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22/10/2013 | BELGIQUE | N°P.13.0550.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 octobre 2013, P.13.0550.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.0550.N

1. TELENET sa,

* 2. TECTEO scrl,

* 3. BRUTELE scrl,

* demanderesses en levee d'un acte d'instruction relatif à ses biens,

demanderesses,

* Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

* I. la procedure devant la Cour

VI. Les pourvois sont diriges contre l'arret nDEG K/378/13 rendu le14 fevrier 2013 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des misesen accusation.

VII. Les demanderesses font valoir trois moyens dans un memoireannexe au present arret, en copie

certifiee conforme.

VIII. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

IX. L'avocat general Luc Decreus a conc...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.0550.N

1. TELENET sa,

* 2. TECTEO scrl,

* 3. BRUTELE scrl,

* demanderesses en levee d'un acte d'instruction relatif à ses biens,

demanderesses,

* Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

* I. la procedure devant la Cour

VI. Les pourvois sont diriges contre l'arret nDEG K/378/13 rendu le14 fevrier 2013 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des misesen accusation.

VII. Les demanderesses font valoir trois moyens dans un memoireannexe au present arret, en copie certifiee conforme.

VIII. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

IX. L'avocat general Luc Decreus a conclu.

II. antecedents

1. Dans le cadre d'une instruction judiciaire menee contre inconnus duchef d'infractions aux articles 80 et suivants de la loi du 30 juin1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins, 8, S: 1er, dela loi du 15 mai 2007 relative à la repression de la contrefac,on etde la piraterie de droits de propriete intellectuelle, 145, S: 3bis,de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications electroniques et11 de la loi du 30 juin 1994 transposant en droit belge la directiveeuropeenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique desprogrammes d'ordinateur, le juge d'instruction pres le tribunal depremiere instance de Malines a adresse le 6 avril 2012, notamment auxdemanderesses, une demande motivee dont le dispositif est libelleainsi qu'il suit :

« Requiert

Sur la base des articles 39bis et 89 du Code d'instruction criminelle,le representant legal responsable de :

TOUS LES OPERATEURS ET FOUNISSEURS D'ACCES A INTERNET

de rendre inaccessible l'acces au contenu heberge par le serveurassocie aux noms de domaine principaux « thepiratebay.org »(adresses IP connues 194.71.107.50 et 194.71.107.15) ;

et plus precisement par l'utilisation de tous les moyens techniquespossibles, dont à tout le moins le blocage de tous les noms dedomaine qui renvoient au serveur associe au nom de domaine« thepiratebay.org »,

la liste des noms de domaine à rendre inaccessibles visee dans lapresente requete etant precisee :

1. par le procede technique de « reverse IP domain check » (larecherche de tous les noms de domaine qui renvoient à uneadresse IP determinee), et applique à chaque adresse IP dont ilest constate que l'utilisation par le serveur est associee au nomde domaine principal « thepiratebay.org » afin d'assurerl'acces internet au contenu heberge par le serveur associe au nomde domaine principal « thepiratebay.org » ;

2. par toute autre constatation technique materielle qu'un nom dedomaine determine renvoie au contenu heberge par le serveurassocie au nom de domaine principal « thepiratebay.org » ;

Mon office requiert egalement que les noms de domaine bloques sereferent à l'adresse IP : 193.191.245.56 (page Acces refuse desautorites).

Mon office charge la RCCU (Regional Computer Crime Unit) de Malines etla FCCU (Federal Computer Crime Unit) de constater ces noms de domaineet d'en informer leurs operateurs.

Mon office demande egalement aux operateurs d'informer la RCCU deMalines et la FCCU de l'execution de la mesure ».

2. Conformement à l'article 61quater du Code d'instructioncriminelle, les demanderesses ont depose le 17 juillet 2012 au greffedu tribunal de premiere instance de Malines une requete visant lalevee de la demande à defaut de fondement legal, à titre subsidiairede limiter l'ordre dans le temps, de preciser que les demanderesses neconsentiront pas à dresser la liste des noms de domaine à rendreinaccessibles, de preciser la mesure technique specifique que lesdemanderesses doivent implementer et de prevoir que les demanderessesseront censees avoir satisfait à la demande des qu'elles auront priscette mesure.

3. Par ordonnance du 19 juillet 2012, le juge d'instruction a rejetela requete des demanderesses.

4. Par arret du 14 fevrier 2013, la chambre des mises en accusation adeclare non fonde l'appel dirige par les demanderesses contrel'ordonnance du 19 juillet 2012.

III. la decision de la Cour

Sur la recevabilite des pourvois :

5. L'arret decide que les necessites de l'instruction requierent lemaintien de la mesure d'instruction et que la levee peut mettre enperil les droits des parties ou de tiers. Il confirme notamment parces motifs l'ordonnance dont appel ayant rejete la requete desdemanderesses en levee de la mesure d'instruction. Ainsi, l'arret necomporte pas de decision definitive et ne se prononce pas davantagedans l'un des cas vises à l'article 416, alinea 2, du Coded'instruction criminelle.

Dans la mesure ou ils sont diriges egalement contre ces decisions, lespourvois sont prematures et, par consequent, irrecevables.

Sur le premier moyen :

6. Le moyen invoque la violation des articles 35 à 39bis, 55, 56 et89 du Code d'instruction criminelle : l'arret decide, à tort, qu'ilexiste un fondement legal pour le mandat delivre par le juged'instruction ; la mesure de saisie ordonnee peut avoir pour seulsbuts la manifestation de la verite et le recueil de preuves ou neconcerner que des biens qui constituent des choses visees par lesarticles 42 et 43quater du Code penal, mais ne peut avoir pour but laprevention d'autres infractions similaires ulterieures ou d'un dommagesubsequent à la partie civile ; une saisie ne peut etre imposee àtitre de mesure preventive, pour prevenir des infractions ou undommage à la partie civile, mais etre tout au plus maintenue dans cebut ; l'arret qui statue autrement n'est, partant, pas legalementjustifie.

7. Conformement à l'article 35, S: 1er, du Code d'instructioncriminelle, le procureur du Roi se saisira de tout ce qui paraitraconstituer une des choses visees aux articles 42 et 43quater du Codepenal, et de tout ce qui pourra servir à la manifestation de laverite.

L'article 39bis, S:S: 1er à 4 inclus, du Code d'instructioncriminelle, dispose :

« S: 1er. Sans prejudice des dispositions specifiques de cet article,les regles de ce code relatives à la saisie, y compris l'article28sexies, sont applicables aux mesures consistant à copier, rendreinaccessibles et retirer des donnees stockees dans un systemeinformatique.

S: 2. Lorsque le procureur du Roi ou l'auditeur du travail decouvredans un systeme informatique des donnees stockees qui sont utiles pourles memes finalites que celles prevues pour la saisie, mais que lasaisie du support n'est neanmoins pas souhaitable, ces donnees, dememe que les donnees necessaires pour les comprendre, sont copiees surdes supports qui appartiennent à l'autorite. En cas d'urgence ou pourdes raisons techniques, il peut etre fait usage de supports qui sontdisponibles pour des personnes autorisees à utiliser le systemeinformatique.

S: 3. Il utilise en outre les moyens techniques appropries pourempecher l'acces à ces donnees dans le systeme informatique, de memequ'aux copies de ces donnees qui sont à la disposition de personnesautorisees à utiliser le systeme informatique, de meme que pourgarantir leur integrite.

Si les donnees forment l'objet de l'infraction ou ont ete produitespar l'infraction et si elles sont contraires à l'ordre public ou auxbonnes moeurs ou constituent un danger pour l'integrite des systemesinformatiques ou pour des donnees stockees, traitees ou transmises parle biais de tels systemes, le procureur du Roi ou l'auditeur dutravail utilise tous les moyens techniques appropries pour rendre cesdonnees inaccessibles.

Il peut cependant, sauf dans le cas prevu à l'alinea precedent,autoriser l'usage ulterieur de l'ensemble ou d'une partie de cesdonnees, lorsque cela ne presente pas de danger pour l'exercice despoursuites.

S: 4. Lorsque la mesure prevue au S: 2 n'est pas possible, pour desraisons techniques ou à cause du volume des donnees, le procureur duRoi utilise les moyens techniques appropries pour empecher l'acces àces donnees dans le systeme informatique, de meme qu'aux copies de cesdonnees qui sont à la disposition de personnes autorisees à utiliserle systeme informatique, de meme que pour garantir leur integrite. »

Selon l'article 89, alinea 1er, du Code d'instruction criminelle, cesdispositions sont communes au juge d'instruction.

8. Il resulte des articles 35 et 39bis du Code d'instructioncriminelle, de leur genese et du caractere de la mesure de contrainteprovisoire, qu'un ordre emis par le juge d'instruction sur la base del'article 39bis du Code d'instruction criminelle peut etre delivre envue de la recherche de la verite, de la confiscation, de larestitution, la cessation d'agissements qui semblent constituer uneinfraction ou de la sauvegarde des interets civils.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, lemoyen manque en droit.

9. L'arret decide notamment que :

- le juge d'instruction peut prendre des mesures de contrainteprovisoires, notamment une saisie à la suite d'une infraction, en vuede la recherche de la verite, de la confiscation, de la restitution oude la sauvegarde des interets civils ;

- le juge d'instruction a, à bon droit, fait reference dans lademande adressee aux demanderesses le 6 avril 2012, à la necessite defaire cesser le dommage pour la partie civile.

Par ces motifs, l'arret justifie legalement la decision selon laquellela demande du 6 avril 2012 est fondee sur les articles 39bis et 89 duCode d'instruction criminelle.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

10. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles39bis, 89 du Code d'instruction criminelle, et 21, S: 1er, alinea 2,de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des servicesde la societe de l'information : l'arret decide, à tort, quel'article 39bis du Code d'instruction criminelle permet d'imposer auxfournisseurs d'acces, telles que les demanderesses, de bloquer l'accesà tous les domaines de « The pirate Bay » ; il decide, egalement àtort, qu'une telle mesure se fonde sur l'obligation temporaire desurveillance resultant de l'article 21 de la loi du 11 mars 2003 ; lamesure de saisie visee à l'article 39bis du Code d'instructioncriminelle s'adresse à quiconque stocke ou fait stocker les donneeset non à ceux, telles que les demanderesses, qui ne font que fournirl'acces au reseau de communications et qui n'ont pas de pouvoirdecisionnel ou de controle sur les donnees ; l'article 21, S: 1er,alinea 2, de la loi du 11 mars 2003 ne permet pas d'imposer uneobligation temporaire de surveillance à un fournisseur d'acces àinternet, de sorte que cette disposition ne peut davantage justifierla mesure de saisie.

11. Il resulte de l'elaboration de l'article 39bis du Coded'instruction criminelle, du texte du paragraphe 4 et de lacombinaison des differents paragraphes que, s'il s'avere impossible decopier les donnees sur des supports pour des raisons techniques ou àcause du volume des donnees, le procureur du Roi et, sur la base del'article 89 du Code d'instruction criminelle, egalement le juged'instruction peuvent utiliser les moyens techniques appropries pourempecher l'acces à ces donnees dans le systeme informatique, de memequ'aux copies de ces donnees qui sont à la disposition de personnesautorisees à utiliser le systeme informatique, de meme que pourgarantir leur integrite.

12. Les moyens techniques appropries au sens de l'article 39bis, S: 4,du Code d'instruction criminelle, peuvent consister à ordonner auxfournisseurs d'acces à internet de rendre inaccessible le serveurhebergeant les donnees, dont la copie est impossible pour des raisonstechniques ou à cause de leur volume.

L'article 39bis, S: 4, du Code d'instruction criminelle, n'exclut pasque cet ordre soit adresse à des tiers autres que ceux ayanteux-memes stocke ou fait stocker les donnees et ne requiert pasdavantage que les ordres aient pour consequence effective que celuiqui stocke ou laisse stocker ces donnees ne puisse plus les consulter,les modifier ni les effacer.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, lemoyen, en cette branche, manque en droit.

13. En adoptant les motifs de l'ordonnance dont appel, l'arretconstate, sans etre critique sur ce point pas le moyen, qu'il estmateriellement impossible de faire une copie digitale et legale detous les fichiers proposes par « The Pirate Bay ».

14. L'arret pouvait ainsi legalement decider que, sur la base del'article 39bis, le juge d'instruction etait autorise à ordonner auxdemanderesses, en tant que fournisseurs d'acces à internet, « derendre inaccessible l'acces au contenu heberge par le serveur associeau nom de domaine principal `thepiratebay.org', (adresses IP connues194.71.107.50 et 194.71.107.15), et plus precisement par l'utilisationde tous les moyens techniques possibles, dont à tout le moins leblocage de tous les noms de domaine qui renvoient au serveur associeau nom de domaine `thepiratebay.org', les noms de domaine à rendreinaccessibles etant constates par la RCCU de Malines et la FCCU(Federal Computer Crime Unit).

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

15. Dans la mesure ou il invoque que l'arret fonde, à tort, le mandatdelivre par le juge d'instruction sur l'obligation temporaire desurveillance visee à l'article 21, S: 1er, alinea 2, de la loi du 11mars 2003, le moyen, en cette branche, est dirige contre des motifssurabondants et est, partant, irrecevable.

Quant à la deuxieme branche :

16. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles39bis et 89 du Code d'instruction criminelle : l'arret admet, à tort,que l'article 39bis du Code d'instruction criminelle constitue unfondement legal pour l'ordre de rendre inaccessibles les donneesstockees sur le serveur de « The Pirate Bay » ; la mesure de saisiede l'article 39bis du Code d'instruction criminelle a pour but deproteger l'integrite des elements stockes dans le systemeinformatique ; la mesure ordonnee par le juge d'instruction ne peutrealiser cet objectif parce que le blocage par le fournisseur d'accesà internet de tous les noms de domaine qui renvoient au serveurassocie au nom de domaine principal « thepiratebay.org » n'empechepas que les exploitants du site web « The Pirate Bay » aient encoreacces à leur site web ; une mesure qui a pour seule consequence queles utilisateurs d'internet n'aient plus acces aux donnees alors quele gestionnaire des donnees peut encore en disposer, ne constitue pasune mesure de saisie visee à l'article 39bis du Code d'instructioncriminelle ; l'ordre de refuser l'acces ne supprime en effet pas lepouvoir decisionnel ou de controle de « The Pirate Bay ».

17. Le moyen, en cette branche, est totalement deduit de la violationde loi invoquee, à tort, par le moyen, en sa premiere branche.

Le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Quant aux troisieme et quatrieme branches :

18. Le moyen, en sa troisieme branche, invoque la violation desarticles 39bis, S: 3, alinea 2, et 89 du Code d'instructioncriminelle : l'arret justifie, à tort, la mesure ordonnant de refuserl'acces aux donnees stockees par « The Pirate Bay » sur la base d'undanger pour l'integrite du systeme informatique et des fichiers qu'ilabrite legalement ; les mesures adequates qui peuvent etre prisesconformement à l'article 39bis, S: 3, alinea 2, du Code d'instructioncriminelle sont accessoires à la copie des donnees dont il estquestion à l'article 39bis, S: 2, et constituent une mesured'exception à l'acces refuse aux donnees dont il est question àl'article 39bis, S: 3, alinea 1er ; ces mesures supposent que lesdonnees provenant du systeme informatique sont supprimees, de sorteque l'ordre public ou le systeme informatique sont ainsi proteges ; leseul danger pour l'integrite du systeme informatique, dont seulel'integrite materielle est en outre visee, ne constitue pas unfondement independant pour une mesure imposee conformement àl'article 39bis, S: 3, alinea 2 ; la mesure imposee aux demanderessesde bloquer l'acces au contenu stocke sur le serveur associe au nom dedomaine principal « thepiratebay.org » n'implique pas l'eliminationde ce contenu, de sorte que le danger pour l'integrite du systemeinformatique ne peut justifier cette mesure ; l'arret ne constate pasdavantage qu'il a ete porte atteinte au serveur concerne ou àd'autres serveurs ni aux fichiers qui y sont stockes.

19. Le moyen, en sa quatrieme branche, invoque la violation desarticles 39bis, S:3, alinea 2, et 89 du Code d'instructioncriminelle : l'arret justifie, à tort, la mesure ordonnant de refuserl'acces aux donnees stockees par « The Pirate Bay » par l'ordrepublic ; les mesures adequates pouvant etre prises conformement àl'article 39bis, S: 3, alinea 2, du Code d'instruction criminelle sontaccessoires à la copie des donnees dont il est question à l'article39bis, S: 3, alinea 1er et constituent une mesure d'exception àl'acces refuse aux donnees dont il est question à l'article 39bis, S:3, alinea 1er; ces mesures supposent que les donnees provenant dusysteme informatique sont supprimees, de sorte que l'ordre public oule systeme informatique sont ainsi proteges ; la seule contradictionavec l'ordre public ne constitue pas un fondement independant pour lamesure imposee conformement à l'article 39bis, S: 3, alinea 2 ; lamesure imposee aux demanderesses de bloquer l'acces au contenu stockesur le serveur associe au nom de domaine principal « thepiratebay.org » n'implique pas la suppression de ce contenu, de sorteque la contradiction avec l'ordre public ne peut motiver cettemesure ; en outre, tout probleme touchant à l'ordre public neconstitue pas une raison pour appliquer l'article 39bis, S: 3, alinea2, mais uniquement la contradiction avec l'ordre public des donneesdont l'acces est refuse ; l'arret fait reference pour la contradictionavec l'ordre public non pas aux fichiers vises par la mesure, mais aucomportement de « The Pirate Bay » consistant à contourner l'ordredu juge des cessations.

20. Il resulte de la reponse apportee au moyen, en sa premierebranche, que l'article 39bis, S: 4, du Code d'instruction criminelleconstitue un fondement legal suffisant pour la demande du juged'instruction du 6 avril 2012.

Le moyen, en ses branches, qui invoque que l'article 39bis, S: 3,alinea 2, du Code d'instruction criminelle, ne presente pas defondement legal pour cette demande, est dirige contre des motifssurabondants.

Le moyen, en ses branches, est irrecevable.

Sur le troisieme moyen :

Quant aux premiere et deuxieme branches :

21. Le moyen, en sa premiere branche, invoque la violation desarticles 21, S: 1er, alinea 2, de la loi du 11 mars 2003 sur certainsaspects juridiques des services de la societe de l'information :l'arret n'assortit pas, à tort, l'ordre impose aux demanderesses derefuser l'acces à une duree de validite concrete ; le fournisseurd'acces à internet a le droit de savoir, sur la base de l'article 21,S: 1er, alinea 2, de la loi du 11 mars 2003 quand son obligation prendfin ; la circonstance que la mesure prend necessairement fin par ladecision rendue sur le fond n'implique pas une telle duree de validiteconcrete.

Les demanderesses demandent que soit posee à la Cour de justice del'Union europeenne la question prejudicielle suivante : « Laconsideration 47 et l'article 15 de la Directive 2000/31/CE relativeà certains aspects juridiques des services de la societe del'information, et notamment du commerce electronique, dans le marcheinterieur («Directive sur le commerce electronique») transpose dansl'article 21 de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiquesdes services de la societe de l'information, autorisent-ils qu'unedisposition nationale permette, dans le cadre d'une instructionjudiciaire, d'imposer aux fournisseurs d'acces à internet de refuserl'acces à un certain contenu sur internet, sans indiquer aucune dureede validite de la mesure au motif que cette mesure expirera quoi qu'ilen soit au terme de la procedure penale sur le fond ? »

22. Le moyen, en sa deuxieme branche, invoque la violation desarticles 52.1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Unioneuropeenne, 21, S: 1er, alinea 2, de la loi du 11 mars 2003, 39bis et89 du Code d'instruction criminelle : l'arret ne precise pas, à tort,les moyens que les demanderesses doivent employer afin d'observerl'obligation leur etant imposee et n'indique pas davantage de maniereexhaustive les noms de domaine qui doivent etre bloques ; une loi quiimpose aux fournisseurs d'acces à internet une obligation temporairede surveillance doit etre suffisamment claire et previsible ; cettecondition n'est pas remplie si la loi permet aux autoritesjudiciaires, des lors qu'il est constate qu'internet donne acces àdes dossiers en infraction avec les droits d'auteur, d'imposer auxfournisseurs d'acces à internet de refuser l'acces à tous les nomsde domaine associes au serveur sur lequel sont stockees lesinformations illegales, sans preciser de maniere exhaustive ces moyensni les noms de domaines à bloquer ; la mesure contestee ne precisepas les moyens à employer par les demanderesses et n'indique pasdavantage les noms de domaines à bloquer.

Les demanderesses demandent que soit posee à la Cour de justice del'Union europeenne la question prejudicielle suivante : « Laconsideration 47 et l'article 15 de la Directive 2000/31/CE relativeà certains aspects juridiques des services de la societe del'information, et notamment du commerce electronique, dans le marcheinterieur («Directive sur le commerce electronique») transpose dansl'article 21 de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiquesdes services de la societe de l'information, autorisent-ils qu'unedisposition nationale permette, dans le cadre d'une instructionjudiciaire, d'imposer à une societe de l'information de rendreinaccessibles des fichiers illegaux sur internet, sans preciser lesmoyens à employer à cette fin ni indiquer de maniere exhaustive lesnoms de domaine devant ainsi etre bloques ? »

23. L'article 15.1 de la Directive 2000/31 sur le commerceelectronique dispose : « Les Etats membres ne doivent pas imposer auxprestataires, pour la fourniture des services visee aux articles 12,13 et 14, une obligation generale de surveiller les informationsqu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation generale derechercher activement des faits ou des circonstances revelant desactivites illicites. »

L'article 21, S: 1er, de la loi du 11 mars 2003, qui transpose laDirective sur le commerce electronique dans le droit belge, dispose :

« Pour la fourniture des services vises aux articles 18, 19 et 20,les prestataires n'ont aucune obligation generale de surveiller lesinformations qu'ils transmettent ou stockent, ni aucune obligationgenerale de rechercher activement des faits ou des circonstancesrevelant des activites illicites.

Le principe enonce à l'alinea 1er ne vaut que pour les obligationsà caractere general. Il n'empeche pas les autorites judiciairescompetentes d'imposer une obligation temporaire de surveillance dansun cas specifique, lorsque cette possibilite est prevue par uneloi. »

24. L'ordre adresse à un fournisseur d'acces à internet de bloquerpar tous les moyens techniques possibles l'acces au contenu hebergepar un serveur associe à un nom de domaine principal determine enbloquant à tout le moins tous les noms de domaine qui renvoient à ceserveur associe au nom de domaine principal determine, avec desurcroit la specification du procede technique devant etre employe,n'implique pas l'obligation de surveillance visee par l'article 15.1de la Directive du 8 juin 2000 sur le commerce electronique et àl'article 21, S: 1er, de la loi du 11 mars 2003. Il n'est en effet pasdemande au fournisseur d'acces à internet de surveiller lesinformations qu'il transmet ou stocke ni de rechercher activement lesinformations revelant des activites illicites.

Le moyen, en ces branches, qui est integralement deduit de la premissejuridique erronee qu'est imposee une obligation de surveillance telleque visee à l'article 15.1 de la Directive sur le commerceelectronique et à l'article 21, S: 1er, de la loi du 11 mars 2011,manque en droit.

Les questions prejudicielles qui sont deduites d'une premissejuridique erronee, ne sont pas posees.

Quant à la troisieme branche :

25. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 149de la Constitution, 21, S: 1er, alinea 2, de la loi du 11 mars 2003sur certains aspects juridiques des services de la societe del'information, 39bis et 89 du Code d'instruction criminelle : l'arretest contradictoire et n'est donc pas regulierement motive ; d'unepart, il admet que la mesure imposee de refuser l'acces n'implique pasune obligation generale de surveillance parce que les noms de domaineà bloquer seront communiques aux demanderesses par la RCCU de Malineset la FCCU ; d'autre part, il admet que le blocage des noms de domainerepresente seulement une obligation minimale dans le cadre d'un ordreplus large ; en considerant non seulement cette obligation minimalemais aussi l'ordre integral comme un ordre legal impliquant uneobligation generale de surveillance, l'arret viole de surcroit lesdispositions susmentionnees.

Les demanderesses demandent que soit posee à la Cour de justice del'Union europeenne la question prejudicielle suivante : « « Laconsideration 47 et l'article 15 de la Directive 2000/31/CE relativeà certains aspects juridiques des services de la societe del'information, et notamment du commerce electronique, dans le marcheinterieur («Directive sur le commerce electronique») transpose dansl'article 21 de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiquesdes services de la societe de l'information, autorisent-ils qu'unedisposition nationale permette, dans le cadre d'une instructionjudiciaire, d'ordonner une mesure consistant à rendre inaccessible,par l'utilisation de tous les moyens techniques possibles, le contenuheberge par le serveur associe à un certain nom de domaine principallie à des adresses IP bien determinees, et cela quels que soient lesnoms de domaines qui y donnent acces ? »

26. Les decisions enoncees dans le moyen, en cette branche, ne sontpas contradictoires.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

27. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est deduit desillegalites invoquees, en vain, par le moyen, en ses premiere etdeuxieme branches.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

28. La question prejudicielle qui, d'une part, se fonde sur unelecture inexacte de l'arret et, d'autre part, sur une conceptionjuridique erronee, n'est pas posee.

Le controle d'office

29. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nulliteont ete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette les pourvois ;

* Condamne les demanderesses aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Paul Maffei, les conseillersFilip Van Volsem, Alain Bloch, Peter Hoet et Antoine Lievens, etprononce en audience publique du vingt-deux octobre deux mille treizepar le president de section Paul Maffei, en presence de l'avocatgeneral Luc Decreus, avec l'assistance du greffier delegue VeroniqueKosynsky.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

22 octobre 2013 P.13.0550.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.13.0550.N
Date de la décision : 22/10/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2013-10-22;p.13.0550.n ?
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