La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0380.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 février 2014, C.13.0380.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

150



NDEG C.13.0380.F

DEXIN, societe anonyme dont le siege social est etabli à Uccle, place Guyd'Arezzo, 4,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

C. A. d. H.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 janvier 2013par la cour d'a

ppel de Bruxelles.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de...

Cour de cassation de Belgique

Arret

150

NDEG C.13.0380.F

DEXIN, societe anonyme dont le siege social est etabli à Uccle, place Guyd'Arezzo, 4,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

C. A. d. H.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 janvier 2013par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Disposition legale violee

Article 292, alinea 2, du Code judiciaire

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que, le 22 novembre 2005, la demanderesse a vendu audefendeur une maison avec cave ; que, des le 15 decembre 2005, ledefendeur s'est plaint aupres de la demanderesse de l'existence de vicescaches et de la non-conformite de la cave delivree avec celle visee par lecompromis de vente ; que le 5 juillet 2006, le defendeur a cite lademanderesse en paiement d'une somme de 25.000 euros à titre de dommageset interets pour vices caches et de 2.500 euros pour compenser la presencede debris dans la cave ; qu'il demandait egalement la designation d'unexpert ; que cette mesure ne lui ayant pas ete accordee à l'audienced'introduction, le defendeur a cite la demanderesse en refere ; que, parordonnance du 23 aout 2006, le president du tribunal de premiere instancede Bruxelles siegeant en refere a designe un expert ; que l'appel formepar la demanderesse contre cette decision a ete declare non fonde par unarret de cette cour du 7 mars 2007 ; que le rapport de l'expert a etedepose le 21 aout (lire : 15 octobre) 2007,

l'arret attaque, par confirmation du jugement du premier juge, condamne lademanderesse à payer au defendeur les sommes de 14.675,43 euros enindemnisation des vices caches de l'immeuble vendu, 7.500 euros enindemnisation des troubles de jouissance resultant de ces vices et 7.500euros en raison de la non-conformite de la cave vendue, lesdites sommesetant augmentees d'interets et condamne la demanderesse aux depens desdeux instances, outre ceux de la procedure en refere et les fraisd'expertise.

Griefs

Aux termes de l'article 292, alinea 2, du Code judiciaire, « est nulle ladecision rendue par un juge qui a precedemment connu de la cause dansl'exercice d'une autre fonction judiciaire ». Pour determiner si un jugea connu de la cause dans une autre fonction judiciaire, il faut examiners'il a anterieurement connu du meme litige, de la meme contestation : lejuge qui s'est prononce anterieurement sur la solution du litige ou de lacontestation perd en effet l'aptitude à juger la cause de maniereimpartiale.

En l'espece, l'arret attaque doit etre annule par application de cettedisposition pour deux raisons.

(1) L'arret de la cour d'appel de Bruxelles du 7 mars 2007 (deuxiemechambre, RG nDEG 2006/KR/358) statuant en degre d'appel sur la demande dedesignation d'un expert judiciaire formee par le defendeur devant le jugedes referes, a ete prononce par un siege comprenant le conseiller V. d. S.Dans cet arret, la cour d'appel s'est prononcee sur la question de laperte de jouissance du bien invoquee par le defendeur dans les termessuivants : « Au moment de l'introduction de la procedure en refere (soitle 31 juillet 2006), le [defendeur] n'avait toujours pas la jouissancenormale du bien acquis en raison des desordres dont il se plaignait,affectant la solidite et la salubrite du batiment. Il etait urgentd'obtenir la designation d'un expert afin de proceder au constatcontradictoire des vices, de determiner les moyens d'y remedier et deliberer les lieux ». Or, dans l'instance au fond, devant la courd'appel, le defendeur demandait une indemnite de 7.500 euros pour letrouble de jouissance qui l'avait empeche, pendant cinq mois, du 1erjanvier au 31 mai 2006, de louer son immeuble. La demanderesse contestaitcette demande. Par l'arret attaque, rendu par un siege comprenantegalement le conseiller V. d. S., la cour d'appel a tranche lacontestation en admettant l'existence d'un trouble de jouissance durantla periode precitee, soit la periode anterieure à l'introduction de laprocedure en refere.

L'arret attaque est des lors nul en vertu de l'article 292, alinea 2, du Code judiciaire, pour avoir ete rendu par un siege comprenant unconseiller qui avait dejà connu du litige relatif à l'existence d'untrouble de jouissance avant le 31 juillet 2006, dans l'exercice d'uneautre fonction judiciaire.

(2) L'ordonnance de refere du 23 aout 2006 du president du tribunal de premiere instance de Bruxelles (nDEG 2006/1205/C du role des referes),ordonnant la designation d'un expert judiciaire, a ete prononcee par lejuge T. Cette ordonnance de refere contient les motifs suivants « quantau

fondement » : « La [demanderesse] objecte que l'acte de vente prevoitune clause exoneratoire de responsabilite pour vices apparents et caches ; [...] il n'est pas conteste que la [demanderesse] est un marchand debiens en maniere telle qu'elle n'est pas fondee à invoquer la clauseexoneratoire de responsabilite contenue dans le contrat ». Or, dansl'instance au fond, devant le tribunal de premiere instance de Bruxelles,la demanderesse se defendait de l'action dirigee contre elle en seprevalant de la clause exoneratoire de responsabilite contenue dans l'actede vente. Pour statuer sur la contestation, le tribunal de premiereinstance de Bruxelles, statuant au fond, devait donc aussi se prononcersur la possibilite pour la demanderesse d'invoquer utilement laditeclause. Le jugement au fond du tribunal de premiere instance du 22 juin2010, egalement rendu par le juge T., tranche la question par lanegative, au motif, en substance, que la demanderesse est un vendeurprofessionnel (une agence immobiliere) qui est presume connaitre le vicecache de la chose qu'il vend.

Ce jugement est donc nul pour avoir ete rendu, en violation de l'article 292, alinea 2, du Code judiciaire, par un juge qui a precedemment connu dela meme contestation dans l'exercice d'une autre fonction judiciaire. Aulieu d'annuler ledit jugement, l'arret attaque l'a confirme sauf en cequi concerne les depens, et s'est approprie sa nullite en adoptant enpartie ses motifs, pour ce qui concerne le resume des faits et lesantecedents de la cause et egalement pour ce qui concerne la clause exoneratoire dont se prevalait la demanderesse. L'arret attaque est deslors egalement nul.

Second moyen (subsidiaire)

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- article 1315 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que le 22 novembre 2005, la demanderesse a vendu audefendeur une maison avec cave ; que, des le 15 decembre 2005, ledefendeur s'est plaint aupres de la demanderesse de la non-conformite dela cave delivree avec celle visee par le compromis de vente,

l'arret condamne, par confirmation de la decision du premier juge, lademanderesse à payer au defendeur la somme de 7.500 euros augmenteed'interets, à titre d'indemnisation du dommage resultant de cettenon-conformite, et condamne la demanderesse aux depens des deux instances.

L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :

« L'indemnite allouee par le premier juge a ete correctement fixee. La [demanderesse] reste en defaut d'etablir que la cave effectivement vendue[au defendeur] - la cave 'C2'- etait d'une contenance identique à cellequi lui avait ete promise - la 'C5'- alors que [le defendeur] a toujoursaffirme le contraire et qu'il ne possede pas les plans de l'immeuble ».

Griefs

Dans ses conclusions d'appel, la demanderesse avait fait valoir, quant àl'indemnisation du prejudice resultant de la non-conformite de la chosevendue, que le premier juge avait alloue au defendeur « le montantreclame de 7.700 euros (lire : 7.500 euros) en l'absence de toutejustification par le [defendeur] ; celui-ci n'en donne pas plus en degred'appel, se bornant à constater que la cave C2 est plus petite que lacave C5 d'un millieme d'indivis (sic), ce qui n'a aucun sens puisque lesmilliemes d'indivis ne sont qu'un mode de repartition des charges ; sil'on devait evaluer la valeur de ce millieme à 7.500 euros, celareviendrait à donner une valeur de 7.500.000 euros à l'ensemble alorsque le [defendeur] a acquis son bien pour 270.000 euros ».

L'arret ne rencontre pas ce moyen de sorte qu'il n'est pas regulierementmotive (violation de l'article 149 de la Constitution).

De plus, en condamnant la demanderesse à payer au defendeur l'indemnitereclamee par celui-ci parce que la demanderesse « reste en defaut d'etablir que la cave effectivement vendue [...] etait d'une contenanceidentique à celle qui [...] avait ete promise », l'arret met à chargede la demanderesse, qui se defendait contre la demande formee contreelle, la preuve de l'absence de prejudice resultant de la substitutiondes caves ou à tout le moins la preuve que le prejudice n'a pasl'etendue que le defendeur lui pretait. L'arret intervertit ainsi illegalement la charge de la preuve et viole l'article 1315 du Code civil.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Aux termes de l'article 292, alinea 2, du Code judiciaire, est nulle ladecision rendue par un juge qui a precedemment connu de la cause dansl'exercice d'une autre fonction judiciaire.

Il ressort des mentions des arrets du 7 mars 2007 et du 28 janvier 2013que ces deux arrets ont ete rendus par deux chambres de la meme courd'appel, au sein desquelles siegeait monsieur V. d. S., conseiller àcette cour d'appel.

L'arret du 28 janvier 2013 n'a pas ete rendu par un juge qui exerc,ait, ausens de l'article 292, alinea 2, du Code judiciaire, une autre fonctionjudiciaire que lorsqu'il a rendu celui du 7 mars 2007.

Il ressort des mentions de l'ordonnance du 23 aout 2006 et du jugement du22 juin 2010 que ces deux decisions ont ete rendues au meme degre dejuridiction par le meme juge du meme tribunal de premiere instance.

Le jugement du 22 juin 2010 n'a pas ete rendu par un juge qui exerc,ait,au sens de l'article 292, alinea 2, du Code judiciaire, une autre fonctionjudiciaire que lorsqu'il a rendu l'ordonnance du 23 aout 2006.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

Par aucune consideration, l'arret ne repond aux conclusions de lademanderesse, visees au moyen, contestant l'evaluation faite par ledefendeur du prejudice resultant de la difference de contenance entre lacave vendue et celle mentionnee au compromis de vente.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur la demande d'indemnisationdu defendeur pour non-conformite de la cave et sur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne la demanderesse à la moitie des depens, reserve l'autre moitiepour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Les depens taxes à la somme de six cent trente-cinq euros quarante-quatrecentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt-huit fevrier deux mille quatorzepar le president de section Albert Fettweis, en presence de l'avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | A. Fettweis |
+----------------------------------------------+

28 FEVRIER 2014 C.13.0380.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0380.F
Date de la décision : 28/02/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-02-28;c.13.0380.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award