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25/04/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0255.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 avril 2014, C.13.0255.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0255.F

Commission de ReguLation de l'Electricite et du Gaz, dont le siege estetabli à Etterbeek, rue de l'Industrie, 26-38,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Uccle, Dieweg, 274, ou il est fait electionde domicile,

contre

Electrabel, societe anonyme dont le siege social est etabli à Bruxelles,boulevard Simon Bolivar, 34,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Johan Verbist, avoca

t à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0255.F

Commission de ReguLation de l'Electricite et du Gaz, dont le siege estetabli à Etterbeek, rue de l'Industrie, 26-38,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Uccle, Dieweg, 274, ou il est fait electionde domicile,

contre

Electrabel, societe anonyme dont le siege social est etabli à Bruxelles,boulevard Simon Bolivar, 34,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 decembre2012 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente deux moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret constate que, « apres une discussion ayant eu lieu au conseilgeneral de la [demanderesse] le 23 juin 2010 [...] et apres avoir rec,u[...] du ministre du Climat et de l'Energie, le 7 juin 2010, uneinvitation à poursuivre l'analyse sur la periode 2003-2009, la[demanderesse] a demande à [la defenderesse], par courrier du 16 juillet2010, de fournir des informations sur trois points » et que « c'estsuite à la demande du ministre du 7 juin 2010 de poursuivre l'etude pourla periode 2003-2009 et aux critiques repetees par un representant de [ladefenderesse] au sein du conseil general de la [demanderesse] lors d'unereunion du 23 juin 2010, que s'est engage le 16 juillet 2010 l'echange decorrespondances au cours [duquel la demanderesse] a formule plusieursdemandes d'informations ».

Il enonce que, « des sa lettre initiale du 16 juillet 2010, la[demanderesse] [...] a invite [la defenderesse] à etayer ses critiquespar des chiffres et une methode de calcul detailles et transparents àl'instar de la [demanderesse] dans son etude sur la rente nucleaire » etque, « dans sa lettre du 18 aout 2010 à [la defenderesse, lademanderesse] a, à nouveau, renvoye aux critiques avancees dans lapresse, en precisant que sa demande d'informations devait etre comprisecomme une invitation à expliquer la difference entre le chiffre de larente calculee par la [demanderesse et] le resultat d'exploitation totalpour 2007 auquel [la defenderesse] se referait ».

Il considere qu'« il ressort clairement de ces ecrits que les demandesd'informations formulees par la [demanderesse] avaient pour but d'enerverla these defendue par [la defenderesse] que l'etude 968 manquait decoherence et que le chiffre de l'EBITDA avance par [la defenderesse] nepouvait fonder sa critique », qu' « en d'autres termes, la[demanderesse] entendait obtenir de [la defenderesse] que celle-ci luifournisse les donnees chiffrees qui devaient confirmer qu'elle avaitraison au sujet de la `rente nucleaire' ou à tout le moins demontrer quela critique formulee par [la defenderesse] manquait de fondement »,que « force est [...] de constater que, dans le cas d'espece, lesdemandes d'informations qui sont à la base de l'imposition de l'amenden'ont ete formulees qu'apres la date à laquelle les resultats de l'etudeavaient ete rendus publics », que, « des l'instant ou les conclusionsd'une etude etaient rendues publiques et faisaient l'objet de critiquesrepandues dans la presse ecrite et parlee, alors que la [demanderesse]avait egalement dejà communique à [la defenderesse] qu'elle nemodifierait pas sa methodologie, celle-ci etait devenue une opposante »,que « les positions opposees etant publiquement occupees, la[demanderesse] avait par definition un interet propre à defendre : ellevoulait obtenir des donnees qui conforteraient sa position dans ledifferend qui l'opposait à [la defenderesse] ; si les demandes pouvaientse justifier dans le cadre de l'etude 968, il n'en reste pas moinsqu'elles etaient appelees à servir egalement la cause de la[demanderesse] », que « l'imposition d'amendes ne resulte pas d'uneapplication mecanique de la loi, mais de l'exercice d'un certain pouvoirdiscretionnaire par la [demanderesse] » et que, « dans ces conditions,le principe d'impartialite objective s'opposait à ce que la[demanderesse] puisse infliger à [la defenderesse] une amende du chef deviolation de l'article 26, S: 1er, ou 26, S: 1erbis, de la [loi du 29avril 1999 relative à l'organisation du marche de l'electricite, dite]loi Electricite pour etre restee en defaut de se conformer à sesdemandes ».

L'arret repond ainsi, en les contredisant, aux conclusions de lademanderesse qui faisait valoir que les informations avaient ete demandeespar le ministre dans sa lettre du 7 juin 2010 et qu'elle n'avait, enconsequence, pas agi pour defendre un interet propre mais pour executer samission legale dans les termes fixes par le ministre.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxieme branche :

Il ne ressort ni des enonciations reproduites en reponse à la premierebranche du moyen ni des autres enonciations de l'arret que celui-cideduirait de la lettre du ministre du 7 juin 2010 que les demandesd'informations formulees ulterieurement par la demanderesse avaient pourbut d'enerver la these defendue par la defenderesse que l'etude 968manquait de coherence et que le chiffre d'EBITDA avance par ladefenderesse ne pouvait fonder sa critique.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une lecture inexacte del'arret, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

L'arret enonce que, « quand bien meme il faudrait considerer que leprincipe d'impartialite doit uniquement s'appliquer à l'autoriteadministrative dans la mesure ou sa nature et son fonctionnement normal nes'y opposent pas, des lors qu'il ne peut faire obstacle à la continuitede l'exercice par cette autorite des missions qui lui sont legalementconfiees, cette reserve ne peut en l'occurrence tenir en echecl'application dudit principe. Le but recherche par l'article 26, S: 1er,ou 26, S: 1erbis, peut en effet etre atteint par la [demanderesse] sansexercice du pouvoir qui lui est confere par l'article 31 ».

Il considere que « s'agissant, selon la [demanderesse], d'un refus de lapart de [la defenderesse] de fournir des informations, elle pouvaitproceder à un controle sur place ou exercer le pouvoir qui lui estconfere par l'article 26,

S: 1erbis, 4DEG, voire saisir le juge civil, le cas echeant en refere,d'une action en delivrance d'informations [...] ; des lors, lescirconstances de la cause ne justifient pas que la [demanderesse] sedepartisse de l'application du principe d'impartialite objective ».

Des lors qu'il considere qu'en l'espece, la critique de partialiteadressee à la demanderesse ne se fonde pas sur une situation qui decoulede l'application de la loi, l'arret n'etait pas tenu de repondre auxconclusions de la demanderesse qui invoquait la primaute de la loi sur lesprincipes generaux du droit.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la quatrieme branche :

Il ressort de la reponse à la premiere branche du moyen que l'arret neconsidere pas que la demanderesse est privee du pouvoir d'obtenir desentreprises d'electricite des renseignements sous quelque forme que cesoit et des rapports sur leurs activites des que les resultats de sesetudes sont rendus publics.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une premisse inexacte, manqueen fait.

Quant à la cinquieme branche :

La competence de pleine juridiction dont dispose la cour d'appel deBruxelles lui permet d'annuler et de reformer les decisions de lademanderesse, de statuer sur le fond du litige en verifiant la legaliteexterne et interne de ces decisions et en examinant si elles sont fondeesen fait, procedent de qualifications juridiques correctes et ne sont pasmanifestement disproportionnees au regard des elements soumis à lademanderesse.

Ainsi que la Cour constitutionnelle l'a dit, dans son arret du 7 aout 2013(117/2013), l'exercice d'un tel controle ne porte pas atteinte au principede la separation des pouvoirs.

L'arret attaque decide que le moyen tire par la defenderesse de laviolation de l'impartialite objective est fonde, par tous les motifsreproduits en reponse à la premiere et à la troisieme branche du moyenet par le motif que « le constat s'impose que, d'un cote, les demandesd'informations etaient inspirees par un souci de sauvegarder un interetpropre et que, d'un autre cote, l'appreciation du manquement à la demandesupposait necessairement une deliberation discretionnaire sur lasuffisance des informations à la lumiere de ce que la [demanderesse]estimait indispensable pour preserver cet interet ; dans cescirconstances, le principe d'impartialite objective s'opposait à ce quela [demanderesse] puisse infliger à [la defenderesse] une amende du chefde violation de l'article 26, S: 1er , ou 26, S: 1erbis, de la loiElectricite pour etre restee en defaut de se conformer à ses demandes ».

L'arret justifie ainsi legalement, par la consideration que lademanderesse a commis un exces de pouvoir, l'annulation de la decisionattaquee.

Pour le surplus, en considerant que la demanderesse « pouvait proceder àun controle sur place ou exercer le pouvoir qui lui est confere parl'article 26, S: 1er, 4DEG, voire saisir le juge civil, le cas echeant enrefere, d'une action en delivrance d'informations », la cour d'appel n'apas substitue sa propre appreciation des modalites d'exercice des pouvoirsconferes par la loi à la demanderesse mais a considere, apres avoirdecide que le principe d'impartialite objective s'opposait à ce que lademanderesse inflige une amende à la defenderesse, que l'application dece principe à l'espece n'empechait pas la demanderesse d'atteindre le butrecherche par l'article 26 de la loi Electricite.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

Quant à la quatrieme branche :

L'arret enonce, sans etre critique, que « la disposition de l'article 31[de la loi Electricite] revetant un caractere penal au sens autonome del'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, le principe de legalite impose notamment qu'ellesoit interpretee de fac,on restrictive ». Il ne tire pas d'autreconsequence du principe de legalite.

Il deduit de cette interpretation restrictive que, « lorsque le pretendumanquement ne concerne pas une obligation dont le contenu est stipuledirectement par la loi elle-meme, mais dont le contenu concret resulted'une obligation imposee par la [demanderesse] en application de la loi,la mise en demeure doit enoncer de fac,on claire, precise et sansequivoque le devoir à accomplir. Le principe de la securite juridique auregard de la previsibilite de la consequence d'un comportement adoptel'exige ».

Apres avoir examine les pieces produites par les parties, l'arretconsidere que « les demandes d'informations adressees à [ladefenderesse] le 16 juillet 2010, qui sont à la base de la procedure desanction, ne remplissaient sans aucun doute pas les conditions de clarteet de precision qui devaient exclure dans le chef de [la defenderesse] ledoute raisonnable possible sur les donnees qu'elle avait à fournir,hormis la question de savoir si ces donnees etaient ou non disponibles »et que « les conditions d'application concomitante des articles 31 et 26,S: 1er, ou 26, S: 1erbis, de la loi Electricite n'etant pas remplies, uneamende ne peut etre imposee à [la defenderesse] du chef du manquementreproche ».

L'arret ne considere pas ainsi que les dispositions precitees de la loiElectricite meconnaitraient « le principe de legalite et celui de lasecurite juridique » mais uniquement qu'il n'y a pas lieu, en l'espece,d'imposer une amende à la defenderesse parce que les demandesd'informations qui lui ont ete adressees par la demanderesse n'avaient pasla clarte et la precision requises par la securite juridique.

Le moyen, qui, en cette branche, suppose le contraire, manque en fait.

Quant à la cinquieme branche :

La competence de pleine juridiction dont dispose la cour d'appel deBruxelles lui permet d'annuler et de reformer les decisions de lademanderesse, de statuer sur le fond du litige en verifiant la legaliteexterne et interne de ces decisions et en examinant si elles sont fondeesen fait, procedent de qualifications juridiques correctes et ne sont pasmanifestement disproportionnees au regard des elements soumis à lademanderesse.

La cour d'appel est habilitee à verifier si le manquement allegue par lademanderesse pour imposer une amende est etabli et, dans ce cadre, si lesdemandes d'informations formulees par la demanderesse en application desarticles 26, S: 1er, et 26, S: 1erbis, de la loi Electricite, etaientsuffisamment precises pour que la defenderesse puisse y repondre.

Le moyen, qui, en cette branche, revient à soutenir que la demanderesseserait seule habilitee à apprecier la clarte et la precision desinformations qu'elle demande et la conformite des informations rec,uesavec ses demandes, manque en droit.

Quant aux trois premieres branches reunies :

Les considerations de l'arret vainement critiquees par les quatrieme etcinquieme branches du moyen constituent un fondement distinct et suffisantde la decision que les conditions d'application des articles 31 et 26, S:1er, ou 26,

S: 1erbis, de la loi Electricite n'etant pas remplies, une amende ne peutetre imposee à la defenderesse du chef du manquement qui lui estreproche.

Les trois premieres banches du moyen, qui ne sauraient entrainer lacassation, sont irrecevables à defaut d'interet.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de six cent cinq euros nonante-huit centimesenvers la partie demanderesse et à la somme de quatre cent trente eurosquarante centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du vingt-cinq avril deux mille quatorze par le presidentde section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general Andre Henkes,avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+--------------------------------------------+

25 AVRIL 2014 C.13.0255.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0255.F
Date de la décision : 25/04/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-04-25;c.13.0255.f ?
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