection de la santé.

173. Elle se fie en outre et en particulier aux rapports détaillés de l’Académie de médecine et du Sénat français. Il est vrai que ces rapports préconisent une amélioration des études épidémiologiques en matière d’usage de produits dopants afin d’améliorer l’état des connaissances relatives au dopage et aux risques sanitaires encourus (paragraphes 76, 84 et 88 ci-dessus). Ils font valoir dans le même temps qu’il est extrêmement difficile de procéder à de telles études en raison de la discrétion dont font preuve les intéressés. Cette observation affaiblit, selon la Cour, la critique formulée par les requérants à l’égard des déclarations concernant la dangerosité de certains produits et la part du dopage dans la survenue des pathologies.

174. Cela étant, la Cour constate que les deux rapports affirment avec force et clarté les risques du dopage pour la santé des sportifs. Les conséquences néfastes et potentiellement graves de l’usage détourné de médicaments améliorant les performances sportives y sont abondamment détaillées, que cet usage vise à augmenter la charge de travail supportable à l’entraînement et en compétition, l’apport d’oxygène à l’organisme ou la production de masse musculaire. Ces deux documents alertent également sur le développement continu de protocoles de dopage très sophistiqués, rendus possibles par l’usage de substances utilisées en très faibles dosages et de structures chimiques complexes. Ces méthodes de dopage ne sont détectables que pendant une très brève période, à la différence de leurs effets sur les performances qui subsistent. En outre, ces rapports indiquent que de nouveaux produits sont mis au point par des laboratoires, souvent clandestins, spécifiquement dédiés à cette recherche et que les protocoles de dopage sophistiqués sont établis « grâce à la contribution active de scientifiques, médecins et pharmaciens ». Il en résulte une grande difficulté à adapter les méthodes de détection au rythme d’apparition des nouvelles substances. Enfin, ces rapports alertent sur la menace que constitue la mise au point de procédés de dopage génétique (paragraphes 74 à 76 et 83 à 85 ci-dessus).

175. A la lumière de ces travaux, élaborés par d’éminentes autorités scientifiques et politiques, la Cour estime que les requérants et la requérante minimisent les effets de la prise de produits dopants sur la santé des sportifs. Comme le montrent les éléments du dossier, le dopage représente une menace réelle pour la santé physique et psychique des sportifs. La Cour n’exclut pas, comme les requérants le soutiennent, que l’organisme des sportifs soit mis à mal pour des raisons étrangères à la prise de produits dopants, compte tenu de l’intensité et du niveau élevé des compétitions. Elle note à cet égard la pression continue à laquelle doivent faire face certains d’entre eux et observe qu’un contrôle du calendrier des compétitions est préconisé par les rapports pertinents (paragraphes 74 et 88 ci-dessus). Mais la Cour voit dans les effets éprouvants des compétitions sportives de haut niveau une raison supplémentaire de protéger la santé de ceux qui y sont soumis contre les périls que comportent le dopage et non un motif de réduire la lutte contre cette pratique.

176. Par ailleurs, si la lutte antidopage est une question de santé publique dans le sport professionnel (Ressiot et autres c. France, no 15054/07 et 15066/07, § 114, 28 juin 2012), elle touche également l’ensemble des sportifs. Les rapports précités révèlent que le dopage atteint le monde sportif amateur dans des proportions inquiétantes, en particulier chez les jeunes. Le document adopté par l’Académie de médecine met en lumière des pourcentages significatifs de dopage chez les adolescents et rappelle les nombreuses pathologies susceptibles de survenir auprès de cette catégorie de la population en pleine croissance (paragraphes 83 et 84 ci‑dessus). Celui du Sénat alerte sur un phénomène qu’il qualifie de dopage de masse (paragraphe 77 ci-dessus). Aussi, la Cour considère-elle important d’accorder du poids aux répercussions du dopage professionnel sur le monde sportif amateur. Il est largement admis que les jeunes s’identifient aux sportifs de haut niveau qui constituent des modèles dont ils vont suivre l’exemple. La Convention de l’UNESCO atteste clairement des préoccupations liées à l’impact du dopage sur la communauté sportive en général, et en particulier sur les jeunes. C’est la raison pour laquelle y est énoncée l’importance des programmes d’éducation en la matière (paragraphes 53 et 54 ci-dessus). Selon l’Académie de médecine, la prévention passe obligatoirement par les sportifs de haut niveau (paragraphes 85 à 87 ci-dessus). Pour la Cour, la circonstance que le comportement des sportifs de haut niveau est de nature à exercer une grande influence sur les jeunes constitue une raison supplémentaire de légitimer les exigences qui leur sont imposées pendant la durée de leur inscription dans le groupe cible.

177. Dès lors, la Cour est convaincue que les enjeux sanitaires et de santé publique en cause dans les présentes espèces, et les légitimes préoccupations d’ordre éthique qui leur sont associées (paragraphe 166 ci‑dessus), fournissent un argument déterminant quant à la nécessité de l’ingérence résultant de l’obligation de localisation litigieuse.

β) Sur l’existence d’une communauté de vues aux niveaux européen et international

178. La Cour rappelle qu’en matière de sport, le dopage est historiquement la première préoccupation du Conseil de l’Europe, qui n’a cessé d’accroître son engagement en faveur de la réduction de cette pratique et du renforcement des contrôles sans préavis (paragraphes 39 à 43 ci‑dessus). C’est par ailleurs avec la création de l’AMA et l’introduction du CMAD en 2003 que la stratégie antidopage au niveau mondial s’est construite. À compter de 2009, l’action de l’AMA s’est renforcée en vue d’établir une plus grande harmonisation parmi les organisations antidopage, par l’élaboration de standards internationaux dont l’un est consacré aux contrôles, et en particulier aux « Exigences concernant les informations sur la localisation du sportif » (paragraphe 52 ci-dessus). Entre-temps, la Convention de l’UNESCO a été adoptée pour permettre l’intégration du CMAD dans le droit des États l’ayant ratifiée (paragraphe 54 ci-dessus).

179. La Cour observe ainsi que la construction progressive de la lutte contre le dopage a abouti à un cadre juridique international dont le CMAD est l’instrument principal. Elle note à ce titre que la dernière révision de ce texte, adoptée en 2015, montre une tendance au renforcement et à l’intensification des contrôles antidopage qui ne concernent pas seulement les sportifs du groupe cible (paragraphe 51 ci-dessus).

180. La Cour relève également que la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’AMA continue d’aller dans le sens de la recherche d’une plus grande harmonisation de la lutte antidopage à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe (paragraphe 44 ci-dessus). Elle constate que la dimension transfrontalière du sport de haut niveau rend indispensable la coopération internationale en matière de lutte antidopage.

181. Dans ces conditions, elle considère qu’il existe, au regard des normes et de la pratique internationales, une communauté de vue européenne et internationale sur la nécessité d’opérer des contrôles inopinés. À cet égard, elle rappelle que dans l’appréciation d’un cas spécifique, au nom de l’interprétation concrète et effective de l’application de la Convention, elle peut tenir compte des instruments internationaux spécialisés et des dénominateurs communs des normes de droit international, fussent-elles non contraignantes (Demir et Baykara c. Turquie [GC], no 34503/97, §§ 85 et 86, CEDH 2008, Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie [GC], no 18030/11, § 124, CEDH 2016), comme c’est le cas du CMAD dont les États parties à la Convention de l’Unesco s’engagent à respecter les principes (paragraphe 54 ci-dessus) ou de toute résolution du Conseil de l’Europe.

182. Le consensus européen et international dans lequel s’inscrit la lutte antidopage n’en laisse pas moins subsister des formes d’organisation différentes, notamment, selon les éléments à sa disposition, entre les États membres de l’Union européenne (paragraphes 78 et 82 ci-dessus). Cette variété s’explique par la diversité des cadres nationaux relatifs à l’aménagement des pouvoirs et des relations entre les autorités publiques et sportives. Dans l’État défendeur, la lutte contre le dopage est mise en œuvre conjointement par les autorités publiques, de tout temps impliquées, et les autorités sportives (paragraphes 57, 58 et 82 ci-dessus), ce qui n’est pas le cas de tous les États membres du Conseil de l’Europe. Conformément au principe de subsidiarité, il appartient en effet avant tout aux États contractants de décider des mesures nécessaires pour réaliser les objectifs qu’ils se fixent tout en assurant la protection des droits garantis par la Convention à toute personne relevant de leur juridiction. Pour résoudre dans leurs ordres juridiques les problèmes concrets posés par la lutte antidopage, les États doivent jouir d’une ample marge d’appréciation au regard des questions scientifiques, juridiques et éthiques complexes qu’elle pose (voir, de manière générale, sur la marge d’appréciation de l’État en ce domaine, A, B et C c. Irlande [GC], no 25579/05, § 185, CEDH 2010 et Lambert et autres c. France [GC], no 46043/14, § 144, CEDH 2015 (extraits)).

183. La France, qui a ratifié la Convention de l’UNESCO, a fait le choix très clair de mettre son droit interne en conformité avec les principes du CMAD en matière de localisation des athlètes. L’adoption de l’ordonnance du 14 avril 2010 et l’adhésion de l’AFLD aux principes du CMAD (paragraphe 68 ci-dessus) la situent parmi les États européens ayant transposé quasi intégralement les règles du CMAD en matière de localisation telles qu’elles étaient issues de la révision de ce texte en 2009. Certains requérants considèrent que cette mise en conformité est sans portée car les États ne sont pas tenus par les règles émanant de l’AMA et qu’il n’existe pas de consensus international qui plaiderait en faveur des contrôles inopinés (paragraphe 126 ci-dessus). À cet égard, la Cour rappelle que les États parties à la Convention de l’UNESCO se sont engagés à adopter des mesures appropriées pour respecter les principes énoncés dans le CMAD. En l’espèce, l’approche de l’État défendeur en matière de lutte antidopage est conforme au consensus résultant des instruments internationaux spécialisés. La Cour souligne ainsi que la coïncidence, à l’époque des faits, du droit interne et des règles internationales, s’agissant de la localisation des sportifs et des contrôles antidopage inopinés, est le reflet de la marge d’appréciation des États dans la mise en œuvre des règles internationales précitées.

184. Dans ce contexte, la Cour constate que les instruments internationaux pertinents dénotent une évolution continue des normes et des principes appliqués sur la nécessité d’opérer des contrôles inopinés rendus possibles en partie grâce au dispositif de localisation. Elle considère ainsi que les dénominateurs communs des normes de droit international dont relève la question juridique en cause est un élément dont elle doit tenir compte pour décider de la nécessité de l’ingérence litigieuse dans une société démocratique.

γ) Recherche d’un équilibre en l’espèce

185. La Cour a relevé ci-dessus les difficultés particulières auxquelles sont confrontés les requérants et la requérante pour remplir leurs obligations de localisation. Elle a conscience, premièrement, que, pour certains d’entre eux, dont l’inscription dans le groupe cible a été renouvelée plusieurs fois, les contraintes imposées par le dispositif de localisation peuvent atteindre un degré d’ingérence quotidienne préoccupant sur une longue période. Cela étant, elle constate que l’ordonnance du 14 avril 2010 a précisément fixé une durée de validité de l’inscription dans le groupe cible limitée à une année. Cette disposition nouvelle, sans exclure les renouvellements, à la suite d’un entretien contradictoire avec le sportif (paragraphe 60 ci-dessus), constitue une amélioration des garanties procédurales fournies aux sportifs concernés.

186. Elle observe, deuxièmement, que dans certaines circonstances les sportifs peuvent être conduits, pour des raisons pratiques, à se localiser à leur domicile habituel ou dans un lieu de villégiature pendant les week-ends et les vacances, avec l’éventualité d’avoir à y subir des contrôles. Une telle situation porte atteinte à la jouissance paisible de leur domicile et nuit à leur vie privée et familiale. Pour autant, la Cour rappelle que cette localisation est faite « à leur demande et selon une plage horaire déterminée » (paragraphe 73 ci-dessus) et qu’elle est exigée dans un but d’efficacité des contrôles antidopage. Ainsi, ces contrôles s’insèrent dans un contexte très différent de ceux placés sous la supervision de l’autorité judiciaire et destinés à la recherche d’infractions ou susceptibles de donner lieu à des saisies (paragraphe 66 ci-dessus) qui, par définition, touchent le cœur du droit au respect du domicile et auxquels ils ne peuvent pas être assimilés.

187. En tout état de cause, la Cour considère que la réglementation du dispositif de localisation décidée par les autorités françaises offre un cadre légal à la lutte antidopage qui ne saurait être sous-estimé du point de vue des garanties des droits des sportifs concernés. La Cour renvoie à son constat selon lequel la « loi » française satisfait à l’exigence de « qualité de la loi » et considère que la clarté avec laquelle les obligations des requérants sont fixées fournit des garanties procédurales contre les risques d’abus. L’ordonnance du 14 avril 2010, codifiée dans le code du sport, et les délibérations de l’AFLD fixent ainsi un cadre apte à garantir que les sportifs soient à même de contester leur désignation dans le groupe cible, y compris par une voie de recours juridictionnelle (paragraphe 60 ci-dessus). Elle leur permet également de prévoir et d’adopter leur conduite au regard des lieux et des moments fixés pour les contrôles (paragraphes 63 et 64 ci-dessus), un contrôle manqué étant limité à leur absence au lieu et à l’heure indiquée par eux (paragraphe 69 ci-dessus). Elle leur ouvre, enfin, la possibilité de contester les sanctions infligées devant la juridiction administrative (paragraphe 65 ci‑dessus).

188. Pour contester la nécessité des ingérences dont ils se plaignent, les requérants dénoncent l’inefficacité des contrôles auxquels ils sont soumis. Toutefois, s’il est vrai, d’après les chiffres produits au débat, que les résultats positifs sont faibles, la Cour estime, à l’instar du Gouvernement, que ces résultats sont dus, au moins pour partie, à l’effet dissuasif de la lutte antidopage. La Cour n’ignore pas que les contrôles que la localisation des sportifs rend possibles n’est qu’un aspect de la lutte antidopage, qui revêt de nombreux autres aspects. Elle n’estime pas pour autant que les requérants et la requérante puissent se prévaloir de la complexité du problème pour être exonérés de leur obligation de localisation. Directement concernés par un mal particulièrement fréquent dans le milieu de la compétition de haut niveau auquel ils ont accédé, ils doivent prendre leur part des contraintes inhérentes aux mesures nécessaires pour s’y opposer. De même, le caractère prétendument endémique du dopage dans le monde sportif ne saurait remettre en cause la légitimité de la lutte destinée à le juguler mais justifie au contraire la volonté des autorités publiques de la mener à bien.

189. La Cour n’est pas non plus convaincue par la thèse des requérants et de la requérante selon laquelle la faible mobilisation que manifesteraient les pouvoirs publics à l’égard d’autres menaces pour la santé, comme le tabac, ou le moindre contrôle d’autres professions également concernées par des enjeux sanitaires, serait source d’injustice pour eux. À la supposer établie, l’allégation des requérants et de la requérante ne saurait justifier l’inaction des autorités publiques dans la lutte contre le dopage, ce qui reviendrait à légitimer une carence par une autre.

190. La Cour estime enfin que les requérants et la requérante ne démontrent pas que des contrôles limités aux lieux d’entraînement et respectant les moments dédiés à la vie privée suffiraient pour réaliser les objectifs que se sont fixés les autorités nationales, face aux développements des méthodes de dopage toujours plus sophistiquées et aux très brefs espaces de temps pendant lesquels les substances prohibées peuvent être détectées. Au regard des périls établis par les éléments du dossier et des difficultés rencontrées pour les réduire efficacement, la Cour convient, avec le Gouvernement, qu’il y a lieu de regarder comme justifiées les obligations de localisation prises en vertu des normes de droit international précitées.

δ) Conclusion

191. La Cour ne sous-estime pas l’impact que les obligations de localisation ont sur la vie privée des requérants et de la requérante. Toutefois, les motifs d’intérêt général qui les rendent nécessaires sont d’une particulière importance et justifient, selon l’appréciation de la Cour, les restrictions apportées aux droits que leur accorde l’article 8 de la Convention. Réduire ou supprimer les obligations dont ils se plaignent serait de nature à accroître les dangers du dopage pour leur santé et celle de toute la communauté sportive, et irait à l’encontre de la communauté de vue européenne et internationale sur la nécessité d’opérer des contrôles inopinés. La Cour juge donc que l’État défendeur a ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 4 A LA CONVENTION (REQUÊTE no 48151/11)

192. Les requérants soutiennent que l’obligation de localisation est contraire à leur liberté de circuler et dénoncent une violation de l’article 2 du Protocole no 4, ainsi libellé :

« 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.

3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l’objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l’intérêt public dans une société démocratique. »

Sur la recevabilité

193. Le Gouvernement rappelle que la jurisprudence de la Cour relative aux restrictions à la liberté de circulation concerne des mesures d’assignation à résidence (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, CEDH 2000‑IV) ou d’interdiction de quitter le lieu de résidence (Hajibeyli c. Azerbaïdjan, no 16528/05, 10 juillet 2008; Miażdżyk c. Pologne, no 23592/07, 24 janvier 2012). Quant aux atteintes à la liberté de quitter n’importe quel pays y compris le sien, il indique qu’elles concernent des interdictions administratives ou judiciaires, telles qu’une obligation d’autorisation préalable pour quitter le pays (Diamante et Pelliccioni c. Saint-Marin, no 32250/08, 27 septembre 2011), la confiscation d’un passeport (Baumann c. France, no 33592/96, CEDH 2001‑V ; Nalbantski c. Bulgarie, no 30943/04, 10 février 2011) ou le refus de délivrer un document de voyage (Soltysyak c. Russie, no 4663/05, 10 février 2011 ; Ignatov c. Bulgarie, no 50/02, 2 juillet 2009).

194. Le Gouvernement estime que l’obligation de localisation n’a pas pour objet ni pour conséquence de restreindre la possibilité des sportifs de travailler ou de s’installer où ils le souhaitent. Ils demeurent libres de se déplacer en France et à l’étranger et d’y choisir leur lieu de résidence et de travail. Il ne s’agit en rien de mesure de surveillance policière des intéressés comme celles qui ont pu être décrites dans l’affaire Labita précitée ou encore dans l’affaire Denizci et autres c. Chypre (nos 25316-25321/94 et 27207/95, CEDH 2001‑V). Les déplacements à l’étranger des sportifs concernés ne sont pas plus soumis à autorisation. La seule exigence pesant sur eux est d’informer en temps utile l’AFLD de leur localisation une heure par jour pour la période comprise entre 6 et 21 heures. Le Gouvernement précise que l’AFLD demande parfois à un de ses homologues à l’étranger d’effectuer un contrôle pour son compte, et ce dans le cadre de mesures de coopération entre agences nationales. Enfin, il indique que lorsqu’un sportif appartenant au « groupe cible » entend s’installer durablement dans un autre pays que la France, il est alors exclu du groupe cible de l’AFLD.

195. Le Gouvernement déduit de ce qui précède que l’obligation de localisation ne relève pas du champ d’application de l’article 2 du Protocole no 4.

196. Les requérants estiment qu’ils sont dépendants d’un système de contrôle inconditionné et dépourvu de limites géographiques et temporelles. La transmission de leur emploi du temps journalier et de leur déplacement les prive de la possibilité de se déplacer anonymement alors même qu’ils sont localisables onze mois sur douze dans leurs clubs pour subir des contrôles. Les requérants se plaignent que la divulgation de leur adresse ou de leur destination les oblige à justifier de leur déplacement en permanence. En outre, ils réitèrent que l’obligation d’indiquer un créneau horaire impose de se trouver dans des lieux spécifiques, c’est-à-dire propices au contrôle urinaire et sanguin, entre 6 et 21 heures, soit de facto sinon de jure à leur domicile.

197. Les deux requérants soutiennent que l’obligation de localisation constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne. Selon eux, les obligations de localisation rendent les déplacements et la circulation périlleux au sein de l’Union. Les deux requérants réitèrent que des solutions pragmatiques permettraient une poursuite adéquate des objectifs antidopage tout en étant respectueuses de leur droit à la liberté de circulation.

198. La Cour rappelle que le droit de libre circulation tel que reconnu aux paragraphes 1 et 2 de l’article 2 du Protocole no 4, a pour but d’assurer le droit dans l’espace, garanti à toute personne, de circuler à l’intérieur du territoire dans lequel elle se trouve ainsi que de le quitter; ce qui implique le droit de se rendre dans un pays de son choix dans lequel elle pourrait être autorisée à entrer (Baumann c. France, précité, § 61). Elle rappelle également, comme le fait le Gouvernement, que des mesures spéciales de surveillance avec assignation à résidence constituent en principe des restrictions à la liberté de circulation examinées sous l’angle de l’article 2 du Protocole no 4 (De Tommaso c. Italie [GC], no 43395/09, §§ 83 et suivants, CEDH 2017 (extraits)). De même, l’obligation faite à des requérants de se présenter à la police chaque fois qu’ils souhaitaient changer de lieu de résidence ou rendre visite à leur famille ou à leurs amis s’analyse en une atteinte à leur liberté de circulation (Denizci et autres c. Chypre, précité, §§ 346-347 et 403-404, et Bolat c. Russie, no 14139/03, § 65, 5 octobre 2006). La Cour renvoie encore à son arrêt Battista c. Italie (no 43978/09, § 36, CEDH 2014) pour un aperçu exhaustif des atteintes à la liberté de quitter un pays.

199. En l’espèce, la Cour rappelle, pour l’examen de ce grief, que les requérants sont contraints d’indiquer à l’AFLD une période quotidienne de soixante minutes où ils seront disponibles en un lieu indiqué pour un contrôle inopiné. Cela signifie qu’ils sont tenus de demeurer dans un endroit fixe une heure par jour. Cela étant, il convient de rappeler que cet endroit est choisi par eux, qu’il n’implique leur domicile qu’à leur demande et selon une plage horaire limitée. La Cour en déduit que cette obligation empêche les allées et venues discrètes, ce qui relève davantage d’une atteinte à l’intimité de la vie privée que d’une mesure de surveillance (paragraphes 157 et 158 ci-dessus). Elle prend acte à cet égard des décisions des juridictions nationales de ne pas qualifier l’obligation de localisation comme une restriction à la liberté d’aller et de venir et de distinguer les contrôles selon qu’ils relèvent ou pas des autorités judiciaires (paragraphe 73 ci-dessus). Les mesures litigieuses ne sauraient donc être assimilées, comme l’affirment les requérants, à un placement sous surveillance électronique utilisé comme une mesure d’aménagement de peine ou décidé dans le cadre d’une mesure d’assignation à résidence comme alternative à la détention. Enfin, la Cour constate que les requérants ne sont pas empêchés de quitter le pays où ils résident mais simplement contraints d’indiquer où ils seront disponibles dans le pays de destination pour un contrôle inopiné.

200. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que l’article 2 du Protocole no 4 n’est pas applicable en l’espèce. Il s’ensuit que le grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Déclare la requête no 48151/11 recevable quant au grief des requérants individuels MM. Da Silva, Gomis, Ho You Fat, Perquis, Congre, Coulibaly, Cavalli, Cabarry, Huget, Honrubia, Gharbi, Kerckhof, Busselier, Ternel, Kiour et Haon tiré de l’article 8 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

3. Déclare la requête no 77769/13 recevable quant au grief de la requérante tiré de l’article 8 de la Convention ;

4. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention dans le chef des requérants et de la requérante.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 janvier 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Milan BlaškoAngelika Nußberger
Greffier adjointPrésidente

ANNEXE

Liste des requérants

La majorité des requérants sont des ressortissants français, à l’exception de MM. Alvarez Kairelis (Argentin), Ayed et Gharbi (Tunisiens), Human (Sud‑Africain), Linehan (Américain), Magrakvelidze (Géorgien) et Silvo do Nascimento (Brésilien).

1. Abdeslam AKOUZAR né le 15/04/1982, résidant à Saint Denis de l’Hôtel
2. Andrew ALBICY né le 21/03/1990, résidant à Levallois-Perret
3. Rimas Esteban ALVAREZ KAIRELIS né le 22/07/1974, résidant à Bompas
4. Anouar AYED né le 09/05/1978, résidant à Colomiers
5. Laurent BALUC-RITTENER né le 24/11/1981, résidant à Albi
6. Kevin BERIGAUD né le 09/05/1988, résidant à Sciez
7. David BEUN né le 26/04/1982, résidant à Aix-en-Provence
8. Thibaut BOURGEOIS né le 05/01/1990, résidant à Metz
9. Laurent BUSSELIER né le 27/11/1976, résidant à Saint-Alban-Leysse
10. Laurent CABARRY né le 18/01/1985, résidant à Boé
11. Maurice CARASSO, né le 07/05/1988, résidant à Metz
12. Johan CAVALLI né le 12/09/1981, résidant à Ajaccio
13. Aly CISSOKHO né le 15/09/1987, résidant à Lyon
14. Daniel CONGRE né le 05/04/1985, résidant à Montpellier
15. Ousmane COULIBALY né le 09/07/1989, résidant à Brest
16. Guillaume CREPAIN né le 15/04/1986, résidant à Aulnay sous-Bois
17. Fabrice CULINAT né le 19/12/1978, résidant à Colomiers
18. Philippe DA SILVA né le 30/11/1979, résidant à Evreux
19. Xane D’ALMEIDA né le 21/01/1983, résidant à Limoges
20. Simon DARNAUZAN né le 04/07/1980, résidant à Grésy sur Aix
21. Paul DEARLOVE né le 06/02/1979, résidant à Idron
22. Maxime DERBIER né le 06/08/1986, résidant à Fos sur Mer
23. Sébastien DESCONS né le 13/05/1983, résidant à Fresnes
24. Frédéric DOLE né le 29/03/1975, résidant à Vertou
25. Thomas DOMINGO né le 20/08/1985, résidant à Orcet
26. Stéphane DONDON né le 09/01/1977, résidant à Vichy
27. Geoffrey DOUMENG né le 09/11/1980, résidant à Cuxac d’Aude
28. David DUCOURTIOUX né le 11/04/1978, résidant à Landas
29. Thierry DUSAUTOIR né le 18/11/1981, résidant à Blagnac
30. Florent ELELEARA né le 03/06/1979, résidant à Strasbourg
31. Mickaël EYMARD né le 04/03/1985, résidant à Plieux
32. Michel FABRE né le 15/07/1984, résidant à Pont du Château
33. Emerse FAE né le 24/01/1984, résidant à Nice
34. James FANCHONE né le 21/02/1980, résidant à Honfleur
35. Doudou-Jacques FATY né le 25/02/1984, résidant à Belfort
36. Nicolas FLORENTIN né le 16/02/1978, résidant à Houdemont
37. Gary FLORIMONT né le 16/06/1987, résidant à Charleville-Mézières
38. Julien FRANCOIS né le 21/09/1979, résidant à La Rivière Saint Sauveur
39. Guillaume GAUCLIN né le 17/06/1981, résidant à Ploeren
40. Mahmoud GHARBI né le 11/02/1982, résidant à Nantes
41. Pierre GIBAUD né le 22/04/1988, résidant à Levallois Perret
42. Antoine GOMIS né le 02/04/1989, résidant à Bourg en Bresse
43. Fabrice GUILBERT né le 08/10/1976, résidant à Ivry-sur-Seine
44. Jean-Philippe HAON né le 17/04/1981, résidant à Nîmes
45. Guénaël HENRI né le 12/09/1987, résidant à Saint-Etienne
46. Cédric HEYMANS né le 20/07/1978, résidant à Garidech
47. Steeve HO YOU FAT né le 12/06/1988, résidant à Évreux
48. Samuel HONRUBIA né le 05/07/1986, résidant à Boulogne Billancourt
49. Yoann HUGET né le 02/06/1987, résidant à Toulouse
50. Wylie Arthur HUMAN né le 26/02/1979, résidant à Aix-en-Provence
51. Daniel HUMBERT né le 05/02/1984, résidant à Marguerittes
52. Dounia ISSA né le 03/06/1981, résidant à Changé
53. Aymeric JEANNEAU né le 10/10/1978, résidant à Hurtigheim
54. Arnaud KERCKHOF né le 13/03/1984, résidant à Boulazac
55. Mohamed KIOUR né le 20/06/1979, résidant à Dijon
56. Jonathan KODJIA né le 22/10/1989, résidant à Amiens
57. Sébastien LALOO né le 08/11/1978, résidant à Sendets
58. Guillaume LEBURGUE né le 06/06/1980, résidant à Le Portel
59. Antony LECOINTE né le 05/10/1980, résidant à Outreau
60. John LINEHAN né le 01/05/1978, résidant à Nancy
61. Peguy LUYINDULA né le 25/05/1979, résidant à Paris
62. Mamuka MAGRAKVELIDZE né le 12/08/1977, résidant à Tarbes
63. Arnaud MAIRE né le 06/03/1979, résidant à Ajaccio
64. Steve MANDANDA né le 28/03/1985, résidant à Aix-en-Provence
65. Joris Steve MARVEAUX né le 15/08/1982, résidant à Le Cres
66. Nicolas MAS né le 23/05/1980, résidant à Cabestany
67. Sylvain MAYNIER né le 08/10/1977, résidant à Saint-Benoît
68. David MELODY né le 04/05/1977, résidant à Dijon
69. Cyrille MERVILLE né le 14/04/1982, résidant à Nimes
70. Romain MILLO-CHLUSKI né le 20/04/1983, résidant à Grenade-sur-Garonne
71. Frédéric MONCADE né le 13/11/1978, résidant à Sauvagnon
72. Sébastien MONGIN né le 18/04/1978, résidant à Champol
73. Sylvain MONSOREAU né le 20/03/1981, résidant à Cellieu
74. Vincent MOUILLARD né le 21/08/1983, résidant à Quimper
75. Lionel NALLET né le 14/09/1976, résidant à Antony
76. Rudy NIVORE né le 05/05/1989, résidant à Paris
77. Karim OUATTARA né le 13/10/1979, résidant à Clermont-Ferrand
78. Morgan PARRA né le 15/11/1988, résidant à Mirefleurs
79. Damien PERQUIS né le 08/03/1986, résidant à Caen
80. Jean-Jacques PIERRE né le 23/01/1981, résidant à Mondeville
81. Guillaume PONS né le 13/11/1979, résidant à Carrières sur Seine
82. Valentin PORTE né le 07/09/1990, résidant à Aucamville
83. Benoît POULAIN né le 24/07/1987, résidant à Milhaud
84. Clément POUX né le 05/11/1985, résidant à Carcassonne
85. Benjamin PSAUME né le 12/01/1985, résidant à Troyes
86. Julien QUERCIA né le 17/08/1986, résidant à Larmor Plage
87. Sylvain ROGNON né le 12/06/1982, résidant à Chalezeule
88. Pierre ROUSSARIE né le 08/09/1980, résidant à Ciboure
89. Arnaud SIFFERT né le 06/12/1978, résidant à Maisdon sur Sèvre
90. Andre Luiz SILVA DO NASCIMENTO né le 27/01/1980, résidant à Sao Joao del Rei
91. Williams SOLIMAN né le 15/02/1980, résidant à Rezé
92. Arnaud SOUQUET né le 12/02/1992, résidant à Lomme
93. Nicolas STRUNC né le 25/07/1978, résidant à Plomelin
94. Pierre TALMONT né le 02/04/1977, résidant à Laval
95. Romain TERNEL, né le 06/08/1986, résidant à Cesson-Sévigné
96. Benoît TOFFIN né le 01/01/1977, résidant à Évreux
97. Damien TRAILLE né le 12/06/1979, résidant à Biarritz
98. Angelo TSAGARAKIS né le 03/06/1984, résidant à Bourg en Bresse
99. Alexis ZYWIEKI né le 10/04/1984, résidant à Gémeaux


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award