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31/03/2014 | BELGIQUE | N°S.13.0113.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 mars 2014, S.13.0113.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

030 04



NDEG S.13.0113.F

VIVIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àSaint-Josse-ten-Noode, rue Royale, 152,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,

contre

B. S.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 avril 2012par la cour du tr

avail de Liege, section de Neufchateau.

Le 5 mars 2014, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au g...

Cour de cassation de Belgique

Arret

030 04

NDEG S.13.0113.F

VIVIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àSaint-Josse-ten-Noode, rue Royale, 152,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Gand, Drie Koningenstraat, 3, ouil est fait election de domicile,

contre

B. S.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 avril 2012par la cour du travail de Liege, section de Neufchateau.

Le 5 mars 2014, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president Christian Storck a fait rapport et l'avocat general Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Disposition legale violee

Article 8, S: 1er, alineas 1er et 2, de la loi du 10 avril 1971 sur lesaccidents du travail

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel fonde et, reformant le jugement entrepris, ditpour droit que le defendeur a ete victime d'un accident sur le chemin dutravail le 23 juin 2009, par tous ses motifs, reputes ici integralementreproduits, en particulier par les considerations suivantes :

« Il resulte de l'examen des pieces que :

1. le trajet effectue par [le defendeur] a ete le trajet normal entre lelieu de travail, situe à B., et son domicile, situe à M. II n'existeaucune contestation sur le fait que le trajet etait le trajet normal etque celui-ci a ete execute sans la moindre interruption ou detour àpartir du moment ou [le defendeur] a quitte le lieu de son travail,

2. [le defendeur] a pointe à 14 heures 15 et l'accident a eu lieu à 16 heures 15, soit deux heures apres le pointage, alors que le trajet nedoit durer, en principe, qu'une vingtaine de minutes,

3. [le defendeur] est reste dans les locaux de son employeur avec uncollegue pour effectuer une decoupe à des fins privees en utilisant lesinstallations de l'employeur ;

La [cour du travail] considere

- que, des 14 heures 15, [le defendeur] ne se trouvait plus sousl'autorite de l'employeur,

- que [le defendeur] est reste sur les lieux de travail, en l'absence detoute autorite de l'employeur, pour rendre service à un collegue, àsavoir decouper de la viande à des fins privees,

- qu'il s'agit là d'une cause legitime de retarder son depart. En effet,aider un collegue constitue une attitude qui se trouve en relationetroite avec l'execution du contrat de travail. Dans le cadre de bonnesrelations de travail, une telle attitude est d'autant plus normale quel'employeur autorise son personnel à utiliser ses installations à desfins privees ;

La preuve de ce fait resulte à suffisance de la declaration del'employeur et du [travailleur] qui a realise la decoupe à des finsprivees dans les locaux de la societe : `Je soussigne [employeur] declarepar la presente que, le 23 juin 2009, (date de l'accident), [le defendeur]se trouvait en mon etablissement jusqu' à environ un peu avant 16heures. En effet, bien qu'il ait pointe à 14 heures 16, il aidait uncopain de travail [...] à effectuer de la decoupe à des fins privees enprofitant de mes installations. Ceci explique pourquoi il a quitte leslieux plus tard' ;

Le fait que l'employeur participe passivement à cette entraide justified'autant plus le caractere legitime du motif invoque par le travailleurpour justifier le fait qu'il soit reste sur les lieux du travail pendantplus ou moins une heure et demie apres la fin des prestations de travailsous l'autorite de l'employeur ;

Le trajet a ete entame immediatement apres que les deux collegues ont eutermine la decoupe dans les locaux de l'employeur ;

L'accident survenu sur le chemin de retour doit etre considere comme unaccident sur le chemin du travail au sens de l'article 8 de la loi du 10avril 1971 ».

Griefs

1. Suivant l'article 8, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 10 avril 1971 surles accidents du travail, est considere comme accident du travaill'accident survenu sur le chemin du travail.

Suivant l'article 8, S: 1er, alinea 2, de cette loi, le chemin du travails'entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour serendre de sa residence au lieu de l'execution du travail, et inversement.

2. Pour apprecier si un accident est survenu sur le chemin du travail ausens de l'article 8, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 10 avril 1971 et sile trajet effectue par un travailleur de son lieu de travail à sondomicile peut etre considere comme normal au sens de l'article 8, S: 1er,alinea 2, de cette loi, le juge doit apprecier non seulement si le trajeta ete execute sans interruption ou detour justifie (lire : injustifie) àpartir du moment ou le travailleur a quitte le lieu de son travail, maisaussi 1DEG si le retard avec lequel le defendeur a entame le trajet estinsignifiant, peu important ou important et 2DEG s'il est, dans ces deuxderniers cas, justifie par un motif legitime, voire par la force majeure.

Si ce retard n'est ni insignifiant ni justifie par, selon le cas, un motiflegitime ou la force majeure, le lieu ou le travailleur a execute sontravail et dont il part avec retard perd sa qualite de lieu del'execution du travail au sens de l'article 8, S: 1er, alinea 2, de la loi precitee.

L'arret considere qu'il resulte de l'examen des pieces que le trajeteffectue par le defendeur « a ete le trajet normal entre le lieu dutravail » etant donne qu' « il n'existe aucune contestation sur le faitque le trajet etait le trajet normal et que celui-ci a ete execute sansla moindre interruption ou detour à partir du moment ou [le defendeur] aquitte le lieu de son travail ».

Ensuite, apres avoir constate et considere que :

- le defendeur a pointe à 14 heures 15 et qu'à partir de ce moment, il« ne se trouvait plus sous l'autorite de l'employeur » ;

- le defendeur « est reste sur les lieux du travail, en l'absence detoute autorite de l'employeur » ;

- « l'accident a eu lieu à 16 heures 15, soit deux heures apres lepointage, alors que le trajet ne doit durer, en principe, qu'unevingtaine de minutes », l'arret decide que « l'accident survenu sur lechemin de retour doit etre considere comme un accident sur le chemin dutravail au sens de l'article 8 de la loi du 10 avril 1971 » aux motifsque :

- « [le defendeur] est reste sur les lieux de travail, en l'absence detoute autorite de l'employeur, pour rendre service à un collegue, àsavoir decouper de la viande à des fins privees »,

- « il s'agit là d'une cause legitime de retarder son depart. En effet,aider un collegue constitue une attitude qui se trouve en relationetroite avec l'execution du contrat de travail. Dans le cadre de bonnesrelations de travail, une telle attitude est d'autant plus normale quel'employeur autorise son personnel à utiliser ses installations à desfins privees »,

- « le fait que l'employeur participe passivement à cette entraidejustifie d'autant plus le caractere legitime du motif invoque par letravailleur pour justifier le fait qu'il soit reste sur les lieux dutravail pendant plus ou moins une heure et demie apres la fin desprestations de travail sous l'autorite de l'employeur »,

- « le trajet a ete entame immediatement apres que les deux collegues onteu termine la decoupe dans les locaux de l'employeur ».

3.1. En fondant sa decision uniquement sur le caractere legitime du motifinvoque par le defendeur et les circonstances qui ont entoure la dureeobjective de son trajet, sans examiner ni constater si la duree objectivedu retard avec lequel le defendeur a entame le trajet etait peuimportante ou importante, l'arret meconnait la notion de trajet normal ausens de l'article 8, S: 1er, alinea 2, de la loi du 10 avril 1971(violation de l'article 8, S: 1er, alinea 2, de cette loi du 10 avril 1971sur les accidents du travail) ainsi que la notion d'accident survenu surle chemin du travail au sens de l'article 8, S: 1er, alinea 1er, de cetteloi (violation de l'article 8, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 10 avril1971 sur les accidents du travail).

3.2. Si, en revanche, la Cour admettait que l'arret constate implicitementque la duree objective du retard avec lequel le defendeur a entame letrajet etait peu importante, il ressort des considerations precitees quel'arret n'apprecie pas de maniere autonome la duree objective - deuxheures - du trajet opere par le defendeur mais fonde le caractere selonlui peu important du retard avec lequel le defendeur a entame ce trajetsur les circonstances qui l'ont entoure et les motifs qui l'ont provoque et opere ainsi une confusion entre les deux caracteristiques que doitpresenter la duree du trajet pour correspondre à la notion de trajetnormal de la disposition legale applicable (violation de l'article 8, S:1er, alineas 1er et 2, de la loi de 10 avril 1971 sur les accidents dutravail).

4. De ce qui precede, il se deduit qu'en decidant que « l'accidentsurvenu sur le chemin de retour doit etre considere comme un accident surle chemin du travail au sens de l'article 8 de la loi du 10 avril 1971»,sur la base de la constatation que «[le defendeur] est reste sur leslieux de travail, en l'absence de toute autorite de l'employeur, pourrendre service à un collegue, à savoir decouper de la viande à des finsprivees », « qu'il s'agit là d'une cause legitime de retarder sondepart » et « que le trajet a ete entame immediatement apres que lesdeux collegues ont eu termine la decoupe dans les locaux de l'employeur », l'arret viole l'article 8, S: 1er, alineas 1er et 2, de la loi surles accidents du travail du 10 avril 1971.

L'arret ne dit pas legalement pour droit que le defendeur a ete victimed'un accident sur le chemin du travail le 23 juin 2009 (violation del'article 8, S: 1er, alinea 1er et 2, de la loi sur les accidents dutravail du 10 avril 1971).

III. La decision de la Cour

En vertu de l'article 8, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 10 avril 1971sur les accidents du travail, est considere comme accident du travaill'accident survenu sur le chemin du travail.

Le chemin du travail s'entend, suivant l'alinea 2 du meme paragraphe, dutrajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de saresidence au lieu de l'execution du travail, et inversement.

Le lieu de l'execution du travail est, au sens de cette disposition, lelieu ou le travailleur se trouve, pour l'execution du contrat de travail,sous l'autorite de son employeur.

Le lieu de l'execution du travail ne cesse pas de presenter ce caractereà l'egard du travailleur lorsque celui-ci, apres avoir termine sontravail, y demeure, pour une cause legitime, pendant un temps plus longque la normale sans plus s'y trouver sous l'autorite de son employeur.

L'arret constate que le defendeur a termine l'execution de son travail àquatorze heures quinze, que l'accident est survenu à seize heures quinzealors que le trajet normal qu'il devait accomplir pour rejoindre saresidence ne dure qu'une vingtaine de minutes et qu'il n'est pas contestequ'il a suivi sans le moindre detour ou interruption le trajet normal.

L'arret, qui, apres avoir releve que, des quatorze heures quinze, ledefendeur « ne se trouvait plus sous l'autorite de [son] employeur »,considere, sans etre critique, qu'il avait « une cause legitime deretarder son depart » et de « rester sur les lieux du travail pendantplus ou moins une heure et demie apres la fin des prestations de travailsous l'autorite de l'employeur », justifie legalement sa decision quel'accident est survenu sur le chemin du travail.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour,

sans avoir egard à la note et aux pieces transmises pour le defendeursans le ministere d'un avocat à la Cour de cassation,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent quinze euros quarante-septcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president Christian Storck, les conseillers Didier Batsele,Gustave Steffens, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, et prononce enaudience publique du trente et un mars deux mille quatorze par lepresident Christian Storck, en presence de l'avocat general Jean MarieGenicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+--------------------------------------------+
| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
|-------------+----------------+-------------|
| G. Steffens | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

31 MARS 2014 S.13.0113.F/2


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.13.0113.F
Date de la décision : 31/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-03-31;s.13.0113.f ?
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