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11/09/2008 | BELGIQUE | N°C.07.0441.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 septembre 2008, C.07.0441.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0441.F

M. H.,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile,

contre

ENTREPRISES HERMAN PALMANS, société privée à responsabilité limitée enliquidation dont le siège social est établi à Dalhem, rue F. Henrotaux,24, représentée par son liquidateur, Maître Alain Bodéus, avocat, dont lecabinet est établi à Liège, place du Haut Pré, 10,<

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défenderesse en cassation,

représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.07.0441.F

M. H.,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est faitélection de domicile,

contre

ENTREPRISES HERMAN PALMANS, société privée à responsabilité limitée enliquidation dont le siège social est établi à Dalhem, rue F. Henrotaux,24, représentée par son liquidateur, Maître Alain Bodéus, avocat, dont lecabinet est établi à Liège, place du Haut Pré, 10,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il estfait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 21 décembre2006 par la cour d'appel de Liège.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse présente deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution ;

- article 1^er de la loi du 16 mars 1803 (25 ventôse - 5 germinal an XI)contenant organisation du notariat ;

- principe général du droit relatif à l'enrichissement sans cause,consacré notamment par les articles 555, 1134, 1184, 1381, 1592, 1593,1650, 1709, 1730, 1731 et 1732 du Code civil et, pour autant que debesoin, lesdits articles ;

- principe général du droit relatif aux impenses, consacré notamment parles articles 555, 861, 862, 1184, 1375, 1381, 1634, 1635, 1673 du Codecivil, 27 et 103 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 et, pourautant que de besoin, lesdits articles.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir considéré que la résolution des conventions conclues entre lademanderesse et la défenderesse a « été prononcée les 22 décembre 1995 et16 février 1996 aux torts exclusifs de la [défenderesse] », que, « larésolution jouant avec effet rétroactif, elle a pour effet de replacer lesparties dans le même état que si elles n'avaient pas contracté », que,afin de déterminer le montant des restitutions, c'est « la théorie desimpenses qui doit être appliquée, les travaux n'étant pas susceptiblesd'enlèvement », qu' « il s'agit d'impenses utiles, à savoir celles qui ontconféré au bien une plus-value ; [que], dans cette hypothèse, celui qui aamélioré l'immeuble s'est appauvri du prix des travaux et des matériaux ;[qu']il ne peut réclamer une somme supérieure à ce prix ; [que], quant aupropriétaire, il s'est enrichi de la plus-value conférée à son bien »,l'arrêt décide que la plus-value dont a bénéficié la demanderesse et qu'illui appartient de restituer consiste en « la valeur vénale des ouvragescorrespondant aux prestations matérielles de l'entreprise, déduction faited'un certain nombre d'abattements », soit 7.562.604 francs, et, par voiede conséquence, condamne la demanderesse à payer à la défenderesse lasomme de 185.954,05 euros, après déduction des montants qu'il lui octroieà titre de dommages et intérêts, pour tous ses motifs réputés iciintégralement reproduits et, spécialement, aux motifs que

« La mission donnée à l'expert était précise sur l'évaluation du coût desconstructions de même que sur la question de la plus-value apportée auximmeubles, plusieurs paramètres devant être envisagés [...].

La cour [d'appel] n'aperçoit pas, en l'absence de critiques sérieuses, deraison de s'écarter de l'évaluation des chiffres de l'expert. Il fautrelever notamment que le prix de vente de l'immeuble de la rue Vanderveldeen vente publique ne peut être retenu au vu du caractère aléatoire depareille vente pour un immeuble inachevé et que c'est donc avec raison quel'expert propose de retenir la valeur vénale des ouvrages correspondantaux prestations matérielles de l'entreprise, déduction faite d'un certainnombre d'abattements (soit 7.562.604 francs) ».

Griefs

La demanderesse soutenait que la plus-value de l'immeuble de la rueVandervelde se limitait à la différence entre la valeur vénale du terrainavant les travaux que retenait l'expert et le prix obtenu lors de la ventepublique de cet immeuble le 27 mai 1998 ; qu'elle avait été contrainte deprocéder à cette vente en raison, d'une part, du « désintérêt deséventuels nouveaux promoteurs qu'elle [avait] tenté de trouver pour lareprise de ce chantier » et, d'autre part, du fait que « les constructions[avaient] déjà passé deux ans et demi sous l'eau et la neige », qu'elleavait recouru à une vente publique « pour ne pas être accusée d'avoirvendu le bien en dessous de sa valeur réelle ou d'avoir touché une partiede la somme `en noir' », « qu'il n'y avait pas lieu de se référer à uneestimation de ce qu'[elle aurait] peut-être pu obtenir mais à ce qu'[elleavait] effectivement obtenu pour la vente de son [terrain] et desconstructions inachevées qui s'y trouvaient ; qu'en effet, la ventepublique permet d'obtenir certaines garanties quant à la vente(transparence au niveau du prix,...) », et qu'elle n'avait « pas eud'autre choix, n'ayant pas trouvé d'acquéreur sérieux [lui] permettant deréaliser une vente de gré à gré ».

L'arrêt décide qu'il y a lieu d'entériner le montant de la plus-valuedéterminé par l'expert en considérant « que le prix de vente de l'immeublede la rue Vandervelde en vente publique ne peut être retenu au vu ducaractère aléatoire de pareille vente pour un immeuble inachevé et quec'est donc avec raison que l'expert propose de retenir la valeur vénaledes ouvrages correspondant aux prestations matérielles de l'entreprise,déduction faite d'un certain nombre d'abattements (soit 7.162. 604francs) ».

Première branche

Il se déduit du principe général du droit relatif aux impenses et de celuiqui est relatif à l'enrichissement sans cause et des dispositions légalesvisées au moyen que le propriétaire d'un immeuble qui bénéficie d'uneplus-value résultant de travaux doit indemniser l'auteur de ces travauxdans les limites de la plus-value dont il a pu bénéficier.

Cette plus-value ne s'identifie pas à la valeur des ouvrages correspondantaux prestations matérielles de l'entreprise, fût-ce déduction faite dequelques abattements, mais seulement à la mesure dans laquelle lesditsouvrages inachevés ont accru la valeur du bien. La plus-value est ainsidéterminée par la différence existant entre la valeur vénale du bien avantles travaux et la valeur vénale de celui-ci après que les travaux ont étéeffectués.

Le prix auquel un bien est régulièrement adjugé en vente publique,laquelle, aux termes de l'article 1^er de la loi du 16 mars 1803, ne peutse faire qu' « au plus offrant et dernier enchérisseur », représente, enrègle, la valeur vénale effective de ce bien.

L'arrêt, qui refuse de prendre ce prix en considération pour déterminer laplus-value dont a profité la demanderesse au seul motif qu'il « ne peutêtre retenu au vu du caractère aléatoire de pareille vente pour unimmeuble inachevé », n'est pas légalement justifié (violation de toutesles dispositions visées au moyen, à l'exception de l'article 149 de laConstitution).

Seconde branche

L'arrêt, qui décide qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du prix obtenu envente publique au seul motif du « caractère aléatoire de pareille ventepour un immeuble inachevé », ne rencontre par aucune considération lemoyen de la demanderesse fondé sur la nécessité, dans les circonstances dela cause, de vendre l'immeuble en vente publique et sur les garantiesoffertes par pareille vente, notamment en matière de transparenceconcernant le prix. Il n'est dès lors pas régulièrement motivé (violationde l'article 149 de la Constitution).

Second moyen

Dispositions légales violées

- articles 1147 et 1184 du Code civil ;

- articles 5, 774 et 1138, 3°, du Code judiciaire ;

- principe général du droit en vertu duquel le juge est tenu, tout enrespectant les droits de la défense, de déterminer la norme juridiqueapplicable à la demande portée devant lui.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déboute la demanderesse de sa demande d'indemnisation des dommagesconstitués par la perte de temps et d'énergie consacrés à la recherche denouveaux promoteurs, dommages qu'elle reprenait sous la qualification de« dommage moral ».

Cette décision est fondée sur tous les motifs de l'arrêt réputés iciintégralement reproduits et, spécialement, sur les motifs que,

« Quant au dommage moral, soit 500.000 francs ou 12.394,68 euros, que [lademanderesse] sollicite, il n'y a pas lieu de [le] lui accorder dès lorsqu'elle ne remplit pas les conditions pour l'obtenir. La réparation dudommage moral a en effet pour objet l'allègement d'une douleur, d'unchagrin ou de quelque autre préjudice moral ainsi que l'atteinte portée àla considération. Tel n'est pas le cas en l'espèce ».

Griefs

Le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droitqui lui est applicable et a l'obligation, tout en respectant les droits dela défense, de relever d'office les moyens de droit dont l'application estcommandée par les faits spécialement invoqués par les parties.

La circonstance que la perte de temps et d'énergie ne relève pas de lanotion de dommage moral n'emporte pas que pareille perte ne soit pas undommage résultant de la résolution, réparable en vertu des articles 1147et 1184 du Code civil.

L'arrêt qui, par les motifs repris en tête du moyen, rejettel'indemnisation de ce dommage parce qu'il ne s'agissait pas d'un « dommagemoral », n'est pas légalement justifié (violation de toutes lesdispositions visées au moyen).

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

L'arrêt entérine les conclusions de l'expert aux motifs que « la missiondonnée à [celui-ci] était précise sur l'évaluation du coût desconstructions de même que sur la question de la plus-value apportée auximmeubles, plusieurs paramètres devant être envisagés (points 5 et 6) »,que « la cour [d'appel] n'aperçoit pas, en l'absence de critiquessérieuses, de raison de s'écarter de l'évaluation des chiffres del'expert », et qu' « il faut relever notamment que le prix de vente del'immeuble de la rue Vandervelde en vente publique ne peut être retenu auvu du caractère aléatoire de pareille vente pour un immeuble inachevé etque c'est donc avec raison que l'expert propose de retenir la valeurvénale des ouvrages correspondant aux prestations matérielles del'entreprise, déduction faite d'un certain nombre d'abattements ».

L'arrêt répond ainsi aux conclusions de la demanderesse qui faisait valoirqu'elle avait été contrainte par les circonstances de vendre l'immeuble envente publique et que pareille vente offre toute garantie, notamment quantà la transparence du prix.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la première branche :

L'arrêt considère, sans être critiqué, que seule la théorie des impenses,à l'exclusion de celle de l'enrichissement sans cause, doit êtreappliquée.

Dans la mesure où il est pris de la méconnaissance du principe général dudroit relatif à l'enrichissement sans cause et de la violation desdispositions légales qui consacrent celui-ci, alors qu'il se limite àcritiquer l'évaluation faite par l'arrêt, dans le cadre de la théorie desimpenses, de la plus-value réalisée par la demanderesse, le moyen, encette branche, est irrecevable.

Pour le surplus, par les motifs reproduits en réponse à la seconde branchedu moyen, et sur la base de l'appréciation qui gît en fait dont ilsrendent compte, l'arrêt justifie légalement sa décision d'évaluer cetteplus-value aux montants retenus par l'expert.

Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, ne peutêtre accueilli.

Sur le second moyen :

Le moyen est fondé sur la considération que le juge est tenu de releverd'office les moyens de droit dont l'application est commandée par lesfaits spécialement invoqués par les parties et fait grief à l'arrêt derejeter l'indemnisation de la perte de temps et d'énergie invoquée par lademanderesse au seul motif qu'il ne s'agirait pas d'un dommage moral.

Il ne précise toutefois pas en quoi le dommage allégué constituerait undommage réparable.

Le moyen, imprécis, est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de cinq cents euros cinquante-six centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de quatre-centquatre-vingt-neuf euros quatre-vingt-deux centimes envers la partiedéfenderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé,Christine Matray, Benoît Dejemeppe et Martine Regout, et prononcé enaudience publique du onze septembre deux mille huit par le présidentChristian Storck, en présence de l'avocat général Jean-Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

11 SEPTEMBRE 2008 C.07.0441.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0441.F
Date de la décision : 11/09/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2008-09-11;c.07.0441.f ?
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