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10/01/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0339.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 janvier 2014, C.13.0339.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

833



NDEG C.13.0339.F

JICECO, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, chaussee de La Hulpe, 150,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

E. C.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenu

e Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

en presence de

F. G.,

partie appelee en declaration d'arret co...

Cour de cassation de Belgique

Arret

833

NDEG C.13.0339.F

JICECO, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, chaussee de La Hulpe, 150,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

E. C.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

en presence de

F. G.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 29 janvier 2013par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 13 decembre 2013, l'avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general Andre Henkesa ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 1134, 1319, 1320, 1322, 1323, 1341, 1349 et 1353 du Codecivil ;

* articles 807, 1138, specialement 2DEG, 1698, paragraphes 2, 3 et 4, 1704, paragraphe 2, specialement a, c et d, et 1704, paragraphe 4, du Code judiciaire ;

* principe general du droit imposant le respect des droits de la

defense ;

* principe general du droit, dit principe dispositif, selon lequel les parties determinent librement l'objet, la cause et les limites de leurlitige ;

* article 149 de la Constitution coordonnee.

* Decisions et motifs critiques

L'arret

« Dit l'appel recevable et fonde ;

Met le jugement [du premier juge] à neant sauf en ce qu'il declare lademande recevable et declare la demande en intervention de [la partieappelee en declaration d'arret commun] recevable et la demande decondamnation contre l'intervenant volontaire recevable mais sans objet etliquide l'indemnite de procedure ;

Statuant à nouveau pour le surplus :

- annule la sentence arbitrale rendue par [la partie appelee endeclaration d'arret commun] entre [la defenderesse] et la [demanderesse]le

7 juillet 2010 et annule par repercussion les sentences arbitralesrendues par [la partie appelee en declaration de droit commun] le 4decembre 2006 et le 15 juin 2009 ;

Condamne la [demanderesse] aux depens des deux instances ».

Il fonde ces decisions sur les motifs suivants :

« 5.2. Le delai pour rendre la sentence du 7 juillet 2010

5.2.1. Lorsque les arbitres ont ete designes nommement dans la conventiond'arbitrage et que la sentence n'est pas rendue dans les delais, laconvention d'arbitrage prend fin de plein droit, à moins que les partiesn'en soient autrement convenues (article 1698.4 du Code judiciaire).

Lorsque les arbitres ne sont pas nommement designes dans la convention d'arbitrage, la mission des arbitres prend fin si la sentence arbitralen'est pas rendue dans les delais à moins que ceux-ci ne soient prorogespar un accord entre parties (article 1698.3 du Code judiciaire).

5.2.2. Sauf suspension du delai par l'accord des parties ou en vertud'une disposition legale (par exemple l'article 1696.6 du Codejudiciaire), l'arbitre a l'obligation de respecter les delaisd'arbitrage.

L'arbitre tire en principe sa competence de la convention des parties. Sicette convention, directement, ou par reference à un reglementd'arbitrage, prevoit un delai dans lequel les arbitres doivent statuer,il leur incombe de le respecter.

Une fois le delai expire, les arbitres n'ont plus competence pour trancherle litige.

L'article 1698.4 du Code judiciaire precise que lorsque la sentence n'estpas rendue dans les delais, la convention d'arbitrage prend fin de pleindroit.

Si l'arbitre n'a pas ete nommement designe dans la convention d'arbitrageet que, par ailleurs, le delai d'arbitrage est expire alors que lasentence n'a pas encore ete prononcee, il n'est pas mis fin à laconvention d'arbitrage mais uniquement à la mission de l'arbitre. Unnouvel arbitrage peut donc etre mis en oeuvre.

L'arbitre ne peut, de sa propre initiative, proroger la duree del'arbitrage. Cette solution trouve son fondement dans la crainte de voirles arbitres devenir maitres du delai de leur propre mission et lesparties prisonnieres de leur bon vouloir.

Dans un arret du 15 juin 1994 de la premiere chambre civile, la Cour de cassation franc,aise a decide que `le principe selon lequel le delai fixepar les parties, soit directement, soit par reference à un reglementd'arbitrage, et dans lequel les arbitres doivent accomplir leur mission,ne peut etre proroge par les arbitres eux-memes, traduit une exigence del'ordre public aussi bien interne qu'international en ce qu'il estinherent au caractere contractuel de l'arbitrage'.

Le delai legal ou conventionnel dans lequel les arbitres doivent accomplirleur mission ne peut etre proroge que par l'accord des parties ou enjustice, lorsque cette derniere modalite a ete specifiquement prevue parla loi : ainsi les autorites judiciaires pourraient etre amenees àproroger le delai à la demande d'une des parties, si elles ont eteappelees à fixer le delai dans le cadre de l'article 1698.2, du Codejudiciaire, et qu'une telle prorogation s'avere necessaire par suite d'evenements imprevus.

5.2.3. En l'espece, [la defenderesse] invoque l'article 1698.4 du Codejudiciaire et la [demanderesse] se defend sur cette base. La[demanderesse] ne demande donc pas que l'article 1698.3 du Code judiciairesoit applique. Il n'appartient pas à la cour [d'appel] d'invoquer desmoyens que les parties n'invoquent pas.

La cour [d'appel] bornera son examen des lors au depassement ou non dudelai et reservera le cas echeant la sanction de l'article 1698.4 du Codejudiciaire sans devoir examiner la cause sous l'angle de l'article 1698.3du Code judiciaire, cette discussion n'etant pas soulevee par la[demanderesse].

5.2.4. Il resulte des pieces auxquelles la cour [d'appel] peut avoiregard que les plaidoiries ont eu lieu le 11 fevrier 2010, que lesdernieres conclusions avaient ete deposees bien avant cette date et quedepuis cette date du 11 fevrier 2010 plus aucun contact (ni verbal ni parecrit) n'a ete pris avec l'arbitre et que l'arbitre de son cote n'a prisaucun contact avec les parties.

La [demanderesse] confirme en conclusions que `l'arbitre avait annoncelors des dernieres plaidoiries du mois de fevrier 2010 qu'eu egard au long delai dejà passe et aux divers devoirs auxquels il etait astreint,une sentence arbitrale ne devait pas etre attendue avant la fin juin'.

Il resulte tant du fait que l'arbitre n'a plus eu le moindre contact avecles parties et que de surcroit il avait annonce le 11 fevrier 2010 qu'ilavait d'autres devoirs et que sa sentence ne devait pas etre attendueavant la fin juin que la cause a - en fait - ete prise en delibere à ladate du 11 fevrier 2010.

La cour [d'appel] observe que, pour rendre sa sentence du 15 juin 2009,l'arbitre avait dresse un proces-verbal de mise de l'affaire en deliberele 24 mars 2009, soit quelques jours seulement apres qu'il eut ete mis enpossession des conclusions des parties (soit le 20 mars 2009).

L'arbitre avait donc bien considere au mois de mars 2009 qu'il fallait logiquement considerer que des le moment que l'arbitre est en possessiondes conclusions des parties et de leurs dossiers et qu'il a entendu lesparties et leurs conseils en leurs dires et plaidoiries, il y a lieu deprendre la cause en delibere.

En matiere d'arbitrage il n'est pas prescrit à peine de nullite dedresser un proces-verbal de mise de la cause en delibere.

La date à laquelle la cause est prise en delibere peut des lors, dans une

procedure d'arbitrage, etre rapportee par tous les moyens de preuve.

Mais il n'est pas admissible de dresser pareil proces-verbal à un moment arbitrairement choisi par l'arbitre et sans fondement ou rattachementaucun avec le deroulement de la procedure d'arbitrage [...].

En decider autrement reviendrait à vider l'article 1698.4 du Codejudiciaire de sa substance.

La cour [d'appel] n'a pas à se prononcer sur le caractere duproces-verbal du 5 juillet 2010, toujours est-il que ce proces-verbal nepeut pas constituer le debut du delai de trois mois pour rendre lasentence.

L'arbitre n'a apparemment pas suspendu la date pour mettre la cause en delibere lors de l'audience du 11 fevrier 2010 puisque la [demanderesse]fait valoir qu'à cette date l'arbitre avait annonce verbalement que sasentence ne devait pas etre attendue avant la fin du mois de juin. Sil'intention de l'arbitre avait ete celle de permettre aux parties dedeposer des notes, memoires, conclusions, pieces, ... apres le 11 fevrier2010, l'arbitre n'aurait pas manque de l'indiquer dans un proces-verbalen fixant des delais bien stricts pour les parties.

En l'espece, il resulte de l'ensemble des elements de fait (notamment :l'attitude tout à fait differente de l'arbitre lors de la mise endelibere avant la sentence du 15 juin 2009 ; la declaration que lasentence ne devait pas etre attendue avant fin juin ; le proces-verbaldu 5 juillet 2010 redige par l'arbitre sans aucun rattachement avecl'evolution de la procedure d'arbitrage) que l'arbitre a pris la cause enfait et en realite en delibere le 11 fevrier 2010 et qu'il n'a rendu sa sentence que le 7 juillet 2010, soit plus de trois mois apres la date àlaquelle elle fut prise en delibere.

5.2.5. [La defenderesse] demande l'annulation de la sentence du

7 juillet 2010 pour cause du depassement du delai de trois mois à daterde la mise en delibere sur pied des articles 1704.2, c (absence deconvention d'arbitrage valable), d (le tribunal arbitral a excede sacompetence ou ses pouvoirs), et a (violation de l'ordre public). La cour[d'appel] annule la sentence du 7 juillet 2010 sur la base de l'article1704.2, c, d, et a, du Code judiciaire.

5.2.6. Dans la mesure ou [la defenderesse et la demanderesse] admettentque c'est en realite la lettre du 7 aout 2006 - par laquelle les partiessoumettent leur differend à l'arbitrage en designant nommement [lapartie appelee en declaration d'arret commun] comme arbitre - quiconstitue en l'espece, `la convention d'arbitrage', la sanction del'annulation est que la convention d'arbitrage prend fin de plein droit(article 1698.4 du Code judiciaire).

5.2.7. Dans la mesure ou la convention prend fin, l'annulation dessentences du 4 decembre 2006 et du 15 juin 2009 doit etre prononcee parrepercussion.

En l'absence de convention valable d'arbitrage, aucune sentence ne peutetre rendue valablement. Aucune sentence ne peut donc sortir des effets.

5.2.8. Il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs, qui ne peuvent pasmener à une annulation plus etendue [...].

6. Decision

L'appel est recevable et fonde. La demande incidente de la [demanderesse]n'est pas fondee.

Il y a lieu d'annuler la sentence arbitrale du 7 juillet 2010 sur pied del'article 1704.2, c, d, et a, du Code judiciaire, et par repercussion(suite à l'application de l'article 1698.4 du Code judiciaire) lessentences arbitrales du 4 decembre 2006 et du 15 juin 2009.

La [demanderesse] est la partie succombante qui est condamnee aux depensdes deux instances ».

Griefs

Par les motifs reproduits au moyen, l'arret annule la sentence arbitraledu 7 juillet 2010 sur la base de l'article 1704.2, a, c, et d, du Codejudiciaire et, par voie de repercussion, annule les sentences arbitralesdes 4 decembre 2006 et 15 juin 2009 et condamne la demanderesse auxdepens des deux instances.

L'arret fonde ces decisions sur ce que la sentence du 7 juillet 2010aurait ete rendue plus de trois mois apres une mise en delibere de lacause, qui serait intervenue en realite le 11 fevrier 2010.

Premiere branche

L'arret considere, en se fondant sur une serie de presomptions, « quel'arbitre a pris la cause en fait et en realite en delibere le 11 fevrier2010 » tout en constatant que « l'arbitre a dresse un proces-verbal demise en delibere le

5 juillet 2010 » et en considerant que « la cour [d'appel] n'a pas àse prononcer sur le caractere du proces-verbal du 5 juillet 2010 ».

Ce faisant, l'arret

1DEG) meconnait la force probante du proces-verbal ecrit du 5 juillet2010 en refusant d'y avoir egard (violation des articles 1319, 1320, 1322et 1323 du Code civil) ;

2DEG) viole l'article 1341 du Code civil en recevant une preuve parpresomptions contre et outre le contenu dudit proces-verbal ecrit du 5juillet 2010 ;

3DEG) en refusant de se prononcer sur le caractere de ce proces-verbal,ne contient pas les constatations de fait devant permettre à la Courd'exercer son controle sur la legalite de la decision des juges d'appelde ne pas avoir egard à ce proces-verbal et, partant, n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Par voie de consequence, l'arret viole les articles 1698.4 et 1704.2, a,c, et d, du Code judiciaire en annulant la sentence arbitrale du

7 juillet 2010 pour le motif qu'elle aurait ete rendue hors delai.

Deuxieme branche

L'arret decide que :

« En l'espece, il resulte de l'ensemble des elements de fait (notamment :l'attitude tout à fait differente de l'arbitre lors de la mise endelibere avant la sentence du 15 juin 2009 ; la declaration que lasentence ne devait pas etre attendue avant fin juin ; le proces-verbaldu 5 juillet 2010 redige par l'arbitre sans aucun rattachement avecl'evolution de la procedure d'arbitrage) que l'arbitre a pris la cause enfait et en realite en delibere le 11 fevrier 2010 et qu'il n'a rendu sa sentence que le 7 juillet 2010, soit plus de trois mois apres la date àlaquelle elle fut prise en delibere ».

L'arret deduit ainsi sa decision que l'arbitre a pris la cause en fait eten realite en delibere le 11 fevrier 2010 d'un ensemble de presomptionsqu'il enumere et qui toutes et chacune ont contribue à former laconviction des juges d'appel et qui sont des lors inseparables.

Or, si l'existence des faits sur lesquels le juge se fonde au titre depresomptions de l'homme est souverainement constatee par lui et si lesconsequences qu'il en deduit à ce titre sont abandonnees par la loi àses lumieres et à sa prudence, ce juge ne peut toutefois meconnaitre lanotion legale de presomption de l'homme, notamment en deduisant des faitsconstates par lui des consequences sans aucun lien avec eux ou qui neseraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.

En l'espece, la declaration faite par l'arbitre que sa sentence ne devaitpas etre attendue avant fin juin 2010 et l'etablissement d'unproces-verbal de cloture des debats le 5 juillet 2010 sont des faits sansaucun lien avec une prise en delibere le 11 fevrier 2010 en sorte qu'ense fondant sur ces faits pour en deduire une prise en delibere le 11fevrier 2010, l'arret meconnait la notion legale de presomption del'homme et, partant, viole les articles 1349 et 1353 du Code civil.

Par voie de consequence, l'arret viole les articles 1698.4 et 1704.2, a,c, et d, du Code judiciaire en annulant la sentence arbitrale du 7juillet 2010 pour le motif qu'elle aurait ete rendue hors delai.

Troisieme branche

Aux termes de l'article 1704.4 du Code judiciaire, ne sont pas retenuscomme causes d'annulation de la sentence les cas prevus à l'alinea 2,lettres c, d et f, dudit article, lorsque la partie qui s'en prevaut en aeu connaissance au cours de la procedure arbitrale et ne les a pas alorsinvoques.

En l'espece, l'arret annule la sentence arbitrale sur pied de l'article1704.2, c et d, (litteras invoques par la defenderesse dans sesconclusions) et a (littera invoque d'office par les juges d'appel).

En invoquant d'office le littera a de l'article 1704.2 du Code judiciaire(qui ne pouvait au demeurant etre applique que par voie de consequenced'une violation des litteras c et d dudit article 1704.2) sans donner àla demanderesse ni à [la partie appelee en declaration d'arret commun] lapossibilite de s'expliquer sur l'applicabilite de ce littera a, l'arretviole le droit de defense de ces parties (meconnaissance du principegeneral du droit imposant le respect des droits de la defense) et ausurplus eleve une contestation exclue par les conclusions des parties,violant ainsi le principe general du droit, dit principe dispositif, ainsique les articles 807 et 1138, 2DEG, du Code judiciaire qui en sont desapplications particulieres.

En appliquant l'article 1704.2, c et d, du Code judiciaire, sans avoiregard à l'article 1704.4 de ce code, dont la demanderesse et [la partieappelee en declaration d'arret commun] s'etaient expressement prevalus,l'arret ne justifie pas legalement sa decision (violation des articles1698.2, 3 et 4, 1704.2, c et d, et 1704.4 du Code judiciaire).

Au surplus, en n'ayant pas egard audit article 1704.4 du Code judiciaire, expressement invoque dans les conclusions precitees de la demanderesse etde [la partie appelee en declaration d'arret commun], l'arret omet derepondre à ces conclusions et n'est, partant, pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).

L'arret enfin, à defaut de donner la moindre raison pour laquelle il ne devrait pas appliquer l'article 1704.4 du Code judiciaire, expressementinvoque devant les juges d'appel dans les conclusions precitees, necontient pas les constatations de fait devant permettre à la Courd'exercer le controle de legalite qui lui est confie et, à ce titreegalement, n'est pas regulierement motive (violation de l'article 149 dela Constitution).

Quatrieme branche

L'arret ayant decide que la convention d'arbitrage avait pris fin deplein droit parce que l'arbitre avait rendu hors delai la sentence arbitrale du

7 juillet 2010, en deduit que :

« Dans la mesure ou la convention d'arbitrage prend fin, l'annulation dessentences du 4 decembre 2006 et du 15 juin 2009 doit etre prononcee par repercussion.

En absence de convention valable d'arbitrage, aucune sentence ne peut etrerendue valablement. Aucune sentence ne peut donc sortir ses effets ».

Cette decision est illegale.

L'arret n'a pas constate que la convention d'arbitrage n'etait pas valablemais uniquement qu'elle avait pris fin trois mois apres une prise endelibere intervenue le 11 fevrier 2010.

Une telle constatation ne saurait justifier l'annulation « parrepercussion », c'est-à-dire, par voie de consequence, des sentencesarbitrales anterieures à celle du 7 juillet 2010.

En effet, si l'annulation d'une decision entraine l'annulation desdecisions posterieures, elle laisse subsister les actes de procedureanterieurs, donc, en l'espece, les sentences arbitrales du 4 decembre2006 et du 15 juin 2009 ainsi que la mission d'expertise effectuee enexecution de la premiere de ces sentences.

Si la convention d'arbitrage prend fin de plein droit lorsque la sentence,à savoir celle du 7 juillet 2010, aurait, par hypothese - quod non - eterendue hors delai, elle ne prend fin que pour l'avenir, de sorte qu'elleetait encore en vigueur lorsque furent rendues les sentences du 4decembre 2006 et du 15 juin 2009.

Il suit de là qu'en considerant, de maniere implicite mais certaine, quela convention d'arbitrage avait pris fin retroactivement et en decidantque les sentences des 4 decembre 2006 et 15 juin 2009 n'avaient pu etrerendues valablement en l'absence de convention valable d'arbitrage,l'arret reconnait à l'article 1698.4 du Code judiciaire des effets qu'ilne comporte pas et viole, partant, ledit article 1698.4 ainsi que, parvoie de consequence, l'article 1704.2 et 4 du Code judiciaire.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Il ne ressort pas des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que lademanderesse ait fait valoir devant la cour d'appel que le proces-verbalde mise en delibere du 5 juillet 2010 avait une force probantecontraignante pour les parties à la procedure arbitrale ni qu'elle sesoit prevalu des articles 1319, 1320, 1322, 1323 et 1341 du Code civil.

Fonde sur des dispositions legales qui ne sont ni d'ordre public niimperatives, le moyen, qui, en cette branche, n'a pas ete soumis au jugedu fond et dont celui-ci ne s'est pas saisi de sa propre initiative etn'etait pas tenu de se saisir, est nouveau.

Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est deduit de la violation,vainement alleguee, des articles 1319, 1320, 1322, 1323 et 1341 du Codecivil.

Le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Quant à la deuxieme branche :

Le juge constate de maniere souveraine les faits qu'il considere commeetant des presomptions de l'homme et la loi abandonne aux lumieres et àla prudence du magistrat quelle consequence il en tire à titre depresomption grave, precise et concordante, à condition qu'il nemeconnaisse pas la notion legale de presomption.

Il n'est pas requis que ces presomptions se deduisent necessairementdesdits faits mais il suffit qu'elles puissent en resulter.

La Cour se borne à controler si le juge n'a pas viole la notion de «presomption de l'homme » et si, notamment, il n'a pas deduit des faitsconstates par lui des consequences qui ne seraient susceptibles, sur leurfondement, d'aucune justification.

En l'espece, l'existence d'un lien eventuel entre les faits constates parla cour d'appel et vises au moyen, en cette branche, et la consequencequ'elle en deduit, ne peut etre exclue.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

Il resulte des conclusions d'appel de la defenderesse que, contrairementà ce que soutient le moyen, en cette branche, celle-ci demandaitl'annulation de la sentence arbitrale litigieuse sur la base de l'article1704.2, a, du Code judiciaire.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

La consideration, vainement critiquee par le moyen, en cette branche, quela sentence doit etre annulee sur la base de l'article 1704.2, a, suffità fonder la decision de l'arret d'annuler cette sentence.

L'arret n'etait des lors pas tenu de repondre aux conclusions de lademanderesse faisant valoir que les causes d'annulation prevues par lesarticles 1704.2, c et d, du Code judiciaire ne pouvaient etre retenues envertu de l'article 1704.4 du meme code, ce moyen etant devenu sanspertinence en raison de sa decision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Pour le surplus, le moyen, qui est dirige, en cette branche, contre desconsiderations surabondantes de l'arret, ne saurait entrainer la cassationet est, des lors, comme le soutient la defenderesse, denue d'interet,partant, irrecevable.

Quant à la quatrieme branche :

En vertu de l'article 1698.4 du Code judiciaire, applicable au litige,lorsque les arbitres ont ete designes nommement dans la conventiond'arbitrage et que la sentence n'est pas rendue dans les delais fixes parles parties, la convention d'arbitrage prend fin de plein droit, à moinsque les parties n'en soient autrement convenues.

L'extinction de la convention d'arbitrage resultant de l'annulation de lasentence rendue apres l'expiration du delai fixe par les partiesn'entraine pas à elle seule la nullite des sentences regulierementrendues avant l'expiration dudit delai.

L'arret constate que la convention d'arbitrage prevoit que « l'arbitreprononcera sa sentence dans les trois mois de la mise en delibere » etqu'apres le prononce de deux premieres sentences, la cause a ete plaideeà l'audience du 11 fevrier 2010.

Il considere que la cause a ete mise en delibere à cette date et que,partant, la sentence rendue le 7 juillet 2010 l'a ete apres expiration dudelai fixe dans la convention d'arbitrage et annule cette sentence.

Il constate egalement que, par sentence du 4 decembre 2006, l'arbitre aordonne une mesure d'expertise et que, par sentence du 15 juin 2009, il aordonne une reouverture des debats.

Il considere que, l'arbitre ayant ete designe nommement pas les partiesdans la convention d'arbitrage, la « sanction de l'annulation [de lasentence du 7 juillet 2010] est que [cette] convention d'arbitrage prendfin de plein droit ».

L'arret, qui considere que, « dans la mesure ou la convention d'arbitrageprend fin, l'annulation des sentences du 4 decembre 2006 et du 15 juin2009 doit etre prononcee par repercussion », ne justifie pas legalementsa decision d'annuler ces deux sentences.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

La demanderesse a interet à ce que le present arret soit declare communà la partie appelee à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il annule les sentences arbitrales des

4 decembre 2006 et 15 juin 2009 ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Declare le present arret commun à F. G. ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne la demanderesse à la moitie des depens, reserve l'autre moitiepour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Les depens taxes à la somme de six cent trois euros deux centimes enversla partie demanderesse et à la somme de cent septante-trois eurossoixante-trois centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du dix janvier deux mille quatorze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+-----------+-------------|
| M. Delange | M. Regout | A. Fettweis |
+-------------------------------------------+

10 JANVIER 2014 C.13.0339.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0339.F
Date de la décision : 10/01/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-01-10;c.13.0339.f ?
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