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06/03/2009 | BELGIQUE | N°C.07.0451.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mars 2009, C.07.0451.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0451.N

1. V. T. C.,

2. V. T. A.,

3. V. T. G.,

4. V. T. D.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

D. B. V.,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 mai 2007 parla cour d'appel de Gand.

Le demandeur C.V.T. a envoye au Procureur general pres la Cour un documentqu'il a signe personnellement, que ce dernier a rec,u le 1er octobre 2008et qu'i

l a fait joindre au dossier de la procedure.

Le demandeur C.V. T. introduit, par lettre recommandee du 5 fevrier 2009,« une de...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0451.N

1. V. T. C.,

2. V. T. A.,

3. V. T. G.,

4. V. T. D.,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

contre

D. B. V.,

Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 mai 2007 parla cour d'appel de Gand.

Le demandeur C.V.T. a envoye au Procureur general pres la Cour un documentqu'il a signe personnellement, que ce dernier a rec,u le 1er octobre 2008et qu'il a fait joindre au dossier de la procedure.

Le demandeur C.V. T. introduit, par lettre recommandee du 5 fevrier 2009,« une demande en faux parce que la justice a ete trompee » et « unedemande tendant à agir d'office ».

Le president de section Ernest Wauters a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1287, alinea 3, et 1287, alinea 4, du Code judiciaire ;

- articles 915bis, S: 3, 1134, 1156, 1317, 1319, 1320 et 1322 du Codecivil.

Decisions et motifs critiques

Les demandeurs avaient invoque devant la cour d'appel que la signature del'acte contenant la convention prealable au depot de la demande de divorcepar consentement mutuel constitue le point de depart de la reglementationen matiere de droits de survie, en vertu de la loi et de la volonte desparties (...).

La cour d'appel a statue sur ce grief de la maniere suivante :

«La cour estime toutefois avec le premier juge que la stipulation faitepar les parties dans l'acte contenant la convention prealable à laprocedure de divorce par consentement mutuel à propos de l'exercice dudroit successoral du conjoint survivant (article 745bis du Code civil) etde sa reserve (article 915bis du Code civil) dans le cas ou un des epouxdecederait avant la transcription du jugement ou de l'arret prononc,antdefinitivement le divorce, n'a pas d'effet immediat au moment de lasignature de l'acte ».

La cour a considere à ce propos que :

« a. L'acte contenant la convention prealable et la convention de droitfamilial conclues prealablement par les parties qui veulent divorcer parconsentement mutuel, n'existent pas par elles-memes mais trouvent leurraison d'etre dans la procedure de divorce par consentement mutuel ainsique dans le divorce par consentement mutuel prononce ulterieurement.

En outre, la procedure de divorce par consentement mutuel ne prend coursqu'à la date du depot au greffe de la requete visee à l'article 1288bisdu Code judiciaire (...).

Il ressort par ailleurs de la circonstance que les conditions de base enmatiere de divorce par consentement mutuel contenues aux articles 275 et276 du Code civil ne doivent etre remplies qu'à la date du depot augreffe de la requete visee à l'article 1288bis du Code judiciaire (voiren effet les articles 1297 et 1298 du Code judiciaire) que les conventionsprealables qui sont autorisees ou obligatoires dans le cadre de laprocedure de divorce n'ont d'effet qu'à partir de cette date aussi.

b. En outre, l'article 1287, alinea 4, du Code judiciaire disposeexpressement que la force obligatoire des conventions prealables en cas dedivorce par consentement mutuel est sans effet si la procedure estabandonnee. A fortiori, les conventions visees à l'article 1287, alinea3, du Code civil, concernant le droit successoral et la reserve duconjoint survivant sont, des lors, toujours conclues, selon la volonte dulegislateur, sous la condition suspensive de l'introduction de laprocedure et n'ont, des lors, d'effet qu'au moment du depot au greffe dutribunal de la requete visee à l'article 1288bis du Code judiciaire.

Les demandeurs ne peuvent, des lors, etre suivis lorsqu'ils affirment queladite reglementation en matiere de droits de survie devrait recevoireffet immediatement, conformement à « la lettre de la loi ».

c. Les demandeurs invoquent à plusieurs reprises la volonte expresse desparties que leurs conventions figurant dans l'acte contenant la conventionprealable, aient un effet immediat. Les demandeurs indiquent en effetqu'en signant l'acte contenant la convention prealable dont faisait partiela clause relative aux droits de survie, la defenderesse a elle-meme admisque ses droits en tant que conjoint survivant avaient un effet immediat,sous reserve d'une disposition conventionnelle ou legale contraire.

Tout d'abord, un tel point de vue meconnait totalement la signification etla portee de l'article 1287, alinea 4, du Code judiciaire, cite ci-dessus.

En outre, les demandeurs perdent de vue que l'expression de l'autonomie dela volonte des conjoints en matiere de droit successoral, si elle n'estpas exclue, est malgre tout reglementee de maniere stricte, des lorsqu'une personne ne peut en principe modifier l'effet devolutif de safuture succession qu'en exprimant sa volonte dans des actes formels, saufles exceptions prevues par la loi.

La circonstance que l'article 1287, alinea 3, du Code judiciaire constitueune exception à l'interdiction de conclure des conventions relatives àune succession au sens de l'article 1130, alinea 2, du Code civil,n'empeche pas qu'une telle exception aux principes de base du droitsuccessoral - qui sont d'ordre public - doive toujours etre interpretee demaniere restrictive pour eviter de permettre une certaine manipulation dudroit successoral et de la reserve. On ne peut, des lors, se rallier àl'argumentation contraire des demandeurs, fondee sur une partie de ladoctrine.

Dans ces circonstances, il est en tout cas exclu que, dans un actecontenant une convention prealable à une procedure de divorce parconsentement mutuel, les parties puissent modifier substantiellement ladevolution de leur succession pour une periode prealable au depot augreffe de la requete visee à l'article 1288bis du Code judiciaire sansdevoir respecter les formalites prevues strictement par la loi.

La partie de phrase figurant à l'article 915bis, S: 3, alinea 2, du Codecivil : `...lorsque les epoux ont etabli la convention prevue à l'article1287, S: 3, alinea 3, du Code judiciaire', vise necessairement, eu egardà l'autonomie de la volonte limitee des parties en l'espece etconformement à l'article 1287, alinea 4, du Code judiciaire, nonseulement l'etablissement materiel de la convention mais aussi le depot augreffe du tribunal de la requete visee à l'article 1288bis du Codejudiciaire en tant que condition de validite necessaire.

La `lacune' invoquee par les demandeurs dans les possibilites dedesheriter le conjoint survivant est alors inexistante.

d. C'est à tort que les demandeurs continuent de denier que l'actecontenant la convention prealable du 26 novembre 1998 ne peut etreconsidere que comme une formalite extralegale qui ne fait pas partie de laprocedure judiciaire en matiere de divorce par consentement mutuel et quine peut, des lors, avoir aucun effet juridique en tant que tel.

La simple circonstance de fait que la defenderesse, conformement ou nonaux accords relatifs aux biens figurant dans l'acte contenant laconvention prealable du 26 novembre 1996, s'etait dejà attribue, d'apresles demandeurs, certaines sommes d'argent et certains biens de lacommunaute conjugale, ne signifie nullement que ce que la defenderesse etfeu F.V. ont convenu à l'epoque pour repondre aux conditions de l'article1287, alinea 3, du Code judiciaire, a eu un effet direct.

La cour d'appel considere, en effet, à nouveau qu'en application del'article 1287, alinea 3, combine à l'article 1287, alinea 4, du Codejudiciaire, l'accord passe entre la defenderesse et feu B.V. dans l'actedu 26 novembre 1998 concernant l'exercice des droits vises aux articles745bis et 915bis du Code civil, ne pouvait avoir d'effet, des lors qu'iln'y a pas eu de divorce par consentement mutuel entre eux ».

Griefs

1. Premiere branche

Violation de l'article 1287, alineas 3 et 4, du Code judiciaire combine àl'article 915bis, S: 3, du Code civil.

1.1. En l'espece, les demandeurs ont invoque devant la cour d'appel que laconvention reprise dans l'acte contenant les conventions prealablesconclues entre les parties en vertu de l'article 1287, alinea 3, du Codejudiciaire, pouvait etre immediatement executee valablement sur la basedes dispositions legales en la matiere à compter du moment de sonetablissement valable, par les motifs suivants :

- il est impossible que le legislateur ait pris comme point de depart del'accord en matiere de droits de survie (article 1287, alinea 3, du Codejudiciaire) la premiere comparution des parties devant le tribunal, deslors que ce point de vue aurait pour effet qu'une partie qui auraitchoisi, en application de l'article 915bis, S: 3, alinea 1er, du Codecivil, de priver l'epoux de tout droit successoral, se retrouverait devantun vide juridique lorsque, apres avoir redige un tel testament apres sixmois de separation de fait, les conjoints decideraient ensuite de procederau divorce par consentement mutuel, du fait que, des qu'ils auraientelabore l'acte contenant les conventions prealables obligatoire en cettematiere, un testament desheritant un conjoint n'est plus possible àpartir du moment de la signature de l'acte contenant la conventionprealable en vertu de l'article 915bis, S: 3, alinea 2, du Code civil ;

- la motivation de cette disposition dans le chef du legislateur peutuniquement avoir ete que, le cas echeant, les parties sont à nouveausoumises à la convention qui les lie de droit à partir du moment de sonetablissement ;

- il n'y a pas lieu d'entendre par « etablissement de la convention » lapremiere comparution devant le juge ;

- le legislateur n'enonce nulle part dans l'article 1287, alinea 3, duCode judiciaire le point de depart de l'application de l'accord, ni quecelle-ci se limiterait à la situation durant la procedure de divorceproprement dite.

1.2. En vertu de l'article 1287, alinea 3, du Code judiciaire,prealablement à la procedure de divorce par consentement mutuel, lesparties doivent constater dans un acte contenant les conventionsprealables le sort des droits successoraux respectifs dans leur patrimoinepropre pour le cas ou l'un d'eux decederait avant le jugement ou l'arretprononc,ant definitivement le divorce. L'alinea 4 de l'article precitedispose que la convention est sans effet si la procedure de divorce parconsentement mutuel est abandonnee. Cette convention est immediatementapplicable valablement des lors que, dans le cas contraire, une telleconvention etendrait l'exception legale à l'interdiction de conclure desconventions relatives aux successions et donnerait des lors lieu au refusd'office par le tribunal de prononcer le divorce. Cela n'est pas le cas.

L'article 915bis, S: 3, alinea 1er, du Code civil dispose que les epouxpeuvent se priver mutuellement par testament de leurs droits respectifs enmatiere de succession legale et de reserve par testament. A cet egard, letestateur doit etre separe de fait depuis plus de six mois de son conjointau jour du deces et avoir reclame une residence separee par actejudiciaire. L'alinea 2 de l'article precite dispose que cette dispositionn'est pas applicable lorsque les epoux ont etabli la convention prevue àl'article 1287, alinea 3, du Code judiciaire. A partir du moment ou laconvention prevue à l'article 1287, alinea 3, du Code judiciaire estetablie, celle-ci est valable entre les parties et prime tous les accordsprealables.

Le legislateur a expressement regle la situation dans laquelle lesconjoints veulent se priver mutuellement des droits successoraux dans leurpatrimoine respectif avant que le divorce par consentement mutuel soitdevenu definitif. Le legislateur n'a pas limite cette reglementation à lasituation dans laquelle un des conjoints decede apres le debut de laprocedure de divorce par consentement mutuel (à ce propos le legislateuraurait du enoncer : « au cours de la procedure »).

Le legislateur n'a pas prevu le moment à partir duquel l'acte contenantles conventions prealables sort ses effets, sauf implicitement dansl'article 915bis, S: 3, alinea 1er, du Code civil. Le legislateur atoutefois prevu le moment auquel la convention relative au droitsuccessoral legal et à la reserve cesse d'exister. Cela est notamment lecas au moment ou les parties abandonnent la procedure de divorce parconsentement mutuel.

Il ne ressort toutefois pas de ce point final que la procedure doit dejàavoir ete entamee. Il ne s'agit des lors pas d'une condition suspensive.Le cas echeant, le fait de se desister de la procedure n'a qu'un effetresolutoire sur la convention, la resolution se produisant alors de pleindroit des que le desistement vise est intervenu.

1.3. En considerant « que ce que les parties ont convenu dans l'actecontenant les conventions prealables à la procedure par consentementmutuel en ce qui concerne l'exercice du droit successoral du conjointsurvivant (article 745bis du Code civil) et sa reserve (article 915bis duCode civil) pour le cas ou un des conjoints decederait avant latranscription du jugement ou de l'arret prononc,ant definitivement ledivorce n'a pas d'effet immediat au moment de sa signature » (...)l'arret attaque viole ainsi l'article 1287, alineas 3 et 4, du Codejudiciaire.

Dans la mesure ou l'arret attaque considere que le terme « etablir » ausens de l'article 915bis, alinea 2, du Code civil vise : « eu egard àl'autonomie de la volonte limitee des parties en la matiere etconformement à l'article 1287, alinea 4, du Code judiciaire, nonseulement l'etablissement materiel de la convention, mais, en tant quecondition de validite necessaire, aussi le depot au greffe du tribunal dela requete visee à l'article 1288bis du Code judiciaire » (...), ilviole l'article 915bis, S: 3, alinea 2, du Code civil.

(...)

III. La decision de la Cour

(...)

Sur le moyen :

(...)

Quant à la premiere branche :

1. En vertu de l'article 1287, alinea 3, du Code judiciaire, les epouxdetermines à operer le divorce par consentement mutuel doivent constaterdans l'acte contenant la convention prealable leurs conventions au sujetde l'exercice des droits prevus aux articles 745bis et 915bis du Codecivil pour le cas ou l'un d'eux decederait avant le jugement ou l'arretprononc,ant definitivement le divorce.

L'acte contenant la convention prealable est, des lors, prescrit en vue dudivorce par consentement mutuel lui-meme.

2. En vertu de l'article 1287, alinea 4, du Code judiciaire, tel qu'iletait applicable avant son abrogation par l'article 31 de la loi du 27avril 2007 reformant le divorce, ces conventions sont sans effet si laprocedure est abandonnee.

Nonobstant le fait que le quatrieme alinea de l'article 1287 etait dejàabroge à la date de la requete et à celle de son depot et qu'il n'estpas donc pas vise de maniere recevable par le moyen, en cette branche,comme disposition violee, ce quatrieme alinea, qui etait encore en vigueurau moment de l'etablissement de l'acte contenant la convention prealableau divorce par consentement mutuel, peut etre pris en consideration pourinterpreter le troisieme alinea de cet article.

Ce quatrieme alinea indique que l'accord prevu à l'article 1287, alinea3, ne peut avoir d'effet qu'apres l'introduction de la procedure endivorce par consentement mutuel.

3. L'article 1130 du Code civil dispose que l'on ne peut faire aucunestipulation sur une succession non ouverte, meme avec le consentement decelui de la succession duquel il s'agit.

Admettre que l'acte prevu à l'article 1287, alinea 3, du Code judiciairea dejà des effets avant l'introduction de la procedure en divorce estcontraire à l'article 1130 du Code civil, sans prejudice des possibilitesqui sont prevues par l'article 915bis du Code civil.

4. Il ressort de ce qui precede que l'acte prevu par l'article 1287,alinea 3, du Code judiciaire ne peut, des lors, avoir d'effet si, aumoment du deces d'un des conjoints, la procedure n'a pas ete introduitepar le depot d'une requete conformement à l'article 1288bis du Codejudiciaire.

Le moyen, en cette branche, qui repose sur le soutenement contraire,manque en droit.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Ernest Wauters, les conseillers EricDirix, Eric Stassijns, Albert Fettweis et Beatrijs Deconinck, et prononceen audience publique du six mars deux mille neuf par le president desection Ernest Wauters, en presence de l'avocat general ChristianVandewal, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Sylviane Velu ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

6 MARS 2009 C.07.0451.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0451.N
Date de la décision : 06/03/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-03-06;c.07.0451.n ?
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