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10/12/2009 | BELGIQUE | N°F.08.0038.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 décembre 2009, F.08.0038.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.08.0038.N

ETAT BELGE, (Finances),

Me Antoine De bruyn, avocat à la Cour de cassation,

contre

OCTAAF DE BRUECKER, societe privee à responsabilite limitee.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 15 janvier 2008par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
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- principe general du droit de bonne administration, contenant le principede securite juridiqu...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.08.0038.N

ETAT BELGE, (Finances),

Me Antoine De bruyn, avocat à la Cour de cassation,

contre

OCTAAF DE BRUECKER, societe privee à responsabilite limitee.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 15 janvier 2008par la cour d'appel de Gand.

Le president Ivan Verougstraete a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- principe general du droit de bonne administration, contenant le principede securite juridique et de confiance.

- article 159 de la Constitution et le principe de legalite qui s'endeduit ;

- articles 14, specialement S: 1er, et 15, specialement alinea 2 du S: 4,de l'arrete royal nDEG 1 du 29 decembre 1992 relatif aux mesures tendantà assurer le paiement de la taxe sur la valeur ajoutee, article 14 tantavant qu'apres la modification par l'arrete royal du 25 fevrier 1996 maisavant la modification par l'arrete royal du 6 fevrier 2002, article 15tant avant qu'apres la modification par l'arrete royal du 26 novembre1998, mais avant la modification par l'arrete royal du 20 juillet 2000 ;

- articles 1349 et 1353 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque annule le jugement du premier juge dans la mesure ou il aete critique et declare les demandes originaires tendant au remboursement,introduites dans les deuxieme et troisieme affaires, fondees.

L'arret attaque dit pour droit que la contrainte du 26 mars 1999 a etedecernee à tort et doit demeurer sans effets juridiques et condamne, deslors, le demandeur au remboursement à la defenderesse de tous lesmontants payes ou retenus sur la base de cette contrainte (pour la periodeallant du 1er janvier 1994 au 31 decembre 1996), majores des interetsmoratoires prevus à l'article 91, S: 4, du Code de la taxe sur la valeurajoutee, à compter du 12 juillet 1999.

L'arret attaque condamne aussi le demandeur à rembourser à ladefenderesse toutes les sommes qui ont ete payees ou retenues sur la basedu proces-verbal du 19 octobre 2001 (concernant la periode allant du 1erjanvier 1997 au 31 decembre 1999), majorees des interets moratoires prevusà l'article 91, S: 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutee, àcompter du 31 janvier 2002.

Sur la base de ces considerations figurant sous le point 3.3.3.2 del'arret considerees ici comme reprises, l'arret attaque constate que :« la comptabilite de la defenderesse - certes tres bien tenue - ne peutsupporter le test du controle » (...).

L'arret attaque decide neanmoins que :

« cela ne suffisait pas, dans les circonstances concretes de la cause,pour rejeter cette comptabilite pour les periodes concernees, sur la basedu principe de securite juridique et de confiance.

Il est clair qu'en ce qui concerne le caractere controlable de lacomptabilite, la legislation ne prevoit qu'un cadre limite de sorte que -hormis la mention precise de la nature des produits livres en cas deventes excedant 10.000 francs - aucune violation de dispositions legalesexpresses n'ont ete constatees dans le chef de la defenderesse, leprincipe de securite juridique et de confiance ne pouvant etre ainsiecarte par le principe de legalite.

Le demandeur ne conteste pas que, depuis des annees, la defenderessetenait sa comptabilite de maniere critiquable. Le demandeur invoquetoutefois qu'au cours des periodes anterieures, des impositionscomplementaires à la taxe sur la valeur ajoutee ont ete etablies,notamment pour les periodes allant de 1988 à 1991, mais il fautprecisement en conclure que la defenderesse pouvait legitimement croireque la forme de sa comptabilite n'etait pas erronee en soi. Manifestement,le controle pour la periode allant de 1988 à 1991 a donne lieu à uneregularisation et donc à la decision de l'administration de la taxe surla valeur ajoutee que les montants comptabilises n'etaient pas exacts,mais il n'apparait pas qu'à cette epoque le fonctionnaire controleur aitcritique la maniere dont les cartes de fidelite etaient remplies ettraitees, le defaut de comptabilisation separee des ristournes et ledefaut de precision des marchandises vendues sur les documentsjustificatifs volants et non numerotes destines au journal des recettesjournalieres, a fortiori qu'il serait etabli qu'il a ete decide à cemoment de rejeter la comptabilite. Le rejet soudain de la comptabilitepour les annees 1994 et 1999 a, des lors, viole le principe de securitejuridique et de confiance.

Dans la mesure ou il est question d'une violation de la loi des lors queles documents justificatifs pour les ventes excedant 10.000 francs (247,89euros) n'etaient pas suffisamment detaillees, ce simple fait ne peutjustifier raisonnablement le rejet de l'ensemble de la comptabilite ».

Griefs

Premiere branche

1. Le principe general de bonne administration comprend le droit à lasecurite juridique dont le principe de confiance constitue un aspect.

Le droit à la securite juridique implique que le citoyen doit pouvoir sefier à ce qui ne peut etre pour lui qu'une regle de conduite fixe et uneregle d'administration et en vertu de laquelle les services publics et lesautorites doivent satisfaire aux previsions legitimes qu'ils ont faitnaitre dans son chef.

Le droit à la securite juridique ne peut etre invoque par le citoyen quedans la mesure ou il peut estimer raisonnablement que les previsions neesà l'egard des actes des autorites peuvent etre et seront realisees, end'autres termes lorsque les previsions sont « legitimes », « legales »ou « justifiees ».

Lorsque le citoyen peut prevoir que les previsions nees ne pourronteventuellement pas recevoir de reponse de la part de l'administration oude l'autorite, on ne peut constater la violation du droit à la securitejuridique ou du principe de confiance.

2. Lorsqu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutee a fait l'objetd'un controle qui a donne lieu à une regularisation prelevant la taxe surla valeur ajoutee, ce controle ne peut faire naitre la confiance legitimeque l'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutee a respecte sesobligations en matiere de taxe sur la valeur ajoutee.

Le resultat de ce controle doit inciter au contraire l'assujetti à serendre compte que la maniere dont il a applique la reglementation enmatiere de taxe sur la valeur ajoutee n'est pas conforme sinon lefonctionnaire controleur n'aurait pas etabli une regularisation avecprelevement de la taxe.

3. Si l'arret attaque enonce lui-meme que le controle effectue aupres dela defenderesse pour la periode allant de 1988 à 1991 a convaincu ledemandeur du fait que les montants comptabilises n'etaient pas corrects(...), ce controle suivi d'une perception de la taxe, ne pouvait, deslors, susciter dans le chef de la defenderesse la confiance legitimequ'elle avait toujours correctement respecte ses obligations en matiere deTVA et que la forme de sa comptabilite n'etait pas incorrecte.

La defenderesse devait et pouvait en effet deduire de ce controlecomprenant le recouvrement de la TVA que les previsions eventuellementnees dans son chef n'etaient pas legitimes et que le demandeur ne pouvaity repondre.

Le controle effectue par le demandeur pour la periode allant de 1988 à1991 n'aurait pu eveiller la confiance legitime dans le chef de ladefenderesse quant au caractere probant de sa comptabilite que si cecontrole n'avait pas entraine une perception de taxe supplementaire. Dansle cas contraire, le rejet, par le demandeur, de sa comptabilite pour lesannees 1994 à 1999 ne pouvait, des lors, pas etre considere comme unedecision soudaine ou imprevisible.

4. De la constatation qu'il n'apparait pas que le fonctionnaire controleuraurait critique la maniere dont les cartes de fidelite etaient remplies ettraitees lors du controle pour la periode allant de 1988 à 1991, le faitque les ristournes n'ont pas ete comptabilisees separement et que lesbiens vendus n'ont pas ete precises sur des documents justificatifsvolants et non numerotes dans le journal des recettes journalieres, afortiori qu'il serait etabli que le rejet de la comptabilite a ete decideà ce moment-là, ne peut se deduire la presomption de fait que lefonctionnaire controleur a acquiesce lors de ce controle à la manieredont la comptabilite a ete tenue par la defenderesse pendant des annees,d'autant plus que ce controle a entraine une perception de taxesupplementaire, ce qui implique que les montants comptabilises ne sont pascorrects.

Le juge du fond ne peut accepter des presomptions de l'homme quelorsqu'elles lui assurent de maniere certaine l'existence du fait àconstater qu'il tire d'un fait connu, en d'autres termes le fait inconnudoit se deduire du fait connu (articles 1349 et 1353 du Code civil).

Le fait qu'il n'etait pas etabli qu'à l'occasion d'un controle concernantla periode allant de 1988 à 1991 le demandeur n'a pas fait de remarquesquant à la comptabilite, ne peut des lors pas constituer un fondementsuffisant pour decider « que le citoyen pouvait ainsi legitimement sefier au fait que la forme de sa comptabilite etait correcte » (...).

5. Il s'ensuit que l'arret attaque n'a pu legalement decider que ledemandeur a viole le principe de securite juridique et de confiance enrejetant « soudainement », dans les circonstances concretes de la cause,la comptabilite de la defenderesse pour les annees 1994 à 1999 (violationdu principe general de bonne administration, comprenant le principe desecurite juridique et de confiance, articles 14, specialement S: 1er et15, specialement l'alinea 2, du S: 4, de l'arrete royal nDEG 1 du 29decembre 1992, 1349 et 1353 du Code civil).

Seconde branche

1. Conformement à l'article 15, S: 4, de l'arrete royal nDEG 1 du 29decembre 1992, le montant total des recettes de chaque journee est inscritdans le journal des recettes.

Une inscription distincte, avec indication de la nature des biens vendus,est cependant necessaire pour les recettes provenant de la livraison desbiens dont le prix par unite commerciale usuelle excede 10.000 francs, ycompris la taxe sur la valeur ajoutee.

L'inscription distincte visee à l'alinea precedent peut etre remplaceepar une inscription globale journaliere lorsque les documentsjustificatifs qui doivent etre etablis, portent, outre la recette,l'indication precise de la nature des biens vendus.

2. L'arret attaque constate qu'il ressort des documents produits que ladefenderesse recevait parfois des livraisons pour un montant excedant10.000 francs sans que la nature des biens vendus (...) soit indiquee dansles pages volantes du journal des recettes de sorte que l'arret admetqu'il y a violation de la loi sur ce plan (...).

3. L'arret attaque decide, neanmoins, que dans la mesure ou il estquestion d'une violation de la loi « ce simple fait ne peurraisonnablement justifier le rejet de la totalite de la comptabilite »(...).

4. Si la comptabilite de la defenderesse contenait une violation del'article 15, S: 4 de l'arrete royal nDEG 1 du 29 decembre 1992, l'arretattaque ne pouvait legalement decider que le demandeur a viole le principede securite juridique et de confiance en rejetant la comptabilite de ladefenderesse.

L'arret attaque accepte ainsi, en effet, en violation de l'article 15, S:4, de l'arrete royal nDEG 1 du 29 decembre 1992, la comptabilite de ladefenderesse comme base de calcul de la TVA due par elle en ce quiconcerne les biens vendus dont le prix excede 10.000 francs (247,89euros).

5. Le principe general de bonne administration ne peut etre invoque sicela donne lieu à une politique contraire aux dispositions legales, cequi signifie que le droit à la securite juridique et le principe deconfiance ne peuvent s'appliquer en presence de questions de droit enraison de la primaute du principe de legalite qui est directement fondesur un texte constitutionnel (article 159 du Code judiciaire).

La reglementation legale en matiere de comptabilisation de la vente debiens dont le prix excede 10.000 francs (247,89 euros) concerne unequestion de droit qui ne peut etre ecartee au profit du principe desecurite juridique et de confiance de sorte que l'arret attaque n'a pudeclarer fondees les demandes de la defenderesse sur ce plan.

6. Il s'ensuit que l'arret attaque n'a pas pu declarer legalement, sansvioler le principe de legalite, que les demandes de la defenderessetendant au remboursement etaient entierement fondees en raison de laviolation par le demandeur du principe de securite juridique et deconfiance, dans la mesure ou ces demandes concernaient partiellement lataxe sur la valeur ajoutee due sur les biens vendus, dont le prix excede10.000 francs (247,89 euros), qui ont ete comptabilises en violation del'article 15, S: 4, de l'arrete royal nDEG 1 du 29 decembre 1992(violation de l'article 159 de la Constitution, du principe de legalite,du principe general de bonne administration comprenant le principe desecurite juridique et de confiance, articles 14, specialement S: 1er et15, specialement alinea 2, du S: 4 de l'arrete royal nDEG 1 du 29 decembre1992).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. Les principes generaux du droit, qui s'imposent à l'administrationfiscale, comprennent le droit à la securite juridique. Cela implique quele citoyen doit pouvoir se fier à ce qu'il ne peut considerer que commeune regle de comportement ou de politique etablie par l'autorite. Ils'ensuit que les previsions justifiees que l'autorite fait naitre dans lechef du citoyen doivent, en principe, etre honorees.

Le citoyen ne peut toutefois pas s'attendre à ce que l'administrationconsidere qu'une comptabilite irreguliere conserve son caractere probantà l'encontre des regles legales tout au long des annees.

2. L'arret constate que la comptabilite de la defenderesse ne supporte pasle test du controle pour les periodes allant de 1994 à 1999. Il constateaussi que les documents justificatifs des ventes dont le montant excede247,89 euros n'etaient pas suffisamment precis, dit que le contribuablepouvait le savoir mais que cela ne justifie pas raisonnablement le rejetde la totalite de la comptabilite. Il constate finalement qu'au cours deperiodes anterieures (de 1988 à 1991) des taxes supplementaires ont eteperc,ues mais considere « qu'il n'apparait pas que le fonctionnairecontroleur aurait critique à l'epoque la maniere dont les cartes defidelite ont ete remplies et traitees, le fait que les ristournes n'ontpas ete comptabilisees separement et que les biens vendus n'ont pas eteprecises sur des documents justificatifs volants et non numerotes dans lejournal des recettes journalieres, a fortiori qu'il serait etabli que lerejet de la comptabilite a ete decide à ce moment-là ».

3. Les juges d'appel n'ont pu decider legalement sur la base de ceselements que le fonctionnaire controleur avait accepte, lors de controlesanterieurs, la maniere dont la comptabilite avait ete tenue au cours desannees precedentes et ils n'ont pas davantage pu legalement decider que ledemandeur avait ainsi cree une prevision justifiee dans le chef de ladefenderesse.

4. L'arret viole ainsi les dispositions legales visees par le moyen encette branche.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le surplus des griefs :

Le surplus des griefs ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Case l'arret attaque sauf en tant qu'il declare l'appel recevable ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Ivan Verougstraete, les conseillers Paul Maffei,Eric Stassijns, Alain Smetryns et Geert Jocque, et prononce en audiencepublique du dix decembre deux mille neuf par le president IvanVerougstraete, en presence de l'avocat general Dirk Thijs, avecl'assistance du greffier Johan Pafenols.

Traduction etablie sous le controle du president de section Mathieu ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le president de section,

10 DECEMBRE 2009 F.08.0038.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.08.0038.N
Date de la décision : 10/12/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2009-12-10;f.08.0038.n ?
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