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10/01/2014 | BELGIQUE | N°F.13.0049.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 janvier 2014, F.13.0049.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

3923



NDEG F.13.0049.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. P. C.,

2. L.-P. P.,

en leur qualite de curateurs à la faillite de la societe privee àresponsabilite limitee Sevima,

defendeurs en cassatio

n,

en presence de

BNP PARIBAS FORTIS, societe anonyme anciennement denommee Fortis Banque,dont le siege social est etabli...

Cour de cassation de Belgique

Arret

3923

NDEG F.13.0049.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. P. C.,

2. L.-P. P.,

en leur qualite de curateurs à la faillite de la societe privee àresponsabilite limitee Sevima,

defendeurs en cassation,

en presence de

BNP PARIBAS FORTIS, societe anonyme anciennement denommee Fortis Banque,dont le siege social est etabli à Bruxelles, Montagne du Parc, 3,

partie appelee en declaration d'arret commun,

representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 novembre2012 par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

Articles 68 et 72, alinea 3, de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites

Decisions et motifs critiques

La societe Sevima a fait aveu de faillite et le tribunal de commerce deLiege a, par un jugement du 10 avril 2006, prononce sa faillite et designeles defendeurs comme curateurs.

Le meme jugement a fixe la date du 24 mai 2006 pour le depot au greffe dupremier proces-verbal de verification des creances.

Le 24 avril 2006, [la partie appelee en declaration d'arret commun] adepose au greffe du tribunal de commerce de Liege une declaration decreance portant sur 9.611,08 euros et issue d'un contrat de credit decaisse (pour 6.626,74 euros) et d'un contrat de credit à temperament(pour 2.984,34 euros). En outre [elle a] reserve sa seconde creance à unmontant de 1,00 euro à titre provisionnel.

Le 8 mai 2006, le receveur de Liege 5 a depose une declaration de creanceconcernant uniquement du precompte professionnel pour un montant de9.795,73 euros.

Le 23 mai 2006, la curatelle accepte au passif chirographaire la creancede [la partie appelee en declaration d'arret commun] pour un montant de9.609,08 euros tandis que la creance de 1,00 euro provisionnel estreservee.

Le 2 juin 2006, le receveur de Liege 5 a depose une premier declarationcomplementaire concernant uniquement du precompte professionnel pour unmontant de 2.538,52 euros.

Le 22 fevrier 2007, le receveur de Liege 5 a effectue une secondedeclaration complementaire, concernant cette fois une taxe de circulation,pour un montant de 277,61 euros.

Le 25 avril 2007, [la partie appelee en declaration d'arret commun] adepose une declaration de creance complementaire à celle du 24 avril 2006en faisant etat de ce qu'elle « dispose de la surete personnelle suivantedans la faillite precitee : mise en gage par la faillie de toutes lescreances actuelles et futures que cette derniere possede ou possederaitvis-à-vis de la banque ou de tierces personnes en vertu de l'article 8des conditions generales d'ouverture de credit (...) ».

Par un courrier du 3 septembre 2008, la curatelle a fait parvenir unpremier projet de reddition des comptes dans le cadre duquel le receveurde Liege 5 devait percevoir un montant de 11.193,41 euros.

Par un nouveau courrier du 17 septembre 2008, la curatelle a fait savoirque le receveur de Liege 5 devait percevoir un montant de 5.622,10 eurosau motif que la creance de [la partie appelee en declaration d'arretcommun] devait etre payee par preference, ce creancier etant titulaire «d'un gage sur factures ».

La cour d'appel, par confirmation du jugement du premier juge rendu le 10mars 2010 par le tribunal de commerce de Liege, dit le contredit forme parle demandeur (precisement par le receveur de Liege 5) à l'audience du

28 octobre 2008 non fonde.

Apres avoir rappele les principes qui gouvernent les declarations decreances dans le cadre des faillites, l'evolution legislative etjurisprudentielle dans les termes suivants :

« Sous l'empire de la loi sur les faillites dans sa version applicableavant la loi du 6 decembre 2005, il est admis que `les effets del'admission d'une creance au passif de la faillite sont limites à ce quia ete declare, verifie et admis. Pour autant qu'il agisse dans le delaiprescrit par l'article 72, alinea 3, de la loi du 8 aout 1997 sur lesfaillites, le creancier qui a obtenu l'admission de sa creance au passifchirographaire peut ulterieurement faire reconnaitre par jugement un droitde preference' (Cass., 30 octobre 2008, JT, 2008, p. 680).

Ainsi, l'admission d'une creance chirographaire ne s'opposait pas à ceque le creancier revendique, comme en l'espece, le benefice ulterieurd'une surete pour autant que celui-ci agisse dans le delai alors de troisans et obtienne la reconnaissance par jugement. Les conditions ainsiposees tiennent au regime alors existant quant à la declaration descreances.

En effet :

- l'article 11 de la loi sur les faillites prevoyait que, par le jugementdeclaratif de faillite, `le tribunal de commerce (...) ordonne auxcreanciers du failli de faire au greffe la declaration de leurs creancesdans un delai qui ne peut exceder trente jours à compter du jugementdeclaratif de faillite (...)' ;

- l'article 62 rappelait encore que `(...) les creanciers sont tenus dedeposer au greffe du tribunal de commerce la declaration de leurs creancesavec leurs titres, au plus tard le jour indique par le jugement declaratifde faillite' ;

- l'article 72 de la loi envisageait le cas des defaillants qui n'avaientpas fait `de declaration et d'affirmation de leurs creances dans le delaifixe par le jugement declaratif de faillite' en prevoyant une sanction(ils ne sont pas compris dans les repartitions), mais en leur permettantneanmoins `d'agir en admission (...) jusqu'à l'assemblee visee àl'article 79' (article 72, alinea 2, de la loi) etant entendu que `ledroit d'agir en admission se prescrit par trois ans à dater du jugementdeclaratif' (article 72, alinea 3, de la loi), deux exceptions etantprevues `pour la creance constatee dans le cadre d'une action enintervention ou garantie, poursuivie ou intentee en cours de liquidation'et pour `la creance constatee pendant la liquidation par un autre tribunalque celui de la faillite'.

En d'autres termes, pendant le delai fixe dans le jugement declaratif defaillite qui est au maximum de 30 jours, le creancier procedait à ladeclaration de sa creance par un depot au greffe sans autre formalitetandis que, au-delà de ce delai, il devait agir en justice, par voie decitation ou de comparution volontaire, et obtenir une admission parjugement etant entendu que ce droit se prescrivait par 3 ans à partir dujugement declaratif de faillite »,

la cour d'appel s'interroge :

« Ce regime a-t-il ete remis en cause à la suite de la modification dela procedure de declaration et de verification des creances introduite parla loi du 6 decembre 2005, le present litige devant etre examine au regardde cette derniere legislation puisque la faillite de la societe Sevima aete declaree le

10 avril 2006 ? »

et decide :

« Une reponse positive doit etre apportee. En effet :

Certes, les articles 11 et 62 de la loi n'ont pas ete modifies sur ceplan, les creanciers ayant toujours l'obligation de declarer leur creancedans le delai prevu au jugement declaratif de faillite, mais `la nouvelleloi a cependant, au travers du mecanisme des proces-verbaux deverification successifs, introduit la faculte pour les creanciers dedeclarer leurs creances, sans autre formalite, au-delà de la date fixeedans le jugement de faillite (...) le nouvel article 68 de la loi sur lesfaillites dispose en son alinea 2 que les proces-verbaux de verificationcomplementaires reprennent, notamment, les creances qui ont ete deposeesau greffe depuis le precedent proces-verbal de verification. Eu egard aufait que les proces-verbaux de verification complementaires doivent etredeposes dans les seize mois suivant la date du depot du premierproces-verbal de verification, cet alinea implique que les creanciers sontautorises à declarer leurs creances jusqu'au depot du dernierproces-verbal de verification complementaire, c'est-à-dire bien apres ladate fixee par le jugement de faillite' (J. Siaens, Developpements enmatiere de faillite apres la loi du 4 septembre 2002, Annales de Droit deLouvain, 2006,

p. 277- 278). La declaration de creance par simple depot au greffe estdonc prolongee au-delà du strict delai prevu par le jugement declaratifde faillite.

Par ailleurs, `la loi du 6 decembre 2005 n'a pas modifie le principe selonlequel les creanciers retardataires doivent citer les curateurs enadmission de leur creance s'ils veulent pretendre à un quelconquedividende' mais alors qu'auparavant le delai pour introduire une action enadmission etait de trois ans, `la nouvelle loi a fortement reduit le delaide prescription de l'action en admission en prevoyant que celle-ci doitdesormais etre intentee avant la convocation à l'assemblee cloturant laliquidation et au plus tard dans un delai d'un an à dater du jugementdeclaratif de faillite' (J. Siaens, op. cit.

p. 278-279).

En raccourcissant le delai de 3 à 1 an, mais surtout en maintenant lepoint de depart de celui-ci à partir du jugement declaratif de faillite,le legislateur a fait naitre une `incoherence en autorisant, d'une part,la declaration de creance par simple depot au greffe endeans un delai del'ordre de dix-sept mois (nouvel article 68) et en limitant, d'autre part,le droit de citer le curateur en admission de sa creance à douze mois'(J. Siaens, op. cit.

p. 279).

La possibilite d'introduire une action en admission dans le delai d'un ansera `(...) denuee d'effets pratiques' (Th. Bosly et M. Alhadeff, Lesnouvelles regles applicables à la procedure de verification de creance encas de faillite, JT, 2005, p. 334 ; voir egalement F. T'Kint, La faillite,Repertoire notarial,

t. XII, livre 12, p. 331). Ainsi que le releve avec pertinence J. Siaens,`ce n'est que dans l'hypothese relativement theorique ou (i) la creancenon encore declaree etait contestee devant un autre tribunal que celui dela faillite (dans quel cas l'action en admission se prescrit commeauparavant par six mois à dater du jugement definitif passe en force dechose jugee) et (ii) cet autre tribunal rend son jugement definitif passeen force de chose jugee plus de onze mois apres le jugement de failliteque le texte legal actuel trouve à s'appliquer puisque ce n'est que danscette hypothese que l'action en admission ne sera pas prescrite avant ledelai endeans lequel il est permis de deposer sa declaration de creancesans autres formalites' (p. 279) ».

pour enfin conclure :

« En l'espece, puisque [la partie appelee en declaration d'arret commun] avait regulierement depose une declaration de creance complementaireconformement à la procedure simplifiee (article 68, alinea 2, de la loi),elle n'etait pas defaillante au sens de l'article 72, alinea 1er, de laloi et ne devait donc pas agir en admission par la voie judiciaire dansles conditions de l'article 72, alinea 3, de la loi ».

Griefs

La faillite de la societe Sevima a ete prononcee le 10 avril 2006. [Lapartie appelee en declaration d'arret commun] a effectue une premieredeclaration de creance le 24 avril 2006. Le premier proces-verbal deverification des creances clos et depose le 24 mai 2006 fait apparaitre lacreance de [la partie appelee en declaration d'arret commun] comme etantadmise, à titre chirographaire, pour un montant de 9.608,08 euros. Parailleurs une creance de 1,00 euro est reservee audit proces-verbal.

Posterieurement à l'expiration du delai d'admission d'un an prevu parl'article 72 de la loi du 8 aout 1997, [la partie appelee en declarationd'arret commun] a depose une declaration de creance complementaire àcelle du

24 avril 2006 en faisant etat de ce qu'elle « dispose de la suretepersonnelle suivante dans la faillite precitee : mise en gage par lafaillie de toutes les creances actuelles et futures que cette dernierepossede ou possederait vis-à-vis de la banque ou de tierces personnes envertu de l'article 8 des conditions generales d'ouverture de credit (...)».

La curatelle a admis l'opposabilite de la clause de gage sur les creanceset a, en consequence, modifie le proces-verbal de reddition des comptes.

Le demandeur a forme contredit et la troisieme chambre du tribunal decommerce de Liege a, par son jugement du 10 mars 2010, estime que,« lorsque le curateur n'a verifie que le quantum de la creance produite,ce qui est le cas en l'espece, le creancier qui s'avise ulterieurementpouvoir beneficier d'une clause de preference peut àmender' sadeclaration » et en consequence a declare le contredit non fonde et en adeboute le demandeur.

La Cour a, par son arret du 30 octobre 2008 (C.07.0402.F), dit pour droitque :

« Les effets de l'admission d'une creance au passif de la faillite sontlimites à ce qui a ete declare, verifie et admis.

Pour autant qu'il agisse dans le delai prescrit par l'article 72, alinea3, de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, le creancier qui a obtenul'admission de sa creance au passif chirographaire peut ulterieurementfaire reconnaitre par jugement un droit de preference ».

L'article 13, 3DEG, de la loi du 6 decembre 2005 modifiant la loi du 8aout 1997 sur les faillites a modifie l'article 72, alinea 3, de la loi du8 aout 1997 sur les faillites de sorte que cet alinea dispose : « Ledroit d'agir en admission se prescrit par un an à dater du jugementdeclaratif, sauf pour la creance constatee dans le cadre d'une action enintervention ou garantie, poursuivie ou intentee en cours de liquidation».

La cour d'appel ne pouvait, sans meconnaitre les dispositions visees aumoyen, confirmer le jugement du premier juge en considerant que « [lapartie appelee en declaration d'arret commun] avait regulierement deposeune declaration de creance complementaire conformement à la proceduresimplifiee (article 68, alinea 2, de la loi) ».

III. La decision de la Cour

Les effets de l'admission d'une creance au passif de la faillite sontlimites à ce qui a ete declare, verifie et admis.

Le creancier qui a obtenu l'admission de sa creance au passifchirographaire de la faillite peut ulterieurement faire admettre un droitde preference par le depot d'une declaration au greffe, pour autant que cedepot ait lieu avant celui du dernier proces-verbal de verificationcomplementaire prevu par l'article 68, alinea 2, de la loi du 8 aout 1997sur les faillites.

Le moyen, qui repose sur le soutenement contraire, manque en droit.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

Le rejet du pourvoi prive d'interet la demande en declaration d'arretcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent quatre-vingt-neuf eurosseptante-sept centimes envers la partie demanderesse et à la somme desept cent quarante euros soixante-cinq centimes envers la partie appeleeen declaration d'arret commun.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du dix janvier deux mille quatorze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+-----------+-------------|
| M. Delange | M. Regout | A. Fettweis |
+-------------------------------------------+

10 JANVIER 2014 F.13.0049.F/11


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.13.0049.F
Date de la décision : 10/01/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-01-10;f.13.0049.f ?
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