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22/12/2006 | BELGIQUE | N°C.06.0098.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 décembre 2006, C.06.0098.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0098.N

V.H. V.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

T. L.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 5 octobre 2005par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general delegue Pierre Cornelis a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur en cassation presente un moyen libelle dans les termessuivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la C

onstitution ;

- articles 23, 24, 25, 26, 27, 28, 584, 1039 et 1280 du Code judiciaire ;

- articles 213, 229, 1319, 1320, 1322, 135...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.06.0098.N

V.H. V.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

T. L.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 5 octobre 2005par la cour d'appel d'Anvers.

Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general delegue Pierre Cornelis a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur en cassation presente un moyen libelle dans les termessuivants :

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 23, 24, 25, 26, 27, 28, 584, 1039 et 1280 du Code judiciaire ;

- articles 213, 229, 1319, 1320, 1322, 1350 et 1352 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Le demandeur a invoque devant la cour d'appel que lors de l'appreciationde la demande de pension alimentaire personnelle de la defenderesse, ilfallait tenir compte du constat d'adultere commis par la defenderesse,figurant dans l'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27 juin 2001.

La cour d'appel apprecie ce grief de la maniere suivante :

« 6.Monsieur V. H. souleve, qu'en l'espece, la faute de Madame T. estentre-temps etablie à la suite de l'arret de la troisieme chambre decette cour rendu le 27 juin 2001 qui est passe en force de chose jugee.

La pension alimentaire au cours de la procedure en divorce a toutefois uncaractere purement alimentaire et est fondee sur le devoir de secoursexistant entre les epoux et auquel chacun d'entre eux est tenu en vertu del'article 213 du Code civil tant que le mariage n'est pas dissous. Lesdevoirs reciproques repris à l'article 213 du Code civil sont parailleurs d'ordre public et distincts. L'article 213 du Code civil estmeconnu lorsqu'un des epoux soutient que les obligations resultant dumariage, specialement le paiement de la pension alimentaire, ne doiventplus etre respectees du simple fait que l'autre epoux cohabite avec unautre partenaire. Au surplus, il y a lieu de constater que la cohabitationde Madame T. et de Monsieur V.P. n'est pas etablie au regard des documentsproduits ».

Griefs

Premiere branche

Violation de l'article 149 de la Constitution et des articles 1319, 1320et 1322 du Code civil.

1. Le demandeur a invoque dans ses conclusions devant la cour d'appelqu'il n'etait redevable d'une pension alimentaire personnelle qu'au coursd'une courte periode entre la citation en divorce et le constat d'adulterecommis par la defenderesse le 22 aout 1998.

Le demandeur a invoque plus specialement, en se referant à l'arret de lacour d'appel d'Anvers du 27 juin 2001, que le divorce pour caused'adultere etait aussi prononce aux torts de la defenderesse.

Le constat d'adultere figurant dans un arret prononc,ant le divorce passeen force de chose jugee empechait, selon le demandeur, d'accorder encoreune pension alimentaire personnelle à son epouse adultere pour la periodeposterieure au constat d'adultere.

2. La cour d'appel considere, en l'espece, que « l'article 213 du Codecivil est meconnu lorsque l'un des epoux soutient que les devoirsresultant du mariage, specialement le paiement d'une pension alimentaire,ne doivent plus etre respectes du simple fait que l'autre epoux cohabiteavec un autre partenaire » et qu'une telle cohabitation de ladefenderesse avec un tiers, Monsieur V.P., n'est pas etablie à la lumieredes documents produits.

Dans ses conclusions d'appel, le premier demandeur n'a toutefois pasinvoque « une simple cohabitation de la defenderesse avec un tiers »mais s'est au contraire refere au fait qu'elle a ete surprise en adultere,ce qui a ete constate dans l'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27 juin2001.

Dans la mesure ou la cour d'appel considere que l'article 213 du Codecivil est meconnu lorsque « un epoux » soutient, se referant ainsi demaniere implicite mais certaine au demandeur, qu'il ne doit plus payer depension alimentaire parce que l'autre epoux est alle cohabiter avec unautre partenaire, elle interprete les conclusions d'appel de synthese dudemandeur et le grief qu'il developpe d'une maniere qui est inconciliableavec ses termes et la cour viole ainsi la foi due à cet acte (violationdes articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

A tout le moins, la cour d'appel ne repond pas au moyen du demandeursuivant lequel, dans son arret du 27 juin 2001, la cour d'appel d'Anversavait aussi prononce le divorce pour cause d'adultere aux torts de ladefenderesse et que, eu egard à l'adultere de la defenderesse constate le22 aout 1988, aucune pension alimentaire personnelle ne pouvait plus etredue à partir de cette date (violation de l'article 149 de laConstitution).

Seconde branche

Violation des articles 23, 24, 25, 26, 28, 584, 1039 et 1280 du Codejudiciaire et des articles 213, 229, 1350 et 1352 du Code civil.

3. Aux termes de l'article 1280 du Code judiciaire, le president dutribunal, statuant en refere, connait jusqu'à la dissolution du mariage,en tout etat de cause, des mesures provisoires relatives à la personne,aux aliments et aux biens, tant des parties que des enfants.

Cette competence s'etend de la citation en divorce jusqu'à la date àlaquelle la decision de divorce est passee en force de chose jugee.

Au cours de la procedure en divorce et tant que le mariage n'est pasdissous, le devoir de secours entre les epoux subsiste en principe (cfrarticle 213 du Code civil).

En regle, il n'appartient donc pas au president du tribunal, siegeant enrefere, sur la base de l'article 1280 du Code judiciaire, de poser laquestion de la faute lors de l'appreciation de la demande d'un epouxtendant à obtenir une pension alimentaire personnelle.

Le juge des referes anticiperait ainsi sur la decision du juge desdivorces.

Si, au moment ou la demande tendant à obtenir une pension alimentairepersonnelle est appreciee, la faute de l'epoux qui introduit cette demandeest dejà etablie, le risque d'anticiper sur la decision de divorcen'existe toutefois plus.

Si la faute de l'epoux qui introduit la demande tendant à obtenir unepension alimentaire personnelle ressort d'une decision de divorce passeeen force de chose jugee, le juge des referes doit en tenir compte lors del'appreciation de la question de savoir s'il existe un droit à unepension personnelle.

4. En l'espece, le demandeur a invoque devant la cour d'appel qu'en aucuncas la demanderesse ne pouvait encore obtenir une pension alimentairepersonnelle à partir du 22 aout 1998, des lors que dans son arret du 27juin 2001 la cour d'appel d'Anvers avait constate qu'à cette date ladefenderesse avait ete surprise en adultere et qu'elle avait prononce ledivorce sur cette base aux torts de la defenderesse.

Au cours de la procedure devant la cour d'appel, la defenderesse n'a pasconteste que cet arret prononc,ant le divorce avait autorite de chosejugee et etait par ailleurs passe en force de chose jugee. La cour d'appelne constate pas davantage dans l'arret actuellement attaque que l'arret du27 juin 2001 n'est pas passe en force de chose jugee.

La cour d'appel considere malgre tout que « la pension alimentaire aucours de la procedure en divorce a toutefois un caractere purementalimentaire et est fondee sur le devoir de secours existant entre lesepoux et auquel chacun d'entre eux est tenu en vertu de l'article 213 duCode civil tant que le mariage n'est pas dissous. Les devoirs reciproquesrepris à l'article 213 du Code civil sont, par ailleurs, d'ordre publicet distincts. L'article 213 du Code civil est meconnu lorsqu'un des epouxsoutient que les obligations resultant du mariage, specialement lepaiement de la pension alimentaire, ne doivent plus etre respectees dusimple fait que l'autre epoux cohabite avec un autre partenaire. Ausurplus, il y a lieu de constater que la cohabitation de Madame T. et demonsieur V.P. n'est pas etablie au regard des documents produits ».

Dans la mesure ou la cour d'appel rejette, sur la base de cesconsiderations, la demande du demandeur de n'accorder une pensionalimentaire personnelle que jusqu'au 22 aout 1998, elle n'accorde pas àl'arret de divorce du 27 juin 2001 passe en force de chose jugee et auxconstatations qu'il contient à propos de l'adultere de la defenderesseles consequences qu'il devait avoir lors de l'appreciation de la pensionalimentaire personnelle et la cour viole ainsi l'article 1280 du Codejudiciaire et les articles 213 et 229 du Code civil.

L'arret meconnait ainsi aussi l'autorite et la force de chose jugee del'arret de divorce du 27 juin 2001 (violation des articles 23 à 28 inclusdu Code judiciaire) et meconnait aussi, pour autant que de besoin, lesarticles 584 et 1039 du Code judiciaire.

5. Dans la mesure ou la cour d'appel considere que « la cohabitation dela defenderesse et de Monsieur V.P. n'est pas etablie à la lumiere desdocuments produits » et admet ainsi que la faute de la defenderesse lorsdu divorce n'est pas etablie, elle meconnait l'autorite de la chose jugeede l'arret du 27 juin 2001 qui a aussi prononce le divorce pour caused'adultere aux torts de la defenderesse (violation des articles 23 à 28inclus du Code judiciaire) et elle meconnait la valeur de cette decisionen tant que presomption irrefragable entre les parties (violation desarticles 1350 et 1352 du Code civil).

III. La decision de la Cour

Quant à la seconde branche :

1. Les obligations de secours et d'assistance des epoux au sens desarticles 213 et 221, alinea 1er, du Code civil, doivent en principe etreremplies en nature à la residence conjugale ou les epoux ont le devoird'habiter ensemble conformement à l'article 213 du Code civil.

2. Lorsque les epoux vivent separement, l'epoux qui intente une actiontendant au respect par l'autre epoux de l'obligation de secours etd'assistance et qui reclame ainsi une pension alimentaire doit prouver queni la survenance ni le maintien de la separation ne lui sont imputables etque, des lors, il n'empeche pas lui-meme l'autre epoux de remplirl'obligation de secours et d'assistance en nature à la residenceconjugale.

3. Lorsque les epoux vivent separement à la suite d'une decisionjudiciaire ou à la suite d'une procedure en divorce qui suspendautomatiquement l'obligation de cohabitation, l'epoux qui reclame unepension alimentaire ne doit pas prouver que ni la survenance ni lemaintien de la separation ne lui sont imputables.

Toutefois, dans un tel cas, l'autre epoux est libre de prouver que lasurvenance ou le maintien de la separation est due, fut-ce partiellement,à l'epoux qui reclame cette pension.

4. Lors de l'appreciation de cette preuve, il n'y a pas lieu d'anticipersur l'eventuelle procedure en divorce en cours ni sur les fautes quidevront etre appreciees par le juge des divorces.

5. Si, toutefois, une decision de divorce definitive interviententre-temps, la faute ainsi etablie suffit pour apporter ladite preuve.

6. Dans ces circonstances, le juge qui, en vertu de l'article 1280 du Codejudiciaire, statue sur une demande tendant à obtenir une pensionalimentaire, doit tenir compte de la relation adulterine reprochee àl'epoux qui reclame la pension alimentaire et qui est etablie à la suited'une decision de divorce devenue entre-temps definitive.

7. Les juges d'appel, qui ont exclu cette preuve, ont viole l'article 1280du Code judiciaire et les articles 213 et 229 du Code civil.

8. Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient les presidents de section Robert Boes et Ernest Wauters, lesconseillers Ghislain Londers, Eric Dirix et Eric Stassijns, et prononce enaudience publique du vingt-deux decembre deux mille six par le presidentde section Robert Boes, en presence de l'avocat general delegue PierreCornelis, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Daniel Plas ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

22 DECEMBRE 2006 C.06.0098.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.06.0098.N
Date de la décision : 22/12/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2006-12-22;c.06.0098.n ?
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