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27/03/2024 | BELGIQUE | N°38/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 27 mars 2024, 38/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 38/2024
du 27 mars 2024
Numéro du rôle : 7998
En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 25 novembre 2022
« modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013, en ce qui concerne le classement en catégories d’appareils automatiques de divertissement », introduit par l’ASBL « UBA-BNGO ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Joséphine Moerman, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assis

tée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir ...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 38/2024
du 27 mars 2024
Numéro du rôle : 7998
En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 25 novembre 2022
« modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013, en ce qui concerne le classement en catégories d’appareils automatiques de divertissement », introduit par l’ASBL « UBA-BNGO ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Joséphine Moerman, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 26 mai 2023 et parvenue au greffe le 30 mai 2023, l’ASBL « UBA-BNGO », assistée et représentée par Me Michel Maus, avocat au barreau de Flandre occidentale, et par Me Pieterjan Smeyers, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation du décret de la Région flamande du 25 novembre 2022 « modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013, en ce qui concerne le classement en catégories d’appareils automatiques de divertissement » (publié au Moniteur belge du 1er décembre 2022).
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Philippe Vlaemminck et Me Robbe Verbeke, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Bart Martel, Me Kristof Caluwaert et Me Quinten Jacobs, avocats au barreau de Bruxelles.
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La partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 31 janvier 2024, la Cour, après avoir entendu les juges Willem Verrijdt, rapporteur en remplacement de la juge-rapporteure Joséphine Moerman, légitimement empêchée, et Emmanuelle Bribosia, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
A.1.1. La partie requérante prend un premier moyen de la violation, par le décret de la Région flamande du 25 novembre 2022 « modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013, en ce qui concerne le classement en catégories d’appareils automatiques de divertissement » (ci-après : le décret du 25 novembre 2022), des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 « prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (texte codifié) »
(ci-après : la directive (UE) 2015/1535). Elle soutient que le décret du 25 novembre 2022 adopte une règle technique et que c’est donc à tort qu’il n’a pas été notifié à la Commission européenne.
A.1.2. Le Gouvernement flamand allègue que le premier moyen n’est pas recevable, à défaut d’exposé. Il ne voit en effet pas clairement quelle disposition du décret du 25 novembre 2022, qui est attaqué dans son intégralité, constituerait une règle technique. La simple reproduction de la quasi-totalité de l’avis du Conseil d’État ne saurait remplacer un exposé. En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 5 de la directive (UE) 2015/1535, le moyen n’est dès lors pas recevable.
À titre subsidiaire, le Gouvernement flamand répond que le premier moyen n’est pas fondé. Le décret du 25 novembre 2022 ne saurait être qualifié de « spécification technique », d’« autre exigence » ou de « règle relative aux services » au sens de l’article 1, paragraphe 1, f), iii), de la directive (UE) 2015/1535, auquel se limite selon lui le premier moyen, si tant est qu’il soit recevable. Le décret du 25 novembre 2022 prévoit simplement un classement des appareils automatiques de divertissement, à des fins fiscales. Il ne définit pas les caractéristiques requises, et le classement ne porte pas non plus sur le « cycle de vie » des appareils concernés. Le décret ne règle pas davantage l’accès aux activités de services ni leur exercice. Le Gouvernement flamand renvoie à cet égard à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Les modalités de déclaration visent uniquement à faciliter le paiement de la taxe, et non l’inverse. Bien que la taxe elle-même tende à décourager l’utilisation des appareils automatiques de divertissement, les modalités de déclaration visent uniquement à simplifier le paiement de la taxe et n’ont en soi aucune incidence sur l’utilisation des appareils concernés.
A.1.3. Le Conseil des ministres soutient que la référence aux articles 10 et 11 de la Constitution n’est en aucune manière justifiée. Par conséquent, le moyen se fonde uniquement sur une prétendue violation de la directive (UE) 2015/1535. La Cour n’est toutefois pas compétente pour exercer un contrôle direct au regard de cette directive. Pour le surplus, les arguments du Conseil des ministres rejoignent ceux du Gouvernement flamand.
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A.2.1. La partie requérante prend un second moyen de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution par le décret du 25 novembre 2022. Dans la première branche du second moyen, la partie requérante dénonce une différence de traitement injustifiée entre les appareils de la catégorie 2 et ceux de la catégorie 3. Il n’est en effet pas démontré que les appareils de la catégorie 2 puissent constituer un pas vers les appareils de la catégorie 1. Il n’est pas démontré non plus que ce risque est plus important qu’en ce qui concerne les appareils de la catégorie 3.
A.2.2. Le Gouvernement flamand répond que le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation en matière fiscale. Les différences de traitement sont justifiées par les objectifs poursuivis par le législateur décrétal, à savoir l’actualisation et la simplification du régime existant ainsi que l’harmonisation de la taxe sur les appareils automatiques de divertissement avec la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs » (ci-après : la loi du 7 mai 1999). Il est évident à cet égard que les appareils automatiques de divertissement installés dans les débits de boissons comportent davantage de risques, en raison justement de la vente et de la consommation de boissons alcoolisées. Le Gouvernement flamand renvoie à ce sujet à la jurisprudence récente de la Cour.
A.2.3. Les arguments du Conseil des ministres rejoignent ceux du Gouvernement flamand.
A.3.1. Dans la deuxième branche du second moyen, la partie requérante dénonce une différence de traitement injustifiée entre les appareils automatiques de divertissement installés dans un établissement de jeux de hasard de classe I, qui sont soumis à la taxe sur les jeux et paris, et les appareils automatiques de divertissement qui sont exploités en dehors d’un tel établissement et qui sont soumis à la taxe sur les appareils automatiques de divertissement. Pourtant, le législateur décrétal entend justement taxer de manière identique les appareils concernés, quel que soit l’endroit où ils sont installés.
A.3.2. Le Gouvernement flamand allègue que le décret du 25 novembre 2022 ne règle ni le champ d’application de la taxe sur les appareils automatiques de divertissement, ni celui de la taxe sur les jeux et paris.
La différence de traitement alléguée ne trouve pas son origine dans le décret du 25 novembre 2022.
A.3.3. Le Conseil des ministres conteste l’intérêt au moyen, au motif que la partie requérante bénéficie d’un taux d’imposition plus avantageux que les contribuables de la catégorie avec laquelle elle compare sa situation. À
titre subsidiaire, le Conseil des ministres souligne qu’il s’agit d’appareils différents.
A.4.1. Dans la troisième branche du second moyen, la partie requérante dénonce une différence de traitement injustifiée entre les appareils automatiques de divertissement qui sont proposés en ligne par les titulaires d’une licence de classe A+ ou de classe B+ et les appareils automatiques de divertissement qui sont proposés dans les salles de jeux, débits de boissons, agences de paris ou kermesses. Les appareils de divertissement qui relèvent de la nouvelle catégorie A peuvent aussi consister en une variante en ligne. Ces variantes en ligne ne sont pas soumises à la taxe sur les appareils automatiques de divertissement, mais à la taxe sur les jeux et paris.
A.4.2. Le Gouvernement flamand soutient à nouveau que le moyen porte sur des éléments qui ne font pas l’objet du recours. Le décret du 25 novembre 2022 n’affecte en rien la distinction existante entre les appareils automatiques de divertissement proposés en ligne et hors ligne.
A.4.3. Le Conseil des ministres conteste à nouveau l’intérêt au moyen, au motif que la partie requérante se trouve justement dans une situation favorable. Une annulation ne jouerait dès lors pas en sa faveur. Quant au fond, le Conseil des ministres estime que les catégories de personnes citées ne sont pas comparables.
A.5.1. La quatrième branche du second moyen porte sur la différence de traitement entre les appareils automatiques de divertissement qui sont proposés en ligne par la Loterie nationale et ceux qui sont proposés dans les salles de jeux, débits de boissons, agences de paris ou kermesses. Selon la partie requérante, l’article 3bis de la loi du 7 mai 1999 exclut en effet les loteries à tort de l’application de cette loi.
A.5.2. Selon le Gouvernement flamand, cette branche porte elle aussi sur des dispositions qui ne font pas l’objet du recours.
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A.5.3. Le Conseil des ministres réitère son exception fondée sur l’intérêt au moyen. Quant au fond, il soutient que les différentes catégories ne sont pas comparables.
-B-
Quant aux dispositions attaquées
B.1.1. La partie requérante demande l’annulation du décret de la Région flamande du 25 novembre 2022 « modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013, en ce qui concerne le classement en catégories d’appareils automatiques de divertissement » (ci-après :
le décret du 25 novembre 2022). Ce décret réforme la classification fiscale des appareils automatiques de divertissement et détermine les tarifs applicables aux nouvelles catégories d’appareils de divertissement. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal entendait moderniser le classement existant :
« Le présent projet de décret réorganise le classement des appareils automatiques de divertissement, qui constitue la base du tarif à appliquer. Le classement est actualisé et simplifié et s’aligne davantage sur la loi du 7 mai 1999 ‘ sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs ’ (la loi sur les jeux de hasard).
Les tarifs sont eux aussi adaptés. Les jeux de hasard sont taxés plus lourdement, alors qu’un tarif zéro est appliqué aux appareils de pur divertissement » (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1416/1, p. 3).
B.1.2. Les articles 2 à 8 du décret du 25 novembre 2022 disposent :
« Art. 2. A l’article 2.13.3.0.1 du Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013, inséré par le décret du 7 décembre 2018, les modifications suivantes sont apportées :
1° dans le paragraphe 1er le membre de phrase ‘ sont classifiés selon leur type en cinq catégories, désignées respectivement par les lettres A, B, C, D et E ’ est remplacé par le membre de phrase ‘ sont classifiés selon leur type en quatre catégories, désignées respectivement par les chiffres 1, 2, 3 et 4 ’;
2° dans le paragraphe 2, l’alinéa 1er est remplacé par ce qui suit :
‘ Les appareils automatiques de divertissement suivants appartiennent aux catégories respectives suivantes :
1° catégorie 1 : les appareils automatiques de divertissement qui sont des jeux de hasard tels que visés à l’article 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, à l’exception des appareils appartenant à la catégorie 2, visés au point 2°;
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2° catégorie 2 : les jeux de hasard automatiques à mise atténuée, visés à l’article 2, alinéa 1er, 11°, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard;
3° catégorie 3 : les appareils automatiques de divertissement, à l’exception des appareils appartenant aux catégories 1 ou 2, visés aux points 1° et 2°, permettant, même de manière occasionnelle ou secondaire, de gagner un prix en argent, en nature, sous la forme de jetons ou de bons-primes;
4° catégorie 4 : les appareils automatiques de divertissement n’appartenant pas aux catégories 1 à 3, visés aux points 1° à 3°. ’
Art. 3. Dans l’article 2.13.4.0.1, alinéa 1er, du même décret, inséré par le décret du 7 décembre 2018, le tableau est remplacé par ce qui suit :

Catégorie de l’appareil Tarif en euro 1 4 000
2 500
3 55
4 0

Art. 4. L’article 2.13.5.0.2 du même décret, inséré par le décret du 7 décembre 2018, est abrogé.
Art. 5. Dans l’article 3.3.1.0.16, alinéa 5, du même décret, inséré par le décret du 7 décembre 2018, le membre de phrase ‘ tels que visés à l’article 2.13.3.0.1, § 2, alinéa premier, 3° et 4° ’ est remplacé par le membre de phrase ‘ tels que visés à l’article 2.13.3.0.1, § 2, alinéa 1er, 4° ’.
Art. 6. L’article 3.12.4.0.1 du même décret, remplacé par le décret du 20 novembre 2020, est remplacé par ce qui suit :
‘ Art. 3.12.4.0.1. Un appareil automatique de divertissement qui est un jeu de hasard tel que visé à l’article 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, et qui ne dispose pas de l’attestation d’agrément visée à l’article 52 de ladite loi, est considéré d’office comme un appareil de catégorie 1, visé à l’article 2.13.3.0.1, § 2, alinéa 1er, 1°. ’.
Art. 7. Le titre 5 du même décret, modifié en dernier lieu par le décret du 2 avril 2021, est complété par un article 5.0.0.0.16, rédigé comme suit :
‘ Art. 5.0.0.0.16. Par dérogation à l’article 3.3.1.0.16, alinéa 1er, le contribuable peut introduire, au plus tard le 15 janvier 2023, une déclaration auprès de l’entité compétente de l’administration flamande pour un appareil automatique de divertissement qui sera installé pendant la première moitié de janvier 2023.
Par dérogation à l’article 3.3.1.0.16, alinéa 4, une déclaration qui est introduite ou renouvelée automatiquement pour l’installation d’appareils automatiques de divertissement au cours du quatrième trimestre de 2022, n’est pas renouvelée automatiquement. ’.
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Art. 8. Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2023 ».
Quant à la recevabilité
En ce qui concerne le premier moyen
B.2.1. Le Gouvernement flamand soutient que le premier moyen n’est pas recevable, à défaut d’exposé.
B.2.2. Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.2.3. Dans sa requête, la partie requérante, dans le cadre du premier moyen, renvoie expressément aux articles 5, 6 et 7 du décret du 25 novembre 2022, sans pour autant exposer en quoi ces dispositions violeraient les normes de référence citées. Dans son mémoire, elle dit en revanche que le premier moyen porte en réalité sur les articles 2 et 3 du décret du 25 novembre 2022. À la lumière des éléments précités, les conditions mentionnées en B.2.2 ne sont pas remplies.
B.2.4. L’exception est fondée. Le premier moyen n’est pas recevable.
En ce qui concerne la deuxième branche du second moyen
B.3.1. Le Gouvernement flamand allègue que la deuxième branche du second moyen n’est pas recevable, parce que le décret du 25 novembre 2022 ne règle ni le champ d’application de la taxe sur les appareils automatiques de divertissement, ni celui de la taxe sur les jeux et paris.
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B.3.2. Un moyen dirigé contre une différence de traitement ne résultant pas du décret du 25 novembre 2022 mais déjà contenue dans un décret antérieur ou dans une loi antérieure est irrecevable.
B.3.3. Dans la deuxième branche du second moyen, la partie requérante dénonce une différence de traitement injustifiée entre les appareils automatiques de divertissement installés dans un établissement de jeux de hasard de classe I, qui sont soumis à la taxe sur les jeux et paris, et les appareils automatiques de divertissement qui sont exploités en dehors d’un tel établissement et qui sont soumis à la taxe sur les appareils automatiques de divertissement.
B.3.4. La différence de traitement dénoncée trouve son origine dans l’article 2.13.6.0.1, 2°, du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013, tel qu’il a été introduit par l’article 34
du décret du 7 décembre 2018 « modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013, en ce qui concerne la taxe sur les jeux et les paris et sur les appareils automatiques de divertissement ». Cet article 2.13.6.0.1, 2°, dispose :
« Une exonération de la taxe est octroyée pour les appareils automatiques de divertissement :
[…]
2° qui sont considérés comme un établissement de jeux de hasard de classe I, tel que visé à l’article 6 de la Loi sur les jeux du hasard du 7 mai 1999 et soumis à la taxe, visée à l’article 2.12.4.0.1, § 2, 3° ».
B.3.5. Cette disposition n’est pas modifiée par le décret du 25 novembre 2022.
L’exception est fondée. Le second moyen, en sa deuxième branche, n’est pas recevable.
En ce qui concerne la troisième branche du second moyen
B.4.1. Le Gouvernement flamand soutient que la troisième branche du second moyen n’est pas recevable, parce que le décret du 25 novembre 2022 ne modifie en rien la distinction existante entre les appareils automatiques de divertissement qui sont proposés en ligne et hors ligne.
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B.4.2. Dans la troisième branche du second moyen, la partie requérante dénonce une différence de traitement injustifiée entre les appareils automatiques de divertissement qui sont proposés en ligne par les titulaires d’une licence de classe A+ ou de classe B + et les appareils automatiques de divertissement qui sont proposés dans les salles de jeux, débits de boissons, agences de paris ou kermesses.
La différence de traitement dénoncée trouve son origine dans l’article 2.12.3.0.1, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013, tel qu’il a été introduit par l’article 9 du décret du 7 décembre 2018 précité. Cet article 2.12.3.0.1, § 1er, alinéa 1er, dispose :
« La taxe sur les jeux et les paris est levée sur les gains des jeux et des paris, en ce inclus ceux qui sont engagés via des instruments de la société de l’information, tels que visés à l’article 2, 10° de la Loi sur les jeux de hasard du 7 mai 1999 ».
B.4.3. Cette disposition n’est pas modifiée par le décret du 25 novembre 2022.
L’exception est fondée. Le second moyen, en sa troisième branche, n’est pas recevable.
En ce qui concerne la quatrième branche du second moyen
B.5.1. Selon le Gouvernement flamand, la quatrième branche du second moyen n’est pas davantage recevable, parce qu’elle porte sur une différence de traitement qui ne résulte pas du décret du 25 novembre 2022.
B.5.2. Il ressort de l’exposé de la quatrième branche du second moyen que cette branche est en réalité dirigée contre l’article 3bis de la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux et la protection des joueurs » (ci-après : la loi du 7 mai 1999), qui dispose :
« La présente loi ne s’applique pas aux loteries au sens de la loi du 31 décembre 1851 sur les loteries, et des articles 301, 302, 303 et 304 du Code pénal, ni aux loteries publiques et concours visés à l’article 3, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la Loterie nationale ».
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B.5.3. Cette disposition n’est pas modifiée par le décret du 25 novembre 2022.
L’exception est fondée. Le second moyen, en sa quatrième branche, n’est pas recevable.
Quant au fond
B.6. La première branche du second moyen est prise de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution par l’article 3 du décret du 25 novembre 2022, en ce que cette disposition établit une différence de traitement injustifiée entre les propriétaires d’appareils de la catégorie 2 et les propriétaires d’appareils de la catégorie 3.
B.7.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s’oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.7.2. L’article 172, alinéa 1er, de la Constitution est une application particulière, en matière fiscale, du principe d’égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.7.3. Lorsqu’il détermine sa politique en matière fiscale, le législateur décrétal dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu. Tel est notamment le cas lorsqu’il détermine les redevables, la matière imposable, la base d’imposition, le taux d’imposition et les éventuelles exonérations des impôts qu’il prévoit. Dans cette matière, la Cour ne peut censurer les choix
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politiques du législateur décrétal et les motifs qui les fondent que s’ils reposent sur une erreur manifeste ou sont manifestement déraisonnables.
B.8.1. Comme il est dit en B.1.2, les appareils qui relèvent de la catégorie 2 sont les « jeux de hasard automatiques à mise atténuée », visés à l’article 2, alinéa 1er, 11°, de la loi du 7 mai 1999, qui définit ces appareils comme suit :
« appareil sur lequel des jeux de hasard sont exploités sur lequel il est moins possible de jouer à des jeux de hasard que sur d’autres appareils dans les établissements de jeux de hasard de classe III, de sorte que l’ensemble des mises résulte en une perte horaire de moyenne inférieure au montant par heure tel que visé à l’article 8, alinéa 3, et que les mises par jeu ne peuvent pas dépasser la valeur de la pièce de monnaie de la plus grande valeur en circulation ».
Les appareils qui relèvent de la catégorie 3 sont « les appareils automatiques de divertissement, à l’exception des appareils appartenant aux catégories 1 ou 2, visés aux points 1° et 2°, permettant, même de manière occasionnelle ou secondaire, de gagner un prix en argent, en nature, sous la forme de jetons ou de bons-primes » (article 2.13.3.01, § 2, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de la fiscalité, tel qu’il a été modifié par l’article 2 du décret du 25 novembre 2022).
Dans les travaux préparatoires, les tarifs sont commentés comme suit :
« Le tarif prévu pour les vrais jeux de hasard (la catégorie A qui devient la catégorie 1) sera maintenu à 4 000 euros par an.
En ce qui concerne les jeux de hasard à mise atténuée, qui constituent la catégorie 2, mais qui sont similaires à ceux de la catégorie 1, le tarif passera de 150 à 500 euros par appareil. Le coût social de l’addiction au jeu est un argument pour taxer plus lourdement ces appareils.
Les catégories 3 et 4 concernent plutôt des jeux d’adresse. Il y a toutefois une distinction selon qu’un appareil permet de gagner un prix ou non. Pour ce qui est des appareils de la catégorie 3, qui permettent de gagner un prix, une certaine forme d’imposabilité est tout de même souhaitée. Le tarif proposé s’élève à 55 euros. Ce tarif représentera une augmentation pour certains appareils et exploitants (qui relèvent actuellement des catégories B, C et D), mais une diminution pour d’autres (qui relèvent actuellement de la catégorie E).
Les véritables jeux d’adresse, qui sont pratiqués à des fins purement divertissantes et qui ne comportent aucun incitant financier, ne seront de facto plus taxés (tarif zéro pour la catégorie 4) » (Doc. parl. Parlement flamand, 2021-2022, n° 1416/1, p. 15).
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B.8.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a fixé les tarifs des différentes catégories d’appareils concernés en tenant compte de leur rentabilité, de la nature du jeu proposé et de la multiplicité de la mise. En outre, le législateur décrétal a pu également souhaiter, par l’augmentation de la taxe frappant une catégorie déterminée d’appareils, lutter de manière plus précise contre les dangers associés aux jeux de hasard et protéger les joueurs vis-
à-vis d’un type d’appareils présentant des caractéristiques spécifiques en ce qui concerne le risque d’assuétudes. Au regard de cet objectif, la différence de traitement attaquée dans la première branche du second moyen n’est pas sans justification raisonnable.
B.8.3. Le second moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 27 mars 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38/2024
Date de la décision : 27/03/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-03-27;38.2024 ?

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