La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2014 | BELGIQUE | N°S.12.0110.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mars 2014, S.12.0110.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

4269



NDEG S.12.0110.F

M. M.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ALLART MOTOR, societe privee à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Marche-en-Famenne (Aye), rue Andre Feher, 9,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet e

st etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le po...

Cour de cassation de Belgique

Arret

4269

NDEG S.12.0110.F

M. M.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

ALLART MOTOR, societe privee à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Marche-en-Famenne (Aye), rue Andre Feher, 9,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 mars 2012par la cour du travail de Liege, section de Neufchateau.

Le 16 janvier 2014, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 32nonies et 32tredecies de la loi du 4 aout 1996 relative aubien-etre des travailleurs lors de l'execution de leur travail, dans laversion introduite par la loi du 11 juin 2002 relative à la protectioncontre la violence et le harcelement moral ou sexuel au travail et avantleur remplacement par la loi du 10 janvier 2007 modifiant plusieursdispositions relatives au bien-etre des travailleurs lors de l'executionde leur travail, dont celles relatives à la protection contre la violence et le harcelement moral ou sexuel au travail ;

- articles 12 à 14 de l'arrete royal du 11 juillet 2002 relatif à laprotection contre la violence et le harcelement moral ou sexuel autravail, avant son abrogation par l'arrete royal du 17 mai 2007 relatif à la prevention de la charge psychosociale occasionnee par le travail,dont la violence, le harcelement moral ou sexuel au travail ;

- articles 766, alinea 1er, 767, S: 3, alinea 2, et 774, alinea 2, du Codejudiciaire ;

- article 149 de la Constitution ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret reforme le jugement entrepris en ce qu'il condamne la defenderesse au paiement d'une indemnite de protection sur la base del'article 32tredecies de la loi du 4 aout 1996 et dit pour droit que ledemandeur ne jouissait pas de la protection visee par cette dispositionà la date de son licenciement, le 27 mars 2007, par tous ses motifsconsideres ici comme integralement reproduits et plus specialement auxmotifs que :

« Cette loi est d'ordre public et, vu le caractere derogatoire au droitcommun de la protection mise en oeuvre par l'article 32tredecies de laloi du 4 aout 1996, il y a lieu de l'interpreter en veillant à unestricte application du formalisme prevu.

Il resulte du paragraphe 1er de l'article 32tredecies - avant samodification par la legislation de 2007 - qu'il faut identifier troiscirconstances distinctes pour determiner le moment exact à partir duqueldebute la protection, à savoir :

- soit dans le cadre d'une procedure interne, le conseiller en preventiona l'obligation, en vertu de l'article 32tredecies, S: 6, d'informerimmediatement l'employeur du depot d'une plainte motivee. C'est à partirde ce moment que le travailleur sera protege ;

- si une plainte a ete deposee aupres de l'inspection medicale,l'employeur n'en sera en principe pas informe puisque la loi du 16novembre 1972 sur l'inspection du travail garantit l'anonymat absolu de chaque plainte, sauf renonciation expresse. Il appartient au travailleurd'en informer l'employeur s'il souhaite beneficier de la protection ;

- si l'affaire est introduite devant les juridictions du travail, laprotection commencera à courir à la date de la notification de l'actepar lequel la juridiction est saisie.

Lorsque l'on se trouve dans le cadre d'une procedure interne, le devoir d'information incombe legalement au conseiller en prevention. Il s'ensuitque l'information donnee par une autre personne que celle qui estexpressement designee par le legislateur releve d'une initiative qui nepeut se substituer aux exigences de la legislation.

Cette interpretation relative au point de depart de la protection est confirmee par :

- les travaux preparatoires : `Enfin, il est defini à partir de quelmoment la protection du travailleur commence à courir. Lorsqu'il s'agitd'une procedure de plainte interne à l'entreprise, le conseiller enprevention qui mene l'enquete doit immediatement informer l'employeur dufait que le travailleur jouit d'une protection specifique. Cela vaut tantpour la personne qui introduit une plainte que pour les temoins. Lorsqu'ils'agit d'une plainte aupres de l'inspection, l'employeur ne peut pas enetre informe : cela serait contraire à la loi du 16 novembre 1972 surl'inspection du travail. En effet, cette loi garantit l'anonymat absolude chaque plainte, principe auquel il ne peut etre deroge. Dans ce cas, letravailleur devra eventuellement lui-meme avertir l'employeur. Lorsquel'affaire est introduite devant le tribunal, la protection commenceraevidemment à la date de la notification de l'acte par lequel la juridiction competente est saisie. La protection prend fin des que lesprocedures sont totalement terminees' ;

- par la doctrine : ainsi, S. van Wassenhove et P. Brasseur affirment : `Le conseiller en prevention est charge d'informer immediatementl'employeur du fait que le travailleur beneficie de la protection,lorsqu'une procedure sur la base d'une plainte motivee est entamee auniveau de l'entreprise ou de l'institution. C'est à ce moment-làseulement que la protection du travailleur commence à courir' ;

J.-P. Cordier confirme : `Dans le cas d'une procedure interne, leconseiller en prevention a l'obligation, en vertu de l'article 32tredecies, S: 6, d'informer immediatement l'employeur du depot d'uneplainte motivee. C'est donc à partir de ce moment que le travailleursera protege' ;

- par la jurisprudence de la cour du travail de Liege, qui, dans un arrettres recent, a rappele l'ensemble des principes enonces et a trespertinemment souligne, quant au point de depart de la protection, ladifference entre le regime legal instaure par la loi du 4 aout 1996 etcelui qui a ete mis en oeuvre à la suite de la reforme legislative de2007 : `Il n'est pas anodin de subordonner la protection à un devoird'information, donc à son accomplissement et à la realisation del'objectif d'information poursuivi. Le paragraphe 6 de l'article32tredecies, avant sa modification par l'article 13 de la loi du 10 janvier 2007, prend pour critere l'information de l'employeur àl'initiative du conseiller en prevention. C'est donc le critere del'information de l'employeur ; or, ce critere ne s'accommode pas d'uneanticipation : soit l'employeur est informe, soit il ne pouvait l'etre. Ilne peut l'etre tant qu'il ne rec,oit pas l'information. Cette stricteapplication du paragraphe 6 de l'article 32undecies ne repose sur aucuneinterpretation ; elle a l'avantage d'etablir un systeme coherent etverifiable, compatible avec le debut de la periode de protection dans lesdeux cas suivants : - soit la plainte est adressee aupres de l'inspectionmedicale : la protection ne debute pas aussi longtemps que l'employeurn'est pas informe du depot de la plainte ; - soit lorsque l'affaire estintroduite devant le tribunal, puisque, en ce cas, la protectioncommencera à courir « evidemment » à la date de la notification del'acte par lequel la juridiction competente est saisie, ce qui doit secomprendre comme le moment de la signification de la citation àl'employeur. La coherence de cette regle faisant dependre le debut de laprotection de l'information rec,ue par l'employeur, qui a doncconnaissance de la plainte ou peut avoir connaissance de la plainte,presente l'avantage d'eviter des regimes de protection distincts selon lemode de protection adopte par le travailleur, ce qui echappe totalementà l'employeur. Depuis le 10 janvier 2007, l'article 32tredecies de laloi fait egalement dependre la protection d'un seul critere qui estl'introduction de la plainte, donc un mecanisme unique ayant pourconsequence une periode occulte de protection'.

La cour [du travail] partage totalement ce point de vue qui exclut l'interpretation [du demandeur] selon laquelle le texte de loi ancien(regime 1996) est clair et prevoit que le point de depart est le depot dela plainte.

Les dates suivantes sont determinantes pour fixer le point de depart de laprotection :

- le 23 mars 2007 : lettre de Maitre H. adressee au CESI ; [ladefenderesse] souligne à juste titre que le CESI parle de cette lettrecomme d'une prise de contact avec le CESI et non comme d'une plainte.Dans l'accuse de reception adresse par le CESI [au demandeur] le 23 mars2007, il est indique mot pour mot : `La lettre de votre conseil, datee du20 mars 2007, decrivant une situation professionnelle preoccupante etm'informant de votre souhait de deposer en urgence une plainte formellepour harcelement moral, a bien ete receptionnee ce jour au CESI. Vous trouverez ci-joint le document vous permettant de deposer plainte dans lecadre de la loi du 11 juin 2002' ;

- le 26 mars 2007 : licenciement [du demandeur] ;

- le 27 mars 2007 : depot de la plainte motivee par [le demandeur]conformement aux regles appliquees par le CESI. Il convient de releverque (le demandeur) a date sa plainte du 26 mars 2007 en contradictionavec [le rapport du CESI] qui porte la date correcte mentionnee par leconseiller en prevention et est signee par ce conseiller. Elle renvoieaussi au rapport du CESI qui stipule : `Il s'agit d'une plainte formellepour harcelement moral deposee au CESI le 27 mars 2007'.

Il resulte de ces circonstances que [le demandeur] ne beneficie pas de la protection legale au motif que le licenciement a ete decide par [ladefenderesse] avant qu'elle ne soit informee du depot de la plainte parle conseiller en prevention, conformement au paragraphe 6 de l'article32tredecies de la loi du 4 aout 1996.

Le jugement entrepris est des lors reforme en cela qu'il a condamne l'employeur au paiement d'une indemnite de six mois de remuneration, soit 20.083,50 euros ».

Griefs

Premiere branche

En vertu de l'article 32nonies de la loi du 4 aout 1996, dans la versionvisee au moyen, le travailleur qui s'estime victime d'actes de violenceou de harcelement moral ou sexuel au travail peut s'adresser auconseiller en prevention et deposer une plainte motivee aupres de ce conseiller selon les conditions et modalites fixees en application del'article 32quater, S: 2, de cette loi. L'article 32tredecies, S: 1er,de la meme loi interdit à l'employeur de mettre fin à la relation detravail, sauf pour des motifs etrangers à la plainte, des le depot d'uneplainte motivee au niveau de l'entreprise ou de l'institution selon lesprocedures en vigueur.

En vertu du paragraphe 2 de cette derniere disposition, l'employeur a lacharge de la preuve des motifs etrangers à la plainte des le depot decelle-ci et dans les douze mois qui suivent.

Il se deduit de ces dispositions que le passage de la procedure informelleà la procedure formelle et, partant, le point de depart de la protectioncontre le licenciement s'opere par le depot aupres du conseiller enprevention d'une plainte motivee, à savoir une plainte marquant la volonte du travailleur qu'une procedure formelle soit engagee et quidecrit avec suffisamment de precision les faits, l'identite de lapersonne mise en cause et les moments et endroits ou les faits se sontderoules ; cette exigence est motivee par le fait que cette plainte opereun renversement de la charge de la preuve des motifs du licenciement.

L'obligation faite au conseiller en prevention par le paragraphe 6 de cetarticle 32tredecies n'a pas pour portee de definir à partir de quelmoment le travailleur est protege contre un licenciement mais uniquementde mettre à charge du conseiller en prevention une obligation d'information immediate de l'employeur que le travailleur beneficie de laprotection.

L'arret, qui decide que la protection legale ne debute qu'à partir du moment ou l'employeur est informe du depot de la plainte, viole, partant,les articles 32nonies et 32tredecies (specialement S:S: 1er, 2 et 6) dela loi du 4 aout 1996 dans leur version visee au moyen. Par voie deconsequence, en deboutant le demandeur de son action fondee sur l'article32tredecies, S: 5, de la loi, qui accorde au travailleur qui n'a pasdemande sa reintegration une indemnite de protection lorsque la juridiction competente a considere comme etablis les faits de violence oude harcelement moral ou sexuel au travail, sans examiner si lesdits faitssont etablis, l'arret viole l'article 32tredecies, S: 5.

Deuxieme branche

Dans ses troisiemes conclusions additionnelles et de synthese d'appel, le demandeur concluait qu'il avait adresse, « par l'intermediaire de sonprecedent conseil, une plainte motivee pour harcelement dans le cadre dela loi du 11 juin 2002 en date du 20 mars 2007 et avait informel'employeur du depot de cette plainte par courrier et telecopie du 23 mars2007 » ; « qu'il avait adresse une plainte pour harcelement moral auCESI le 20 mars 2007 ; que le CESI a accuse reception de cette plaintepar lettre du 23 mars 2007 en invitant [le demandeur] à completer unformulaire pour deposer une `plainte formelle' », « que le licenciementest donc posterieur au depot de plainte du [demandeur] aupres du CESI du20 mars 2007 ».

Repondant au premier avis du ministere public qui avait souligne que, pourdeterminer ce qu'il faut entendre par plainte motivee selon les proceduresen vigueur, il fallait s'en referer au reglement de travail et avaitsuggere à la cour [du travail] d'ordonner une reouverture des debats pourpermettre aux parties de deposer ce reglement susceptible de donner desindications sur le moment ou prenait cours la protection, le demandeur a,dans ses conclusions en replique, soutenu qu'il avait adresse au CESI le20 mars 2007 une plainte « parfaitement valable qui a fait naitre laprotection legale » et « que le CESI a accuse reception de cetteplainte par lettre du 23 mars 2007 en invitant le [demandeur] àcompleter un formulaire pour deposer une plainte formelle [...] ; que lelicenciement est donc bel et bien posterieur au depot de la plainte [dudemandeur] aupres du CESI, plainte datee du 20 mars 2007 ».

Dans ses conclusions en replique au second avis du ministere public, le demandeur a conclu « qu'il ressortait de la piece 6 de son dossier que leCESI a accuse reception le 23 mars 2006 d'une plainte circonstancieedatee du 20 mars 2006 [du demandeur] par le biais de son precedentconseil. Si le CESI a ensuite demande [au demandeur] de remplir undocument-type qui devait etre communique à l'employeur, cela ne peutavoir pour effet de considerer que la plainte ne serait deposee quelorsque ce document a ete rempli par [le demandeur] et contresigne par leCESI. Il s'agit d'une pratique administrative qui ne peut avoir pour effetde modifier ce qui est prevu par la loi. L'article 12 de l'arrete royaldu 11 juillet 2002 auquel se refere d'ailleurs l'avocat general dans sonavis prevoit uniquement que `le conseiller en prevention competent rec,oitsur demande formelle de la victime la plainte motivee'. En l'espece leCESI a rec,u cette plainte formelle des le 20 mars 2006, comme il ressortde son accuse de reception du 23 mars 2006. La plainte est doncanterieure au licenciement ».

La loi du 4 aout 1996, et plus particulierement ses articles 32nonies,S: 1er, et 32tredecies, n'a pas defini la notion de « plainte motivee »constituant le point de depart de la protection contre le licenciement.

L'arrete royal du 11 juillet 2001, et plus particulierement ses articles10 à 14, n'a pas impose l'utilisation d'un formulaire precis pour qu'uneplainte soit consideree comme motivee. Il appartient au conseiller enprevention de recevoir la plainte motivee (article 12). Il lui revientensuite de l'inscrire dans un document date comprenant les declarations dela victime et des temoins (article 13). Il doit envoyer copie de cedocument à l'employeur (article 14).

Il s'en deduit qu'en cas de contestation judiciaire sur la date de depotd'une plainte motivee, il appartient aux juridictions du travail, sous lecontrole de la Cour, de determiner si le document - dont il est soutenupar le travailleur qu'il s'analyse comme une plainte motivee - repond àcette notion, en verifiant, eu egard au contenu dudit document, sicelui-ci marque la volonte du plaignant qu'une procedure formelle soitengagee, decrit avec suffisamment de precision les faits, l'identite dela personne mise en cause et les moments et endroits ou les faits se sontderoules. Le juge ne peut s'abstenir de proceder à cette verification aumotif que le conseiller en prevention n'a pas analyse ce document comme« une plainte » mais comme « une prise de contact », qu'il arenvoye au travailleur un document lui « permettant de deposer plaintedans le cadre de la loi de juin 2002 » et a considere n'avoir rec,u uneplainte formelle qu'apres la reception de ce second document.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il fonde sa decision de debouterle demandeur de son action en paiement de l'indemnite de protection surce que la lettre adressee au CESI le 20 mars 2007 n'a pas ete considereepar le destinataire comme une plainte formelle au sens de la loi du 11juin 2002 et n'a pu, partant, constituer le point de depart de laprotection legale, l'arret, qui n'examine pas si ce documentcorrespondait aux exigences legales permettant de le qualifier de plaintemotivee, meconnait son obligation de determiner si ledit document aemporte la protection legale contre le licenciement. Il met ainsi la Courdans l'impossibilite de verifier si celui-ci correspondait aux exigenceslegales pour etre le point de depart de la protection (violation del'article 149 de la Constitution) et viole les articles 32nonies et32tredecies (specialement S:S: 1er, 2 et 5) de la loi du 4 aout 1996 et 10à 14 de l'arrete royal du 11 juillet 2002.

Troisieme branche

Il ressort des pieces de la procedure qu'avant les conclusions en repliqueà l'avis du ministere public, la defenderesse n'a pas conclu sur lalettre adressee le 20 mars 2007 au CESI au regard de la notion de plaintemotivee.

C'est dans ses conclusions en replique au second avis de l'avocat generaldu travail, datees du 28 fevrier 2012, que la defenderesse a conclu :« Le CESI parle de cette lettre comme d'une `prise de contact' avec luiet non comme d'une plainte. Dans l'accuse de reception adresse par leCESI à [la defenderesse] le 23 mars 2007, il est indique mot pour mot :`la lettre de votre conseil datee du 20 mars 2001, decrivant unesituation professionnelle preoccupante et m'informant de votre souhait de deposer en urgence une plainte formelle [...] pour harcelement moral, abien ete receptionnee ce jour au CESI. Vous trouverez ci-joint ledocument vous permettant de deposer plainte [...] dans le cadre de laloi du 11 juin 2002' ».

La faculte qui est offerte aux parties par les articles 766, alinea 1er,et 767, S: 3, alinea 2, du Code judiciaire de deposer au greffe, apresque le juge a prononce la cloture des debats et que le ministere public adonne son avis, des conclusions portant exclusivement sur le contenu decet avis, n'emporte aucune derogation à l'application par le juge del'article 774, alinea 2, du Code judiciaire en vertu duquel le juge esttenu d'ordonner la reouverture des debats avant de rejeter la demande entout ou en partie sur une exception que les parties n'avaient pas invoqueedevant lui.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il fonde sa decision de debouterle demandeur de son action en paiement de l'indemnite de protection surce que la lettre adressee au CESI le 20 mars 2007 n'a pas ete considereepar cet organisme comme une plainte formelle au sens de la loi du 11 juin2002 et n'a pu, partant, constituer le point de depart de la protectionlegale, l'arret, qui n'ordonne pas la reouverture des debats pourpermettre aux parties de conclure sur l'analyse par le CESI de la lettredu 20 mars 2007 et son incidence au regard des devoirs du juge, viole lesarticles 766, alinea 1er, 767, S: 3, alinea 2, et 774, alinea 2, du Code judiciaire.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Aux termes de l'article 32tredecies, S: 1er, de la loi du 4 aout 1996relative au bien-etre des travailleurs lors de l'execution de leurtravail, dans sa version applicable aux faits, l'employeur qui occupe untravailleur qui a depose une plainte soit au niveau de l'entreprise ou del'institution qui l'occupe, selon les procedures en vigueur, soit aupresdes fonctionnaires charges de la surveillance ou pour lequel cesfonctionnaires sont intervenus, ou qui intente ou pour lequel est intenteeune action en justice tendant à faire respecter les dispositions duchapitre dans lequel cet article est insere, ne peut mettre fin à larelation de travail ni modifier unilateralement les conditions de travail,sauf pour des motifs etrangers à cette plainte ou à cette action.

En vertu de l'article 32tredecies, S: 6, de la meme loi, le conseiller enprevention informe immediatement l'employeur du fait que le travailleurbeneficie de la protection visee par cet article, lorsqu'une procedure surla base d'une plainte motivee est entamee au niveau de l'entreprise ou del'institution.

Aux termes de l'article 14 de l'arrete royal du 11 juillet 2002 relatif àla protection contre la violence et le harcelement moral ou sexuel autravail, dans sa version applicable aux faits, des qu'une plainte estdeposee, le conseiller en prevention competent avise l'employeur en luicommuniquant une copie du document vise à l'article 13 et en l'invitantà prendre des mesures adequates.

Il ressort de ces dispositions que la protection du travailleur commenceau moment ou l'employeur est informe du depot de la plainte motivee aupresdu conseiller en prevention.

Le moyen qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Quant aux deuxieme et troisieme branches reunies :

Le motif de l'arret que « [le demandeur] ne beneficie pas de laprotection legale, au motif que le licenciement a ete decide par la[defenderesse] avant qu'elle ne soit informee du depot de la plainte parle conseiller en prevention », suffit à justifier sa decision dedebouter le demandeur de sa demande d'indemnite.

Le moyen, qui, en ces branches, ne saurait entrainer la cassation, estdenue d'interet, partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de cent vingt-cinq euros seize centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de trois cent dix-neuf eurosseptante-six centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, et prononce en audiencepublique du trois mars deux mille quatorze par le president ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

3 MARS 2014 S.12.0110.F/13


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.12.0110.F
Date de la décision : 03/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-03-03;s.12.0110.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award