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17/04/2000 | BELGIQUE | N°C.97.0181.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 avril 2000, C.97.0181.N


LA COUR,
Vu l'arrêt attaqué rendu le 26 novembre 1996 par la cour d'appel d'Anvers;
Vu l'ordonnance du premier président du 27 mars 2000 renvoyant la cause devant la troisième chambre;
Sur le moyen, libellé comme suit, pris de la violation des articles 2, 8, alinéa 1er, de la loi du 30 juin 1967 portant extension de la mission du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises, 14 et 19, alinéa 1er, 3bis, complété par l'article 96 de la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985, de la loi hypothécaire du 1

6 décembre 1985 constituant le titre XVIII du Livre III du Code civ...

LA COUR,
Vu l'arrêt attaqué rendu le 26 novembre 1996 par la cour d'appel d'Anvers;
Vu l'ordonnance du premier président du 27 mars 2000 renvoyant la cause devant la troisième chambre;
Sur le moyen, libellé comme suit, pris de la violation des articles 2, 8, alinéa 1er, de la loi du 30 juin 1967 portant extension de la mission du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises, 14 et 19, alinéa 1er, 3bis, complété par l'article 96 de la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1985 constituant le titre XVIII du Livre III du Code civil,
en ce que l'arrêt rejette l'appel du demandeur comme étant non fondé et confirme dès lors le jugement dont appel, rejetant la contestation du demandeur quant au rang, prévu par l'article 19, 3bis, de la loi du 16 décembre 1851, des privilèges accordés au demandeur et aux travailleurs et confirmant le décompte du curateur tel qu'il a été repris dans le procès-verbal de la réunion de fermeture du 23 mars 1992, accordant un privilège aux travailleurs à concurrence du montant de leurs créances privilégiées qui ne leur ont pas été payées par le demandeur, et ce, par les motifs que :
"En vertu de l'article 2 de la loi du 30 juin 1967, le Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises n'est chargé de payer les rémunérations, indemnités et avantages dus par l'employeur à son travailleur que lorsqu'en cas de fermeture d'entreprise, l'employeur ne s'acquitte pas de ses obligations pécuniaires envers ses travailleurs;
Qu'en imposant cette obligation subsidiaire au Fonds, la loi du 30 juin 1967 vise à étendre les garanties du travailleur pour obtenir le payement de ce qui lui est dû par l'employeur en cas de fermeture d'entreprises;
Qu'en vertu de l'article 8 de la même loi, le Fonds est subrogé de plein droit aux droits et actions du travailleur vis-à-vis de l'employeur-débiteur pour le recouvrement de ce qu'il a payé en application de l'article 2;
Que cette subrogation serait inconciliable avec l'obligation subsidiaire du Fonds imposé par la loi et avec l'économie de ce régime si l'application de l'article 8 entraînait une limitation de ces garanties et un dommage pour le travailleur qui n'est payé que partiellement par le Fonds;
Qu'il ressort dès lors de l'économie de la loi qu'en cas de concours du privilège du travailleur qui lui est accordé par l'article 19, 3bis, alinéa 1er, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 et du privilège du Fonds subrogé dans les droits du travailleur, est expressément repris par l'article 96 la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985 en tant qu'article 19, 3bis, alinéa 3, le travailleur peut exercer ses droits de manière privilégiée à l'égard du Fonds pour ce qui lui est encore dû;
Que l'article 19, 3bis, alinéa 3, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 ne prévoit en effet pas, et qu'il ne ressort pas davantage des travaux parlementaires dudit article 96 de la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985, que le principe de subsidiarité précité qui a servi de fondement à la loi de 1967 ne serait plus applicable et que l'article 19, 3bis, alinéa 3, prévoit expressément que le Fonds ne peut invoquer son privilège que lorsqu'il est subrogé dans les droits du travailleur pour le payement;
Que l'article 14 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, duquel il ressort que les créanciers privilégiés qui sont dans le même rang sont payés par concurrence, ne porte pas atteinte au principe de subsidiarité précité et ne déroge dès lors pas au privilège précité dont bénéficie le travailleur par préférence au Fonds pour ce qui lui est encore dû;
Qu'il ne ressort pas des pièces déposées que les demandes des travailleurs reprises dans le décompte déposé par le curateur de la faillite de la société anonyme Mutech (total de 1.262.478 francs) comprendraient aussi les pécules de vacances;
Que, dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a, pour lesdits motifs, répartis proportionnellement l'actif disponible (1.104.064 francs) entre les travailleurs de la société anonyme Mutech faillie (les défendeurs 2 à 6) et qu'il est sans intérêt à cet égard, d'examiner si le Fonds serait privilégié pour le pécule de vacances payé 'au rang de l'article 19, 3bis, alinéa 3, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851' (voir toutefois Cass., R.G. C.94.434.F, 6 octobre 1995 - Faillissement Stenuick NV en liquidation : Fonds de fermeture, non publié; ni l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 30 juin 1967 ni l'article 19, alinéa 1er, 3bis de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 n'accorde au Fonds de fermeture un privilège dont le travailleur aux droits duquel le Fonds s'est substitué, ne bénéficie pas)",
alors que, conformément à l'article 2 de la loi du 30 juin 1967, lorsqu'en cas de fermeture d'entreprise au sens de cette législation et dans les cas prévus en l'espèce, l'employeur ne s'acquitte pas de ses obligations pécuniaires envers ses travailleurs, le Fonds de fermeture est chargé de payer les rémunérations ainsi que les indemnités et avantages dus en vertu des conventions individuelles ou collective de travail;
Qu'en application de l'article 8, alinéa 1er, de la loi précitée, le Fonds de fermeture est subrogé de plein droit aux droits et actions du travailleur vis-à-vis de l'employeur-débiteur pour le recouvrement auprès de ce dernier des rémunérations, indemnités et avantages et qu'il peut dès lors invoquer pour ces interventions visà-vis des travailleurs le privilège des travailleurs prévu à l'article 19, alinéa 1er, § 3bis, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851;
Que l'article 96 de la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985 a en outre accordé au Fonds de fermeture un privilège général sur les meubles pour les créances basées sur l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 30 juin 1968, qui prend rang sur la base de l'article 19, alinéa 1er, 3bis, de la loi hypothécaire du 18 décembre 1851, et a, à cette fin, ajouté un alinéa 3 à l'article 19, alinéa 1er, 3bis, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851;
Que le Fonds de fermeture bénéficie ainsi d'un privilège pour lesdites créances ayant le même rang que celui des travailleurs pour les rémunérations et les indemnités dues par leur employeur;
Qu'aux termes de l'article 14 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 les créanciers privilégiés qui sont dans le même rang sont payés par concurrence;
Qu'en application des principes précités, l'actif disponible de la faillite doit dès lors être partagé proportionnellement entre le Fonds de fermeture et les travailleurs qui ne pouvaient obtenir un paiement général de leurs créances privilégiées de la part de ce Fonds;
Que l'égalité de traitement du Fonds de fermeture et des travailleurs, en ce qui concerne le privilège, dans les circonstances précitées et le partage proportionnel des sommes entre les créanciers qui en découle, résulte de manière claire des travaux parlementaires de la loi de redressement contenant des dispositions sociales, du 22 janvier 1985, visant à l'assainissement du Fonds de fermeture et qu'à cette fin un nouveau privilège a été accordé au Fonds de fermeture le plaçant sur un pied d'égalité avec le travailleur et qu'ainsi le traitement privilégié du travailleur à l'égard du Fonds a été supprimé;
de sorte que l'arrêt ne pouvait décider légalement sur la base des considérations invoquées au moyen que les travailleurs pouvaient exercer leurs droits privilégiés pour ce qui leur était encore dû après l'intervention du Fonds de fermeture par préférence à la créance du Fonds de fermeture pour les rémunérations et indemnités payées à ces travailleurs et, dès lors, confirmer le jugement dont appel confirmant le décompte du curateur faisant application du traitement de préférence des travailleurs (violation des dispositions légales citées par le moyen) :
Attendu qu'aux termes de l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 30 juin 1967 portant extension de la mission du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises, le Fonds est subrogé de plein droit aux droits et actions du travailleur vis-à-vis de l'employeur-débiteur pour le recouvrement auprès de ce dernier des rémunérations, indemnités et avantages qu'il a payés en application de l'article 2 de la même loi;
Attendu qu'en vertu de l'article 19, alinéa 1er, 3bis, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, modifié par l'article 96 de la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985, les créances privilégiées sur la généralité des biens meubles s'exercent dans l'ordre suivant :
- pour les travailleurs visés à l'article 1er de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération, la rémunération telle qu'elle est définie à l'article 2 de ladite loi et telle qu'elle est limitée par l'article 19; cette limitation ne s'applique pas aux indemnités comprises dans la rémunération et qui sont dues aux mêmes personnes pour rupture de leur engagement;
- les créances du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises, basées sur l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 30 juin 1967 portant extension de la mission du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises;
Qu'il ressort de la genèse de la loi du 22 janvier 1985 que le but du législateur a été de placer le privilège du Fonds et du travailleur au même rang;
Attendu qu'en vertu de l'article 14 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, les créanciers privilégiés qui sont dans le même rang sont payés par concurrence;
Attendu que l'arrêt refuse le partage proportionnel des créances du demandeur et des défendeurs 2 à 6 et place le privilège de ces défendeurs avant celui du demandeur;
Que, dès lors, il viole les dispositions légales précitées;
Que le moyen est fondé;
PAR CES MOTIFS,
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette la demande du demandeur tendant à entendre dire pour droit que l'actif disponible (1.104.064 francs) au rang de l'article 19, alinéa 1er, 3bis, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, doit être partagé proportionnellement entre la créance du demandeur (2.372.153 francs) et celle des travailleurs-défendeurs (1.262.478 francs), étant entendu que le montant de la créance des travailleurs doit être diminué à concurrence du pécule de vacances encore dû, et confirme le décompte du premier défendeur repris dans le procès-verbal de la réunion de clôture des comptes de la faillite de la société anonyme Mutech du 23 mars 1992 et statue sur les dépens;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.


Synthèse
Formation : Chambre 3n - derde kamer
Numéro d'arrêt : C.97.0181.N
Date de la décision : 17/04/2000
Type d'affaire : Droit civil - Droit du travail

Analyses

En cas de concours entre le privilège du fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises pour ses créances fondées sur l'article 8, alinéa 1er de la loi du 30 juin 1967 et le privilège du travailleur salarié pour les rémunérations et les indemnités dues par son employeur, la règle de la proportionnalité doit être appliquée à leurs créances respectives.

PRIVILEGES ET HYPOTHEQUES - PRIVILEGES GENERAUX - Privilège sur les meubles - Fonds de fermeture - Travailleurs salariés - Concours - Rang - Proportionnalité de la demande - EMPLOI - FERMETURE D'ENTREPRISES - Fonds de fermeture - Travailleurs salariés - Privilège sur les meubles - Concours - Rang - Proportionnalité de la demande - SUBROGATION - Fonds de fermeture - Droits des travailleurs salariés - Privilèges et hypothèques - Privilège sur les meubles - Concours avec le privilège du travailleur salarié - Rang - Proportionnalité de la demande [notice1]


Références :

[notice1]

Code civil - Livre III - Titre XVIII: Des privilèges et hypothèquesL. Loi hypothécaire - 16-12-1851 - Art. 14 et 19, al. 1er, 3bis - 01 / No pub 1851121650 ;

L. de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales - 22-01-1985 - modifié par l'art. 96 - 30 / No pub 1985021271 ;

L. du 30 juin 1967 portant extension de la mission du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises - 30-06-1967 - Art. 8, al. 1er - 01 / No pub 1967063005


Composition du Tribunal
Président : MARCHAL PIERRE
Greffier : ALLARD DE BIHL SANDRINE
Ministère public : DE RAEVE ANNE
Assesseurs : VEROUGSTRAETE IVAN, BOES ROBERT, DHAEYER GHISLAIN, BOURGEOIS GRETA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2000-04-17;c.97.0181.n ?

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