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07/02/2008 | BELGIQUE | N°C.05.0371.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 février 2008, C.05.0371.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.05.0371.N

ELECTROLUX HOME PRODUCTS, societe de droit neerlandais,

Me Pierre v an Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,

contre

SOCIETE COOPERATIVE MULTIMEDIA DES AUTEURS DES ARTS VISUELS, en abregeSOFAM, societe cooperative à responsabilite limitee,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 2 mars 2005 par la courd'appel de Bruxelles.

Le 1er juin 2006, la Cour a pose une question prejudicie

lle à la Cour dejustice Benelux. La Cour de justice Benelux a repondu à cette question le22 juin 2007.

La dem...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.05.0371.N

ELECTROLUX HOME PRODUCTS, societe de droit neerlandais,

Me Pierre v an Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,

contre

SOCIETE COOPERATIVE MULTIMEDIA DES AUTEURS DES ARTS VISUELS, en abregeSOFAM, societe cooperative à responsabilite limitee,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi est dirige contre l'arret rendu le 2 mars 2005 par la courd'appel de Bruxelles.

Le 1er juin 2006, la Cour a pose une question prejudicielle à la Cour dejustice Benelux. La Cour de justice Benelux a repondu à cette question le22 juin 2007.

La demanderesse a depose des observations apres l'arret rendu par la Courde justice Benelux.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Les faits

Les elements suivants ressortent de la requete.

La defenderesse est une societe de gestion qui est titulaire des droitsd'auteur de ses associes. Lors de leur adhesion, ses membres cedent tousleurs droits d'auteur à son profit.

D. D. K. est un associe de la defenderesse. Il est styliste, exerc,ant saprofession sous la denomination de « Conceptor's Office & Services », enabrege « COS ».

La demanderesse distribue des appareils electro-menagers des marques AEG,Electrolux et Zanussi.

Pour la periode allant de 1996 à 1998, D. D. K. a chaque annee fabriquepour la demanderesse un stand pour le salon Batibouw. Pour le salon de1998, monsieur D. K. a etabli une offre le 17 decembre 1997. Un montant de6.986.500 BEF a alors ete indique comme « prix total de location »,actuellement 173.190,81 euros, hors TVA. La demanderesse a accepte cetteoffre.

Le stand a ete realise et D. D. K. a facture le montant de 6.986.500 BEF,majore de la TVA, entierement regle par la demanderesse. Ce montantcomprend un montant de 5.752.890 BEF en frais d'execution que D. K. a payeà ses sous-traitants.

Pour sa participation au salon Batibouw de 1999, la demanderesse n'a pasfait appel à D. D. K. La defenderesse etait toutefois d'avis que lademanderesse avait fait faire en 1999 un stand qui ressemblait tres fortau stand realise en 1998 par D. K., du moins en ce qui concerne Electroluxet Zanussi.

Par courrier du 28 juin 1999, la defenderesse a mis en demeure lademanderesse. La demanderesse aurait viole les droits de D. K. enreproduisant le stand au moins en partie ou en le faisant reproduire sansson autorisation prealable. Elle a reclame reparation.

La demanderesse a conteste cette demande par lettre du 21 septembre 1999,en faisant valoir que le stand ne peut beneficier de la protection desdroits d'auteur etant donne qu'il ne satisfait pas à l'exigence de« caractere artistique marque » vise à l'article 21, 1DEG, de la loiuniforme benelux en matiere de dessins ou modeles. Dans la correspondanceulterieure, les parties ont maintenu leur point de vue.

Dispositions legales violees

les articles 6.2 et 23 de la loi uniforme Benelux du 25 octobre 1966 enmatiere de dessins ou modeles, approuvee par la loi du 1er decembre 1970(article 23 tel qu'applicable avant sa modification par le Protocole du 20juin 2002, approuve par la loi du 13 mars 2003).

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque, qui reforme le jugement a quo, condamne la demanderesseau paiement d'une indemnisation de 27.500 euros pour violation des droitsd'auteur de la defenderesse sur un stand et fonde sa decision que ladefenderesse, et non la demanderesse, est titulaire des droits d'auteur,sur les motifs qui suivent:

« (La demanderesse) fait valoir à bon droit qu'un stand est un produitpresentant un caractere utilitaire. Un stand n'est pas cree pour desmotifs purement artistiques. L'objectif poursuivi est que le participantà un salon utilise ce stand pour se presenter soi-meme et ses produits aupublic et pour attirer les clients potentiels.

(La demanderesse) a commande un stand à monsieur D. K. Le contrat concluentre les parties concerne un stand et non les plans d'un stand.

L'argument de (la defenderesse) suivant lequel un stand est unique et nepeut etre utilise qu'une seule fois, n'y deroge pas davantage. Le standdemeure un produit destine à etre utilise dans le commerce, meme s'ils'agit d'une utilisation unique.

Les considerations qui precedent signifient que le stand peut beneficieraussi bien de la protection de la loi uniforme Benelux que de laprotection de la loi sur les droits d'auteur.

(La defenderesse) affirme qu'elle est titulaire du droit d'auteur alorsque (la demanderesse) soutient que c'est elle qui en est titulaire.

(La demanderesse) se fonde sur les articles 6.2 et 23 de la loi uniformeBenelux en matiere de dessins ou modeles.

L'article 23 de la loi uniforme Benelux prescrit que lorsqu'un dessin oumodele ayant un caractere artistique marque est cree dans les conditionsvisees à l'article 6, le droit d'auteur relatif à ce dessin ou modeleappartient à celui qui est considere comme createur, conformement auxdispositions de cet article.

L'article 6.2 de la meme loi prevoit que, si un dessin ou modele a etecree sur commande, celui qui a passe la commande sera considere, saufstipulation contraire, comme createur, pourvu que la commande ait etepassee en vue d'une utilisation commerciale ou industrielle du produitdans lequel le dessin ou modele est incorpore.

(La demanderesse) est d'avis qu'elle doit etre consideree comme creatriceau sens de l'article 6.2 de la loi uniforme Benelux en matiere de dessinsou modeles parce qu'elle a commande le stand à monsieur D. K. En tant quecreatrice, elle estime des lors etre le titulaire du droit d'auteur.

(La defenderesse) ne conteste pas que le stand a ete realise sur commandede (la demanderesse). Elle invoque toutefois que monsieur D. K. n'a louele stand qu'à (la demanderesse). Selon (la defenderesse), l'intention desparties etait de n'utiliser le stand qu'une seule fois pendant la courteperiode de Batibouw 1998. Aussitot le salon acheve, monsieur D. K. auraitdemonte le stand et conserve, ainsi qu'il est d'usage, les elementsreutilisables pour d'autres stands tandis qu'il aurait detruit leselements typiques qui n'etaient plus reutilisables. (La demanderesse) neserait nullement devenue proprietaire du stand.

(La demanderesse) conteste à tort cette qualification.

L'offre du 17 decembre 1997 evoque clairement le `prix total de location'.La mention apparaissant en exergue de l'offre `Voici l'offre de prix pourla construction du stand (...) pour Batibouw 1998' n'y deroge pas. Ils'agit d'un prix global et forfaitaire pour la mise à disposition d'unstand pour Batibouw 1998 comprenant tant le montage que le demontage.

Il faut donc se rallier au point de vue de (la defenderesse) suivantlequel le stand a uniquement ete loue à (la demanderesse).

(La demanderesse) fait valoir que, pour l'application de l'article 6.2 dela loi uniforme Benelux en matiere de dessins ou modeles, il importe peuque la commande soit faite dans le cadre d'un contrat d'entreprise, devente ou de location. Il suffit de constater que monsieur D. K. a mis surpied un stand sur commande pour le compte de (la demanderesse), encontre-partie de quoi elle a paye un prix.

Cette fac,on de voir est rejetee à juste titre par (la defenderesse).

Le stand a ete loue pour etre utilise pendant la breve periode de Batibouw1998. L'objectif poursuivi n'etait pas que (la demanderesse) utilise ànouveau ce stand par la suite. Les parties avaient convenu d'uneutilisation unique.

Cette hypothese n'est pas visee à l'article 6.2 de la loi uniformeBenelux en matiere de dessins ou modeles. Cet article doit etre interpreteen ce sens que la personne sur ordre de laquelle un dessin ou un modeleest cree peut uniquement etre consideree comme sa creatrice si ce dessinou ce modele sont crees en vue de sa fabrication et ensuite de sacommercialisation par le commettant.

Un modele cree en vue d'une utilisation unique et temporaire, comme enl'espece, meme si son utilisation se situe dans le secteur commercial, nerepond pas à cette condition.

(La demanderesse) ne peut des lors etre consideree comme creatrice dustand, de sorte que les droit d'auteur sur le stand appartiennent à (ladefenderesse) ».

Griefs

L'(ancien) article 23 de la loi uniforme Benelux du 25 octobre 1966 enmatiere de dessins ou modeles dispose que :

« Lorsqu'un dessin ou modele ayant un caractere artistique marque estcree dans les conditions visees à l'article 6, le droit d'auteur relatifà ce dessin ou modele appartient à celui qui est considere commecreateur, conformement aux dispositions de cet article ».

L'article 6.2 de la loi uniforme Benelux du 25 octobre 1966 en matiere dedessins ou modeles dispose que :

« Si un dessin ou modele a ete cree sur commande, celui qui a passe lacommande sera considere, sauf stipulation contraire, comme createur,pourvu que la commande ait ete passee en vue d'une utilisation commercialeou industrielle du produit dans lequel le dessin ou modele estincorpore ».

Pour etre considere comme createur ou, le cas echeant, titulaire du droitd'auteur, il est des lors requis qu'il y ait creation d'un dessin ou d'unmodele sur commande et que la commande ait ete faite en vue d'uneutilisation commerciale ou industrielle du produit dans lequel le dessinou modele est incorpore.

La circonstance que le produit dans lequel le dessin ou le modele estincorpore est loue pour une utilisation unique par celui qui a effectuecette creation sur commande à celui qui a fait la commande, n'empeche pasde considerer ce dernier, en application de l'article 6.2 et de l'(ancien)article 23 comme createur, respectivement titulaire des droits d'auteur.

En rendant une decision differente, l'arret attaque viole les articles 6.2et 23 (ancien) de la loi uniforme Benelux du 25 octobre 1966 en matiere dedessins ou modeles, approuvee par la loi du 1er decembre 1970.

III. La decision de la Cour

1. L'arret attaque considere que:

* le stand peut beneficier tant de la protection des droitsd'auteur que de la protection de la loi uniforme Benelux;

- le stand est un modele ayant un caractere artistique marque;

- le stand peut beneficier de la protection des droits d'auteuret "qu'un depot ait eu lieu ou non, n'(est) pas determinant pourexclure l'application de la loi uniforme Benelux en matiere dedessins ou modeles".

Ces decisions ne sont pas critiquees.

2. La demanderesse soutient qu'elle peut beneficier d'uneprotection en tant que creatrice ou, le cas echeant, titulaire dudroit d'auteur, se fonde à cet effet sur les articles 6.2 et 23de la loi uniforme Benelux en matiere de dessins ou modeles et endeduit que D. K. ou la defenderesse ne pouvaient faire valoiraucun droit.

3. La Cour de justice Benelux a dit pour droit dans son arret du22 juin 2007 que le commettant n'est pas considere comme lecreateur d'un dessin ou modele, au sens de l'article 6, alinea 2,de la LBDM, lorsqu'un dessin ou modele est cree sur commande envue d'une utilisation commerciale ou industrielle, sans que leproduit dans lequel ce dessin ou modele est incorpore soitl'objet d'une commercialisation par le commettant.

Un modele incorpore dans un produit qui est loue pour un usageunique par le createur et qui n'a pas ete cree en vue de safabrication ou commercialisation par le commettant, n'est pasconsidere comme un modele cree en vue d'une utilisationcommerciale et industrielle.

4. Le moyen repose sur l'affirmation que le commettant d'unmodele, incorpore dans un produit loue en vue d'une utilisationunique à celui qui a fait la commande, doit etre considere, enapplication de l'article 6, alinea 2, de la LBDM, comme uncreateur.

Le moyen manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, àBruxelles, ou siegeaient le president Ivan Verougstraete,president, le president Christian Storck, les conseillers EtienneGoethals, Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, et prononce enaudience publique du sept fevrier deux mille huit par lepresident Ivan Verougstraete, en presence de l'avocat generalDirk Thijs, avec l'assistance du greffier adjoint Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president de sectionClaude Parmentier et transcrite avec l'assistance du greffierMarie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president de section,

7 FEVRIER 2008 C.05.0371.N/8



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 07/02/2008
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : C.05.0371.N
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-02-07;c.05.0371.n ?
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