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21/03/2024 | BELGIQUE | N°32/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 21 mars 2024, 32/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 32/2024
du 21 mars 2024
Numéro du rôle : 7965
En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 3 octobre 2022
« portant limitation de l’indexation des loyers afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique », introduit par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et l’ASBL « Verenigde Eigenaars - Propriétaires Réunis ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Mic

hel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrij...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 32/2024
du 21 mars 2024
Numéro du rôle : 7965
En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 3 octobre 2022
« portant limitation de l’indexation des loyers afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique », introduit par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et l’ASBL « Verenigde Eigenaars - Propriétaires Réunis ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 31 mars 2023 et parvenue au greffe le 3 avril 2023, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 3 octobre 2022 « portant limitation de l’indexation des loyers afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique » (publié au Moniteur belge du 4 octobre 2022, deuxième édition) a été introduit par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires »
et l’ASBL « Verenigde Eigenaars - Propriétaires Réunis », assistées et représentées par Me Emmanuel Plasschaert, Me Eric Montens et Me Sakine Yilmaz, avocats au barreau de Bruxelles.
Des mémoires ont été introduits par :
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Elke Cloots, Me Stefan Sottiaux et Me Timothy Roes, avocats au barreau d’Anvers;
- le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, assisté et représenté par Me Emmanuel Jacubowitz et Me Patrik De Maeyer, avocats au barreau de Bruxelles;
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- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me Marc Verdussen, Me Michel Kaiser, Me Cécile Jadot et Me Pierre Bellemans, avocats au barreau de Bruxelles.
Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse.
Des mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Gouvernement flamand;
- le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale.
Par ordonnance du 20 décembre 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Willem Verrijdt et Magali Plovie, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
À la suite de la demande du Gouvernement wallon à être entendu, la Cour, par ordonnance du 9 janvier 2024, a fixé l’audience au 14 février 2024.
À l’audience publique du 14 février 2024 :
- ont comparu :
. Me Eric Montens, également loco Me Emmanuel Plasschaert, pour les parties requérantes;
. Me Timothy Roes et Me Joos Roets, avocat au barreau d’Anvers, également loco Me Stefan Sottiaux, pour le Gouvernement flamand;
. Me Daisy Daniels et Me Adrien Neyrinck, avocats au barreau de Bruxelles, également loco Me Patrik De Maeyer, pour le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale;
. Me Michel Kaiser et Me Pierre Bellemans, pour le Gouvernement wallon;
- les juges-rapporteurs Willem Verrijdt et Magali Plovie ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
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II. En droit
-A-
Quant au premier moyen
A.1. Le premier moyen est pris de la violation de l’article 6, § 1er, IV et VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980) et de la compétence résiduelle de l’autorité fédérale.
Les parties requérantes soutiennent que la Région flamande n’était pas compétente pour adopter les dispositions attaquées. Ces dispositions prévoient vis-à-vis des bailleurs de logements peu économes en énergie une limitation de la possibilité d’indexer les loyers. Une telle mesure conduit à un report de l’incidence de la hausse des prix de l’énergie du locataire sur le bailleur. Les dispositions attaquées modifient donc l’équilibre contractuel entre les parties au contrat de bail et portent atteinte au principe de l’indexation des loyers inscrit à l’article 1728bis de l’ancien Code civil. Partant, les dispositions attaquées empiètent, d’une part, sur la compétence de l’autorité fédérale d’édicter, en ce qui concerne la politique de l’énergie, des mesures relatives à la politique des prix et, d’autre part, sur la compétence résiduelle de l’autorité fédérale, dont fait partie le droit civil. Dans l’exercice de sa compétence en matière de baux d’habitation, la Région flamande est tenue de respecter le principe de proportionnalité, ce qui implique qu’elle ne peut porter atteinte aux principes généraux du droit civil, qui continuent de relever des compétences fédérales. L’équilibre contractuel entre le bailleur et le locataire fait partie de ces principes.
A.2 Le Gouvernement flamand estime que le premier moyen n’est pas fondé. Depuis la sixième réforme de l’État, les régions sont compétentes pour « les règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation », conformément à l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition que toutes les règles spécifiques en matière de baux d’habitation ont été transférées aux régions, en ce compris les modalités d’indexation des loyers. L’objectif du législateur spécial était que les régions puissent ainsi déroger aux dispositions générales du droit civil en matière d’obligations et de contrats. Les régions ne sont donc pas tenues par le régime de droit commun en matière de loyers consacré par les articles 1714 à 1762bis de l’ancien Code civil. Il est vrai que l’autorité fédérale demeure compétente pour modifier le régime général d’indexation des loyers prévu par l’article 1728bis, mais les régions peuvent y déroger pour ce qui concerne les baux d’habitation. Il appartient aux régions de déterminer comment il faut garantir l’équilibre contractuel entre bailleurs et locataires. Les dispositions attaquées ne rendent pas l’exercice des compétences fédérales impossible ou exagérément difficile.
Les régions sont en outre compétentes en ce qui concerne « la protection de l’environnement, notamment celle […] de l’air contre la pollution et les agressions », conformément à l’article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Sur la base de cette compétence, les régions peuvent prendre des mesures afin de diminuer toutes les émissions de gaz à effet de serre dans l’air, quelle qu’en soit l’origine. Les régions sont par ailleurs compétentes, dans le domaine de la politique de l’énergie, pour ce qui concerne « les aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas : […] l’utilisation rationnelle de l’énergie », conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, h), de la loi spéciale du 8 août 1980. La promotion de la performance énergétique des bâtiments s’inscrit dans le cadre de cette compétence.
Enfin, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, les dispositions attaquées ne portent pas atteinte à la compétence fédérale, en ce qui concerne la politique de l’énergie, de régler « les tarifs, en ce compris la politique des prix », conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980. Les dispositions attaquées sont sans lien avec les prix pour les fournitures d’électricité et de gaz, et ne conduisent pas non plus à reporter le coût de l’énergie du locataire sur le bailleur. L’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 confirme que les régions sont compétentes pour la politique des prix dans les matières qui relèvent de leur compétence, comme les baux d’habitation.
Selon le Gouvernement flamand, les dispositions attaquées s’inscrivent donc dans le cadre des compétences régionales en matière d’environnement, de logement et de politique de l’énergie, prévues par l’article 6, § 1er, II, IV et VII, de la loi spéciale du 8 août 1980.
A.3. Le Gouvernement wallon estime que le premier moyen n’est pas fondé, principalement pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement wallon renvoie en particulier
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à l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980. En vertu de cette disposition, l’autorité fédérale est compétente pour la politique des prix et des revenus, « à l’exception de la réglementation des prix dans les matières qui relèvent de la compétence des régions et des communautés ». Tant l’autorité fédérale que les régions peuvent prendre des mesures dans le cadre de leurs compétences en matière d’indexation des loyers. La compétence régionale en matière de politique des prix et des revenus a un caractère accessoire.
A.4. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale limite son argumentation au premier moyen et se réfère pour le surplus à la position du Gouvernement flamand. Il estime que le premier moyen n’est pas fondé. Les dispositions attaquées s’inscrivent dans le cadre de la compétence régionale en matière de baux d’habitation.
Quant au deuxième moyen
A.5.1. Le deuxième moyen est pris de la violation du principe d’égalité et de non-discrimination, garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution. Ce moyen est subdivisé en huit branches.
Contrairement à ce que soutient le Gouvernement wallon, les parties requérantes estiment que, dans leur requête, elles ont exposé de façon suffisamment claire quelles catégories de personnes il y a lieu de comparer. En ce qui concerne en particulier les première et deuxième branches du moyen, il est clair pour toutes les parties, sauf pour le Gouvernement wallon, que ces branches portent sur la différence de traitement entre les locataires entre eux et entre les bailleurs entre eux, en fonction des performances énergétiques du logement.
A.5.2. Dans la première branche, les parties requérantes font valoir que le certificat de performance énergétique ne constitue pas un critère de distinction objectif. Premièrement, un bailleur n’est actuellement tenu de disposer d’un certificat de performance énergétique qu’au moment où il met le logement en location. Cette obligation n’est en vigueur que depuis 2009. Ainsi, les dispositions attaquées privent du droit d’indexation du loyer les bailleurs qui ont déjà conclu un contrat de location avant 2009 et qui ne sont donc pas tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique. Deuxièmement, le certificat de performance énergétique n’énonce un label énergétique que depuis 2019. Auparavant, ce certificat énonçait seulement un score énergétique. Dès lors que le certificat de performance énergétique est valable pendant dix ans, certains bailleurs disposent toujours d’un certificat qui n’indique aucun label énergétique. En outre, il est possible que les méthodes de calcul qui ont été utilisées pour établir un tel certificat soient dépassées. Troisièmement, le certificat de performance énergétique manque de clarté pour les particuliers et présente des défauts. Quatrièmement, le score indiqué sur le certificat de performance énergétique dépend de l’expert en énergie qui l’a établi. La possibilité de déposer une plainte contre un expert en énergie auprès de l’Agence flamande de l’énergie et du climat ne conduit pas à un résultat dans un délai raisonnable. Cinquièmement, le législateur décrétal n’a pas suffisamment motivé le régime attaqué pour qu’il puisse être considéré comme objectif.
Selon les parties requérantes, le fait que le régime relatif au certificat de performance énergétique existait déjà avant l’adoption des dispositions attaquées est sans importance. La Cour est effectivement compétente pour vérifier le caractère objectif de la méthode de calcul du certificat de performance énergétique. Les dispositions attaquées s’approprient en effet ce régime en utilisant le label énergétique comme critère de distinction, y compris dans des situations où il n’existait auparavant aucune obligation de disposer d’un certificat de performance énergétique.
A.5.3. Dans la deuxième branche, les parties requérantes font valoir que la mesure attaquée n’est pas pertinente pour atteindre les objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
Le premier objectif du législateur décrétal est de soutenir les locataires les plus affectés par les conséquences de la hausse des prix de l’énergie. Il est toutefois entre-temps apparu que le législateur décrétal a surestimé ces conséquences. Dès avant l’adoption du décret attaqué, les prévisions économiques de la Banque nationale de Belgique indiquaient que la hausse des prix de l’énergie stagnerait à la fin de l’année 2022 et que ces prix baisseraient même en 2023. De plus, le certificat de performance énergétique ne mesure que la consommation d’énergie théorique d’un immeuble. Il ne tient pas compte de la situation réelle du logement et du mode de consommation du locataire. En outre, le certificat de performance énergétique est établi sur la base de critères imparfaits.
Le second objectif du législateur décrétal consisterait à encourager les propriétaires à effectuer les travaux nécessaires pour améliorer les performances énergétiques de leur immeuble. Les parties requérantes contestent
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cependant que tel était réellement l’objectif du législateur décrétal, ce qui est également confirmé par la défense du Gouvernement flamand. L’effet stimulant du régime attaqué est en réalité inexistant, parce qu’on ne donne pas aux bailleurs le temps nécessaire pour rénover leur logement. En outre, un permis d’environnement est requis pour certains des travaux exigés, si bien qu’il est possible que ces travaux ne puissent se faire. Lorsque l’immeuble fait partie d’une copropriété, il est peu probable que le propriétaire obtienne dans l’année l’approbation de l’assemblée générale de l’association des copropriétaires pour effectuer les travaux exigés. En outre, un chauffage à l’électricité exerce à tort une incidence négative sur le score énergétique. Enfin, il est probable que les propriétaires de logements construits avant 1980 préféreront revendre leur logement au lieu d’effectuer une rénovation énergétique, compte tenu des dépenses importantes qu’impliquerait une telle rénovation. Le motif principal pour lequel des propriétaires reportent une rénovation est le manque de moyens financiers. Les mesures de soutien prévues par la Région flamande pour les rénovations énergétiques ne sont pas suffisantes et, dans la pratique, il faut patienter longtemps avant que les montants soient versés.
Les parties requérantes contestent également le caractère temporaire des dispositions attaquées, avancé par le Gouvernement flamand. Le facteur de correction prévu par l’article 4 du décret attaqué peut en effet être appliqué sans limitation de temps, c’est-à-dire tant que le logement n’a pas obtenu le label énergétique requis.
A.5.4. Dans la troisième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées créent une discrimination entre plusieurs catégories de locataires.
Dans la première sous-branche, elles soutiennent que les dispositions attaquées traitent tous les locataires de la même manière, sans tenir compte de la mesure dans laquelle ceux-ci sont affectés par la hausse des prix de l’énergie. Premièrement, les dispositions attaquées ne font pas de distinction selon le mode de calcul des charges dues par le locataire, et plus spécialement selon que le locataire est redevable des charges réelles sur la base d’un décompte annuel ou qu’il paie un montant forfaitaire ne tenant pas compte des consommations. De ce fait, les dispositions attaquées ont des effets disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi par le législateur décrétal de protéger les locataires contre la hausse des prix de l’énergie. Deuxièmement, les dispositions attaquées ne font pas de distinction en fonction des revenus du locataire. Le législateur décrétal aurait dû tenir compte du niveau de revenus et de la question de savoir si les revenus sont indexés ou non. Les dispositions attaquées favorisent davantage les locataires qui disposent de revenus élevés que les locataires qui se trouvent dans une situation financière précaire. Le caractère disproportionné résulte également du fait qu’à la suite de la mesure attaquée, 54 % des bailleurs ne pourront appliquer aucune indexation des loyers ou ne pourront appliquer qu’une indexation partielle. Enfin, la mesure attaquée menace l’équilibre entre locataire et bailleur. Cette conclusion est corroborée par l’arrêt de la Cour n° 32/2018 du 15 mars 2018 (ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.032).
Dans la seconde sous-branche, il est dit que les dispositions attaquées créent une différence de traitement selon la nature du bail. La réglementation attaquée s’applique en effet exclusivement aux baux de résidence principale et non aux baux pour le logement d’étudiants et la colocation. En ce que le Gouvernement flamand fait valoir que, pour la location d’une chambre d’étudiant, il est généralement convenu que l’étudiant paie une indemnité forfaitaire pour les consommations d’énergie, il confirme que les locataires qui paient une indemnité forfaitaire n’auraient pas dû tomber dans le champ d’application de la mesure attaquée.
A.5.5. Dans la quatrième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées créent une différence de traitement aussi bien entre des bailleurs privés et des bailleurs de logements sociaux qu’entre des locataires privés et des locataires de logements sociaux. Les travaux préparatoires ne justifient pas les deux différences de traitement. Les locataires de logements sociaux sont pourtant la catégorie de locataires la plus vulnérable. En outre, les bailleurs de logements sociaux ne sont pas incités à améliorer les performances énergétiques de leurs bâtiments. Les mesures spécifiques invoquées par le Gouvernement flamand concernant les baux d’habitation sociale ne peuvent suffire pour justifier ces différences de traitement. Le fait notamment que le loyer dû par un locataire social dépend de ses revenus n’empêche pas que les revenus des locataires sociaux augmenteront également à la suite de l’indexation des salaires, laquelle entraînera à nouveau une augmentation du loyer. En outre, le Gouvernement flamand ne démontre pas comment les mesures qui existent déjà inciteront les bailleurs de logements sociaux à rénover leurs logements dans la même mesure que le ferait une limitation de la possibilité d’indexer les loyers.
A.5.6. Dans la cinquième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées créent une différence de traitement entre bailleurs en fonction de l’année d’établissement du certificat de performance énergétique. Ce n’est que depuis 2019 que le certificat de performance énergétique énonce un label énergétique, alors qu’il ne prévoyait auparavant qu’un score énergétique. Dès lors qu’un certificat de performance énergétique
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est valable pendant dix ans, un grand nombre de bailleurs disposent encore d’un certificat sans label énergétique.
Sur la base d’une lecture littérale des dispositions attaquées, de tels bailleurs ne pourraient pas indexer le loyer, sauf s’ils font établir un nouveau certificat. En ce que le Gouvernement flamand fait valoir que, si le certificat de performance énergétique n’énonce aucun label énergétique, il faut tenir compte du score énergétique, l’on n’aperçoit pas pourquoi le bailleur ne pourrait pas faire la preuve des performances énergétiques du logement d’une autre manière. Les parties requérantes soulignent par ailleurs qu’elles comparent effectivement uniquement les situations de plusieurs catégories de personnes au même moment, à savoir au moment où les dispositions attaquées sont entrées en vigueur.
A.5.7. Dans la sixième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées créent une différence de traitement entre locataires et bailleurs. Les deux catégories de personnes se trouvent dans des situations comparables, en ce qu’elles sont toutes les deux touchées par la hausse de l’inflation et des prix de l’énergie. Les augmentations ont également touché les matériaux de construction, les primes des assurances incendie, le précompte immobilier et les intérêts des crédits hypothécaires. Les bailleurs doivent en supporter les conséquences. Les mesures invoquées par le Gouvernement flamand au bénéfice des bailleurs ne sont pas suffisantes pour remédier à ce problème. Ces mesures ont principalement été prises par l’autorité fédérale, et non par la Région flamande. L’aide accordée aux bailleurs n’est pas suffisante et n’est pas du même ordre que celle accordée aux locataires. De plus, les dispositions attaquées ne tiennent pas compte des revenus du bailleur et du locataire.
A.5.8. Dans la septième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées traitent les bailleurs de la même manière, qu’ils donnent en location un logement unifamilial ou un appartement. Les deux catégories de bailleurs se trouvent dans des situations différentes. En cas de copropriété, les travaux requis pour améliorer les performances énergétiques concernent souvent les parties communes de l’immeuble. Pour effectuer de tels travaux, il faut recueillir l’accord des copropriétaires à une majorité des deux tiers. Par conséquent, il est beaucoup plus difficile pour les propriétaires d’un appartement d’obtenir à court terme un label énergétique favorable que pour les propriétaires d’un logement unifamilial. Il est inexact de soutenir, comme le fait le Gouvernement flamand, que les travaux de rénovation requis pour obtenir un label énergétique D sont relativement simples et ne concernent pas les parties communes de l’immeuble. D’ailleurs, le Gouvernement flamand confirme ainsi implicitement qu’il est en tout cas impossible pour le propriétaire d’un appartement d’effectuer, sans l’accord des autres copropriétaires, les travaux requis pour obtenir un label énergétique C ou supérieur et donc d’appliquer une indexation complète du loyer.
A.5.9. Dans la huitième branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées créent une discrimination entre les bailleurs d’un logement possédant un label énergétique D et les bailleurs d’un logement possédant un label énergétique E ou F. Les bailleurs de la seconde catégorie ne peuvent pas du tout indexer le loyer, alors que les bailleurs de la première catégorie peuvent appliquer une indexation partielle.
A.6.1. Le Gouvernement flamand estime que le deuxième moyen n’est pas fondé. Les différences et identités de traitement citées par les parties requérantes ne violent pas le principe d’égalité et de non-discrimination. Le Gouvernement flamand souligne que le législateur décrétal dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer sa politique en matière de logement, d’environnement et d’énergie.
A.6.2. Selon le Gouvernement flamand, il n’est tout d’abord pas question d’une discrimination entre les bailleurs qui pourront continuer à indexer le loyer et les bailleurs qui, pendant une année, ne pourront pas le faire ou ne pourront le faire que dans une mesure limitée.
Le Gouvernement flamand estime que les dispositions attaquées poursuivent des objectifs légitimes d’intérêt général. En effet, à la suite de la crise énergétique, le législateur décrétal a voulu, d’une part, protéger les locataires contre les charges exorbitantes et, d’autre part, encourager les bailleurs à réaliser des travaux d’économie d’énergie, afin de rendre le patrimoine de logements locatifs plus durable à la lumière des objectifs climatiques de la Région flamande et de l’Union européenne. L’allégation des parties requérantes selon laquelle le premier objectif ne serait plus d’actualité ne saurait être suivie. Le législateur décrétal devait agir rapidement pour faire face à la crise énergétique. Des chiffres de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz montrent que, durant le second semestre de 2022, le niveau des prix de l’électricité et du gaz a largement dépassé celui de 2020.
Des chiffres du Régulateur flamand de l’énergie montrent qu’en mai 2023, le prix de marché moyen de l’énergie n’avait baissé que de 13 % par rapport au même moment un an plus tôt. Ce prix est encore plus élevé de 35%
qu’en mai 2021.
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Le Gouvernement flamand ajoute que le label énergétique du logement loué constitue un critère de distinction objectif. Il est possible de vérifier simplement si un bailleur dispose d’un certificat de performance énergétique et quel est le label énergétique. Les parties requérantes font valoir que le certificat de performance énergétique manque de clarté pour les particuliers et que la méthode de calcul présente des défauts, mais cette affirmation est sans lien avec le caractère objectif du critère de distinction. En outre, la Cour ne vérifie que le caractère objectif du critère de distinction proprement dit, à savoir le label énergétique, et non des éventuels critères sous-jacents, comme la méthode de calcul de ce label. En tout cas, les parties requérantes ne démontrent pas que cette méthode de calcul n’est pas objective. Cette méthode a été fixée dans un cadre régulateur détaillé et est étayée scientifiquement. De même, il importe peu que la méthode de calcul ait déjà été modifiée auparavant, ou que le score énergétique précis puisse varier concrètement en fonction de l’expert en énergie qui a effectué le calcul.
Selon le Gouvernement flamand, il est pertinent, au regard de l’objectif de garantir l’offre de logements abordables, de prévoir, en fonction de l’efficacité énergétique du logement, une limitation de la possibilité d’indexer le loyer. Il s’agit d’une mesure prise durant une période de crise caractérisée par une inflation élevée et des prix de l’énergie en hausse. Si le loyer était également adapté à la forte hausse du coût de la vie par le biais de l’indexation automatique, les locataires seraient frappés doublement. Des recherches dans le domaine des sciences sociales montrent d’ailleurs que les logements à mauvaises performances énergétiques sont principalement occupés par des locataires financièrement vulnérables. En outre, le coût total du logement mobilise une partie beaucoup plus importante du revenu disponible des locataires sur le marché du logement privé que celui des propriétaires et locataires sociaux.
Selon le Gouvernement flamand, le degré de sobriété énergétique constitue également un critère pertinent au regard de l’objectif de favoriser les performances énergétiques du patrimoine de logements locatifs en Flandre et donc d’atteindre les objectifs climatiques flamands et européens. Les bailleurs privés ne sont pas suffisamment incités à réaliser les investissements nécessaires pour rendre les logements locatifs économes en énergie. Par conséquent, le besoin de rénovations énergétiques est nettement plus élevé pour les logements locatifs privés. À
cet égard, l’application d’un facteur de correction, comme le prévoit l’article 4 du décret attaqué, garantit que les bailleurs seront également incités, à plus long terme, à effectuer des travaux d’économie d’énergie. La Région flamande prévoit d’ailleurs pour cela différentes primes et prêts à taux avantageux.
Selon le Gouvernement flamand, l’argumentation développée par les parties requérantes pour réfuter la pertinence de la mesure porte essentiellement sur la méthode de calcul du score énergétique. En réalité, ces griefs visent la réglementation relative aux certificats de performance énergétique prévue par le décret de la Région flamande du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l’énergie » et par l’arrêté du Gouvernement flamand du 19 novembre 2010 « portant des dispositions générales en matière de la politique de l’énergie ». La Cour n’est pas compétente pour se pencher, dans le cadre du recours présentement examiné, sur la constitutionnalité de cette réglementation. En outre, les parties requérantes ne démontrent pas que les prétendus défauts affectant cette méthode de calcul portent atteinte au caractère pertinent du label énergétique comme critère de distinction. Il est vrai que le score énergétique porte sur la consommation d’énergie théorique, mais ceci permet de comparer les performances énergétiques des bâtiments et de faire abstraction du comportement des occupants.
Il est de plus inévitable que la méthode de calcul tienne compte de valeurs standards. Le certificat de performance énergétique se conçoit comme un outil facile à utiliser, applicable à grande échelle et disponible dans un délai relativement court. Le législateur décrétal a pu ménager un équilibre entre la précision scientifique et la faisabilité pratique. Les choix effectués lors de la fixation des critères du certificat de performance énergétique n’excèdent pas le pouvoir d’appréciation étendu du législateur décrétal.
Selon le Gouvernement flamand, le fait que certains bailleurs ne sont pas tenus légalement de disposer d’un certificat de performance énergétique n’empêche pas le législateur décrétal d’exiger également de la part de ces bailleurs qu’ils fassent établir un tel certificat pour pouvoir prétendre à une indexation du loyer. Le coût à supporter pour faire établir un certificat de performance énergétique n’est pas prohibitif. Il n’est pas non plus pertinent que, pour certains logements, les prescriptions urbanistiques empêcheraient la réalisation des travaux de rénovation requis, comme le soutiennent les parties requérantes. Plusieurs travaux permettant de faire des économies d’énergie ne nécessitent aucun permis d’environnement. Quant à l’argument selon lequel il faut beaucoup de temps, dans une copropriété, pour obtenir l’accord des copropriétaires à une majorité des deux tiers, le Gouvernement flamand fait valoir que, dans des appartements, il suffira la plupart du temps de réaliser des travaux dans les parties privatives. En ce que les parties requérantes font valoir que la mesure attaquée inciterait les bailleurs à vendre leur logement au lieu de le rénover, le nouveau propriétaire sera de toute façon tenu d’obtenir dans les cinq ans un label énergétique D. L’on peut d’ailleurs considérer que le prix de vente tiendra compte du coût des travaux à effectuer pour obtenir ce label.
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De façon plus générale, le Gouvernement flamand souligne que le législateur décrétal n’est pas tenu de tenir compte des particularités de chaque cas. L’exigence de pertinence ne va pas jusqu’à obliger le législateur décrétal à démontrer que la mesure attaquée incite chaque bailleur individuel à procéder à des rénovations. La mesure attaquée fait d’ailleurs partie d’un train de mesures plus larges qui visent à améliorer les performances énergétiques des logements de Flandre.
Enfin, la mesure attaquée ne produit pas des effets disproportionnés pour les bailleurs. Cette mesure porte exclusivement sur la possibilité pour le bailleur d’indexer le loyer, mais n’a aucune incidence sur la valeur nominale du loyer. En outre, la mesure attaquée est limitée dans le temps, ne vaut que pour les logements servant de résidence principale au locataire et ne s’applique pas aux logements dotés d’un label énergétique avantageux.
L’indexation du loyer reste possible pour les logements dotés d’un label énergétique D, fût-ce à concurrence de seulement la moitié. Enfin, le bailleur peut recourir à différentes mesures de soutien pour rénover l’habitation sur le plan énergétique et le loyer pourra être revu après la réalisation des travaux d’économie d’énergie, comme le prévoit l’article 35, § 2, du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l’habitation ou de parties de ceux-ci » (ci-après : le décret du 9 novembre 2018).
A.6.3. Le Gouvernement flamand estime qu’il est également raisonnablement justifié de traiter les locataires de la même manière, quelle que soit leur situation financière. Compte tenu du contexte de la crise énergétique et de l’objectif double du régime attaqué, il ne peut être reproché au législateur décrétal de ne pas avoir tenu compte du revenu et du mode de calcul des dépenses énergétiques de chaque locataire. Par rapport à l’objectif d’augmenter la sobriété énergétique des logements locatifs flamands, la situation financière du locataire est de toute façon sans importance. En outre, le législateur décrétal devait agir vite et pouvait raisonnablement considérer que les locataires paient en général les frais et charges réels. Dans le cas de logements loués pour servir de résidence principale, il est exceptionnel que le locataire paie une indemnité forfaitaire pour les consommations d’énergie, contrairement à ce qui est par exemple le cas pour la location de chambres d’étudiants. En ce qu’il aurait tout de même été convenu d’une indemnité forfaitaire, il n’est pas exclu qu’il s’agisse d’une indemnité relativement élevée. Le cas échéant, le bailleur est libre de demander au juge la révision des frais et charges forfaitaires ou leur conversion en frais et charges réels, conformément à l’article 36, § 3, du décret du 9 novembre 2018.
A.6.4. Selon le Gouvernement flamand, il n’est pas non plus question d’une discrimination entre, d’une part, les locataires ayant conclu un bail pour une résidence principale et, d’autre part, les locataires ayant conclu un bail pour le logement d’étudiants, un bail de colocation ou un bail social.
Le Gouvernement flamand souligne que la mesure attaquée s’applique effectivement aux baux de colocation.
Conformément à l’article 2 du décret attaqué, ce décret s’applique entre autres aux contrats de location qui relèvent du titre II du décret du 9 novembre 2018. Les baux de colocation relèvent également de ce titre.
Selon le Gouvernement flamand, la différence de traitement entre locataires ayant conclu un bail pour résidence principale et locataires ayant conclu un bail pour logement d’étudiants est justifiée par le fait que les étudiants n’ont par définition pas leur résidence principale dans le bien loué. Le législateur décrétal a de ce fait pu considérer que, vis-à-vis des étudiants, la hausse des prix de l’énergie ne risquait pas de compromettre dans la même proportion le droit à un logement décent. En outre, les baux pour chambres d’étudiant sont conclus pour une période plus courte, si bien qu’il n’est généralement pas question d’une indexation du loyer. Le Gouvernement flamand souligne également que, dans le cadre de la location d’une chambre d’étudiant, l’on convient généralement d’une indemnité forfaitaire pour les consommations d’énergie, et que les chambres d’étudiants ont une superficie limitée, de sorte que l’incidence de la hausse des prix de l’énergie est moindre.
Selon le Gouvernement flamand, la différence de traitement entre locataires privés et locataires sociaux est justifiée par le fait qu’en cas de location d’un logement social, plusieurs autres mesures existent pour faire en sorte que les charges de logement restent abordables, si bien que, pour les locataires sociaux, ces charges accaparent une partie plus limitée du budget total. Ainsi, le loyer social dépend du revenu de référence du locataire et le locataire social bénéficie de plusieurs réductions. En outre, un grand nombre de locataires sociaux ont droit au tarif social pour l’énergie. Le législateur décrétal pouvait dès lors considérer que les locataires sociaux étaient déjà suffisamment protégés contre la hausse des prix de l’énergie. En outre, le législateur décrétal a pris d’autres mesures, plus poussées, pour promouvoir les performances énergétiques des locations sociales. Ainsi, les sociétés
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de logement sont tenues d’établir un planning d’entretien et de rénovation et doivent veiller à la rénovation, à l’amélioration, à l’adaptation ou au remplacement du patrimoine de logements sociaux.
A.6.5. Selon le Gouvernement flamand, l’identité de traitement des bailleurs, selon que leur certificat de performance énergétique est antérieur ou postérieur à 2019, n’est pas contraire au principe d’égalité et de non-
discrimination. Les bailleurs qui disposent d’un certificat de performance énergétique qui ne mentionne pas le label énergétique peuvent vérifier simplement à quel label énergétique correspond le score énergétique mentionné sur le certificat. Il est également sans importance que la méthode de calcul du score énergétique ait été rendue plus stricte au fil des ans. En effet, une différence de traitement entre des situations qui se succèdent dans le temps ne peut pas donner lieu à une discrimination.
A.6.6. En ce qui concerne la différence de traitement entre locataires et bailleurs, le Gouvernement flamand souligne les différences objectives entre les deux catégories de personnes sur le plan financier. Contrairement aux bailleurs, les locataires sont frappés doublement par l’inflation élevée, dans la mesure où celle-ci fera augmenter aussi bien le coût de l’énergie que le loyer. Le locataire n’a pas la possibilité d’améliorer lui-même l’efficacité énergétique du logement. Le bailleur dispose par définition d’une autre résidence principale et se trouve dès lors dans une situation financière plus forte que le locataire. En outre, la location de logements constitue une activité économique. Les inconvénients que le régime attaqué fait subir aux bailleurs relèvent des risques d’exploitation normaux d’une telle activité. D’ailleurs, les dispositions attaquées n’affectent pas la valeur nominale du loyer, mais seulement la possibilité de l’indexer. En ce que les parties requérantes font valoir que le régime attaqué traite tous les bailleurs de la même manière, le Gouvernement flamand observe qu’il relève du pouvoir d’appréciation du législateur décrétal de faire dépendre les loyers des logements privés des performances énergétiques du logement et non de la situation financière du bailleur individuel.
A.6.7. Selon le Gouvernement flamand, la différence de traitement entre les bailleurs de logements disposant d’un label énergétique D et ceux disposant d’un label énergétique E ou F est elle aussi raisonnablement justifiée.
En permettant une indexation partielle des loyers pour les logements dotés d’un label énergétique D, le législateur décrétal incite également les bailleurs disposant d’un budget de rénovation limité à effectuer certains travaux d’efficience énergétique.
A.7.1. Le Gouvernement wallon estime que le deuxième moyen n’est pas recevable, en ce que les parties requérantes n’exposent pas clairement quelles catégories de personnes doivent être comparées.
A.7.2. Selon le Gouvernement wallon, le deuxième moyen n’est en tout cas pas fondé, principalement pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement wallon souligne le caractère fondamental du droit à un logement décent, garanti notamment par l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution. Les législateurs compétents doivent non seulement respecter ce droit, mais aussi le protéger et le mettre en œuvre en adoptant eux-mêmes des mesures. Le Gouvernement wallon fait référence à des chiffres de l’Office belge de statistique dont il ressort qu’en octobre 2022, l’inflation a atteint son plus haut niveau depuis juin 1975. Cette hausse a été consécutive à l’évolution des prix de l’énergie.
Le Gouvernement wallon observe encore que différentes critiques émises par les parties requérantes visent en réalité la réglementation relative au certificat de performance énergétique, qui trouve son fondement dans la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 « sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) ». Ces critiques sont étrangères aux dispositions attaquées et ne peuvent dès lors être appréciées dans le cadre du recours présentement examiné.
Le Gouvernement wallon relève également que les parties requérantes citent dans le moyen un grand nombre de différences et d’identités de traitement spécifiques. Il n’est cependant pas possible pour le législateur décrétal de tenir compte de toutes les différences et identités de traitement qu’une mesure pourrait induire et encore moins de les justifier explicitement dans les travaux préparatoires. Le législateur décrétal ne peut pas tenir compte des particularités de chaque cas d’espèce.
En ce qui concerne la différence de traitement entre bailleurs et locataires, le Gouvernement wallon estime qu’il n’est pas question de catégories de personnes comparables. En ce que les parties requérantes critiquent la différence de traitement entre bailleurs selon qu’ils louent un logement unifamilial ou un appartement, leurs critiques portent en réalité sur le régime de la copropriété et non sur les dispositions attaquées.
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A.7.3. En ce qui concerne la différence de traitement entre locataires ayant conclu un bail de résidence principale, d’une part, et locataires ayant conclu un bail pour étudiants ou pour une colocation, d’autre part, le Gouvernement wallon s’en remet à la sagesse de la Cour.
Quant au troisième moyen
A.8.1. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique. Ce moyen est subdivisé en deux branches.
A.8.2. Dans la première branche, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées imposent une sanction aux propriétaires-bailleurs d’un logement doté d’un label énergétique D, E ou F, alors qu’aucune sanction n’est imposée aux propriétaires qui occupent eux-mêmes leur immeuble lorsque celui-ci ne satisfait pas au label énergétique requis. Les dispositions attaquées vont plus loin que les mesures prévues par le plan flamand en matière d’énergie et de climat pour la période de 2021 à 2030 et par la note d’orientation « Bijkomende maatregelen klimaat » (Mesures complémentaires en matière de climat) approuvée par le Gouvernement flamand le 5 novembre 2021, selon lesquels ce n’est qu’à partir de 2040 que les appartements et logements mitoyens devront disposer d’un label énergétique C et que les appartements et logements à trois ou quatre façades devront disposer d’un label énergétique D. Compte tenu de cet élément, les propriétaires-bailleurs pouvaient considérer qu’ils disposeraient d’un délai plus long pour améliorer les performances énergétiques de leur immeuble. Les dispositions attaquées obligent les propriétaires-bailleurs, contrairement aux propriétaires-occupants, à effectuer à court terme des travaux de grande envergure, travaux qu’ils ne pouvaient pas prévoir et qui, dans de nombreux cas, sont aussi irréalisables.
Les parties requérantes observent que la défense du Gouvernement flamand n’est pas étayée par des données chiffrées. En outre, cette défense considère que les bailleurs ne sont pas incités à réaliser des travaux d’économie d’énergie, mais ne tient pas compte de la possibilité pour le bailleur de demander une révision du loyer après avoir effectué de tels travaux, conformément à l’article 35 du décret du 9 novembre 2018. Pour atteindre les objectifs climatiques flamands, la Région flamande devrait en premier lieu inciter les propriétaires-occupants à réaliser des investissements énergétiques.
A.8.3. Dans la seconde branche, les parties requérantes font valoir que ce n’est que depuis le 1er janvier 2009 que les bailleurs doivent présenter un certificat de performance énergétique lors de la mise en location d’un logement, si bien que certains bailleurs ne sont pas tenus de disposer d’un tel certificat. La mesure attaquée lèse de tels bailleurs, alors qu’ils pouvaient légitimement considérer qu’ils n’étaient pas tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique. De ce fait, les dispositions attaquées font également naître une identité de traitement entre, d’une part, les bailleurs qui ne disposent pas d’un certificat de performance énergétique parce qu’ils ne sont pas légalement tenus d’en disposer et, d’autre part, les bailleurs qui, en violation d’une obligation légale, n’ont fait établir aucun certificat de performance énergétique.
A.9.1. Le Gouvernement flamand estime que le troisième moyen n’est pas fondé. Les dispositions attaquées ne sont pas contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique. Le Gouvernement flamand rappelle qu’il appartient au législateur décrétal, lorsqu’il décide d’introduire une nouvelle réglementation, d’estimer s’il est nécessaire ou opportun d’assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s’il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime, qui est étroitement lié au principe de la sécurité juridique.
A.9.2. En ce qui concerne la première branche, le Gouvernement flamand estime qu’il est raisonnablement justifié de traiter différemment les propriétaires d’un logement selon qu’ils mettent ce logement en location ou l’occupent eux-mêmes. Contrairement aux propriétaires-occupants, les propriétaires-bailleurs ne sont en effet pas suffisamment incités à rénover énergétiquement leur logement, puisque c’est tout d’abord le locataire qui en retire un avantage, à savoir une diminution des dépenses énergétiques. À cet égard, le législateur décrétal a pu estimer qu’il était nécessaire d’intervenir immédiatement, compte tenu des circonstances exceptionnelles de la crise énergétique. Si les bailleurs avaient été informés largement à l’avance de l’adoption de la réglementation attaquée, ils auraient eu la possibilité d’encore indexer le loyer avant l’entrée en vigueur de cette réglementation. La Région flamande a d’ailleurs déjà pris plusieurs autres mesures pour inciter également les propriétaires-occupants à réaliser des travaux d’économie d’énergie.
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Selon le Gouvernement flamand, l’on n’aperçoit pas pourquoi les bailleurs pouvaient légitimement s’attendre à ce que les exigences relatives aux économies d’énergie des logements locatifs demeureraient inchangées. Pour atteindre les objectifs climatiques européens et flamands, il est nécessaire d’augmenter le nombre de logements qui sont rénovés. Le plan flamand en matière d’énergie et de climat pour la période de 2021 à 2030 ne pouvait pas susciter chez les bailleurs de logements peu économes en énergie l’attente légitime que les objectifs généraux et spécifiques en matière de rénovation de bâtiments qu’il contient ne pourraient pas être renforcés ou précisés par le législateur décrétal. Les plans nationaux en matière d’énergie et de climat s’inscrivent dans le cadre des obligations imposées aux États membres de l’Union européenne, conformément au règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE)
n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil ». De tels plans sont en premier lieu destinés à la Commission européenne. Les justiciables individuels ne peuvent en tirer aucun droit. Il appartient au législateur décrétal de prendre d’ores et déjà des mesures permettant d’atteindre les objectifs à long terme en matière d’énergie et de climat.
A.9.3. En ce qui concerne la seconde branche, le Gouvernement flamand reconnaît que les bailleurs qui ont conclu un bail d’habitation avant le 1er janvier 2009 ne sont pas tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique. Cela n’empêche cependant pas le législateur décrétal d’inciter ces bailleurs à faire établir malgré tout un tel certificat. Celui-ci peut être établi dans un délai relativement court et pour un coût modique. Quoi qu’il en soit, les bailleurs précités peuvent considérer qu’à l’avenir, ils devront faire établir un certificat de performance énergétique, par exemple lorsqu’ils souhaiteront à nouveau proposer le logement à la location. Enfin, en ce qui concerne la protection du locataire, peu importe que le contrat de bail date d’avant ou d’après le 1er janvier 2009.
A.10. Le Gouvernement wallon estime que le troisième moyen n’est pas fondé. En ce qui concerne la première branche, le Gouvernement wallon est d’avis que les propriétaires-occupants et les propriétaires-bailleurs ne sont pas suffisamment comparables au regard des objectifs socio-économiques de la mesure attaquée. De plus, cette mesure a été prise dans des circonstances exceptionnelles et imprévisibles et a un caractère temporaire.
Compte tenu de ces éléments, la mesure attaquée ne porte pas atteinte aux attentes légitimes des bailleurs concernés. En ce qui concerne la seconde branche, les parties requérantes cherchent, selon le Gouvernement wallon, à ce que le législateur décrétal impose une sanction aux propriétaires qui ne disposent pas d’un certificat de performance énergétique au moment où ils mettent leur immeuble en location. Cependant, une telle sanction existe déjà.
Quant au quatrième moyen
A.11. Le quatrième moyen est pris de la violation de l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel).
Les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées constituent une ingérence dans le droit au respect des biens. En effet, les dispositions attaquées n’ont pas répondu à l’attente légitime des bailleurs concernés qui escomptaient pouvoir indexer le loyer. Cette ingérence n’est pas justifiée par une exigence d’intérêt général.
Les effets de la réglementation attaquée sont en tout cas disproportionnés aux objectifs poursuivis par le législateur décrétal. Les inconvénients que cette réglementation entraîne pour les bailleurs ne sont pas proportionnés aux avantages dont les locataires bénéficient. Les bailleurs sont tout aussi confrontés à plusieurs hausses de coûts, alors que les locataires ne sont touchés par la crise énergétique que de manière limitée, dans la mesure où ils bénéficient par exemple de l’indexation des salaires ou paient seulement un coût forfaitaire pour leurs consommations d’énergie. Le législateur décrétal a totalement imputé aux bailleurs les charges financières de la crise énergétique.
Le législateur décrétal rompt ainsi l’équilibre entre les locataires et les bailleurs, ce qui est également démontré par l’exposé des parties requérantes en ce qui concerne les deuxième et troisième moyens. En outre, le législateur décrétal n’a pas prévu de période transitoire, de sorte que les bailleurs concernés n’ont pas pu s’adapter à la réglementation attaquée. Les bailleurs n’ont pas pu prévoir qu’ils devraient disposer d’un certificat de performance énergétique ou qu’ils devraient dès maintenant atteindre certains objectifs énergétiques.
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A.12. Le Gouvernement flamand estime que le quatrième moyen n’est pas fondé. Il souligne que la mesure attaquée ne conduit pas à une réduction de la valeur nominale du loyer. Cette mesure entraîne seulement une diminution temporaire du pouvoir d’achat du bailleur. La mesure attaquée ne peut donc pas être considérée comme une expropriation ou une privation de propriété. Il s’agit tout au plus d’un règlement de l’usage de la propriété au sens de l’article 1er, second alinéa, du Premier Protocole additionnel.
Selon le Gouvernement flamand, il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre la limitation de l’indexation du loyer et les objectifs poursuivis par le législateur décrétal, principalement pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés pour réfuter les deuxième et troisième moyens. Le Gouvernement flamand souligne en outre que le droit à un logement décent constitue un droit fondamental garanti par l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution et par l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il en va de même pour le droit à la protection de la santé et le droit à la protection d’un environnement sain, garantis par l’article 23, alinéa 3, 2° et 4°, de la Constitution. L’article 23, alinéa 2, de la Constitution oblige les différents législateurs, lorsqu’ils garantissent les droits économiques, sociaux et culturels, à prendre en compte les obligations correspondantes des citoyens. De plus, l’article 7bis de la Constitution oblige les régions à poursuivre, dans l’exercice de leurs compétences, les objectifs d’un développement durable dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, dont fait notamment partie la lutte contre le réchauffement climatique.
A.13. Le Gouvernement wallon estime que le quatrième moyen n’est pas fondé, principalement pour les mêmes motifs que ceux exposés par le Gouvernement flamand.
Quant au maintien des effets
A.14. Le Gouvernement flamand demande qu’en cas d’annulation, les effets des dispositions attaquées soient maintenus conformément à l’article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle. L’effet rétroactif de l’annulation serait de nature à créer l’insécurité juridique et à plonger dans des difficultés financières les locataires vis-à-vis desquels le loyer ne pouvait pas être indexé, ou ne pouvait l’être que partiellement, du fait de l’application des dispositions attaquées.
A.15. Les parties requérantes estiment qu’il n’y a pas lieu d’accéder à la demande de maintien des effets. Le Gouvernement flamand ne démontre pas qu’une annulation non modulée dans le temps risquerait de perturber l’ordre juridique.
-B-
Quant au décret attaqué et à son contexte
B.1. Le recours en annulation est dirigé contre le décret de la Région flamande du 3 octobre 2022 « portant limitation de l’indexation des loyers afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique » (ci-après : le décret attaqué). Ce décret prévoit une limitation de la possibilité d’indexer les loyers d’habitations sans certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique labellisé D, E ou F.
B.2.1. Un certificat de performance énergétique est « un certificat mentionnant le résultat du calcul de l’efficience énergétique totale d’un bâtiment, exprimé en un ou plusieurs
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indicateurs numériques » (article 1.1.3, 43°, du décret de la Région flamande du 8 mai 2009
« portant les dispositions générales en matière de la politique de l’énergie », ci-après : le décret du 8 mai 2009). Un tel certificat est établi par un expert en énergie, qui est agréé selon la procédure fixée par le Gouvernement flamand (articles 1.1.3, 39°, et 10.1.2 du décret du 8 mai 2009).
L’article 11.2.1 du décret du 8 mai 2009 dispose :
« § 1. Le Gouvernement flamand peut imposer aux propriétaires, les titulaires d’un droit réel ou aux utilisateurs d’un bâtiment, que celui-ci doit disposer d’un certificat de performance énergétique. […]
Le certificat de performance énergétique comprend des valeurs de référence sur la base desquelles la performance énergétique d’un bâtiment peut être évaluée et comparée avec celle d’autres bâtiments. Le certificat de performance énergétique comprend également des recommandations concernant l’amélioration, selon des critères de coût-efficacité, de la performance énergétique du bâtiment, ou des conseils de bon usage.
Le Gouvernement flamand détermine la méthode de calcul, le contenu et la forme du certificat de performance énergétique.
Le Gouvernement flamand peut également déterminer des règles concernant le marquage des bâtiments. En outre, le Gouvernement flamand peut stipuler que les bâtiments doivent obtenir un label de performance énergétique minimum. Le Gouvernement flamand peut à cet égard établir une distinction selon le type de bâtiment.
La durée de validité d’un certificat de performance énergétique ne peut pas excéder dix ans. Le Gouvernement flamand détermine dans quels cas un certificat de performance énergétique peut être retiré ou adapté.
§ 2. […]
§ 3. Tout vendeur, bailleur, bailleur d’un bail emphytéotique, constituant du droit de superficie, titulaire d’un droit réel, ainsi que le chargé de mission, mandataire ou fondé de pouvoir, mentionne les données suivantes dans toutes les annonces commerciales qu’il place ou fait placer pour la vente ou la location d’un bâtiment ou l’établissement d’un droit réel sur celui-ci, disposant d’un certificat de performance énergétique conformément au paragraphe 1er :
1° le score énergétique ou le label, déterminé sur la base du score énergétique, tel que mentionné sur le certificat de performance énergétique;
2° la part d’énergie renouvelable ou le label, déterminé sur la base de la part d’énergie renouvelable, tel que mentionné sur le certificat de performance énergétique;
3° le code unique du certificat de performance énergétique ou l’adresse du bâtiment ».
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Le Gouvernement flamand peut en outre « imposer aux personnes mentionnées à l’article 11.2.1, § 1er, premier alinéa, de mettre à la disposition du locataire un certificat de performance énergétique valable en cas de conclusion d’un nouveau contrat de location »
(article 11.2.2, § 2, du décret du 8 mai 2009).
B.2.2. En vertu de l’article 9.2.1 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 19 novembre 2010 « portant des dispositions générales en matière de la politique de l’énergie » (ci-après :
l’arrêté du 19 novembre 2010), le certificat de performance énergétique bâtiments résidentiels comprend notamment « l’expression de la prestation énergétique du bâtiment au moyen du préfixe résidentiel avec indication des valeurs de référence » (article 9.2.1, § 1er, alinéa 1er, 4°). Le ministre arrête les modalités de la forme et du contenu du certificat de performance énergétique bâtiments résidentiels (article 9.2.1, § 1er, alinéa 2). Le ministre peut également déterminer la méthode de calcul pour l’établissement du certificat de performance énergétique bâtiments résidentiels (article 9.2.1, § 4, alinéa 4). Le certificat de performance énergétique bâtiments résidentiels a une durée de validité de dix ans (article 9.2.1, § 5).
B.2.3. L’article 73 de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018 « contenant des dispositions générales sur la réglementation de la performance énergétique, les certificats de performance énergétique et la certification d’entrepreneurs et d’installateurs » (ci-après :
l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018) dispose :
« Le certificat de performance énergétique bâtiments résidentiels pour la vente et la location, visé dans l’annexe 25 au présent arrêté, contient les éléments suivants :
1° la date d’établissement du certificat de performance énergétique;
2° l’identification de l’expert en énergie;
3° les données spécifiques au bâtiment, comme l’adresse et l’affectation;
4° l’expression de la performance énergétique du bâtiment sur la base d’un indice et d’un label de A+ à F, indiquant les valeurs de référence;
5° le code unique;
6° le cas échéant, les recommandations en vue d’une amélioration économiquement rationnelle de la performance énergétique du bâtiment.
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Le label du certificat de performance énergétique est désigné par les codes couleurs suivants :
1° A+ : vert foncé
2° A : vert
3° B : vert clair
4° C : jaune
5° D : orange clair
6° E : orange
7° F : rouge
Les valeurs limites des labels du certificat de performance énergétique mentionnés à l’alinéa 2 sont les suivantes :
F 500 kWh/(m2 an)
500 kWh/(m2 an) = E 400 kWh/(m2 an)
400 kWh/(m2 an) = D 300 kWh/(m2 an)
300 kWh/(m2 an) = C 200 kWh/(m2 an)
200 kWh/(m2 an) = B 100 kWh/(m2 an)
100 kWh/(m2 an) = A 0 kWh/(m2 an)
0 kWh/(m2 an) = A+
[…] ».
B.2.4. Les règles précitées relatives au certificat de performance énergétique s’inscrivent dans le cadre de la transposition de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 « sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) ».
L’article 11, paragraphe 1, de cette directive dispose que les États membres « arrêtent les mesures nécessaires pour établir un système de certification de la performance énergétique des bâtiments » et que « le certificat de performance énergétique inclut la performance énergétique du bâtiment et des valeurs de référence telles que les exigences minimales en matière de performance énergétique, afin que les propriétaires ou locataires du bâtiment ou de l’unité de bâtiment puissent comparer et évaluer sa performance énergétique ».
En vertu de l’article 2bis, paragraphe 1, de cette directive, inséré par la directive (UE) 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « modifiant la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE
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relative à l’efficacité énergétique », « chaque État membre établit une stratégie de rénovation à long terme pour soutenir la rénovation du parc national de bâtiments résidentiels et non résidentiels, tant publics que privés, en vue de la constitution d’un parc immobilier à haute efficacité énergétique et décarboné d’ici à 2050, facilitant ainsi la transformation rentable de bâtiments existants en bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle ».
B.3.1. Le décret attaqué est applicable aux contrats de bail qui relèvent de l’application du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, de l’ancien Code civil ou du titre II du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l’habitation ou de parties de ceux-ci » (ci-après : le décret du 9 novembre 2018) et qui sont entrés en vigueur avant le 1er octobre 2022 (article 2 du décret attaqué). Il s’agit de contrats de bail de résidence principale.
B.3.2. L’article 3 du décret attaqué dispose :
« Par dérogation à l’article 1728bis de l’ancien Code civil et à l’article 34, § 2, du décret flamand sur la location d’habitations du 9 novembre 2018, dans la période du 1er octobre 2022
au 30 septembre 2023, le loyer adapté ne peut pas dépasser le montant obtenu en majorant le loyer de la moitié de la différence entre le loyer, indexé conformément à l’article 1728bis de l’ancien Code civil et à l’article 34 du décret flamand sur la location d’habitations du 9 novembre 2018, et le loyer, si le bien loué dispose d’un certificat de performance énergétique portant le label D, tel que visé à l’article 73 de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018
contenant des dispositions générales sur la réglementation de la performance énergétique, les certificats de performance énergétique et la certification d’entrepreneurs et d’installateurs.
Dans la période du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023, le loyer n’est pas indexé si le bien loué n’a pas de certificat de performance énergétique tel que visé à l’article 1.1.3, 43°, du Décret sur l’Energie du 8 mai 2009, ou s’il a un certificat de performance énergétique portant le label E ou F, tel que visé à l’arrêté ministériel visé à l’alinéa 1er ».
Cette disposition produit ses effets à partir du 1er octobre 2022 (article 5 du décret attaqué).
B.3.3. L’article 4 du décret attaqué dispose :
« § 1er. Si le bien loué a un certificat de performance énergétique portant le label D tel que visé à l’article 73 de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018 contenant des dispositions générales sur la réglementation de la performance énergétique, les certificats de performance
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énergétique et la certification d’entrepreneurs et d’installateurs, le loyer obtenu en application de l’article 1728bis de l’ancien Code civil ou de l’article 34, § 2, du décret flamand sur la location d’habitations du 9 novembre 2018, est multiplié par un facteur de correction à partir du 1er octobre 2023.
Si le contrat de location est venu à échéance [lire : Si l’anniversaire du contrat de location a eu lieu] entre le 1er janvier 2022 et le 30 septembre 2022, le facteur de correction est obtenu en appliquant la formule suivante : (indice 2022/indice 2023)
x [1 + 50 % x (indice 2022/indice 2021-1)].
L’indice 2021 est égal à l’indice santé du mois précédant celui de la date anniversaire en 2021 de l’entrée en vigueur du contrat de location.
L’indice 2022 est égal à l’indice santé du mois précédant celui de la date anniversaire en 2022 de l’entrée en vigueur du contrat de location.
L’indice 2023 est égal à l’indice santé du mois précédant celui de la date anniversaire en 2023 de l’entrée en vigueur du contrat de location.
Si le contrat de location vient à échéance [lire : Si l’anniversaire du contrat de location a lieu] entre le 1er octobre 2022 et le 31 décembre 2022, le facteur de correction est obtenu en appliquant la formule suivante :
(indice 2021/indice 2022) x [1 + 50 % x (indice 2022/indice 2021-1)].
L’indice 2021 est égal à l’indice santé du mois précédant celui de la date anniversaire en 2021 de l’entrée en vigueur du contrat de location.
L’indice 2022 est égal à l’indice santé du mois précédant celui de la date anniversaire en 2022 de l’entrée en vigueur du contrat de location.
§ 2. Si le bien loué n’a pas de certificat de performance énergétique tel que visé à l’article 1.1.3, 43°, du Décret sur l’Energie du 8 mai 2009, ou s’il a un certificat de performance énergétique portant le label E ou F tel que visé à l’arrêté ministériel, visé au paragraphe 1er, alinéa 1er, le loyer obtenu en application de l’article 1728bis de l’ancien Code civil ou de l’article 34, § 2, du décret flamand sur la location d’habitations du 9 novembre 2018, est multiplié par un facteur de correction à partir du 1er octobre 2023.
Si le contrat de location est venu à échéance [lire : Si l’anniversaire du contrat de location a lieu] entre le 1er janvier 2022 et le 30 septembre 2022, le facteur de correction est égal à l’indice santé du mois précédant la date anniversaire de l’entrée en vigueur en 2022, divisé par l’indice santé du mois précédant la date anniversaire de l’entrée en vigueur en 2023.
Si le contrat de location vient à échéance [lire : Si l’anniversaire du contrat de location a lieu] entre le 1er octobre 2022 et le 31 décembre 2022, le facteur de correction est égal à l’indice santé du mois précédant la date anniversaire de l’entrée en vigueur en 2021, divisé par l’indice santé du mois précédant la date anniversaire de l’entrée en vigueur en 2022.
§ 3. Les dispositions contractuelles qui vont au-delà de l’ajustement visé au présent article peuvent être raccourcies jusqu’à cet ajustement. »
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Cette disposition est entrée en vigueur le 1er octobre 2023 (article 5 du décret attaqué).
B.3.4. L’article 2 du décret de la Région flamande du 7 octobre 2022 « modifiant le décret du 3 octobre 2022 portant limitation de l’indexation des loyers afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique » (ci-après : le décret du 7 octobre 2022) a modifié le paragraphe 1er de l’article 4 du décret attaqué en abrogeant l’alinéa 3 et en remplaçant l’alinéa 2 par ce qui suit :
« Si le contrat de location est venu à échéance [lire : Si l’anniversaire du contrat de location a eu lieu] entre le 1er janvier 2022 et le 30 septembre 2022, le facteur de correction est obtenu en appliquant la formule suivante : (indice 2022/indice 2023) x [1 + 50% x (indice 2023/
indice 2022-1)] ».
Il ressort des travaux préparatoires du décret du 7 octobre 2022 que le législateur décrétal entendait ainsi rectifier une erreur contenue dans le facteur de correction fixé à l’article 4, § 1er.
Initialement, cette disposition faisait en effet référence aux indices de 2021 et 2022, au lieu des indices de 2022 et 2023 (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1433/1, p. 2). La Cour tient compte de cette modification dans l’examen du recours.
B.3.5. Les articles 3 et 4 du décret attaqué font référence à l’article 1728bis de l’ancien Code civil et à l’article 34, § 2, du décret du 9 novembre 2018.
L’article 1728bis de l’ancien Code civil dispose :
« § 1er. Si une adaptation du loyer au coût de la vie a été convenue, elle ne peut être appliquée qu’une fois par année de location et au plus tôt au jour anniversaire de l’entrée en vigueur du bail. Cette adaptation est faite sur base des fluctuations de l’indice des prix à la consommation.
Le loyer adapté ne peut dépasser le montant qui résulte de la formule suivante : loyer de base multiplié par le nouvel indice et divisé par l’indice de départ.
Le loyer de base est le loyer qui résulte de la convention ou d’un jugement, à l’exclusion de tous frais et charges quelconques expressément laissés à charge du locataire par le bail.
Le nouvel indice est l’indice calculé et désigné à cet effet du mois qui précède celui de l’anniversaire de l’entrée en vigueur du bail.
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L’indice de base est l’indice des prix à la consommation du mois précédant le mois pendant lequel la convention a été conclue.
Pour les conventions conclues à partir du 1er février 1994, l’indice de base est toutefois l’indice calculé et nommé à cet effet du mois précédant le mois pendant lequel la convention a été conclue.
§ 2. Les dispositions contractuelles dont l’effet excéderait l’adaptation prévue au présent article sont réductibles à celle-ci ».
L’article 34 du décret du 9 novembre 2018 dispose :
« Indexation
§ 1er. Si le bail est conclu par écrit, le loyer est adapté au coût de la vie, une fois par année de location, à la date d’anniversaire de l’entrée en vigueur du bail, sauf si cette adaptation a été exclue expressément.
L’adaptation visée à l’alinéa 1er ne s’opère qu’après que la partie intéressée en ait fait la demande écrite, et n’a d’effet pour le passé que pour les trois mois précédant celui de la demande.
§ 2. Le loyer est adapté au coût de la vie sur la base des fluctuations de l’indice calculé et dénommé à cet effet, dénommé ci-après l’indice santé.
Le loyer adapté ne peut dépasser le montant obtenu en application de la formule suivante :
loyer de base x nouvel indice/indice initial.
Le loyer de base est le loyer résultant du bail ou d’un arrêt, à l’exclusion de tous les frais et charges, que le bail met explicitement à charge du preneur.
Le nouvel indice est égal à l’indice santé du mois précédant la date d’anniversaire de l’entrée en vigueur du bail.
L’indice initial est l’indice santé du mois précédant le mois de l’entrée en vigueur du bail ou de la révision du loyer.
§ 3. Les dispositions contractuelles dont l’effet excéderait l’adaptation visée au présent article, sont réductibles à celle-ci ».
B.4.1. Selon les travaux préparatoires, le décret attaqué prévoit « un régime différencié de gel temporaire de l’indexation des loyers et une possibilité d’indexation liée au niveau
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énergétique réalisé par le logement locatif ». La possibilité d’indexation du loyer est maintenue « pour les logements locatifs bénéficiant d’un niveau énergétique A+, A, B ou C. Pour les logements locatifs disposant d’un niveau énergétique D, la possibilité d’indexation est limitée durant un an à 50 % (article 3, alinéa 1er). Pour les logements locatifs disposant d’un niveau énergétique E ou F et pour les logements locatifs dont le niveau énergétique n’est pas connu, toute possibilité d’indexation est exclue durant un an (article 3, alinéa 2) ».
En outre, « pour éviter que les loyers soient à nouveau pleinement indexés après un an, il est pris une seconde mesure pour les habitations sans label PEB et pour les habitations ayant un label D, E ou F. Cette mesure implique qu’à partir du 1er octobre 2023, afin de protéger le locataire, il est tenu compte d’un facteur de correction ». Par application de ce facteur de correction, « l’indexation que le bailleur peut demander tient uniquement compte de l’indice de ce moment, sans tenir compte de l’indexation de la période entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023 » (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1427/1, pp. 2-3).
B.4.2. Par ces mesures, le législateur décrétal entendait « garantir l’offre de logements abordables et encourager les propriétaires à améliorer les performances énergétiques du patrimoine de logements locatifs » (ibid., p. 3).
En ce qui concerne ces objectifs, les travaux préparatoires mentionnent :
« La limitation de l’indexation des loyers est justifiée pour diverses raisons. En premier lieu, la mesure est limitée aux logements locatifs qui sont peu ou qui ne sont pas économes en énergie. Selon le plan stratégique flamand en matière de logement pour 2018, en 2050, tous les logements en Flandre devront satisfaire aux normes minimales de qualité. Les performances énergétiques du logement, plus précisément l’isolation du toit et le double vitrage, sont prises en compte. En liant l’indexation des loyers à la consommation énergétique du logement locatif, les bailleurs sont incités à investir dans le logement. Les bailleurs qui ont déjà fourni suffisamment d’efforts pour faire en sorte que le logement soit économe en énergie et de qualité ne voient pas leur rentabilité diminuer. Le locataire peut en effet réduire de façon optimale ses frais énergétiques dans un tel logement locatif à faible consommation d’énergie. Limiter l’indexation des loyers est justifié à cet égard, parce que cette mesure contribue à la valorisation de la qualité du logement et à l’économie d’énergie du patrimoine locatif privé. Par la même occasion, cette mesure constitue un instrument permettant de faire en sorte que le marché locatif privé reste abordable, tant que la performance énergétique du logement locatif n’est pas améliorée. En d’autres termes, la mesure est légitime et en même temps pertinente.
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Par ailleurs, la mesure proposée est proportionnée parce qu’elle a uniquement une incidence sur les logements locatifs disposant d’un label PEB D, E et F et sur les logements locatifs qui n’ont pas de label PEB. Ensuite, entre les logements locatifs qui ont un label PEB D, d’une part, et ceux qui ont un label PEB E ou F, d’autre part, il est, dans un premier temps, établi une distinction supplémentaire. Pour les logements locatifs ayant un label D, il est, durant un an, tout au plus imposé une limitation de l’indexation. Les loyers peuvent donc encore être indexés, mais ils ne suivent pas intégralement l’indice santé » (ibid., pp. 3-4).
En ce qui concerne l’objectif consistant à garantir l’offre de logements abordables, les travaux préparatoires se réfèrent en particulier à la hausse de l’inflation et des prix de l’énergie :
« Le redressement et la relance de l’économie après les premières vagues de la pandémie de coronavirus (2020) ont donné lieu à une inflation mondiale. La production et l’offre ne parvenaient pas à suivre l’augmentation de la demande, ce qui a causé une augmentation globale des prix. La guerre en Ukraine a ensuite généré une augmentation spectaculaire du prix des biens et a fait grimper encore plus l’inflation. Statbel dit que l’inflation belge s’élève, sur une base annuelle, selon l’indice européen des prix à la consommation harmonisé (IPCH), à 10,4 %
en juillet 2022. Un taux d’inflation à ce point continuellement élevé ne s’était plus manifesté depuis les années 80 du siècle dernier. L’inflation sous-jacente, notamment sans les prix de l’énergie, s’élève, selon Statbel, à 5,2 %. Les coûts de l’énergie constituent dès lors un élément déterminant des coûts liés à l’inflation.
L’augmentation des prix a pour conséquence que les loyers indexés des logements sont sensiblement plus élevés que ceux de l’année précédente. Par ailleurs, les prix élevés de l’énergie conduisent à leur tour à une augmentation des frais énergétiques de ces mêmes locataires. Des études démontrent aussi que les locataires disposent en moyenne de moins de ressources que les propriétaires occupants et que les profils (à revenus) plus faibles sont fortement représentés sur le marché locatif. Pour ces ménages, l’augmentation des prix et des frais de logement est dès lors encore plus pénible. Ce phénomène n’est pas limité aux ménages à faibles revenus mais concerne également les ménages des classes moyennes inférieures.
Ainsi qu’il a déjà été dit, le prix de l’énergie augmente pour tous les ménages, mais, sur ce plan aussi, les charges financières des locataires sont en moyenne plus lourdes. Des études démontrent que les locataires sont davantage logés dans des habitations de moindre qualité, qui impliquent des frais énergétiques plus élevés (notamment parce que ces logements ont un niveau énergétique moins favorable). Cette consommation d’énergie plus élevée vient s’ajouter à l’augmentation des prix, ce qui pèse sur le budget du locataire. Par ailleurs, ce sont souvent les locataires plus vulnérables (sur le plan financier) qui occupent des logements plus énergivores » (ibid., p. 2).
Et :
« L’inflation et les frais énergétiques en hausse ont une incidence importante sur la totalité des frais de logement, qui risque d’affecter la stabilité de la situation de logement de nombreux locataires de logements énergivores. Pareille situation exceptionnelle et cumulative requiert une action immédiate et adéquate » (ibid., p. 4).
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Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
B.5. Le premier moyen est pris de la violation de l’article 6, § 1er, IV et VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980)
et de la compétence résiduelle de l’autorité fédérale. Selon les parties requérantes, ce n’est pas la Région flamande mais l’autorité fédérale qui était compétente pour adopter les dispositions attaquées.
B.6.1. En vertu de l’article 6, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont notamment compétentes pour :
« II. En ce qui concerne l’environnement et la politique de l’eau :
1° La protection de l’environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l’eau et de l’air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit;
[…] ».
« IV. En ce qui concerne le logement :
1° le logement et la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques;
2° les règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation ».
« VII. En ce qui concerne la politique de l’énergie :
Les aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas :
[…]
h) L’utilisation rationnelle de l’énergie ».
B.6.2. En vertu de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, de la loi spéciale du 8 août 1980, « l’autorité fédérale est […] seule compétente pour : […] 3° la politique des prix et des revenus,
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à l’exception de la réglementation des prix dans les matières qui relèvent de la compétence des régions et des communautés, sous réserve de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d) ».
L’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose que l’autorité fédérale est compétente, en ce qui concerne la politique de l’énergie, « pour les matières dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national, à savoir : […] d) les tarifs, en ce compris la politique des prix, sans préjudice de la compétence régionale en matière de tarifs visée à l’alinéa 1er, a) et b) ».
B.7. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n’en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d’édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
B.8. La compétence en matière de baux d’habitation, visée à l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, a été confiée aux régions par la loi spéciale du 6 janvier 2014
relative à la Sixième Réforme de l’État (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 2014).
Aux termes des travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014, les régions sont compétentes pour les « règles spécifiques concernant la location de biens ou des parties de ceux-
ci, destinés à l’habitation », y compris les « règles spécifiques relatives aux contrats de bail qui pourront s’écarter du droit commun déterminé au niveau fédéral ». Le législateur spécial entendait transférer aux régions « [la] totalité des règles spécifiques concernant la location de biens ou de parties de biens destinés à l’habitation », s’agissant entre autres des règles concernant « les droits et les obligations du bailleur », « les droits et les obligations du preneur », « l’état du bien loué », « la rénovation », « les réparations et la réalisation de travaux déterminés », « la détermination du loyer, y compris la détermination de prix indicatifs, et l’adaptation du loyer au coût de la vie », « la détermination des frais et charges imposés au preneur » et « la révision du loyer, des frais et des charges » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, pp. 82 à 84).
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B.9. L’indice des prix à la consommation est un indicateur économique de base. Des indexations sont opérées afin de suivre, dans les divers domaines de la politique, l’évolution des prix à la consommation. Un mécanisme d’indexation ne peut par conséquent être considéré comme une matière en soi mais bien comme un instrument que le législateur fédéral et le législateur décrétal peuvent utiliser, chacun pour ce qui le concerne, pour autant qu’ils agissent dans les limites de leurs compétences respectives. À cet égard, l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 confirme que les régions et les communautés sont compétentes pour régler les prix dans les matières relevant de leurs compétences (voy.
également ibid., p. 99).
B.10. Le décret attaqué restreint, en ce qui concerne les baux de résidence principale, la possibilité d’indexer le loyer, en fonction de la performance énergétique du logement. Une telle mesure s’inscrit dans le cadre de la compétence régionale en matière de baux d’habitation, visée à l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.8, les régions peuvent, en vertu de cette compétence, adopter des règles spécifiques concernant la fixation du montant du loyer de biens destinés à l’habitation, en particulier en ce qui concerne l’adaptation du montant du loyer au coût de la vie. Ce faisant, les régions peuvent déroger aux règles de droit commun relatives à l’indexation des loyers, fixées à l’article 1728bis de l’ancien Code civil.
B.11. Dans l’exercice de leurs compétences, les régions doivent toutefois respecter le principe de proportionnalité, qui est inhérent à tout exercice de compétence. Elles doivent dès lors veiller à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile l’exercice des compétences fédérales.
Contrairement à ce que font valoir les parties requérantes, les dispositions attaquées ne rendent pas impossible ou exagérément difficile l’exercice de la compétence résiduelle de l’autorité fédérale en matière de droit civil. Les dispositions attaquées ne portent pas atteinte à la possibilité dont dispose l’autorité fédérale de fixer les règles de droit commun en matière de baux à loyer. Ces règles demeurent applicables, d’une part, aux baux à loyer qui n’ont pas été transférés aux régions et, d’autre part, aux aspects des baux à loyer qui ont été transférés aux régions, mais pour lesquels les régions n’ont pas adopté de règles spécifiques.
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B.12. Les parties requérantes estiment également que les dispositions attaquées portent atteinte à la compétence de l’autorité fédérale, en matière de politique de l’énergie, de régler « les tarifs, en ce compris la politique des prix » (article 6, § 1er, VII, alinéa 2, d), de la loi spéciale du 8 août 1980). La circonstance que la limitation de la possibilité d’indexer les loyers s’applique uniquement aux logements peu économes en énergie n’a cependant pas pour conséquence qu’il soit intervenu dans la fixation des tarifs en matière d’énergie ou des prix que payent les clients pour la fourniture d’énergie.
B.13. Le premier moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen
B.14. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
Les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées sont contraires au principe d’égalité et de non-discrimination, en ce qu’elles établissent plusieurs différences et identités de traitement à l’égard de diverses catégories de locataires et de bailleurs.
B.15. Contrairement à ce que fait valoir le Gouvernement wallon, la requête permet effectivement de déduire quelles catégories de personnes doivent être comparées entre elles dans le cadre des discriminations invoquées par les parties requérantes. Il ressort au demeurant des mémoires déposés par le Gouvernement flamand et par le Gouvernement wallon que ceux-
ci ont bien compris le deuxième moyen et qu’ils ont donc été en mesure de mener une défense utile. Le deuxième moyen est dès lors recevable.
B.16. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s’oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
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L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-
discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.17. Il appartient au législateur décrétal d’apprécier dans quelle mesure il est opportun de prendre des mesures, dans le cadre de sa politique socio-économique, en vue de promouvoir l’offre de logements abordables et l’efficacité énergétique du parc d’habitations. Il dispose en la matière d’un pouvoir d’appréciation étendu. Lorsque le législateur décrétal prévoit de limiter la possibilité d’indexer les loyers d’habitations peu économes en énergie, il relève de son pouvoir d’appréciation de déterminer quelles catégories de locataires et de bailleurs relèvent de cette mesure. La Cour ne peut censurer les choix politiques opérés et les motifs qui les fondent que s’ils reposent sur une erreur manifeste ou s’ils sont déraisonnables.
B.18. Les parties requérantes font valoir en premier lieu que les dispositions attaquées établissent une différence de traitement entre, d’une part, les bailleurs d’un logement disposant d’un certificat de performance énergétique labellisé A+, A, B ou C et, d’autre part, les bailleurs d’un logement sans certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique labellisé D, E ou F. La limitation de la possibilité d’indexer les loyers s’applique uniquement à l’égard de cette dernière catégorie de bailleurs. Selon les parties requérantes, cette différence de traitement ne repose pas sur un critère de distinction objectif et elle n’est en tout cas pas raisonnablement justifiée (première et deuxième branches du deuxième moyen).
B.19.1. En vertu de l’article 73, alinéa 1er, de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018, le certificat de performance énergétique bâtiments résidentiels contient notamment « l’expression de la performance énergétique du bâtiment sur la base d’un indice et d’un label de A+ à F, indiquant les valeurs de référence ». Les labels énergétiques sont désignés au moyen de codes couleurs (article 73, alinéa 2) et sont établis sur la base de l’indice de la performance énergétique du logement, au moyen d’un tableau des valeurs limites (article 73, alinéa 3). Le label énergétique est donc déterminé sur la base du résultat chiffré du calcul de la performance énergétique du logement, par un expert en énergie agréé et sur la base d’une méthode établie par le Gouvernement flamand et le ministre compétent.
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B.19.2. Les parties requérantes critiquent en particulier le fait que le certificat de performance énergétique ne doit mentionner le label énergétique du logement que depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018, le 1er janvier 2019. Il en résulterait que certains bailleurs disposent encore d’un certificat de performance énergétique qui ne mentionne pas de label énergétique, étant donné qu’un certificat de performance énergétique a une durée de validité de dix ans.
Les anciens certificats de performance énergétique qui ne mentionnent pas expressément un label énergétique contiennent toutefois en tout cas l’indice de la performance énergétique du logement (voy. l’article 2, § 1er, 4°, de l’arrêté ministériel du 13 juin 2008, abrogé dans l’intervalle, « relatif à l’établissement de la forme et du contenu du modèle du certificat de prestation énergétique pour bâtiments résidentiels en cas de vente et de location et la déclaration sur l’honneur »). Pour de tels certificats de performance énergétique, le label énergétique peut donc être aisément déterminé sur la base du tableau des valeurs limites contenu dans l’article 73, alinéa 3, de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018. Du reste, le bailleur dispose toujours de la possibilité de faire établir un nouveau certificat de performance énergétique.
B.19.3. Il découle de ce qui précède que la différence de traitement mentionnée en B.18
repose sur un critère de distinction objectif, à savoir le fait qu’un logement ait un certificat de performance énergétique ou non et, dans l’affirmative, le label de ce certificat. Pour le surplus, les critiques des parties requérantes sont sans rapport avec le caractère objectif du certificat de performance énergétique en tant que critère de distinction.
B.20. Les parties requérantes contestent également qu’un tel critère de distinction soit pertinent à la lumière des objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.4.2, le législateur décrétal vise, par le régime attaqué, à garantir l’offre de logements abordables. Il se réfère à l’inflation élevée et à l’augmentation des prix de l’énergie, qui se sont manifestées après les premières vagues de la pandémie de coronavirus et à la suite de la guerre en Ukraine. Le législateur décrétal souhaite aussi inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location.
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B.21.1. En ce qui concerne l’objectif consistant à garantir l’offre de logements abordables, le législateur décrétal pouvait postuler que les dépenses énergétiques sont en général plus élevées dans un logement dont le label énergétique n’est pas connu ou qui est labellisé D, E ou F que dans un logement labellisé A+, A, B ou C. Le label énergétique est un critère de consommation énergétique du logement. Il peut être admis que les conséquences de la hausse des prix de l’énergie sont les plus importantes pour les locataires de logements sans certificat de performance énergétique ou labellisés D, E ou F, et que, par conséquent, seuls ces locataires doivent bénéficier d’une limitation de la possibilité d’indexer les loyers.
B.21.2. La circonstance que, comme le soutiennent les parties requérantes, il serait apparu dans l’intervalle que la hausse de l’inflation et des prix de l’énergie était en réalité plus limitée que celle qui avait initialement été estimée ne conduit pas à une autre conclusion.
Les travaux préparatoires du décret attaqué mentionnent que, selon l’Office belge de statistique, « l’inflation belge s’élève, sur une base annuelle, selon l’indice européen des prix à la consommation harmonisé (IPCH), à 10,4 % en juillet 2022 ». Toujours selon les travaux préparatoires, « un taux d’inflation à ce point continuellement élevé ne s’était plus manifesté depuis les années 80 du siècle dernier » et « l’inflation sous-jacente, notamment sans les prix de l’énergie, s’élève, selon Statbel, à 5,2 %. Les coûts de l’énergie constituent dès lors un élément déterminant des coûts liés à l’inflation » (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1427/1, p. 2). Le législateur décrétal s’est ainsi basé sur des éléments statistiques qui étaient disponibles au moment de l’adoption du régime attaqué. À ce moment, comme l’observe le Gouvernement flamand, l’évolution des prix de l’énergie était incertaine et l’hiver n’avait pas encore commencé. Les parties requérantes ne démontrent pas que l’appréciation du législateur décrétal repose sur une erreur manifeste.
Dans son mémoire, le Gouvernement flamand se réfère par ailleurs aux chiffres de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz. Il apparaît entre autres qu’en ce qui concerne les prix de l’électricité et du gaz, « le 3ième trimestre 2022 est ensuite caractérisé par une nouvelle hausse forte à très forte, qui se poursuit de manière plus ou moins importante au 4ième trimestre 2022 » (Commission de régulation de l’électricité et du gaz, analyse semestrielle de l’évolution des prix de l’énergie, 2ième semestre 2022, p. 5).
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B.21.3. Les parties requérantes critiquent la fiabilité du certificat de performance énergétique et la seule prise en compte de la consommation théorique d’énergie du logement.
Ces griefs visent les imperfections et le mode de calcul du certificat de performance énergétique. Ils ne peuvent remettre en cause ce qui précède. En effet, eu égard à la technicité de la matière, le législateur décrétal ne peut se voir reprocher de n’avoir pas tenu compte des spécificités de chaque cas d’espèce. De plus, par le régime attaqué, le législateur décrétal a voulu rapidement réagir à l’incidence de la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie. Il a dès lors pu faire usage de catégories qui, nécessairement, n’appréhendent la diversité des situations qu’avec un certain degré d’approximation, en se basant sur le système existant des certificats de performance énergétique, qui fournit, pour l’application des dispositions attaquées, des critères de distinction objectifs. Ce système permet en effet de comparer, de manière simple et sans examiner la situation individuelle de chaque locataire, la consommation d’énergie escomptée des logements locatifs.
B.22.1. Les parties requérantes contestent également que les dispositions attaquées soient pertinentes au regard de l’objectif consistant à inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location. Elles allèguent que, pour plusieurs travaux indispensables à cette fin, il faut un permis d’environnement pour des actes urbanistiques ou, dans le cas d’un bâtiment en copropriété, une décision de l’assemblée générale de l’association des copropriétaires. Il serait donc dans de nombreux cas impossible de réaliser de tels travaux. Les travaux ne pourraient à tout le moins, pour cette raison, être réalisés à court terme, alors que la limitation de la possibilité d’indexer les loyers prévue par l’article 3 du décret attaqué ne s’applique que pour une période d’un an, à savoir entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023.
B.22.2. Comme l’observe le Gouvernement flamand, pour un nombre considérable d’aménagements sur le plan énergétique, un permis d’environnement ou l’autorisation des autres copropriétaires n’est pas nécessaire.
Ainsi, en vertu de l’article 2.1 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 16 juillet 2010
« portant détermination des actes urbanistiques qui ne requièrent pas de permis d’environnement », un permis d’environnement n’est pas requis pour, notamment, « des actes sans travaux de stabilité et sans modification du volume de construction physique des façades
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latérales, façades postérieures et toits » (2°), « des panneaux solaires ou des boilers solaires sur un toit plat, dépassant la rive de toit de 1 mètre au maximum, et des panneaux solaires ou des boilers solaires intégrés dans la toiture inclinée » (3°) et « des transformations intérieures sans travaux de stabilité » (4°). En vertu de l’article 4.2.1 du Code flamand de l’aménagement du territoire, un permis d’environnement n’est pas davantage requis pour les travaux d’entretien, dont fait en principe également partie le remplacement de châssis (voy. par exemple Conseil pour les contestations des autorisations, 8 avril 2014, n° A/2014/0270, p. 12). Par ailleurs, le placement extérieur d’isolation d’une épaisseur maximale de 26 centimètres n’est pas considéré comme dérogeant aux prescriptions urbanistiques et aux prescriptions de lotissement, à moins que ces prescriptions interdisent expressément ces travaux (article 4.4.1, § 2, 3°, du Code flamand de l’aménagement du territoire, voy. également les articles 4.1.1, 12°, et 4.3.8, § 1er, du même Code).
En ce qui concerne les bâtiments en copropriété, en vertu de l’article 3.88, § 1er, 1°, b), du Code civil, une majorité des deux tiers est certes requise pour « tous travaux affectant les parties communes, à l’exception des travaux imposés par la loi et des travaux conservatoires et d’administration provisoire », mais cette exigence n’empêche pas les propriétaires individuels de procéder à des travaux augmentant la performance énergétique dans les parties privatives.
La mesure attaquée incite par ailleurs les bailleurs qui ne l’ont pas encore fait à faire établir un certificat de performance énergétique relatif à leur bien. Cette démarche, même si elle n’est pas suivie de travaux réalisés avant le 1er octobre 2023, constitue une première étape vers une amélioration ultérieure des performances énergétiques des biens concernés et contribue donc déjà en elle-même à atteindre un des objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
B.22.3. De plus, l’article 4 du décret attaqué prévoit, à partir du 1er octobre 2023, l’application d’un facteur de correction au loyer indexé. De ce fait, l’indexation du loyer qui peut être opérée à partir de cette date, tant que le logement n’a pas de label énergétique favorable, ne tient pas compte de l’augmentation de l’indice au cours de la période entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023. À partir du moment où le bailleur procède aux travaux de rénovation nécessaires et obtient ainsi un label énergétique favorable, celui-ci peut encore, à partir de ce moment, adapter intégralement le loyer à l’indice, en ce compris l’augmentation de l’indice entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023. Même si la rénovation énergétique ne peut commencer qu’après l’expiration de la période visée à l’article 3
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du décret attaqué, les bailleurs concernés auront par conséquent intérêt à procéder à une telle rénovation.
B.23. La différence de traitement mentionnée en B.18 est par conséquent pertinente au regard des objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
B.24.1. La Cour doit encore examiner si les dispositions attaquées ne produisent pas des effets disproportionnés pour les bailleurs d’un logement sans certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique labellisé D, E ou F.
B.24.2. Les dispositions attaquées portent exclusivement sur la possibilité dont disposent les bailleurs concernés d’indexer les loyers. Elles ne portent pas sur la valeur nominale du loyer, qu’il ait déjà été indexé ou non, lequel reste intégralement dû par le locataire. De surcroît, l’interdiction d’indexation des loyers, prévue par l’article 3 du décret attaqué, est seulement applicable entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023. Cette interdiction est proportionnée au niveau de performance énergétique du logement, étant donné qu’au cours de cette période, seuls les bailleurs d’un logement ayant un label énergétique E ou F ont été exclus de la possibilité d’indexer les loyers et que les bailleurs d’un logement labellisé D ont encore pu indexer le loyer pour moitié. En vertu de l’article 4 du décret attaqué, à partir du 1er octobre 2023, tous les bailleurs peuvent à nouveau indexer les loyers, mais avec l’application d’un facteur de correction, qui est également proportionné au niveau de performance énergétique du logement. Les bailleurs des logements les plus performants sur le plan énergétique, à savoir les logements labellisés A+, A, B ou C, ne sont soumis à aucune limitation en ce qui concerne la possibilité d’indexer les loyers.
B.24.3. Les bailleurs qui effectuent des travaux améliorant la performance énergétique de leur logement de location augmentent ainsi en outre la valeur de leur bien. En vertu de l’article 35, § 1er, alinéa 3, du décret du 9 novembre 2018, le juge peut accorder une augmentation du loyer « au bailleur qui établit que la valeur locative normale du bien loué a augmenté de 10 % au moins du loyer exigible au moment de l’introduction de la demande, en raison de travaux effectués à ses frais dans le bien loué ». Par ailleurs, il se peut que le bailleur puisse partiellement compenser le coût des mesures d’économie d’énergie en sollicitant les
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aides prévues par la Région flamande, parmi lesquelles diverses primes (articles 5.186 à 5.194
de l’arrêté du Gouvernement flamand du 11 septembre 2020 « portant exécution du Code flamand du Logement de 2021 », ci-après : l’arrêté du 11 septembre 2020, et les articles 6.4.1
à 6.4.1/6/2 de l’arrêté du 19 novembre 2010) et un prêt rénovation (articles 5.162/1 et 5.162/2
de l’arrêté du 11 septembre 2020 et les articles 7.9.2/0/7 à 7.9.2/0/18 de l’arrêté du 19 novembre 2010). Les normes applicables en Région flamande en matière de sécurité, de santé et de qualité du logement prévoient par ailleurs déjà des exigences élémentaires en rapport avec l’isolation du toit et le double vitrage, auxquelles les logements de location doivent eux aussi satisfaire (voy. l’article 3.2 et l’annexe 4 de l’arrêté du 11 septembre 2020).
B.24.4. Enfin, les bailleurs qui ne disposaient pas encore d’un certificat de performance énergétique lors de l’entrée en vigueur des dispositions attaquées peuvent toujours faire établir un certificat de performance énergétique par un expert en énergie agréé. Il n’apparaît pas que le prix moyen de l’établissement d’un certificat de performance énergétique soit excessif ou qu’il soit impossible d’obtenir un tel certificat à bref délai. Un certificat de performance énergétique est valable pour dix ans (article 9.2.1, § 5, de l’arrêté du 19 novembre 2010) et contient des recommandations destinées à améliorer la rentabilité de la performance énergétique du bâtiment (article 73, alinéa 1er, de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018), de sorte que ce certificat peut également être utile au bailleur pour d’autres finalités. La circonstance que, comme le soutiennent les parties requérantes, certains bailleurs n’étaient pas tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique lors de l’entrée en vigueur des dispositions attaquées, parce que l’obligation de produire un certificat de performance énergétique lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail n’est valable que depuis le 1er janvier 2009, n’y change rien.
B.24.5. Compte tenu du pouvoir d’appréciation étendu dont dispose en l’espèce le législateur décrétal et du fait que les dispositions attaquées ont été adoptées dans le cadre d’une augmentation imprévue et exceptionnelle des prix de l’énergie, ces dispositions ne produisent dès lors pas des effets disproportionnés pour les bailleurs concernés.
B.25. La différence de traitement entre, d’une part, les bailleurs d’un logement ayant un certificat de performance énergétique labellisé A+, A, B ou C et, d’autre part, les bailleurs d’un logement sans certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de
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performance énergétique labellisé D, E ou F n’est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Le deuxième moyen, en ses première et seconde branches, n’est pas fondé.
B.26. Deuxièmement, les parties requérantes soutiennent que les dispositions attaquées font naître une discrimination entre plusieurs catégories de locataires. Selon elles, les dispositions attaquées traitent tous les locataires de la même manière, sans tenir compte de la mesure dans laquelle ils sont effectivement affectés par l’augmentation des prix de l’énergie.
En particulier, les dispositions attaquées n’établissent pas de distinction selon que le locataire doit payer des charges réelles ou des charges forfaitaires ou selon les ressources du locataire.
De surcroît, les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre les locataires selon la nature du contrat de bail. Le régime attaqué serait exclusivement applicable aux contrats de bail de résidence principale et non aux contrats de bail de logement d’étudiants ni aux contrats de colocation (troisième branche du deuxième moyen).
B.27. Il est raisonnablement justifié que le régime attaqué ne contienne pas d’exception pour le cas où l’augmentation des prix de l’énergie n’a qu’une incidence limitée sur la situation financière du locataire, plus précisément parce que le locataire paie des charges forfaitaires pour sa consommation d’énergie, a un revenu relativement élevé ou bénéficie d’une indexation automatique de ses revenus. Comme il est dit en B.21.3, le législateur décrétal ne peut se voir reprocher, en l’espèce, de ne pas avoir tenu compte des spécificités de chaque cas individuel, d’autant qu’il a voulu, par le régime attaqué, réagir rapidement à l’incidence de la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie. Le législateur décrétal a dès lors pu opter pour un régime prévoyant qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la situation financière individuelle de chaque locataire. Par ailleurs, en cas de frais et de charges forfaitaires, le bailleur est libre de demander une révision ou une conversion en frais et charges réels au juge, qui « se prononce notamment sur la base du développement des dépenses réelles » (article 36, § 3, du décret du 9 novembre 2018). En outre, la situation financière du locataire n’est en tout cas pas pertinente au regard de l’objectif consistant à encourager les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location.
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B.28. Le grief des parties requérantes selon lequel les dispositions attaquées ne sont pas applicables aux locataires ayant conclu un contrat de colocation repose sur une prémisse erronée. En effet, en vertu de l’article 2 du décret attaqué, ce décret est applicable aux contrats de bail qui entrent dans le champ d’application du titre II du décret du 9 novembre 2018. Ce titre est intitulé « Baux pour résidences principales » et « s’applique aux baux pour une habitation que le preneur affecte, avec l’autorisation explicite ou tacite du bailleur, comme sa résidence principale à partir de l’entrée en jouissance » (article 5 du décret du 9 novembre 2018). Les contrats de colocation entrent également dans le champ d’application du titre II, ainsi qu’il ressort du fait que le chapitre VI de ce titre prévoit des « dispositions spécifiques relatives à la colocation » (voy. les articles 51 et 52 du décret du 9 novembre 2018).
B.29.1. Les contrats de bail pour le logement d’étudiants sont également réglés par le décret du 9 novembre 2018, et plus précisément par le titre III de ce décret, qui contient les articles 53 à 68. Dans le cas d’un tel contrat, l’étudiant « n’affecte pas le bien loué comme sa résidence principale avec l’autorisation explicite ou tacite » (article 53 du décret du 9 novembre 2018). Le Gouvernement flamand estime que cela justifie que les dispositions attaquées ne soient pas applicables aux contrats de bail pour le logement d’étudiants. La circonstance que l’étudiant a sa résidence principale ailleurs n’empêche pas qu’il soit également logé dans le bien loué, qu’il soit lié pour une certaine période par un contrat de bail et qu’il soit redevable de charges pour la consommation d’énergie dans ce bien. En principe, ces charges s’ajoutent aux charges qui sont dues pour la consommation d’énergie dans la résidence principale.
Ensuite, il est sans importance que, comme l’allègue le Gouvernement flamand, la plupart des contrats de bail pour le logement d’étudiants soient conclus pour une courte période, si bien qu’il n’est généralement pas question d’indexation du loyer. L’article 61, § 2, du décret du 9 novembre 2018 règle l’indexation du loyer pour les baux pour le logement d’étudiants. Il dispose que, « si la durée du bail dépasse un an, le loyer est adapté au coût de la vie, une fois par an, à la date d’anniversaire de l’entrée en vigueur du bail, sauf si cette adaptation a été exclue expressément » (article 61, § 2, alinéa 1er). Cette adaptation se fait selon les règles
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applicables aux contrats de bail de résidence principale, contenues dans l’article 34 du même décret (article 61, § 2, alinéa 2). Il s’ensuit que le loyer d’un contrat de bail pour le logement étudiant dont la durée dépasse un an est indexé. Une indexation du loyer est également possible pour les baux pour le logement d’étudiants consécutifs qui sont conclus avec le même preneur, dans les conditions visées à l’article 61, § 3, alinéa 1er.
Le Gouvernement flamand affirme également que la superficie des chambres d’étudiants est réduite, de sorte que les conséquences de l’augmentation des prix de l’énergie sont moins importantes pour les locataires et que, dans les contrats de bail de logement d’étudiants, il est généralement fixé un montant forfaitaire pour la consommation d’énergie. Ces éléments ne peuvent pas davantage justifier la différence de traitement critiquée. Ainsi qu’il a été mentionné plus haut, en ce qui concerne les contrats de bail de résidence principale, le législateur décrétal a en effet choisi de ne pas prendre en compte la consommation réelle d’énergie ou la situation financière individuelle du locataire. En vertu de l’article 60 du décret du 9 novembre 2018, le loyer fixé dans le contrat de bail de logement d’étudiants doit par ailleurs uniquement comprendre une indemnité « tant pour l’utilisation du bien loué par le preneur que pour tous les frais et charges, à l’exception de la consommation d’énergie, d’eau et de télécommunications et de la taxe sur les secondes résidences ». Ce décret ne s’oppose donc pas à ce que l’étudiant, en ce qui concerne la consommation d’énergie, puisse être redevable des frais réels. Enfin, un contrat de bail pour le logement d’étudiants peut porter sur une unité de bâtiment autonome, tandis que l’étudiant qui occupe simplement une chambre dans un bâtiment collectif doit en principe participer aux frais de consommation d’énergie dans les espaces communs.
B.29.2. Les éléments invoqués par le Gouvernement flamand sont en outre sans rapport avec l’objectif poursuivi par le législateur décrétal, mentionné en B.4.2, consistant à encourager les propriétaires à améliorer les performances énergétiques de leurs logements de location. À
cet égard, les bailleurs de biens destinés au logement d’étudiants sont également soumis aux obligations contenues dans l’arrêté du 19 novembre 2010 portant sur les certificats de performance énergétique. En effet, l’article 1.1.1, 103°, a), de cet arrêté définit comme « location » « la location normale, pour autant qu’il s’agisse d’une location pendant une période de plus de deux mois, d’un leasing immobilier et de locations de bâtiments résidentiels ou d’unités de bâtiment résidentielles ». Cette définition ne fait aucune distinction selon que le
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bien loué est la résidence principale du locataire ou sert au logement d’étudiants. En vertu de l’article 9.2.4 de l’arrêté du 19 novembre 2010, les bailleurs d’un immeuble destiné au logement d’étudiants doivent par conséquent disposer d’un certificat de performance énergétique pour bâtiments résidentiels (alinéa 1er) et en donner une copie au locataire lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail (alinéa 3).
B.30. Par conséquent, l’article 2 du décret attaqué viole les articles 10 et 11 de la Constitution, uniquement en ce que cette disposition ne prévoit pas que le décret attaqué est applicable aux contrats de bail d’une durée supérieure à un an ou conclus consécutivement avec le même preneur qui relèvent de l’application du titre III « Baux pour le logement d’étudiants »
du décret du 9 novembre 2018 et qui sont entrés en vigueur avant le 1er octobre 2022. Dans cette mesure, le deuxième moyen, en sa troisième branche, est fondé.
B.31. Troisièmement, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement tant entre les bailleurs de logements privés et les bailleurs de logements sociaux qu’entre les locataires de logements privés et les locataires de logements sociaux (quatrième branche du deuxième moyen).
Les articles 3 et 4 du décret attaqué renvoient aux règles relatives à l’indexation contenues dans l’article 1728bis de l’ancien Code civil et dans l’article 34 du décret du 9 novembre 2018.
Il s’ensuit que la limitation attaquée de la possibilité d’indexer les loyers ne s’applique pas aux contrats de bail social. En ce qui concerne ces contrats de bail, l’indexation est en effet régie par l’article 6.55 de l’arrêté du 11 septembre 2020.
B.32.1. Afin de calculer le loyer réel d’un logement social de location, la valeur marchande du logement est réduite notamment en fonction du revenu et de la situation familiale du locataire, et ce spécifiquement « pour garantir l’accessibilité financière » (article 6.46 de l’arrêté du 11 septembre 2020, voy. également les articles 6.51 à 6.53 du même arrêté). Le loyer réel est recalculé chaque année et peut être adapté dans des cas spécifiques, par exemple en cas de baisse de revenus d’au moins 20 % (article 6.54 du même arrêté).
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B.32.2. Pour le surplus, comme l’observe le Gouvernement flamand, il relève des missions décrétales des sociétés de logement de contribuer à la revalorisation du parc de logements et ces sociétés sont notamment évaluées quant à la qualité du patrimoine de logements sociaux (voy. les articles 4.40, 2°, et 4.46/10 du Code flamand du logement de 2021 et l’article 4.104, § 1er/1, de l’arrêté du 11 septembre 2020). Il existe en outre diverses mesures dérogeant au droit commun pour promouvoir l’efficacité énergétique du patrimoine de logements sociaux, comme la correction énergétique du loyer lorsque la consommation d’énergie estimée pour le chauffage des locaux et l’eau chaude sanitaire est inférieure à la consommation d’énergie de référence (article 6.50 de l’arrêté du 11 septembre 2020), la possibilité offerte au bailleur de récupérer partiellement l’avantage financier lié à l’utilisation, par le locataire, de sources d’énergie renouvelable (article 6.25 du Code flamand du logement de 2021) et l’octroi de primes spécifiques pour les rénovations énergétiques et/ou les mesures d’économie d’énergie (article 5.21 du même Code et articles 5.48 à 5.54 de l’arrêté du 11 septembre 2020). De manière plus générale, le secteur du logement social est financé dans une très large mesure par des ressources publiques.
B.33. Compte tenu des spécificités de la location de logements sociaux, tant en ce qui concerne la fixation du loyer qu’en ce qui concerne l’organisation et le financement, le législateur décrétal a pu estimer qu’il n’était pas opportun, pour les contrats de bail social, de restreindre la possibilité d’indexer les loyers, comme il l’a fait pour les contrats de bail privé.
Le deuxième moyen, en sa quatrième branche, n’est pas fondé.
B.34. Quatrièmement, les parties requérantes soutiennent que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre les bailleurs, selon que le certificat de performance énergétique a été établi avant le 1er janvier 2019 ou à partir de cette date. En effet, le certificat de performance énergétique ne doit mentionner le label énergétique du logement qu’à partir de l’entrée en vigueur de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018, le 1er janvier 2019. Étant donné qu’un certificat de performance énergétique reste valable dix ans, un grand nombre de bailleurs disposeraient ainsi encore d’un certificat sans label énergétique. Selon les parties requérantes, ces bailleurs ne peuvent pas indexer les loyers, sauf s’ils font établir un nouveau certificat de performance énergétique (cinquième branche du deuxième moyen).
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B.35. Comme il est dit en B.19.2, les anciens certificats de performance énergétique qui ne mentionnaient pas expressément le label énergétique devaient en tout état de cause mentionner l’indice de la performance énergétique de l’habitation. Le label énergétique de tels certificats de performance énergétique peut donc être déterminé simplement sur la base du tableau des valeurs limites contenu dans l’article 73, alinéa 3, de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2018.
B.36. La différence de traitement invoquée par les parties requérantes est dès lors inexistante. Le deuxième moyen, en sa cinquième branche, n’est pas fondé.
B.37. Cinquièmement, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre locataires et bailleurs. Les parties requérantes estiment que non seulement les locataires, mais également les bailleurs sont affectés par la hausse de l’inflation et des prix de l’énergie et que les aides dont peuvent bénéficier les bailleurs sont insuffisantes (sixième branche du deuxième moyen).
B.38. Au regard de l’objectif poursuivi par le législateur décrétal d’inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location, la distinction entre les locataires et les bailleurs est pertinente, ces derniers étant davantage en mesure de réaliser les travaux nécessaires à l’amélioration des performances énergétiques de leurs biens. De plus, pour les motifs cités en B.24.2 et en B.24.3, les mesures attaquées ne produisent pas des effets disproportionnés pour les bailleurs concernés. En ce que les parties requérantes font valoir que le législateur décrétal, dans le cadre de l’augmentation de l’inflation et des frais énergétiques, n’a pas prévu d’aides suffisantes pour les bailleurs, leurs griefs ne peuvent du reste pas être imputés aux dispositions attaquées.
B.39. Le deuxième moyen, en sa sixième branche, n’est pas fondé.
B.40. Sixièmement, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre les bailleurs, selon qu’ils donnent en location une habitation unifamiliale ou un appartement. Pour les bailleurs d’un appartement, il serait nettement plus difficile d’obtenir un label énergétique favorable, étant donné que, pour pouvoir effectuer différents travaux d’économie d’énergie, une décision de l’assemblée générale de
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l’association des copropriétaires, prise à la majorité des deux tiers des voix, serait requise (septième branche du deuxième moyen).
B.41. Comme il est dit en B.21.3 et en B.27, le législateur décrétal ne peut se voir reprocher en l’espèce de n’avoir pas pris en compte les spécificités de chaque situation, d’autant qu’il a voulu, par le régime attaqué, réagir rapidement à l’incidence de la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie.
De surcroît, le régime attaqué ne produit pas des effets disproportionnés pour les bailleurs d’un appartement détenu en copropriété. Comme il est dit en B.22.2, pour un nombre considérable d’aménagements énergétiques, l’autorisation des autres copropriétaires n’est pas nécessaire. L’article 3.88, § 1er, 1°, b), du Code civil n’exige en effet une décision de l’assemblée générale de l’association des copropriétaires que pour les travaux effectués dans les parties communes. Cette disposition n’empêche pas les propriétaires individuels de faire des travaux dans les parties privatives. En outre, les autres copropriétaires ont en principe également intérêt à effectuer des travaux d’économie d’énergie dans les parties communes, étant donné que de tels travaux augmentent également l’efficacité énergétique de leur propriété.
B.42. Par conséquent, il est raisonnablement justifié que le régime attaqué ne contienne pas d’exception pour les bailleurs d’un appartement détenu en copropriété.
Le deuxième moyen, en sa septième branche, n’est pas fondé.
B.43. Septièmement, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre les bailleurs d’un logement ayant un label énergétique D et les bailleurs d’un logement ayant un label énergétique E ou F. Les bailleurs de la seconde catégorie ne peuvent en effet pas du tout porter en compte, lors de l’adaptation du loyer, l’augmentation de l’indice santé au cours de la période du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023, alors que les bailleurs de la première catégorie peuvent le faire pour moitié (huitième branche du deuxième moyen).
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B.44.1. Comme il est dit en B.21.1, le label énergétique est un critère de la performance énergétique de l’habitation. Les habitations ayant un label énergétique D consomment en règle moins d’énergie que les habitations ayant un label énergétique E ou F. Le législateur décrétal a donc pu postuler que l’augmentation des prix de l’énergie aurait moins d’effets pour les locataires d’une habitation ayant un label énergétique D que pour les locataires d’un logement ayant un label énergétique E ou F et qu’une limitation partielle de la possibilité d’indexer les loyers suffirait pour garantir l’offre de logements abordables aux locataires d’un logement labellisé D.
De surcroît, de telles règles incitent les bailleurs d’habitations ayant un label énergétique E
ou F qui - par exemple pour des raisons financières - ne sont pas en mesure d’obtenir immédiatement un label énergétique A+, A, B ou C à procéder néanmoins déjà à des travaux d’économie d’énergie limités. En effet, l’obtention d’un label énergétique D leur procurera également un avantage financier.
B.44.2. Enfin, il résulte de ce qui est dit en B.24 que les dispositions attaquées ne produisent pas des effets disproportionnés pour les bailleurs d’une habitation ayant un label énergétique E ou F.
B.45. La différence de traitement entre les bailleurs d’une habitation ayant un label énergétique D et les bailleurs d’une habitation ayant un label énergétique E ou F est dès lors raisonnablement justifiée. Le deuxième moyen, en sa huitième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le troisième moyen
B.46. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique.
B.47. Tout d’abord, les parties requérantes allèguent que les dispositions attaquées dérogent aux délais dans lesquels les propriétaires d’une habitation située en Région flamande doivent satisfaire à certaines exigences en matière de performance énergétique, contenues dans la note d’orientation « Bijkomende maatregelen klimaat » (Mesures complémentaires en matière de climat), approuvée par le Gouvernement flamand le 5 novembre 2021. À la lumière
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de cette note, les propriétaires auraient pu légitimement espérer disposer d’un délai plus long pour améliorer la performance énergétique de l’habitation. Selon les parties requérantes, il n’est pas justifié que les dispositions attaquées portent exclusivement sur les propriétaires-bailleurs et que le législateur décrétal n’ait pas prévu de mesures transitoires (première branche du troisième moyen).
B.48. Il appartient en principe au législateur décrétal, lorsqu’il décide d’introduire une nouvelle réglementation, d’estimer s’il est nécessaire ou opportun d’assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s’il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.
Tel est le cas lorsqu’il est porté atteinte aux attentes légitimes d’une catégorie déterminée de justiciables sans qu’un motif impérieux d’intérêt général puisse justifier l’absence d’un régime transitoire.
Le principe de la confiance légitime est étroitement lié au principe de la sécurité juridique, invoqué par les parties requérantes, qui interdit au législateur décrétal de porter atteinte sans justification objective et raisonnable à l’intérêt que possèdent les sujets de droit d’être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.
B.49.1. Le 9 décembre 2019, le Gouvernement flamand a définitivement approuvé le plan flamand en matière d’énergie et de climat pour la période de 2021 à 2030. Ce plan s’inscrit dans le cadre de l’obligation faite aux États membres de l’Union européenne d’introduire au plus tard le 31 décembre 2019 un plan national intégré en matière d’énergie et de climat auprès de la Commission européenne, conformément à l’article 3 du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil » (ci-après : le règlement (UE) 2018/1999).
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En vertu de l’article 15 de ce règlement, au plus tard le 1er janvier 2020, chaque État membre établit sa stratégie à long terme, sur trente ans au minimum. Dans le cadre de cette obligation, le Gouvernement flamand a approuvé le 20 décembre 2019 la stratégie flamande en matière de climat à l’horizon 2050.
B.49.2. La note d’orientation approuvée le 5 novembre 2021 par le Gouvernement flamand contient une série de mesures complémentaires relatives à l’énergie et au climat, en plus des mesures qui sont prévues dans le plan flamand en matière d’énergie et de climat pour la période de 2021 à 2030. Il s’agit notamment de mesures tendant à augmenter le niveau de rénovation des bâtiments, en particulier une procédure PEB relative aux normes minimales de qualité du logement, à laquelle font référence les parties requérantes :
« Actuellement, complémentairement aux normes minimales en matière d’énergie qui ont été fixées en exécution du Code flamand du logement, des valeurs limites PEB ont été établies pour ‘ excuser ’ les habitations dont l’isolation du toit ou le double vitrage sont insuffisants.
Ces valeurs limites PEB ne constituent aujourd’hui en soi pas encore une norme minimale de qualité du logement. À partir de 2025, les choses vont changer : chaque habitation devra avoir un label PEB selon les normes de qualité du logement. Pour les appartements et logements mitoyens, nous introduirons aussi immédiatement une norme PEB en 2025, à savoir le label E.
Par conséquent, à partir de 2025, les appartements et logements mitoyens labellisés F entreront en considération pour une déclaration d’inadaptation. Pour les habitations trois et quatre façades, nous viserons le label F en 2025. En 2030 et en 2040, la norme PEB montera à chaque fois d’un échelon. Pour les appartements et logements mitoyens, nous évoluerons vers le label D
au maximum en 2030 et C en 2040. Pour les habitations trois et quatre façades, nous passerons du label E maximum en 2030 au label D en 2040 » (p. 8).
Une mesure analogue a été prévue dans le projet de plan flamand en matière d’énergie et de climat pour la période de 2021 à 2030 actualisé, qui a été approuvé par le Gouvernement flamand le 12 mai 2023 (pp. 61-62) et qui est donc postérieur à l’adoption du décret attaqué (voy. également l’article 14 du règlement (UE) 2018/1999).
B.49.3. Pareille note d’orientation n’a pas pu susciter auprès des parties requérantes l’attente légitime selon laquelle aucune mesure ne serait prise à court terme afin d’inciter les bailleurs de logements énergivores à procéder à des travaux d’économie d’énergie. Il s’agit d’un document dénué de force obligatoire, annonçant uniquement une série de mesures complémentaires en matière d’énergie et de climat que le Gouvernement flamand a l’intention de prendre. Il appartient au Gouvernement flamand et, le cas échéant, au législateur décrétal de
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formaliser ou non ces mesures dans la réglementation et d’en déterminer les modalités et le calendrier. Par conséquent, les parties requérantes ne peuvent puiser de droits dans la note d’orientation précitée. Par ailleurs, le régime attaqué diffère de la mesure mentionnée en B.49.2, qui est sans rapport avec la possibilité d’indexation des loyers, mais qui implique que les normes de qualité du logement applicables en Région flamande porteront également, à partir de 2025, sur le label énergétique de l’habitation.
B.50. Pour le surplus, le législateur décrétal a pu estimer qu’eu égard notamment aux objectifs formulés dans le plan flamand en matière d’énergie et de climat pour la période de 2021 à 2030 et dans la stratégie flamande en matière de climat à l’horizon 2050, il était nécessaire d’inciter dès à présent, en particulier, les propriétaires-bailleurs à effectuer des travaux pour améliorer les performances énergétiques. Comme l’affirme le Gouvernement flamand, il peut être admis que les propriétaires aient moins tendance à effectuer ce genre de travaux dans une habitation qu’ils donnent en location que dans leur propre habitation, étant donné que les travaux effectués dans un logement de location n’améliorent pas la qualité de leur propre logement. Dès lors que, par le régime attaqué, le législateur décrétal a également voulu réagir rapidement aux effets de l’augmentation exceptionnelle des prix de l’énergie pour les locataires, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir prévu un régime transitoire.
B.51. Le troisième moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
B.52. Deuxièmement, les parties requérantes font valoir que, lors de l’entrée en vigueur du décret attaqué, certains bailleurs n’étaient pas encore tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique. En effet, la production d’un certificat de performance énergétique lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail n’est imposée que depuis le 1er janvier 2009
(voy. l’article 5 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 11 janvier 2008, abrogé dans l’intervalle, « instaurant le certificat de performance énergétique pour bâtiments résidentiels en cas de vente et de location et portant l’exécution de l’audit énergétique » et l’article 9.2.4 de l’arrêté du 19 novembre 2010, avant sa modification par l’arrêté du Gouvernement flamand du 16 juin 2023). Pour ces bailleurs aussi, la possibilité d’indexer les loyers est limitée, alors que, selon les parties requérantes, ceux-ci pouvaient légitimement escompter que l’absence de certificat de performance énergétique n’aurait pas d’effets préjudiciables pour eux (deuxième branche du troisième moyen).
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B.53.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination ne s’oppose pas à ce que le législateur décrétal renonce à ses objectifs initiaux pour en poursuivre d’autres. Ce principe n’est pas violé pour la seule raison qu’une nouvelle mesure déjouerait les calculs de ceux qui avaient compté sur le maintien de la politique antérieure. D’une manière générale, les pouvoirs publics doivent pouvoir adapter leur politique aux exigences changeantes de l’intérêt général.
B.53.2. La circonstance que certains bailleurs ne seraient pas légalement tenus de disposer d’un certificat de performance énergétique n’empêche pas le législateur décrétal de prendre une mesure dont le champ d’application dépend du fait d’avoir ou non un tel certificat et du label énergétique mentionné sur celui-ci. Les bailleurs concernés sont encore libres de faire établir un certificat de performance énergétique. Comme il est dit en B.24.4, il n’apparaît pas que le prix moyen de l’établissement d’un certificat de performance énergétique soit excessif ou qu’il soit impossible d’obtenir un tel certificat à court terme. Au demeurant, l’article 9.2.4, alinéa 1er, de l’arrêté du 19 novembre 2010 dispose quoi qu’il en soit, depuis sa modification par l’arrêté du Gouvernement flamand du 16 juin 2023, qu’un « propriétaire ou le titulaire d’un droit réel qui loue un bâtiment résidentiel ou une unité de bâtiment résidentiel dispose d’un certificat de performance énergétique bâtiments résidentiels ».
B.54. Les parties requérantes ajoutent que les dispositions attaquées font naître une identité de traitement entre les bailleurs qui ont conclu un contrat de bail avant le 1er janvier 2009 et n’étaient de ce fait pas obligés de disposer d’un certificat de performance énergétique, d’une part, et les bailleurs qui ont conclu le contrat de bail après cette date mais qui – en contravention aux dispositions mentionnées en B.52 – n’ont pas fait établir un certificat de performance énergétique, d’autre part. La circonstance que l’absence de certificat de performance énergétique est due au fait que le contrat de bail a été conclu à un moment où un tel certificat n’était pas obligatoire ou au fait qu’il a été négligé, en contravention à la législation en vigueur au moment considéré, d’en faire établir un ne présente pas de rapport pertinent avec les objectifs des dispositions attaquées tels qu’ils se dégagent des travaux préparatoires cités en B.4.2, de sorte que le législateur décrétal n’était pas tenu de traiter les deux catégories de bailleurs de façons différentes.
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B.55. Le troisième moyen, en sa seconde branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen
B.56. Le quatrième moyen est pris de la violation de l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel). Les parties requérantes estiment que les dispositions attaquées constituent une ingérence dans le droit au respect des biens des bailleurs d’une habitation sans certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique labellisé D, E ou F. Selon les parties requérantes, cette ingérence n’est pas justifiée par une exigence d’intérêt général.
B.57.1. L’article 16 de la Constitution dispose:
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
L’article 1er du Premier Protocole additionnel dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
B.57.2. L’article 1er du Premier Protocole additionnel ayant une portée analogue à celle de l’article 16 de la Constitution, les garanties qu’il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle des dispositions attaquées.
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B.57.3. L’article 1er du Protocole précité offre une protection non seulement contre l’expropriation ou la privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l’usage des biens (deuxième alinéa).
B.57.4. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu’existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.
B.58.1. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.4.2, le législateur décrétal vise, par le régime attaqué, à garantir l’offre de logements abordables aux locataires de logements peu économes en énergie. Les travaux préparatoires se réfèrent à l’inflation élevée et à l’augmentation des prix de l’énergie, qui se sont manifestées après les premières vagues de la pandémie de coronavirus et depuis la guerre en Ukraine.
À cet égard, le législateur décrétal a pu estimer que le préjudice subi par les bailleurs du fait de la limitation de la possibilité d’indexer les loyers ne l’emporte pas sur le bénéfice pour les locataires. Selon les travaux préparatoires précités, les locataires se trouvent, de manière générale, dans une situation financière plus précaire que les bailleurs et l’augmentation de l’inflation et des prix de l’énergie a des conséquences importantes notamment pour les locataires : non seulement l’inflation élevée entraîne une augmentation considérable des loyers indexés, mais la hausse des prix de l’énergie implique en outre des coûts énergétiques plus élevés pour les locataires, en particulier pour ceux qui occupent une habitation énergivore.
Ainsi, selon le législateur décrétal, il était question d’une « situation exceptionnelle et cumulative », ayant une « incidence importante sur la totalité des frais de logement, qui risque d’affecter la stabilité de la situation de logement de nombreux locataires de logements énergivores » (Doc. parl., Parlement flamand, 2022-2023, n° 1427/1, pp. 2 et 4). Les parties requérantes ne démontrent pas que cette appréciation du législateur décrétal serait déraisonnable.
B.58.2. Le législateur décrétal souhaitait en outre inciter les propriétaires à améliorer les performances énergétiques des logements de location. Comme il est dit en B.50, il n’est pas
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déraisonnable de postuler que les propriétaires auront moins rapidement tendance à effectuer des travaux d’économie d’énergie dans une habitation qu’ils donnent en location plutôt que dans leur propre habitation, étant donné que les travaux effectués dans le logement de location ne profitent pas à la qualité de leur propre logement. À la lumière notamment des objectifs climatiques poursuivis par la Région flamande, tels qu’ils sont contenus entre autres dans le plan flamand en matière d’énergie et de climat pour la période de 2021 à 2030 et dans la stratégie flamande en matière de climat à l’horizon 2050, la nécessité d’assurer l’efficacité énergétique du patrimoine de logements peut, pour cette raison, justifier que le législateur décrétal demande des efforts spécifiques aux bailleurs d’habitations peu économes en énergie.
B.59. Pour le surplus, il découle de ce qui est dit en B.24 et en B.53 que ni la limitation attaquée de la possibilité d’indexer les loyers en tant que telle ni l’absence de mesures transitoires ne produisent des effets disproportionnés pour les bailleurs d’une habitation sans certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique labellisé D, E ou F.
B.60. Par conséquent, les dispositions attaquées ménagent un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général qu’elles poursuivent et celles de la protection du droit au respect des biens des bailleurs concernés.
Le quatrième moyen n’est pas fondé.
Quant au maintien des effets
B.61. Le Gouvernement flamand demande qu’en cas d’annulation, les effets des dispositions attaquées soient maintenus conformément à l’article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, essentiellement parce qu’une annulation non modulée dans le temps entraînerait une insécurité juridique et causerait des difficultés financières aux locataires dont le loyer n’a pas pu être indexé ou n’a pu être indexé que partiellement, par suite des dispositions attaquées.
B.62. L’article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dispose :
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« Si la Cour l’estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des effets des dispositions annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu’elle détermine ».
B.63. L’inconstitutionnalité constatée par la Cour ne porte pas sur la limitation de la possibilité d’indexer les loyers en tant que telle, mais sur le fait que cette limitation, en vertu de l’article 2 du décret attaqué, ne s’applique pas aux contrats de bail de logement d’étudiants (B.29-B.30). Par conséquent, l’arrêt d’annulation n’aura pas pour effet que, comme le craint le Gouvernement flamand, les locataires qui affectent l’habitation à leur résidence principale devront, pour le passé, compenser la différence entre les loyers intégralement indexés et les loyers fixés par application du décret attaqué. Il n’y a donc pas lieu d’accéder à la demande du Gouvernement flamand.
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Par ces motifs,
la Cour
1. annule l’article 2 du décret de la Région flamande du 3 octobre 2022 « portant limitation de l’indexation des loyers afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique », uniquement en ce que cette disposition ne prévoit pas que ce décret est applicable aux contrats de bail d’une durée supérieure à un an ou conclus consécutivement avec le même preneur qui relèvent de l’application du titre III « Baux pour le logement d’étudiants » du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l’habitation ou de parties de ceux-ci » et qui sont entrés en vigueur avant le 1er octobre 2022;
2. rejette le recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 21 mars 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 32/2024
Date de la décision : 21/03/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

1. Annulation (article 2 du décret de la Région flamande du 3 octobre 2022, uniquement en ce que cette disposition ne prévoit pas que ce décret est applicable aux contrats de bail d'une durée supérieure à un an ou conclus consécutivement avec le même preneur qui relèvent de l'application du titre III « Baux pour le logement d'étudiants » du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l'habitation ou de parties de ceux-ci » et qui sont entrés en vigueur avant le 1er octobre 2022) 2. Rejet du recours pour le surplus

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - le recours en annulation du décret de la Région flamande du 3 octobre 2022 « portant limitation de l'indexation des loyers afin d'atténuer les conséquences de la crise énergétique », introduit par l'ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et l'ASBL « Verenigde Eigenaars - Propriétaires Réunis ». Logement - Région flamande - Bail de résidence principale - Crise énergétique - Indexation des loyers - Limitation - Performance énergétique du logement - Règles répartitrices de compétences - Habitations sans certificat de performance énergétique ou disposant d'un certificat de performance énergétique labellisé D, E ou F - Exclusion du bail de logement d'étudiants - Situation financière du locataire - Droit transitoire


Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-03-21;32.2024 ?

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