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17/06/2011 | BELGIQUE | N°C.07.0423.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 juin 2011, C.07.0423.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0423.N

1. BOUSSE-GOVAERTS, societe anonyme,

2. GORO, societe anonyme,

3. TRUDO PAINT, societe anonyme,

4. VERF MET ADVIES, societe privee à responsabilite limitee,

5. DECOPAINT MAASMECHELEN, societe privee à responsabilite limitee,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

COLORA BOELAAR, societe cooperative à responsabilite limitee,

Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation

est dirige contre l'arret rendu le 9 mai 2007 parla cour d'appel d'Anvers.

Le 6 mars 2009, la Cour a pose une question prejudicie...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.07.0423.N

1. BOUSSE-GOVAERTS, societe anonyme,

2. GORO, societe anonyme,

3. TRUDO PAINT, societe anonyme,

4. VERF MET ADVIES, societe privee à responsabilite limitee,

5. DECOPAINT MAASMECHELEN, societe privee à responsabilite limitee,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

COLORA BOELAAR, societe cooperative à responsabilite limitee,

Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 mai 2007 parla cour d'appel d'Anvers.

Le 6 mars 2009, la Cour a pose une question prejudicielle à la Cour dejustice Benelux.

La Cour de justice Benelux a repondu à cette question le 20 avril2010;

Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demanderesses presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

-articles 774, alinea 2, 1385bis, alinea 3, et 1385quater du Codejudiciaire ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel ont declare l'opposition formee par la defenderessecontre le commandement du 7 juin 2005 en grande partie fondee et ontdeclare illegale l'execution entamee par les demanderesses avec lecommandement du 7 juin 2005, sauf en tant qu'il a trait aux depens àconcurrence de 218,15 euros et à un dixieme des frais du commandementprecite, sur la base des considerations suivantes :

« L'execution litigieuse a lieu, aux termes du commandement du 7 juin2005, en vertu des jugements rendus par le president du tribunal decommerce de Tongres les 23 fevrier 2001, 10 avril 2001 et 4 decembre 2001et en vertu d'un arret du 27 mars 2003 de cette cour d'appel.

Comme precise à juste titre dans l'ordonnance critiquee, le jugement du23 fevrier 2001 a ete reforme par l'arret (2001/RG/803) du 4 octobre 2001de cette cour d'appel et le jugement du 10 avril 2001 par l'arret(2001/RG/1260) du 4 octobre 2001 de cette cour d'appel, de sorte qu'envertu de ces titres, la defenderesse n'est redevable ni d'astreintes ni defrais judiciaires envers les demanderesses.

Par le troisieme jugement rendu le 4 decembre 2001 par le president dutribunal de commerce de Tongres, un ordre de cessation a ete impose à ladefenderesse. Ce jugement a egalement ete reforme en degre d'appel,notamment par l'arret du 27 mars 2003, lequel considerait que :

`Reforme le jugement dont appel ;

Dit pour droit que le premier juge et, à present, la cour, sont sanscompetence pour connaitre de la demande tendant simplement à constaterune infraction aux usages honnetes en matiere commerciale, dans le chef dela (defenderesse), consistant en la non inscription au registre ducommerce.

Confirme le jugement dont appel dans la mesure ou il disait pour droit que(la defenderesse) a enfreint l'article 23 de la loi du 14 juillet 1991 surles pratiques du commerce et sur l'information et la protection duconsommateur en creant une confusion par l'utilisation illegale de ladenomination/du slogan `Verf + Advies' en exploitant son magasin à Genk.

Interdit à la (defenderesse) d'utiliser cette denomination `Verf +
Advies' ou une quelconque variante relativement à l'exploitation de cemagasin à Genk et ce sous peine d'une astreinte de 500 euros par jourapres la signification du jugement dont appel avec un maximum de 50.000euros.

Confirme le jugement dont appel dans la mesure ou, pour le surplus, lademande des (demanderesses) a ete declaree non fondee;

Dit pour droit que le premier juge et, actuellement, cette cour, sont sanscompetence pour constater la tierce complicite à une rupture de contratlaquelle ne saurait entrainer un ordre de cessation'.

Cet arret condamnait aussi la defenderesse aux depens de premiereinstance, fixes dans le chef des demanderesses conjointement à 218,15euros et compensaient les frais de l'appel.

Le jugement rendu le 4 decembre 2001 par le president du tribunal decommerce de Tongres a ete reforme et n'a ete confirme que `dans la mesureou il disait pour droit que (la defenderesse) a enfreint l'article 23 dela loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et surl'information et la protection du consommateur en creant une confusion parl'utilisation illegale de la denomination/du slogan `Verf + Advies' enexploitant son magasin à Genk' et `dans la mesure ou la demande desdemanderesses a ete, pour le surplus, declaree non fondee'.

L'interdiction imposee par ce jugement et la condamnation à une astreinteprononcee à titre de sanction n'ont pas ete confirmees et uneinterdiction autrement libellee a ete imposee à peine d'astreintesassorties d'autres modalites.

Il suit de l'article 1385bis du Code judiciaire, tel qu'il doit etrecompris conformement à l'arret du 15 avril 1992 de la Cour de justiceBenelux, que :

- lorsque le juge de premiere instance a prononce une astreinte et que sonjugement est confirme sur ce point en degre d'appel, le juge de premiereinstance doit, en principe, etre considere comme le juge qui a ordonnel'astreinte ;

- le juge d'appel doit, toutefois, etre considere comme le juge qui aordonne l'astreinte, lorsqu'il ressort sans ambiguite du dispositif de ladecision d'appel que le juge d'appel a infirme, en totalite ou en partie,le jugement rendu en premiere instance en ce qui concerne la condamnationprincipale assortie d'une astreinte ou en ce qui concerne la condamnationà cette derniere et qu'il a rendu sur un de ces points une decisions'ecartant du jugement de premiere instance (...)

En l'espece, il y a lieu de constater que l'arret de cette cour (d'appel)a modifie tant la condamnation principale prononcee par le jugement du 4decembre 2001 que l'astreinte dont elle etait assortie. En consequence, ily a lieu de considerer l'arret du 27 mars 2003 de cette cour d'appel etnon le jugement rendu le 4 decembre 2001 par le president du tribunal decommerce de Tongres comme la decision prononc,ant l'astreinte au sens del'article 1385bis du Code judiciaire, de sorte que des astreintes nepouvaient etre encourues qu'apres la signification de cet arret.

La question de savoir si les astreintes sont encourues comme pretendudoit, des lors, etre appreciee uniquement à la lumiere du dispositif decet arret et les astreintes pouvaient au plus tot etre encourues apres lasignification de cet arret, le 23 avril 2003.

Les pretendues infractions mentionnees dans le commandement litigieux du 7juin 2005 sous A et B, qui sont toutes anterieures au 23 avril 2003, nepeuvent, des lors, pas donner lieu à la prononciation d'astreintes.

Griefs

Premiere branche

Conformement à l'article 774, alinea 2, du Code judiciaire et au principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense, le juge doitordonner la reouverture des debats avant de rejeter la demande en tout ouen partie sur une exception que les parties n'avaient pas invoquee devantlui.

Au numero 6 de l'arret attaque, les juges d'appel ont decide que cen'etait pas le jugement du president du tribunal de commerce de Tongres du4 decembre 2001 mais l'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27 mars 2003qui devait etre considere comme le jugement prononc,ant l'astreinte ausens de l'article 1385bis du Code judiciaire et que, des lors, aucuneastreinte ne peut etre encourue avant le 23 avril 2003 date de lasignification de l'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27 mars 2003.

Les juges d'appel ont decide ensuite au numero 7 de l'arret attaque queles pretendues infractions enoncees dans le commandement de payer du 7juin 2005 sous les lettres A et B, qui sont toutes anterieures au 23 avril2003, ne peuvent donner lieu à des astreintes.

La defenderesse n'a toutefois pas invoque dans ses conclusions que l'arretde la cour d'appel d'Anvers du 27 mars 2003 doit etre considere comme lejugement prononc,ant l'astreinte au sens de l'article 1385bis du Codejudiciaire, de sorte qu'aucune astreinte ne pouvait etre encourue avant le23 avril 2003, date de la signification de l'arret de la cour d'appeld'Anvers du 27 mars 2003. Les conclusions d'appel de la defenderesse du 12janvier 2007 ne font, en effet, pas etat de cette argumentation.

Les juges d'appel ont ainsi viole le principe general du droit relatif aurespect des droits de la defense et l'article 774, alinea 2, du Codejudiciaire en decidant d'office sur la base des considerations preciteesque l'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27 mars 2003 doit etreconsidere comme le jugement prononc,ant l'astreinte au sens de l'article1385bis du Code judiciaire de sorte qu'aucune astreinte ne peut etreencourue avant le 23 avril 2003, sans reouverture des debats et sansinviter les demanderesses à developper leur point de vue à ce propos.

Seconde branche

L'article 1385bis, alinea 3, du Code judiciaire dispose que l'astreinte nepeut etre encourue avant la signification du jugement qui l'a prononcee.

L'article 1385quater dispose que l'astreinte, une fois encourue, resteintegralement acquise à la partie qui a obtenu la condamnation et quecette partie peut en poursuivre le recouvrement en vertu du titre meme quila prevoit.

Par commandement du 7 juin 2005, les demanderesses ont entame l'executionafin d'obtenir le paiement des astreintes encourues en vertu, et apres lasignification, du jugement rendu le 4 decembre 2001 par le president dutribunal de commerce de Tongres, tel que reforme par l'arret de la courd'appel d'Anvers du 27 mars 2003. Les astreintes ont ete encourues -notamment - en raison de faits qui ont eu lieu apres la signification dujugement rendu le 4 decembre 2001 par le president du tribunal de commercede Tongres, mais avant la decision de la cour d'appel d'Anvers.

C'est à tort que les juges d'appel ont considere que les astreintes nepouvaient pas etre encourues en vertu du jugement rendu le 4 decembre 2001par le president du tribunal de commerce de Tongres, tel que reforme parl'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27 mars 2003 avant la significationde l'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27 mars 2003, soit avant le 23avril 2003.

Pour que les astreintes puissent etre encourues au cours de la periodeallant de la signification du jugement rendu en premiere instance à ladecision rendue en degre d'appel, les juges d'appel ne devaient pas tenircompte de la date de signification de la decision rendue en degre d'appel(l'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27 mars 2003), mais uniquement dela signification de la decision rendue en premiere instance (le jugementrendu le 4 decembre 2001 par le president du tribunal de commerce deTongres).

En effet, lorsqu'une partie litigante etait autorisee, en vertu del'article 1385quater du Code judiciaire (conforme à l'article 3 de la loiuniforme relative à l'astreinte) à poursuivre le recouvrement d'uneastreinte encourue et que la decision prononc,ant l'astreinte (le titre)est partiellement annulee au cours de, mais avant la fin de l'execution,il y a lieu, en ce qui concerne l'execution, de ne pas considererl'astreinte encourue autrement que d'autres effets juridiques d'unedecision judiciaire annulee.

En l'espece, lors de l'appreciation des astreintes encourues au cours dela periode allant de la signification de la decision rendue en premiereinstance à la decision rendue en degre d'appel, les juges d'appeldevaient verifier si au cours de cette periode, la defenderesse a enfreintle jugement rendu le 4 decembre 2001 par le president du tribunal decommerce de Tongres tel que reforme par l'arret de la cour d'appeld'Anvers du 27 mars 2003.

En decidant que les astreintes ne pouvaient pas etre encourues en vertu dujugement rendu le 4 decembre 2001 par le president du tribunal de commercede Tongres, tel que reforme par l'arret de la cour d'appel d'Anvers du 27mars 2003, avant la signification de l'arret de la cour d'appel d'Anversdu 27 mars 2003 (soit avant le 23 avril 2003), les juges d'appel ont violeles articles 1385bis, alinea 3, et 1385quater du Code judiciaire.

III. La decision de la Cour

Quant à la seconde branche :

1. L'article 1385bis, alinea 3, du Code judiciaire dispose que l'astreintene peut etre encourue avant la signification de jugement qui l'aprononcee.

L'article 1385quater du meme code dispose que, l'astreinte, une foisencourue, reste integralement acquise à la partie qui a obtenu lacondamnation. Cette partie peut en poursuivre le recouvrement en vertu dutitre meme qui la prevoit.

2. Ces deux articles sont identiques aux articles 1er et 3 de la loiuniforme Benelux relative à l'astreinte.

3. La Cour de justice Benelux a dit pour droit dans le dispositif de sonarret du 20 avril 2010 que : "Lorsque le juge d'appel confirmepartiellement la condamnation principale prononcee en premiere instance etmodifie l'astreinte ordonnee en premiere instance et doit ainsi etreconsidere comme etant le juge qui a ordonne l'astreinte, une astreintepeut etre encourue dans la periode situee entre la signification de ladecision executoire du juge de premiere instance et la signification de ladecision d'appel, à condition qu'il apparaisse sans ambiguite que le juged'appel a confirme que cette partie de la condamnation principale rendueen premiere instance devait etre assorti d'une astreinte."

4. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que :

- le president du tribunal de commerce de Tongres a, par ordonnance du 4decembre 2001 executoire par provision, ordonne la cessation à charge dela defenderesse sous peine d'une astreinte;

- cet ordre de cessation a ete confirme en degre d'appel par la courd'appel d'Anvers dans son arret du 27 mars 2003, mais uniquement dans lamesure ou il a trait à la confusion provoquee au sein de l'exploitationde la defenderesse à Genk;

- ledit arret a ete signifie à la defenderesse le 23 avril 2003;

- le 7 juin 2005, les demanderesses ont signifie un commandement à ladefenderesse en vue du recouvrement des astreintes encourues en vertunotamment de l'ordonnance du president du tribunal de commerce de Tongresdu 4 decembre 2001 et de l'arret du 27 mars 2003 pour des pretenduesinfractions à compter de la signification de ladite ordonnance;

- l'opposition de la defenderesse a ete rejetee par le juge des saisiesd'Anvers du 28 juin 2006;

- la defenderesse a interjete appel de ladite ordonnance.

5. Les juges d'appel ont considere que, des lors que l'arret du 27 mars2003 a modifie tant la condamnation principale que l'astreinte dont elleest assortie, la cour d'appel d'Anvers est le juge qui a prononcel'astreinte, de sorte que celle-ci ne pouvait etre encourue qu'à partirde la signification de cet arret, soit le 23 avril 2003. Ils ont decidesur cette base que les infractions enoncees dans le commandement du 7 juin2005 qui sont anterieures au 23 avril 2003 ne peuvent donner lieu à desastreintes.

6. En decidant ainsi que l'astreinte n'est pas encourue, sans examiner sil'arret du 27 mars 2003 n'entendait pas manifestement maintenirl'astreinte pour la partie de la condamnation principale prononcee enpremiere instance et confirmee en degre d'appel, les juges d'appel ontviole les articles 1385bis, alinea 3, et 1385quater du Code judiciaire.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il se prononce sur la legalite del'execution des astreintes encourues avant le 23 avril 2003 et qu'ilstatue sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Edward Forrier, les conseillers EricStassijns, Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns et Geert Jocque, et prononceen audience publique du dix-sept juin deux mille onze par le president desection Edward Forrier, en presence de l'avocat general Guy Dubrulle, avecl'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Albert Fettweis ettranscrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

Le greffier, Le conseiller,

10

17 JUIN 2011 C.07.0423.N/


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.07.0423.N
Date de la décision : 17/06/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2011-06-17;c.07.0423.n ?
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