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11/12/2006 | BELGIQUE | N°S.04.0143.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 décembre 2006, S.04.0143.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGS.04.0143.N

B. S.,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

contre

QUICK RESTAURANTS, societe anonyme.

Me Lucienn Simont, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 avril 2003par la cour du travail d'Anvers.

Le conseiller Ghislain Londers a fait rapport.

L'avocat general Anne De Raeve a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens dans sa re

quete.

1. Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 101, dans la version posterieure à sa modification par la lo...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEGS.04.0143.N

B. S.,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

contre

QUICK RESTAURANTS, societe anonyme.

Me Lucienn Simont, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 avril 2003par la cour du travail d'Anvers.

Le conseiller Ghislain Londers a fait rapport.

L'avocat general Anne De Raeve a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens dans sa requete.

1. Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 101, dans la version posterieure à sa modification par la loidu 13 fevrier 1998 et anterieure à sa modification par la loi du23 decembre 2001, 102, dans la version posterieure à sa modification parla loi du 22 decembre 1995 et anterieure à sa modification par la loi du30 decembre 2001, 103 et 107bis, S:1er, de la loi de redressement du22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales ;

- article 39 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail ;

- articles 10, dans la version anterieure à sa modification par lareforme constitutionnelle du 21 fevrier 2002, et 11 de la Constitutioncoordonnee le 17 fevrier 1994.

Decisions et motifs critiques

Statuant par la decision attaquee sur la demande de la demanderesse, lacour du travail a declare l'appel de la demanderesse recevable mais nonfonde et l'appel incident de la defenderesse recevable et partiellementfonde. La cour du travail a annule le jugement rendu le 10 mai 2001 par letribunal du travail, en tant qu'il fixe le montant de l'indemniteforfaitaire à la somme de 650.544 francs (16.126,56 euros). Statuant ànouveau, la cour du travail a condamne la defenderesse à payer uneindemnite forfaitaire de 15.406,43 euros, sous deduction des retenueslegales pour la securite sociale et le precompte professionnel dans lamesure ou elles sont dues et avec majoration du montant net des interetsjudiciaires. La cour du travail a confirme le jugement du 10 mai 2001 pourle surplus, c'est-à-dire en ce qu'il a decide que la defenderesse n'estpas redevable d'une indemnite de conge complementaire au benefice de lademanderesse. La cour du travail a fonde ces decisions notamment sur lesmotifs suivants :

« 2. Appreciation

2.1. L'indemnite de conge :

Les parties ne contestent pas que (la demanderesse) a reduit sesprestations de moitie depuis le 1er octobre 1998 en application d'un droitaccorde par convention collective de travail, conformement àl'article 102, S:1er, de la loi de redressement du 22 janvier 1985contenant des dispositions sociales (ci-apres : la loi du 22 janvier1985).

Il ressort de sa lettre du 8 juin 1998 qu'elle avait l'intention de faireusage de son droit pour une periode indeterminee.

Les parties ne contestent pas davantage que (la defenderesse) paye depuisle 1er octobre 1998 une remuneration reduite à concurrence desprestations de travail effectuees.

Aucun element du dossier ne permet de conclure qu'il a ete mis fin à lareduction des prestations de travail avant la notification du conge suiviedu licenciement avec effet immediat, que ce soit par une convention ou parun acte unilateral emanant de (la demanderesse).

Ainsi, au moment de la notification du conge et du licenciement avec effetimmediat, (la demanderesse) faisait encore partie du groupe destravailleurs vises à l'article 103 de la loi du 22 janvier 1985 qui areduit ses prestations de travail conformement à l'article 102 de la memeloi.

L'article 103 precite prevoit pour ces travailleurs un regime de preaviset d'indemnite de conge à observer par l'employeur, qui deroge auxarticles 82 et 39 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail.

L'article 103 de la loi du 22 janvier 1985, tel qu'il est applicable enl'espece, dispose :

`En cas de resiliation unilaterale du contrat de travail par l'employeur,le delai de preavis notifie au travailleur qui a reduit ses prestationsconformement à l'article 102 et 102bis, sera calcule comme s'il n'avaitpas reduit ses prestations. Il faut egalement tenir compte de ce memedelai de preavis pour determiner l'indemnite prevue à l'article 39 de laloi du 3 juillet 1978'.

Ainsi, le regime derogatoire vise uniquement le calcul du delai de preavisà observer par l'employeur et, en consequence, le delai de preavis sur labase duquel l'indemnite de conge doit etre calculee.

Cet article ne contient aucune disposition concernant l'importance et lacomposition de la remuneration annuelle servant de base au calcul del'indemnite de conge correspondante, de sorte qu'à cet egard, il y a lieud'appliquer les regles concernant le contrat de travail 'de droit commun',c'est-à-dire l'article 39 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail.

Il ne ressort pas uniquement du texte de l'article 103 de la loi du 22janvier 1985 mais aussi des travaux preparatoires de cette loi que lelegislateur n'avait aucunement l'intention d'instaurer un regimeparticulier et derogatoire quant à l'importance et à la composition dela remuneration annuelle de base à prendre en consideration lors ducalcul de l'indemnite de conge.

Il est utile de se referer à cet egard au rapport fait au Senat au nom dela commission des affaires sociales relativement au projet de loi deredressement contenant des dispositions sociales (...), qui precise :

'Un membre demande si on peut conclure de cet article que si le salaire àtemps plein est de 40.000 francs par mois et le delai couvert parl'indemnite de rupture de sept mois, l'employeur paiera 280.000 francs ?Le Ministre fait observer que l'intention du Gouvernement n'a ete que detenir compte, pour le calcul de la duree de la periode de preavis (et del'indemnite compensatoire correspondante), d'une occupation fictive àtemps plein. Ceci signifie que dans l'exemple donne, l'indemnite depreavis sera egale à la remuneration en cours du travailleur occupe àtemps partiel multiplie par sept mois'.

L'allegation de (la demanderesse) que la reponse du ministre manque declarte et permet egalement l'interpretation que l'intention du legislateuretait de conferer au travailleur interesse, par la voie de l'article 103de la loi du 22 janvier 1985, le droit au paiement d'une indemnite deconge calculee sur la base d'une remuneration fictive à temps plein, estpar trop ingenieuse et manifestement erronee.

Par ailleurs, il ressort egalement d'emblee de la reponse du ministre queles travaux preparatoires de la loi du 22 janvier 1985 sont fondes surl'hypothese que, sans l'initiative legislative, il y aurait lieu deprendre en consideration, tant pour le calcul du delai de preavisordinaire à observer par l'employeur que pour le calcul de l'indemnite deconge correspondante, la remuneration effectivement perc,ue à ce momentpar le travailleur interesse dans le cadre de son occupation à tempspartiel.

Si le legislateur avait voulu une autre interpretation des articles 82 et39 de la loi du 3 juillet 1978, l'insertion de l'article 103 de la loi du22 janvier 1985 aurait ete parfaitement inutile.

Il y a lieu de constater, bien que, de toute evidence, cette constatationne soit pas determinante en l'espece, que l'actuel ministre de l'Emploi etdu Travail se ralliait encore en 2002 à cette opinion, ainsi qu'ilressort de sa reponse à une question parlementaire du senateur Erdman.(...)

L'interpretation opposee que (la demanderesse) tente à nouveau de donnerà la reponse du ministre est manifestement erronee.

La (cour du travail) constate que les parties ne contestent pas que ledelai de preavis à observer par (la defenderesse) est de 24 mois, desorte que le preavis notifie est suffisant.

Les parties ne contestent pas davantage que (la demanderesse) qui a etelicenciee avec effet immediat le 30 septembre 1999, c'est-à-dire au coursdu delai de preavis et sans motif grave, a droit au paiement d'uneindemnite de conge correspondant à la partie du delai de preavis restantà courir.

Subsiste la question du montant de la remuneration annuelle servant debase au calcul de cette indemnite de conge.

Conformement à l'article 39, S:1er, de la loi du 3 juillet 1978,l'employeur qui met fin à un contrat de travail à duree indetermineesans motif grave ou sans preavis est tenu de payer au travailleur uneindemnite de conge egale à la remuneration en cours correspondant audelai de preavis (restant à courir).

La Cour de cassation a considere avec pertinence en son arret du16 novembre 1992, cite par (la demanderesse), qu'il ressort de cettedisposition que le droit du travailleur licencie à l'indemnite de congenait des que le conge est donne sans preavis et sans motif grave et que lemontant de cette indemnite est calcule en tenant compte de la remunerationà laquelle le travailleur a droit sur la base du contrat de travail quile lie au jour du licenciement et que cette disposition legale ne pose pascomme condition que l'execution du contrat ait dejà pris cours au momentde la resiliation.

Ces considerations, correctes en soi, ne sont toutefois pas de nature àconfirmer la these de (la demanderesse).

En effet, au moment de son licenciement, (la demanderesse) etait liee àl'egard de (la defenderesse) par un contrat de travail en vertu duquel, àce moment, elle ne pouvait pretendre qu'au paiement d'une remunerationreduite à concurrence des prestations de travail effectuees.

C'est en vain que (la demanderesse) fait une distinction, quelque peuartificielle, entre les travailleurs qui ne peuvent reduire leursprestations de travail qu'avec l'assentiment de l'employeur et concluentà cet egard un contrat individuel avec celui-ci et les travailleurs qui,comme (la demanderesse), beneficient en vertu d'une convention collectivede travail (ou d'une disposition legale) du droit à une reduction desprestations de travail que l'employeur ne peut refuser.

En effet, dans les deux cas, les conditions de travail originairementconvenues entre l'employeur et le travailleur, telles que notamment laduree du travail et la remuneration correspondante, sont modifiees pourune duree determinee ou pour une duree indeterminee.

Il importe aussi peu de savoir comment il a ete procede à la modificationdes conditions de travail originaires et comment la modification et seseffets ont ete qualifies que de savoir si cette modification a fait ouaurait du faire l'objet d'un nouveau contrat de travail ecrit comme il estprescrit à l'article 11bis de la loi du 3 juillet 1978.

A toutes fins utiles, il y a lieu de relever que la decision unilateralede (la demanderesse) de reduire ses prestations de travail de moitie aoblige les parties à conclure un nouvel accord quant à l'horaire detravail à respecter à partir du 1er octobre 1998, de sorte qu'il existeun nouveau contrat concernant la duree du travail, ce qui n'est pasconteste en soi et est par ailleurs confirme par la lettre du 23 septembre1998 par laquelle (la demanderesse) sollicite un entretien en vue denegocier ses futures prestations et son futur horaire.

La question de savoir si, en l'espece, (la demanderesse) avait le droit demettre unilateralement et immediatement fin au nouveau regime de travailn'est pas davantage pertinente, des lors que, comme il a ete ditprecedemment, il n'est pas conteste qu'au moment du licenciement, iln'avait pas ete mis fin au nouveau regime de travail et qu'en consequence,les conditions de travail modifiees à partir du 1er octobre 1998 etaientapplicables à ce moment.

La (cour du travail) tient à relever à cet egard que, contrairement àla suspension de l'execution du contrat de travail en application desarticles 100, alinea 1er, et 100bis de la loi du 22 janvier 1985, lareduction des prestations de travail en application des articles 102,S:1er, et 102bis de la meme loi ne suspend pas le conge donne parl'employeur (comp. article 101bis de la loi du 22 janvier 1985).

Ainsi, contrairement au travailleur en interruption de carriere« complete » ou en incapacite de travail, le travailleur qui a reduitses prestations de travail n'est pas necessairement occupe à nouveau àtemps plein et ne perc,oit pas necessairement à nouveau la remunerationcomplete correspondante pendant le delai de preavis.

En consequence, les considerations pertinentes de l'arret du 6 septembre1982 de la Cour de cassation (...) relatives à l'indemnite de conge dueen cas de licenciement au cours d'une periode d'incapacite de travail nepeuvent etre appliquees par analogie en l'espece des lors que l'indemnitede conge reclamee ne sert pas à indemniser (la demanderesse) de la perte,à la suite de son licenciement, du droit à la reprise d'une occupationà temps plein à l'expiration de la periode de reduction des prestationsde travail, aux conditions salariales valables à ce moment.

Les autres comparaisons et arguments developpes à cet egard par (lademanderesse) ne sont pas davantage pertinents et ne sont pas de nature àmettre en cause les considerations et les decisions precitees.

En consequence, (la demanderesse) a droit au seul paiement d'une indemnitede conge dont le montant est calcule sur la base de la remuneration et desavantages auxquels elle avait droit en vertu de son contrat de travail aumoment du licenciement avec effet immediat et non sur la base del'hypothetique remuneration complete qu'elle percevrait si elle n'avaitpas reduit ses prestations de travail.

Conformement aux regles de droit commun en matiere de preuve, il incombeà (la demanderesse) de prouver qu'elle a droit à une indemnite de congesuperieure à l'indemnite de conge qui lui a ete accordee.

Il n'est pas conteste que (la defenderesse) a paye une indemnite de congede 2.536.045 francs qui correspond à la partie du delai de preavisrestant à courir, c'est-à-dire à 22 mois, calculee sur la base d'uneremuneration annuelle de 1.383.297 francs.

Il incombe à (la demanderesse), si elle persiste à reclamer uneindemnite de conge plus importante, d'apporter la preuve que laremuneration annuelle de base est superieure à la somme de1.383.297 francs.

Or, il resulte du fait que seuls entrent en ligne de compte lesremunerations et les avantages auxquels (la demanderesse) pouvaitpretendre dans le cadre de son occupation à temps partiel et du fait quel'allocation compensatoire portant sur les jours de conge extralegaux nepeut etre consideree comme un avantage remuneratoire que la remunerationannuelle de base à prendre en consideration est certainement inferieureà la somme de 1.383.297 francs.

(En effet, il n'apparait pas que l'allocation compensatoire portant surles jours de conge extralegaux est superieure à la remuneration ordinairede sorte que, de toute evidence, (la demanderesse) ne beneficie pas de cetavantage remuneratoire supplementaire).

Le seul avantage evaluable en argent dont (la demanderesse) beneficie envertu de son droit à l'interruption de carriere susceptible d'etreconsidere comme un avantage (remuneratoire) au sens de l'article 39 de laloi du 3 juillet 1978, est la prime dite GIB LBO (interruption decarriere) qui a ete effectivement payee et prise en consideration lors ducalcul de l'indemnite de conge.

L'allegation de (la demanderesse) suivant laquelle le droit de reduire sesprestations de travail de moitie correspondrait à un avantage d'unevaleur pecuniaire egale au prix qui est paye lorsque l'avantage n'est pasacquis, est totalement denuee de fondement.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que la demande en paiement d'uneindemnite de conge complementaire a ete rejetee et qu'en consequence,l'appel n'est pas fonde »,

et

« 2.2. L'indemnite forfaitaire :

(...)

C'est à bon droit qu'une indemnite forfaitaire a ete accordee à (lademanderesse) des lors que (...) il n'est pas etabli qu'elle a etelicenciee pour un motif suffisant au sens de l'article 101 de la loi du22 janvier 1985.

Pour le calcul de cette indemnite, il y a lieu d'entendre par'remuneration', la remuneration et les avantages acquis en vertu ducontrat de travail.

Les motifs pour lesquels le premier juge a alloue une indemnite de650.544 francs (6 x 108.424 francs) ne sont pas clairs.

Le premier juge a limite sa motivation aux considerations suivantes : 'Lecalcul par la partie defenderesse de cette remuneration de base n'est passerieusement conteste, sauf en tant que la partie demanderesse soutientqu'il y a lieu de tenir compte de la remuneration et des primes etindemnites portant sur un horaire à temps plein'.

Un examen revele toutefois qu'en premiere instance dejà, (ladefenderesse) à allegue qu'il y avait lieu, en ordre principal, delimiter l'indemnite à six mois de remuneration et, en ordre subsidiaire,de calculer l'indemnite sur la base d'une remuneration annuelle de1.242.989 francs, soit une remuneration mensuelle de 103.582 francs.

En outre, la contestation entre les parties ne peut etre reduite à laprise en compte de la reduction des prestations de travail, mais concerneaussi l'admission et l'importance de certains avantages.

Conformement aux regles de droit commun en matiere de preuve, il incombeà (la demanderesse) d'apporter la preuve de l'existence et del'importance des remunerations et avantages sur la base desquels ellefonde le calcul de l'indemnite qui lui est due.

Comme il a ete expose sous le point 2.1, c'est à tort que (lademanderesse) prend en compte une remuneration et des avantages acquis envertu d'un hypothetique contrat de travail à temps plein et c'estegalement à tort qu'elle tient compte de l'avantage des jours de congeextralegaux.

Pour le surplus, (la cour du travail) constate que (la demanderesse) seborne à se referer à un fax (...) envoye par (la defenderesse) etcontenant un calcul detaille de l'indemnite de conge accordee.

(La cour du travail) constate que (la demanderesse) ne conteste pas dutout qu'elle a uniquement perc,u les sommes et avantages releves dans lesconclusions de (la defenderesse).

Le fait que, comme il ressort du fax precite, (la defenderesse) a calculel'indemnite de conge accordee, erronement ou non, sur la base d'uneremuneration annuelle de base plus importante ne suffit pas à conclureque les sommes mentionnees doivent etre prises en consideration pour lecalcul de l'indemnite forfaitaire visee à l'article 101.

Des lors que (la demanderesse) n'a pas precise les motifs pour lesquels laremuneration en cours et les avantages acquis en vertu du contrat detravail seraient superieurs à la somme de 1.242.989 francs admise par (ladefenderesse) ni, a fortiori, apporte cette preuve, seule la somme de621.494 francs ou 15.406,43 euros peut etre accordee ».

Griefs

L'article 102, S:1er, de la loi de redressement du 22 janvier 1985contenant des dispositions sociales, ci-apres la loi du 22 janvier 1985,tel qu'il est applicable en l'espece, dispose qu'une indemnite estaccordee au travailleur qui convient avec son employeur de reduire sesprestations de travail d'1/5, 1/4, 1/3 ou 1/2 du nombre normal d'heures detravail d'un emploi à temps plein ou qui demande l'application d'uneconvention collective de travail prevoyant un regime semblable ou qui faitappel aux dispositions de l'article 102bis. Cet accord doit etre etablipar ecrit conformement aux dispositions applicables en matiere de contratde travail à temps partiel.

En vertu de l'article 101 de la loi du 22 janvier 1985, lorsque lesprestations de travail sont reduites en application de l'article 102,S: 1er, l'employeur ne peut faire aucun acte tendant à mettre finunilateralement à la relation de travail, sauf pour motif grave ou pourmotif suffisant et ce, à partir du jour de l'accord ou du jour de lademande jusqu'à trois mois apres la fin de la suspension de la reductiondes prestations de travail.

En vertu de l'article 107bis, S:1er, de la loi du 22 janvier 1985, letravailleur qui a epuise toutes les possibilites legales de reduire sesprestations de travail prevues à l'article 102 de la loi a le droit, pourla periode consecutive à la periode de reduction de ses prestations detravail, de passer à un contrat de travail à temps partiel qui prevoitle meme regime de travail que celui qui s'appliquait au travailleurpendant la periode de reduction de ses prestations de travail enapplication de l'article 102 de la loi.

Il suit du rapprochement de ces dispositions que le contrat de travail àtemps plein en vigueur au moment de la demande de reduction desprestations de travail ne prend pas fin ou n'est pas definitivementremplace au moment de la reduction du temps de travail mais que lesprestations de travail originairement prevues sont reduites conformementà l'accord conclu en application des regles relatives au contrat detravail à temps partiel et qu'à l'expiration de la periode de reductiondes prestations de travail, le contrat de travail originaire reprend seseffets de plein droit.

Il s'ensuit qu'à l'expiration de la periode de reduction des prestationsde travail, l'employeur et le travailleur reprennent leurs anciennesobligations reciproques et que la remuneration des prestations de travailreprises est fixee à nouveau dans le respect des lois et conventionsapplicables tant au moment de la reprise des prestations de travailqu'avant la reduction de celles-ci..

1.1. Premiere branche

Aux termes de l'article 103 de la loi du 22 janvier 1985, en cas deresiliation unilaterale du contrat de travail par l'employeur, le delai depreavis notifie au travailleur qui a reduit ses prestations conformementà l'article 102 sera calcule comme s'il n'avait pas reduit sesprestations. Il faut egalement tenir compte de ce meme delai de preavispour determiner l'indemnite prevue à l'article 39 de la loi du 3 juillet1978 relative aux contrats de travail, abregee ci-apres la loi du3 juillet 1978.

Conformement à l'article 39, S:1er, de la loi du 3 juillet 1978, lapartie qui resilie un contrat conclu pour une duree indeterminee sansmotif grave ou sans respecter le delai de preavis requis, est tenue depayer à l'autre partie une indemnite egale à la remuneration en courscorrespondant soit à la duree du delai de preavis, soit à la partie dece delai restant à courir. Il y a lieu d'entendre par la remuneration encours, la remuneration à laquelle l'employe peut pretendre àl'expiration de son contrat en vertu des stipulations du contrat detravail en vigueur au moment de la resiliation.

L'objectif de cette indemnite de conge est d'indemniser forfaitairementtous les dommages qui resultent de la resiliation illicite du contrat detravail. En cas de resiliation irreguliere du contrat de travail parl'employeur au cours d'une periode de reduction des prestations de travailau sens de l'article 102 de la loi du 22 janvier 1985, l'indemnite deconge a egalement pour but d'indemniser le travailleur pour la perte, àl'expiration de la periode de reduction des prestations de travail, dudroit à la reprise du travail aux conditions salariales applicables à cemoment aux prestations de travail non reduites.

Ainsi, en vertu de la loi, l'indemnite de conge doit etre calculee dans cecas sur la base de la remuneration à laquelle, s'il n'avait pas reduittemporairement ses prestations de travail, le travailleur pourraitpretendre au moment du licenciement en vertu du contrat de travailoriginaire non resilie.

La cour du travail a constate que les parties ne contestent pas que lademanderesse a reduit ses prestations de moitie depuis le 1er octobre 1998en application d'un droit accorde par convention collective de travail,conformement à l'article 102, S:1er, de la loi du 22 janvier 1985, que,le 26 juillet 1999, la defenderesse a notifie à la demanderesse unpreavis de 24 mois prenant cours le 1er aout 1999, et que, le 30 septembre1999, c'est-à-dire au cours du delai de preavis notifie, la demanderessea ete licenciee, avec effet immediat, sans motif grave (...).

La cour du travail a egalement constate que les parties ne contestent pasque le delai de preavis à observer par la defenderesse etait de 24 mois,de sorte que le preavis notifie est suffisant et qu'elles ne contestentpas que la demanderesse, licenciee avec effet immediat le 30 septembre1999, c'est-à-dire au cours du delai de preavis et sans motif grave, adroit au paiement d'une indemnite de conge correspondant à la partie dudelai de preavis restant à courir.

En decidant que la demanderesse a droit au seul paiement d'une indemnitede conge dont le montant est calcule sur la base de la remuneration et desavantages auxquels, en vertu de son contrat de travail, elle avait droitau moment du licenciement avec effet immediat et non sur la base del'hypothetique remuneration complete qu'elle percevrait si elle n'avaitpas reduit ses prestations de travail, la cour du travail viole lesarticles 39 de loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail,101, 102, 103 et 107, S:1er, de la loi de redressement du 22 janvier 1985contenant des dispositions sociales.

La cour du travail n'a pas decide legalement que c'est à bon droit que lademande en paiement d'une indemnite de conge complementaire a ete rejeteeet, en consequence, n'a pas legalement declare l'appel non fonde(violation de toutes les dispositions legales citees en tete du moyen, àl'exception des articles 10 et 11 de la Constitution).

1.2. Seconde branche

1.2. 1. Premier rameau

En vertu de l'article 101 de la loi du 22 janvier 1985, tel qu'il estapplicable en l'espece, lorsque les prestations de travail sont reduitesen application de l'article 102, S: 1er, l'employeur ne peut faire aucunacte tendant à mettre fin unilateralement à la relation de travail, saufpour motif grave au sens de l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail, ou pour motif suffisant. Cetteinterdiction prend cours au jour de l'accord et prend fin trois mois apresla fin de la reduction des prestations de travail.

Le sixieme alinea du meme article 101 dispose que l'employeur qui, malgreles dispositions precitees, resilie le contrat de travail sans motif graveou sans motif suffisant, est tenu de payer au travailleur une indemniteforfaitaire egale à la remuneration de six mois, sans prejudice desindemnites dues au travailleur en cas de rupture du contrat de travail.

La cour du travail a constate qu'il n'est pas etabli que la demanderesse aete licenciee pour un motif suffisant au sens de l'article 101 de la loidu 22 janvier 1985 et que c'est à bon droit qu'une indemnite forfaitaireegale à six mois lui a ete accordee (...).

La remuneration à prendre en consideration pour le calcul de cetteindemnite forfaitaire est la remuneration qui sert egalement de base aucalcul de l'indemnite de conge. Le droit à l'indemnite forfaitaire naitau moment du licenciement sans motif grave ou suffisant. La reduction desprestations de travail maintient le contrat de travail originaire quireprend ses effets de plein droit à l'expiration de la periode dereduction des prestations, l'indemnite forfaitaire doit etre calculee surla base de la remuneration à laquelle, s'il n'avait pas reduittemporairement ses prestations de travail, le travailleur pourraitpretendre au moment du licenciement en vertu du contrat de travailoriginaire non resilie, ainsi qu'il a ete expose à la premiere branche dumoyen.

Ainsi, la cour du travail n'a pas decide legalement que c'est à tort que,pour le calcul de l'indemnite de conge forfaitaire, la demanderesse a tenucompte de l'hypothetique remuneration complete et des avantages qu'ellepercevait en vertu de ce contrat de travail.

La cour du travail n'a pas legalement declare que l'appel est non fonde etl'appel incident partiellement fonde et elle n'a pas legalement condamnela defenderesse à payer une indemnite forfaitaire de 15.406,43 euros,sous deduction des retenues legales pour la securite sociale et leprecompte professionnel dans la mesure ou elles sont dues et avecmajoration du montant net à concurrence des interets judiciaires(violation de toutes les dispositions legales citees en tete du moyen, àl'exception des articles 39 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail, 10 et 11 de la Constitution).

1.2. 2. Second rameau

Dans l'hypothese ou il serait admis qu'au cours d'une periode de reductiondes prestations de travail, l'indemnite forfaitaire egale à six mois deremuneration due à la fin de l'occupation en application du sixiemealinea de l'article 101 de la loi du 22 janvier 1985 doit etre calculeesur la base de la remuneration reduite à concurrence des prestationsreduites effectuees, l'application conjointe des articles 101 et 102 de laloi du 22 janvier 1985 donne lieu à un traitement inegal et à unediscrimination entre les travailleurs qui sont licencies alors qu'ilsbeneficient effectivement d'une reduction de leurs prestations de travailet les travailleurs egalement proteges en cas de licenciement parl'article 101 de la loi du 22 janvier 1985 mais ne beneficiant pas encoreeffectivement ou ne beneficiant plus de la reduction de leurs prestationsde travail.

L'article 101 de la loi du 22 janvier 1985 protege les travailleurs quiont reduit leurs prestations de travail en application de l'article 102 dela meme loi contre tout acte par lequel l'employeur tend à mettre finunilateralement à la relation de travail, sauf s'il y a motif grave oumotif suffisant. Cette protection en matiere de licenciement prend seseffets au jour de l'accord ou au jour de la demande et prend fin troismois apres l'expiration de la periode de reduction des prestations detravail. L'employeur qui viole cette interdiction de licencier est tenu depayer au travailleur une indemnite forfaitaire egale à six mois deremuneration, sans prejudice des indemnites dues au travailleur en cas deresiliation du contrat de travail.

Si le conge sans motif grave ou sans motif suffisant est donne au cours dela periode entre le jour de l'accord ou le jour de la demande de reductiondes prestations de travail et la periode de la reduction effective desprestations de travail ou au cours de la periode de trois mois apresl'expiration de la periode de reduction des prestations de travail, letravailleur a droit à une indemnite forfaitaire egale à six mois deremuneration calculee comme s'il n'avait pas reduit ses prestations detravail.

Si le conge sans motif grave ou sans motif suffisant est donne au cours dela periode de la reduction effective des prestations de travail, letravailleur a droit à une indemnite forfaitaire egale à six mois deremuneration calculee, dans cette derniere hypothese, sur la base de laremuneration due suite aux prestations de travail effectuees.

Dans l'hypothese ou il serait admis qu'au cours d'une periode de reductiondes prestations de travail, l'indemnite forfaitaire egale à six mois deremuneration due à la fin de l'occupation en application du sixiemealinea de l'article 101 de la loi du 22 janvier 1985 doit etre calculeesur la base de la remuneration reduite à concurrence des prestations detravail effectuees, le groupe des travailleurs proteges dont le regime dereduction de prestations est effectivement entre en vigueur est traiteinegalement et est discrimine par rapport au groupe des travailleursproteges qui, ayant obtenu l'accord requis, est dans l'attente de l'entreeen vigueur effective du regime de reduction des prestations ou est dans laperiode des trois mois suivant l'expiration de la periode de reduction desprestations de travail.

La cour du travail n'a pas legalement decide que c'est à tort que lademanderesse a pris en compte une remuneration et des avantages acquis envertu d'un hypothetique contrat de travail à temps plein, en consequence,elle n'a pas legalement declare l'appel non fonde et l'appel incidentpartiellement fonde et elle n'a pas legalement condamne la defenderesse àpayer une indemnite forfaitaire de 15.406,43 euros, sous deduction desretenues legales pour la securite sociale et le precompte professionneldans la mesure ou elles sont dues et avec majoration du montant net àconcurrence des interets judiciaires (violation de toutes les dispositionslegales citees en tete du moyen, à l'exception de l'article 39 de la loidu 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail).

L'article 26, S:1er, 3DEG, de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur laCour d'arbitrage dispose que la Cour d'arbitrage statue, à titreprejudiciel, par voie d'arret, sur les questions relatives à laviolation, notamment des articles 10 et 11 de la Constitution, par uneloi, un decret ou une regle visee à l'article 134 de la Constitution.

En consequence, la demanderesse demande que, surseyant à statuer dansl'attente d'une reponse, la Cour pose à la Cour d'arbitrage la questionprejudicielle suivante :

« L'application conjointe des articles 101 et 102 de la loi deredressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions socialesviole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnee en tantqu'elle est interpretee en ce qu'en vertu de ces dispositions, letravailleur qui beneficie de la protection en matiere de licenciementprevue à l'article 101 de la loi precitee et qui est licencie sans motifgrave ou sans motif suffisant avant ou immediatement apres la periode dereduction des prestations de travail, a droit à une indemnite forfaitaireegale à six mois de remuneration calculee comme s'il n'avait pas reduitses prestations de travail alors que le travailleur qui beneficie de laprotection en matiere de licenciement prevue à l'article 101 de la loiprecitee et qui est licencie sans motif grave ou sans motif suffisant aucours de la periode de reduction des prestations de travail, a droit àune indemnite forfaitaire egale à six mois de remuneration calculee surla base des prestations de travail reduites ? »

2. Second moyen

Dispositions legales violees

- article 101, dans la version posterieure à sa modification par la loidu 13 fevrier 1998 et anterieure à sa modification par la loi du23 decembre 2001, de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenantdes dispositions sociales ;

- articles 5, 702, 3DEG, 870 et 1057, 7DEG, du Code judiciaire ;

- articles 1153, plus specialement alineas 1er,, 2 et 3, et 1315 du Codecivil ;

- articles 2, dans la version anterieure à sa modification par la loi du22 mai 2001, et 10 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection dela remuneration des travailleurs ;

- principe general du droit suivant lequel le juge est cense connaitre laloi et appliquer celle-ci aux faits regulierement soumis à sonappreciation ;

- principes generaux du droit relatifs à la fonction du juge.

Decisions et motifs critiques

Statuant par la decision attaquee sur la demande de la demanderesse, lacour du travail a declare l'appel de la demanderesse recevable mais nonfonde et l'appel incident de la defenderesse recevable et partiellementfonde. La cour du travail a annule le jugement rendu le 10 mai 2001 par letribunal du travail, en tant qu'il fixe le montant de l'indemniteforfaitaire à la somme de 650.544 francs (16.126,56 euros). Statuant ànouveau, la cour du travail a condamne la defenderesse à payer uneindemnite forfaitaire de 15.406,43 euros, sous deduction des retenueslegales pour la securite sociale et le precompte professionnel dans lamesure ou elles sont dues et avec majoration du montant net à concurrencedes interets judiciaires. La cour du travail a confirme le jugement du10 mai 2001 pour le surplus. La cour du travail a fonde ces decisionsnotamment sur les motifs suivants :

« 2.3. Les interets :

En ce qui concerne ce chef de la demande originaire, (la demanderesse) seborne à reiterer sa demande initiale sans exposer ses moyens sur cepoint, notamment sans preciser ni, à plus forte raison, prouver que lesinterets de retard ou les interets compensatoires sur la somme brutereclamee sont dus à partir du 30 septembre 1999 ».

Griefs

2. 1. Premiere branche

1. L'article 702, 3DEG, du Code judiciaire dispose que l'exploit decitation contient l'objet et l'expose sommaire des moyens de la demande.Les termes « expose sommaire des moyens » visent non les regles de droitmais les elements de fait sur lesquels la demande est fondee.

L'article 1057, 7DEG, du meme code dispose que l'acte d'appel contientl'enonciation des griefs. Pour satisfaire à cette obligation, il estnecessaire mais suffisant que la partie appelante expose les moyensqu'elle invoque à l'egard de la decision attaquee d'une manieresuffisamment explicite que pour permettre à la partie intimee de preparerses conclusions et au juge d'apprecier la portee de la demande, àl'exception toutefois des moyens qui sous-tendent les griefs.

En vertu de l'article 1153, alinea 1er, du Code civil, dans lesobligations qui se bornent au payement d'une certaine somme, les dommageset interets resultant du retard dans l'execution ne consistent jamais quedans les interets legaux, dits interets de retard ou moratoires. Ledeuxieme alinea de ce meme article enonce que ces dommages et interetssont dus sans que le creancier soit tenu de justifier d'aucune perte.Conformement au troisieme alinea du meme article, les interets sont dus àpartir du jour de la sommation de payer, excepte dans le cas ou la loi lesfait courir de plein droit.

L'article 10 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de laremuneration des travailleurs, abregee ci-apres la loi du 12 avril 1965,dispose que la remuneration porte interet de plein droit à dater de sonexigibilite. Conformement à l'article 2 de la meme loi, il y a lieud'entendre par remuneration, entre autre le salaire en especes auquel letravailleur a droit à charge de l'employeur en raison de son engagement.

L'indemnite forfaitaire dont le travailleur qui a reduit ses prestationsde travail et est licencie sans motif grave ou sans motif suffisantbeneficie en vertu de l'article 101 de la loi de redressement du22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, abregee ci-apres laloi du 22 janvier 1985, est une somme d'argent à laquelle le travailleura droit à charge de l'employeur à la suite de ce licenciement. Ainsi,l'indemnite visee à l'article 101 de la loi du 22 janvier 1985 est uneremuneration au sens de l'article 2 de la loi du 12 avril 1965 qui,conformement à l'article 10 de la meme loi, porte interet de plein droit.

Ces interets etant des interets de retard, la partie prejudiciee ne doitjustifier d'aucune perte pour y avoir droit : il suffit qu'elle lesreclame.

2. La demanderesse a demande une « indemnite pour interruption decarriere », « à majorer des interets de retard, à tout le moins desinterets compensatoires à partir du 30 septembre 1999 et des interetsjudiciaires à partir de la date de la citation » (...).

En mentionnant, dans la citation introductive, l'interruption de carriereà temps partiel dont elle beneficiait et la resiliation par ladefenderesse de son contrat de travail à la date du 30 septembre 1999 eten reclamant par ces motifs, une « indemnite pour interruption decarriere » majoree des interets de retard, à tout le moins des interetscompensatoires à partir du 30 septembre 1999, la demanderesse a exposesommairement ses moyens.

En demandant, dans son acte d'appel et dans les conclusions d'appelprecitees, apres avoir à nouveau mentionne la resiliation par ladefenderesse de son contrat de travail avec effet immediat à la date du30 septembre 1999, l'annulation complete du jugement du premier juge entant qu'il allouait les interets legaux sur le montant net exigible del'indemnite à partir du 27 janvier 2000 et en demandant les interets deretard, à tout le moins les interets moratoires, à partir du30 septembre 1999 sur l'indemnite complete, c'est-à-dire sur le montantbrut de l'indemnite, la demanderesse a enonce ses griefs contre ladecision attaquee d'une maniere suffisamment explicite.

En reclamant les interets de retard sur les montants bruts, lademanderesse a reclame, a fortiori, les interets sur les montants netscorrespondants.

La cour du travail a constate que le contrat de travail a immediatementpris fin le 30 septembre 1999 (...) et qu'il n'est pas etabli que lademanderesse a ete licenciee pour un motif suffisant au sens del'article 101 de la loi du 22 janvier 1985, de sorte que c'est à bondroit qu'une indemnite forfaitaire egale à six mois de remuneration (lui)a ete accordee (...).

Des lors que, suivant les constatations de la cour du travail, lademanderesse a droit à une indemnite forfaitaire en vertu del'article 101 de la loi du 22 janvier 1985 en raison du non-respect par ladefenderesse de l'interdiction de licencier prevue à cette disposition etqu'elle a explicitement reclame les interets de retard sur cette somme, lacour du travail etait tenue d'allouer ces interets.

En considerant qu'en ce qui concerne ce chef de la demande originaire, lademanderesse se borne à reiterer sa demande initiale sans exposer sesmoyens sur ce point, notamment sans preciser ni, à plus forte raison,prouver que les interets de retard ou les interets compensatoires sont dusà partir du 30 septembre 1999 sur la somme brute reclamee et encondamnant la defenderesse à payer les seuls interets judiciaires sur lasomme nette de l'indemnite forfaitaire accordee, la cour du travail violeles articles 702, 3DEG, 1057, 7DEG, du Code judiciaire, 101 de la loi deredressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, 1153du Code civil, 2 et 10 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protectionde la remuneration des travailleurs.

(...)

III La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

1. Conformement à l'article 39, S:1er, alinea 1er, de la loi du3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, si le contrat a eteconclu pour une duree indeterminee, la partie qui resilie le contratsans motif grave ou sans respecter le delai de preavis fixe par laloi, est tenue de payer à l'autre partie une indemnite egale à laremuneration en cours correspondant soit à la duree du delai depreavis, soit à la partie de ce delai restant à courir.

Aux termes du second alinea de cette meme disposition legale, l'indemnitede conge comprend non seulement la remuneration en cours, mais aussi lesavantages acquis en vertu du contrat.

2. En vertu de l'article 102, S:1er, alinea 1er, de la loi de redressementdu 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, tel qu'il estapplicable en l'espece, une indemnite est accordee au travailleur quiconvient avec son employeur de reduire ses prestations de travail d'unefraction du nombre normal d'heures de travail d'un emploi à temps pleinou qui demande l'application d'une convention collective de travailprevoyant un regime semblable.

Conformement à l'article 101, alinea 1er, de la meme loi, tel qu'il estapplicable en l'espece, lorsque les prestations de travail sont reduitesen application de l'article 102, l'employeur ne peut faire aucun actetendant à mettre fin unilateralement à la relation de travail, sauf pourun motif grave au sens de l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 ou pourun motif suffisant.

L'article 103 de la meme loi dispose qu'en cas de resiliation unilateraledu contrat de travail par l'employeur, le delai de preavis notifie autravailleur qui a reduit ses prestations conformement à l'article 102sera calcule comme s'il n'avait pas reduit ses prestations.

Cette disposition legale prevoit qu'il faut egalement tenir compte de cememe delai de preavis pour determiner l'indemnite prevue à l'article 39de la loi du 3 juillet 1978.

3. Il suit du rapprochement de ces dispositions legales que le travailleuroccupe sous un regime de prestations de travail reduites qui est licenciepar un acte unilateral de l'employeur peut pretendre à un delai depreavis dont la duree est fixee comme si le travailleur n'avait pas reduitses prestations de travail.

En revanche, aucune derogation au calcul de l'indemnite prevue àl'article 39, S:1er, de la loi du 3 juillet 1978 n'a ete prevue, de sorteque l'indemnite de conge due à un travailleur occupe sous un regime deprestations de travail reduites licencie par un acte unilateral del'employeur, doit etre calculee sur la base de la remuneration à laquellele travailleur a effectivement droit au moment de la notification de laresiliation du contrat de travail.

La circonstance qu'en principe, le travailleur peut reprendre uneoccupation à temps plein à l'expiration de la periode de reduction desprestations de travail et qu'il est prive de cette possibilite à la suitede la resiliation unilaterale de son contrat par son employeur, est sansincidence.

4. Le moyen, en cette branche, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Quant au premier rameau :

5. L'article 101, alinea 6, de la loi du 22 janvier 1985, tel qu'il estapplicable en l'espece, dispose que l'employeur qui, malgre lesdispositions de l'alinea 1er, resilie le contrat de travail sans motifgrave ou sans motif suffisant, est tenu de payer au travailleur uneindemnite forfaitaire egale à la remuneration de six mois, sans prejudicedes indemnites dues au travailleur en cas de rupture du contrat detravail.

6. Par les motifs enonces en reponse au moyen, en sa premiere branche,aucune derogation au calcul de l'indemnite forfaitaire visee àl'article 101, alinea 6, n'a ete prevue, de sorte que cette indemnite doitegalement etre calculee sur la base de la remuneration à laquelle letravailleur a effectivement droit au moment de la notification de laresiliation du contrat de travail.

7. Le moyen, en ce premier rameau, manque en droit.

Quant au second rameau :

8. Le moyen, en ce rameau, fait valoir qu'il y a discrimination entre,d'une part, les travailleurs qui ont effectivement reduit leursprestations de travail et, d'autre part, les travailleurs qui ont demandeune reduction de leurs prestations de travail ou qui ont repris leuroccupation à temps plein depuis moins de trois mois, des lors qu'en casde licenciement sans motif grave ou sans motif suffisant, les premierstravailleurs ont droit à une indemnite forfaitaire calculee sur la basede la remuneration reduite à concurrence des prestations de travaileffectuees alors que les seconds travailleurs ont droit à une indemniteforfaitaire calculee sur la base de la remuneration correspondant à uneoccupation à temps plein.

Ainsi, le moyen, en ce rameau, est fonde sur la these que les deux groupesde travailleurs qui beneficient de la protection en matiere delicenciement prevue à l'article 101 se trouvent dans une meme situation.

9. Or, les travailleurs qui, au moment du licenciement, ont effectivementreduit leurs prestations de travail perc,oivent une remuneration reduite,alors que les travailleurs qui sont occupes à temps plein à ce moment,soit parce qu'ils sont dans l'attente de l'accord concernant la reductionde leurs prestations de travail soit parce qu'ils ont repris leuroccupation à temps plein depuis moins de trois mois, perc,oivent à cememe moment une remuneration complete.

Ainsi, le moyen, en ce rameau, est fonde sur l'hypothese, erronee, que lesdeux groupes de travailleurs se trouvent dans une meme situation quant àleur regime de licenciement et, en consequence, manque en fait.

10. Par ces motifs, il n'y a pas lieu de poser à la Cour d'arbitrage laquestion prejudicielle proposee par la demanderesse.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

Sur la fin de non-recevoir :

11. La defenderesse invoque l'irrecevabilite du moyen, en cette branche,par le motif que le moyen est nouveau.

12. L'article 10 de la loi du 12 avril 1965, aux termes duquel laremuneration porte interet de plein droit à dater de son exigibilite,est une disposition legale imperative prevue en faveur destravailleurs.

La violation d'une telle disposition peut etre invoquee pour la premierefois devant la Cour.

13. La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Quant à la branche :

14. L'indemnite de protection prevue en cas de reduction des prestationsde travail par l'article 101 de la loi de redressement du 22 janvier1985 contenant des dispositions sociales, tel qu'il est applicable enl'espece, constitue un avantage evaluable en argent dont letravailleur beneficie à charge de son employeur lorsque celui-ci metfin au contrat de travail et, en consequence, constitue uneremuneration au sens de l'article 2 de la loi du 12 avril 1965.

Cette indemnite est exigible des que l'employeur met fin au contrat detravail en violation des dispositions de l'article 101 de la loi du22 janvier 1985 precitee.

15. Aux termes de l'article 10 de la loi du 12 avril 1965, la remunerationporte interet de plein droit à dater de son exigibilite.

16. L'arret condamne la defenderesse à payer les interets judiciaires surle montant net de l'indemnite forfaitaire de 15.406,43 euros à partirde la date de la citation, c'est-à-dire à partir du 22 janvier 2000,et, en consequence, n'alloue pas les interets à partir de la date dulicenciement par la defenderesse, c'est-à-dire à partir du30 septembre 1999, comme la demanderesse le demandait.

17. Ainsi, l'arret viole l'article 10 de la loi du 12 avril 1965, de sorteque, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant aux autres griefs :

18. Les autres griefs ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il n'alloue pas les interets de retardsur le montant net de l'indemnite de 15.406,43 euros à partir du30 septembre 1999 et qu'il statue sur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne la demanderesse aux quatre cinquiemes des depens.

Reserve le surplus des depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par lejuge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Robert Boes, president, les conseillersGhislain Dhayer, Ghislain Londers, Eric Dirix et Eric Stassijns, etprononce en audience publique du onze decembre deux mille six par lepresident de section Robert Boes, en presence de l'avocat general Anne DeRaeve, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du premier president Ghislain Londerset transcrite avec l'assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.

Le greffier, Le premier president,

11 DECEMBRE 2006 S.04.0143.N/27


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.04.0143.N
Date de la décision : 11/12/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2006-12-11;s.04.0143.n ?
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