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27/05/2014 | BELGIQUE | N°P.13.1420.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 mai 2014, P.13.1420.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.1420.N

I. N. J. M. S.,

prevenue,

demanderesse en cassation,

represente par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

(...)



IV. ETAT BELGE,

partie poursuivante,

demandeur,

contre

1. S. D.,

prevenu,

(...)



5. N. J. M. S.,

prevenue,

defendeurs en cassation.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 27 juin 2013 par lacour d'appel de Gand, chambre correc

tionnelle.

La demanderesse invoque trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le demandeur IV invoque un moyen dans un memoire annexe...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.1420.N

I. N. J. M. S.,

prevenue,

demanderesse en cassation,

represente par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

(...)

IV. ETAT BELGE,

partie poursuivante,

demandeur,

contre

1. S. D.,

prevenu,

(...)

5. N. J. M. S.,

prevenue,

defendeurs en cassation.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 27 juin 2013 par lacour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.

La demanderesse invoque trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le demandeur IV invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Les demandeurs II et III n'invoquent aucun moyen.

Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.

Le procureur general Patrick Duinslaeger a conclu.

II. la decision de la cour

Sur la recevabilite du pourvoi du demandeur IV :

1. L'arret a ete rendu par defaut à l'egard du defendeur IV.3.

Le pourvoi introduit contre ce defendeur avant l'expiration du delaiordinaire d'opposition est irrecevable.

Sur le premier moyen de la demanderesse :

Quant à la premiere branche

2. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 5, 6,6bis, 25 de la loi du 10 juin 1997 relative au regime general, à ladetention, à la circulation et aux controles des produits soumis àaccise, 6 de la loi du 22 decembre 2009 relative au regime generald'accise, 163, 195 et 211 du Code d'instruction criminelle : l'arret quicondamne la demanderesse du chef de detention illegale, transport et miseà la consommation de 226,80 hectolitres de biere à differents tauxd'alcool, qui ont ete sortis de la prise en charge prescrite en vued'assurer la perception des accises, accises speciales et cotisationd'emballage, ne constate pas que les conditions d'application des articles4, 5, 6 et 25 de la loi du 10 juin 1997 etaient remplies pourl'exigibilite des accises, à savoir que les biens soumis à l'acciseavaient soit ete sortis du regime de suspension, soit ete fabriques enBelgique en dehors d'un regime de suspension, soit ete importes.

3. Le moyen, en cette branche, ne precise pas comment et en quoi l'arretviole l'article 6 de la loi du 10 juin 1997.

Dans la mesure ou il est imprecis, le moyen, en cette branche, est,partant, irrecevable.

4. En vertu de l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997, touteinfraction aux dispositions de ladite loi ayant pour consequence de rendrel'accise exigible, est punie d'une amende enoncee par cette disposition.

5. Par ailleurs, cette loi prevoit notamment :

- à l'article 5, que les produits vises à l'article 3, dont les boissonsalcooliques, sont soumis à l'accise lors de leur production ou lors deleur importation ;

- à l'article 6, que l'accise devient notamment exigible lors de la miseà la consommation et qu'est consideree comme mise à la consommation deproduits soumis à accise :

- toute sortie, y compris irreguliere, de ces produits d'un regimesuspensif ;

- toute fabrication, y compris irreguliere, de ces produits hors d'unregime suspensif ;

- toute importation, y compris irreguliere, de ces produits ne se trouvantpas sous un regime suspensif ;

- à l'article 12, que, sous reserve d'application des dispositionslegales specifiques, lorsque l'accise n'est pas acquittee, la detention deproduits vises à l'article 3 doit avoir lieu dans un entrepot fiscal ;

- à l'article 15, S: 1er, que, hormis les exceptions prevues par cetteloi, la circulation en regime suspensif des produits soumis à accise doits'effectuer entre entrepots fiscaux ;

- à l'article 25, S: 1er, que lorsqu'une irregularite ou une infraction aete commise dans le pays en cours de circulation entrainant l'exigibilitede l'accise, celle-ci y est due, sous reserve d'application des penaliteseventuellement encourues, soit par la personne physique ou morale qui en agaranti le paiement, soit par l'entrepositaire expediteur agree,lorsqu'une exoneration de garantie a ete accordee.

6. Il resulte de ces dispositions et du regime communautaire en matiered'accises sur lequel elles se fondent, que :

- au sens de l'article 6 de la loi du 10 juin 1997, l'accise est exigibleen Belgique lors de l'importation de biens soumis à l'accise, quel quesoit le pays d'origine, meme les Etats-membres de la Communauteeuropeenne ;

- la seule circonstance qu'un bien soumis à l'accise, lorsque celle-cin'a pas ete acquittee, est trouve en dehors d'un regime suspensif,implique que ce bien a dejà ete importe ou fabrique en detournant un telregime ou en a ete regulierement sorti ;

- lorsqu'un produit soumis à l'accise est sorti d'un regime suspensifsans que l'accise n'ait ete acquittee, la detention de ce produit equivautà la mise à la consommation qui entraine l'exigibilite de l'accise ;

- toute irregularite ou infraction relative au transportintra-communautaire de biens soumis à l'accise commise en suspension desdroits d'accise, est consideree comme la sortie du regime suspensif debiens soumis à l'accise.

7. L'arret constate que les faits concernent la sortie de l'exigibilitedes accises dues et de la cotisation d'emballage par la detention illegaleet le transport de 226,80 hectolitres de biere, dont la detention illegaleest liee au fait que ces biens n'etaient pas pourvus des documentsvalables permettant de justifier leur statut douanier, de sorte qu'ilsetaient censes etre en libre circulation, à savoir mis à laconsommation, sans qu'il soit admissible que les droits d'accise aient eteacquittes.

8. Par ailleurs, l'arret constate et decide que :

- en Belgique, des biens soumis à l'accise de provenance et àdestination inconnues ont ete transportes et commercialises au mepris dela legislation en matiere d'accises ;

- ces biens ont ete charges sur un camion qui est entre dans l'enceinte del'entrepot fiscal de la sprl Francar à Furnes, et a quitte cet entrepotavec de faux documents d'accompagnement qui y ont ete echanges ;

- par consequent, une irregularite ou infraction a ete commise dans lepays en violation notamment des articles 6 et 25 de la loi du 10 juin1997, de sorte que les droits d'accise etaient dus.

Ainsi, l'arret justifie legalement la decision, sans devoir constater plusavant que les conditions d'application des dispositions enoncees dans lemoyen sont remplies.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche

9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 163, 195et 211 du Code d'instruction criminelle : l'arret qui constate uniquementen termes generaux que les prescriptions en vigueur de la loi du 10 juin1997 n'ont pas ete observees, ne mentionne pas les dispositions enfreintesde cette loi ni ne constate que les faits commis par la demanderesseconstituent des agissements qui tombent sous la qualification etl'application d'une des dispositions de cette loi, dont l'infractionentraine l'exigibilite des droits d'accise.

10. L'arret qui :

- enonce l'article 39 de la loi du 10 juin 1997,

- mentionne notamment les articles 4, S: 1er, 8DEG et 11DEG, 5, 6, 9, S:1er, 15 et 25 de cette loi, souligne partiellement ces dispositions et lescommente pour les relier aux faits imputes à la demanderesse,

- indique comment et en quoi les agissements constates de la demanderesseconstituent une infraction notamment aux articles 6 et 25 de cette loi,enonce les dispositions en vertu desquelles les faits constates à chargede la demanderesse entrainent l'exigibilite des droits d'accise et quicomportent les elements constitutifs des infractions declarees etablies.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

11. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, a la meme portee que lemoyen, en sa premiere branche, et, par les memes motifs, ne peut etreaccueilli.

Quant à la troisieme branche

12. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 149 dela Constitution : l'arret ne repond pas à la defense avancee par ledemandeur II dans ses conclusions d'appel selon lesquelles aucun droitd'accise n'est exigible en Belgique parce que les agissements enonces sousla prevention A ne sont pas vises par la loi du 10 juin 1997 et neconstituent notamment pas une mise à la consommation ou la sortie d'unregime suspensif.

13. Par les motifs qu'il comporte et qui ressortent de la reponse apporteeau moyen, en sa premiere branche, l'arret repond à la defense visee.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la quatrieme branche

14. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 149 dela Constitution : le premier juge a requalifie les preventions B et Cd'infraction à l'article 259 de la loi generale sur les douanes etaccises en infraction à l'article 260 de cette meme loi, parce qu'il adecide que les faux documents etaient destines à tromper les autoritesdouanieres d'un pays etranger et non les autorites douanieres belges ;d'une part, l'arret confirme cette requalification mais, d'autre part, ildecide que les biens soumis aux droits d'accise concernes ont etetransportes et commercialises en Belgique en violation des prescriptionsen matiere d'accises en vigueur en Belgique ; par consequent, la decisionpar laquelle l'arret condamne la demanderesse du chef de la prevention Aest contradictoirement motivee.

15. Les preventions A et C concernent des faits differents.

Dans la mesure ou elle concerne ces infractions, la decision critiquee nerevele pas la contradiction invoquee.

16. En ce qui concerne la prevention B, l'arret (...) decide que les fauxdocuments ont ete etablis et employes pour tromper les autoritesdouanieres ici et à l'etranger en ce qui concerne les origine etdestination reelles des marchandises transportees. Ainsi, il ne decide pasque le faux vise sous cette prevention visait uniquement à tromper lesautorites douanieres etrangeres.

Dans cette mesure, la contradiction invoquee n'existe pas davantage.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la cinquieme branche

17. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 149 dela Constitution, ainsi que la meconnaissance du principe general du droitde la charge de la preuve en matiere repressive : les juges d'appel n'ontpas repondu à la defense avancee par la demanderesse, pieces à l'appui,selon laquelle elle n'a pas commis de faits punissables ; les jugesd'appel ont expressement decide de ne tenir compte que des declarations decertains tiers et des constatations des services douaniers, de sortequ'ils ont refuse d'inclure les moyens de defense de la demanderesse dansleur appreciation.

18. Le juge n'est pas tenu de repondre aux pieces, mais uniquement auxconclusions qui lui sont presentees.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.

19. Dans la mesure ou il critique l'appreciation souveraine des elementsde fait par l'arret ou oblige la Cour à proceder à un examen des faitspour lequel elle est sans pouvoir, le moyen, en cette branche, estirrecevable.

20. L'arret decide que la demanderesse a manifestement apporte unecontribution determinante dans les faits en laissant entrer lesemi-remorque à traction et en echangeant les documents, alors qu'il luiapparaissait egalement de fac,on evidente qu'aucune marchandise n'avaitete perdue ou chargee ou dechargee, de sorte qu'elle a remis sciemment defaux documents. Ainsi, l'arret repond à la defense de la demanderesseselon laquelle elle n'a pas commis de faits punissables, sans avoir àrepondre aux arguments avances à l'appui de cette defense, mais sansconstituer de defense distincte.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

21. En reponse à la defense de la demanderesse selon laquelle ses droitsde defense ont ete irremediablement violes en raison de l'absenced'assistance d'un avocat lors de ses auditions, les juges d'appel ontdecide de ne pas tenir compte de ces declarations, dans l'appreciation dela preuve, mais bien d'autres elements de preuve. De ce fait, les jugesd'appel ont indique qu'ils ont refuse d'impliquer la defense de lademanderesse dans leur decision, mais qu'ils n'ont neanmoins pas fonde sadeclaration de culpabilite sur ses declarations.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le deuxieme moyen de la demanderesse :

Quant à la premiere branche

22. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 7 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales et 2 du Code penal, ainsi que la meconnaissance du principegeneral du droit de l'effet retroactif de la loi penale plus favorable :l'arret condamne la demanderesse à une amende egale au quintuple del'accise en jeu pour des faits dont il a ete etabli qu'ils ont ete commisle 23 mars 2009, à savoir apres que la Cour constitutionnelle avaitpartiellement annule l'article 39 de la loi du 10 juin 1997 relative auregime general, à la detention, à la circulation et aux controles desproduits soumis à accise par l'arret nDEG 140/2008 rendu le 30 octobre2008, et avant la modification de l'article 39 par l'article 43 de la loidu 21 decembre 2009 portant des dispositions fiscales et diverses ; leprincipe de l'effet retroactif de la nouvelle loi penale plus favorables'oppose au fait que la demanderesse soit condamnee à une peine que lelegislateur n'a instauree qu'apres la commission des faits ou à une peinequi n'etait plus d'application au moment de la commission des faits.

23. En vertu de l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997, telqu'applicable avant l'arret precite nDEG 140/2008 de la Courconstitutionnelle, toute infraction aux dispositions de cette loi ayantpour consequence de rendre l'accise exigible, est punie d'une amende egaleau decuple de l'accise en jeu avec un minimum de 250 euros.

24. Par arret nDEG 140/2008 du 30 octobre 2008, la Cour constitutionnellea annule l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997 en ce qu'ilne permet pas au juge penal de moderer l'amende lorsqu'existent descirconstances attenuantes et en ce qu'il ne prevoyait pas un montantmaximum et minimum.

25. L'article 43 de la loi precitee du 21 decembre 2009, entree en vigueurle 10 juin 2010, remplace l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin1997, de sorte que toute infraction à cette disposition est punie d'uneamende comprise entre cinq et dix fois l'accise en jeu avec un minimum de250 euros. L'article 45, alinea 1er, de la loi du 22 decembre 2009, entreeen vigueur le 1er avril 2010, comporte une meme disposition.

De plus, l'article 37 de la loi du 21 decembre 2009 insere à la loigenerale sur les douanes et accises un article 281-2, en vertu duquel descirconstances attenuantes notamment peuvent etre admises pour desinfractions punies par la loi generale sur les douanes et accises et leslois speciales en matiere de douane et accises.

26. Par ses arrets nos 97/2012 du 19 juillet 2012 et 26/2013 du 28 fevrier2013, la Cour constitutionnelle a elle-meme defini les consequences del'annulation partielle de l'article 39, alinea 1er, par l'arret nDEG14/2008, ainsi qu'il suit :

« B.11. Des lors que la Cour [constitutionnelle] est habilitee à annuleren tout ou en partie des dispositions legislatives par la voie d'arretsqui ont un effet retroactif erga omnes, elle dispose du pouvoir demodifier l'etat du droit, en ce compris la loi à laquelle se referent lesarticles 12 et 14 de la Constitution.

B.12. L'amende prevue par l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin1997 constitue une peine. La Cour a annule ladite disposition en cequ'elle ne permettait pas au juge penal de moderer l'amendelorsqu'existent des circonstances attenuantes et en ce qu'elle neprevoyait pas un montant minimum et maximum pour celle-ci.

B.13. C'est en regle au juge a quo qu'il appartient de determiner etd'interpreter les normes applicables au litige qui lui est soumis.Toutefois, lorsque, comme en l'espece, la question prejudicielle presenteun lien avec les effets d'un arret d'annulation, la Cour[constitutionnelle] doit examiner l'exactitude de la conclusion surlaquelle la question se fonde.

B.14.1. Etant donne que l'article 39 n'a ete annule que partiellement,cette disposition n'a, par suite de l'arret nDEG 140/2008, disparu del'ordre juridique que partiellement.

(...)

B.15. Il decoule de l'annulation partielle de l'article 39 precite que,dans l'attente d'une intervention du legislateur, le juge pouvait encoreprononcer l'amende prevue par cette disposition s'il estimait que lesfaits etaient suffisamment graves pour entrainer une telle peine ou qu'ilpouvait prononcer une amende moins forte, soit en raison de l'existence decirconstances attenuantes, soit en application du principe deproportionnalite contenu à l'article 1er [du Premier Protocoleadditionnel à la Convention europeenne des droits de l'homme].

B.16. Il appartient des lors au juge a quo de determiner en l'espece sil'amende etablie au moment du jugement est ou non une peine moins forte,au sens de l'article 2, alinea 2, du Code penal, que celle que ladisposition legislative partiellement annulee par la Cour permettait deprononcer. »

27. L'arret fonde la condamnation de la demanderesse à une amende egaleau quintuple de l'accise en jeu et à une cotisation d'emballage, surl'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997 dans sa version quietait applicable entre le 30 octobre 2008, date de l'arret nDEG 140/2008,et le 9 janvier 2010, à savoir le jour precedant l'entree en vigueur dela loi du 21 decembre 2009. Il ne fonde pas la condamnation sur cettedisposition dans sa version applicable à partir de l'entree en vigueur dela derniere loi enoncee.

Dans la mesure ou il se fonde sur une lecture erronee de l'arret, lemoyen, en cette branche, manque en fait.

28. Pour le surplus, il ressort des arrets precites de la Courconstitutionnelle que le juge peut, dans tous les cas ou il se prononcesur des infractions à l'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin1997, commises avant le 10 janvier 2010, prononcer l'amende qui resulte dela version precitee de cette disposition legale.

Des lors que le juge peut moderer cette amende sans etre lie par uneamende minimale, il applique dans ces cas la peine la moins forte.

Le moyen, en cette branche, qui est deduit de la premisse que l'arretnDEG 140/2008 de la Cour constitutionnelle avait pour consequence quel'article 39, alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997 avait totalementdisparu de l'ordre judiciaire, de sorte qu'en application de la loi penalela moins severe, le juge ne pouvait pas infliger d'amende pour desinfractions à cette disposition commises à compter du 30 octobre 2008jusqu'au 9 janvier 2010, manque, dans cette mesure, en droit.

Quant à la deuxieme branche

29. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 12 et 14de la Constitution, ainsi que la meconnaissance du principe de legalite :l'arret qui, sur la base de l'article 2 du Code penal et du principe del'effet retroactif de la loi penale plus favorable, applique l'article 39,alinea 1er, de la loi du 10 juin 1997 aux faits ayant ete commis à unmoment ou cette disposition etait annulee par la Cour constitutionnelle,sans que cette inconstitutionnalite ait ete reparee par le legislateur,viole les dispositions visees et meconnait le principe vise.

Le moyen, en cette branche, demande à la Cour de poser à la Courconstitutionnelle la question prejudicielle suivante : « L'article 2,alineas 1er et 2, du Code penal, interprete en ce sens qu'en casd'infraction commise apres l'entree en vigueur de la loi anterieure du 10juin 1997, dont l'article 39, alinea 1er, qui imposait une amende, a eteannule par l'arret de la Cour constitutionnelle du 30 octobre 2008, cetteinfraction est punissable au moment du jugement d'une amende infligee parl'article 43 de la loi du 21 decembre 2009 portant des dispositionsfiscales et diverses et l'article 45, alinea 1er, de la loi du 22 decembre2009 relative au regime general d'accise, de sorte que les prevenus quisont juges apres l'entree en vigueur des dispositions susmentionnees nepeuvent pas beneficier de l'annulation partielle de l'article 39, alinea1er, precite, viole-t-il les articles 12 et 14 de la Constitution, lus ounon en combinaison avec l'article 7.1 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales ? »

30. Il ressort de la reponse apportee au moyen, en sa premiere branche,que l'arret n'inflige pas à la demanderesse une amende sur la base del'article 43 de la loi du 21 decembre 2009 portant des dispositionsfiscales et diverses, ni de l'article 45, alinea 1er, de la loi du 22decembre 2009 relative au regime general d'accise.

La question prejudicielle qui se fonde sur une lecture erronee de l'arretn'est pas posee.

31. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est deduit del'illegalite vainement invoquee par le moyen, en sa premiere branche, etest, par consequent, irrecevable.

Quant à la troisieme branche

32. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 12 et 14de la Constitution, ainsi que la meconnaissance du principe de legalite :la maniere dont l'arret applique l'article 2 du Code penal et le principede l'effet retroactif de la loi penale plus favorable, à savoir sur labase de la jurisprudence qui equivaut à la jurisprudence constanteanterieure et qui permet qu'une disposition legale reconnueinconstitutionnelle puisse encore etre appliquee par le juge du fond,alors qu'au moment des faits, cette disposition legale etait annulee et lajurisprudence etait d'avis que, par consequent, aucune amende ne pouvaitplus etre prononcee, cree pour le justiciable une situation dans laquelleil ne peut plus savoir, sur la base de la loi, à qui la dispositionpenale est applicable, alors qu'il ne lui est pas davantage possible deconnaitre, sur la base de la loi, les faits et negligences qui engagent saresponsabilite penale.

Le moyen, en cette branche, demande à la Cour de poser à la courconstitutionnelle la question prejudicielle suivante : « L'article 2,alineas 1er et 2, du Code penal, interprete en ce sens qu'en casd'infraction commise apres l'entree en vigueur de la loi anterieure du 10juin 1997, dont l'article 39, alinea 1er, qui imposait une amende, a eteannule par l'arret de la Cour constitutionnelle du 30 octobre 2008, cetteinfraction au moment du jugement peut, sur la simple base de lajurisprudence de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassationposterieure aux faits commis qui equivaut à une jurisprudence anterieureen la matiere, etre punie d'une amende infligee par l'article 43 de la loidu 21 decembre 2009 portant des dispositions fiscales et diverses et parl'article 45, alinea 1er, de la loi du 22 decembre 2009 relative au regimegeneral d'accise, de sorte que les prevenus qui sont juges apres l'entreeen vigueur des dispositions susmentionnees ne peuvent pas beneficier del'annulation partielle de l'article 39, alinea 1er, precite, viole-t-illes articles 12 et 14 de la Constitution, lus ou non en combinaison avecl'article 7.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales ? »

33. Il ressort de la reponse apportee au moyen, en sa premiere branche,que l'arret n'inflige pas à la demanderesse une amende sur la base del'article 43 de la loi du 21 decembre 2009 portant des dispositionsfiscales et diverses, ni de l'article 45, alinea 1er, de la loi du 22decembre 2009 relative au regime general d'accise.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, se fonde sur une lectureerronee de l'arret et manque en fait.

34 .La question prejudicielle qui se fonde sur une lecture erronee del'arret n'est pas posee.

35. Le principe de legalite en matiere repressive exige que le legislateurindique, en des termes suffisamment precis, clairs et offrant la securitejuridique, quels faits sont sanctionnes, afin, d'une part, que celui quiadopte un comportement puisse evaluer prealablement, de manieresatisfaisante, quelle sera la consequence penale de ce comportement.

Ce principe n'est pas viole du fait que, dans ses arrets tels quementionnes dans la reponse apportee au moyen, en sa premiere branche, laCour constitutionnelle a annule partiellement l'article 39, alinea 1er, dela loi du 10 juin 1997 et qu'ensuite, elle a defini les consequences decette annulation, quelle que soit l'interpretation de cette annulationpartielle par les autres juridictions.

36. L'arret qui applique les arrets vises de la Cour constitutionnelle, neviole pas les dispositions constitutionnelles enoncees et ne meconnait pasdavantage le principe de legalite, mais justifie legalement sa decision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen de la demanderesse :

Quant à la premiere branche

37. Le moyen, en cette branche, invoque la violation du principe generaldu droit de la personnalite de la peine : l'arret qui condamne lademanderesse solidairement avec les co-prevenus à une amende, meconnaitce principe general du droit.

38. Par arret nDEG148/2013 du 7 novembre 2013, la Cour constitutionnelle adecide, en reponse à une question prejudicielle :

« B.6. Avant la modification legislative precitee [insertion de l'article281-2 de la loi generale sur les douanes et accises et modification del'article 27, alinea 1er, de la loi du 7 janvier 1998 concernant lastructure et les taux des droits d'accise sur l'alcool et les boissonsalcoolisees, respectivement aux articles 37 et 45 de la loi du 21 decembre2009 portant des dispositions fiscales et diverses], la condamnationsolidaire au paiement de l'amende unique prononcee contre lescontrevenants en matiere de douanes et accises a pu etre justifiee par lefait que cette amende « concerne le fait materiel de l'infraction etqu'elle a un caractere reel » (Cass., 8 novembre 2005, Pas., 2005, nDEG571).

Des lors que, depuis cette modification legislative, l'amende estprononcee dans le chef de chaque condamne de maniere individualisee et quela solidarite prevue par la disposition en cause risque au contraire delui faire supporter le poids de peines prononcees à charge d'autrescondamnes, la difference de traitement en cause n'est pas raisonnablementjustifiee.

(...)

dit pour droit :

L'article 227, S: 2, de la loi generale sur les douanes et accises,coordonnee par arrete royal du 18 juillet 1977, viole les articles 10 et11 de la Constitution en ce qu'il dispose que les condamnations àl'amende sont toujours prononcees solidairement contre les delinquants etles complices. »

39. Il ressort de cet arret que les dispositions du droit des douanes etaccises qui imposent au juge de prononcer les condamnations solidaires àl'amende contre les condamnes, violent le principe general du droit de lapersonnalite de la peine.

Par consequent, l'arret qui condamne la demanderesse solidairement avecdes co-prevenus à une amende du chef d'infraction à l'article 39, alinea1er, de la loi du 10 juin 1997, ne justifie pas legalement la decision.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant à la seconde branche

40. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 10 et 11de la Constitution : l'arret condamne la demanderesse à une amendesolidaire en application de la loi du 10 juin 1997, alors que tel n'auraitpas ete le cas d'une infraction de droit commun ; ainsi, l'arret viole lesdispositions constitutionnelles precitees.

Le moyen, en cette branche, demande à la Cour de poser à la Courconstitutionnelle la question prejudicielle suivante : « Les articles 39[de la loi du 10 juin 1997], tel qu'applicable avant son abrogation parl'article 49 [de la loi du 21 decembre 2009], et 45 [de la loi du 21decembre 2009] violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, lusou non en combinaison avec l'article 6 [de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales], en ce que les prevenus,auteurs ou complices auxquels une infraction en matiere de douane etaccise a ete imputee et qui sont punis d'une amende, verront toujourscette condamnation prononcee solidairement, alors que les prevenus,auteurs et complices auxquels une infraction de droit commun est imputeeet qui sont punis d'une amende, ne peuvent etre condamnes solidairementmais se verront infliger une amende que le juge prononceraindividuellement ? »

Si la Cour devait etre d'avis que l'obligation ou la possibilite decondamner solidairement plusieurs prevenus à une peine resulte del'article 227, S: 2, de la loi generale sur les douanes et accises, lademanderesse demande de poser à la Cour constitutionnelle la questionprejudicielle dejà posee anterieurement mais à laquelle il n'a pasencore ete repondu, libellee ainsi qu'il suit : « L'article 227, S: 2,[de la loi generale sur les douanes et accise], viole-t-il les articles 10et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 6 de la[Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales], en ce que les prevenus, auteurs ou complices auxquels uneinfraction en matiere de douane et accise a ete imputee et qui sont punisd'une amende, verront toujours cette condamnation prononcee solidairement,alors que les prevenus, auteurs et complices auxquels une infraction dedroit commun est imputee et qui sont punis d'une amende, ne peuvent etrecondamnes solidairement mais se verront infliger une amende que le jugeprononcera individuellement ? »

41. Eu egard à la cassation subsequente de l'arret sur la base du moyen,en sa premiere branche, il n'y a plus lieu de repondre au moyen, en saseconde branche, qui ne saurait entrainer une cassation plus etendue niune cassation sans renvoi, ni de poser à la Cour constitutionnelles lesquestions prejudicielles soulevees.

Sur l'etendue de la cassation :

42. La cassation de l'arret en ce qui concerne la solidarite de l'amendeinfligee à la demanderesse, entraine egalement la cassation de sacondamnation à une peine et à une contribution au Fonds special pourl'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, compte tenu du lienetroit qui unit ces decisions.

Sur le moyen souleve d'office :

Dispositions legales violees :

- article 39 du Code penal :

- principe general du droit de la personnalite de la peine.

43. La cassation de la decision sur le pourvoi de la demanderesse entrainela cassation de la decision en tant que celle-ci condamne egalement lesdemandeurs II et III à une peine et à une contribution au Fonds specialpour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence. En effet, cesdecisions sont entachees par la meme illegalite.

Sur le moyen du demandeur IV :

44. Le moyen invoque la violation des articles 40, 100 du Code penal et281/2 de la loi generale sur les douanes et accises : l'arret condamne lesdefendeurs au paiement d'une amende du chef d'infractions à la loigenerale sur les douanes et accises et aux lois speciales en matiere dedouane et accises, notamment du chef d'infractions à la loi du 10 juin1997 relative au regime general, à la detention, à la circulation et auxcontroles des produits soumis à accise, sans fixer de ce chef une peined'emprisonnement subsidiaire.

45. Eu egard à la cassation subsequente de l'arret en ce qui concerne lapeine infligee à la demanderesse et aux demandeurs II et III, le moyen nesaurait entrainer une cassation plus etendue.

Le moyen est irrecevable.

Le controle d'office

46. En ce qui concerne la declaration de culpabilite de la demanderesse etdes demandeurs II et III, les formalites substantielles ou prescrites àpeine de nullite ont ete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, en tant qu'il condamne la demanderesse et lesdemandeurs II et III à une peine et à une contribution au Fonds specialpour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Rejette les pourvois de la demanderesse et des demandeurs II et III pourle surplus ;

Rejette le pourvoi du demandeur IV ;

Condamne la demanderesse aux deux tiers des frais de son pourvoi et laissele surplus des frais de ce pourvoi à charge de l'Etat ;

Condamne les demandeurs II et III aux quatre cinquiemes des frais de leurpourvoi et laisse le surplus des frais de ces pourvois à charge del'Etat ;

Condamne le demandeur IV aux frais de son pourvoi ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel d'Anvers.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Paul Maffei, president, Luc Vanhoogenbemt, president de section, les conseillers Pierre Cornelis, FilipVan Volsem et Erwin Francis, et prononce en audience publique duvingt-sept mai deux mille quatorze par le president de section PaulMaffei, en presence du procureur general Patrick Duinslaeger, avecl'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Gustave Steffens ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le conseiller,

27 MAI 2014 P.13.1420.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.13.1420.N
Date de la décision : 27/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-05-27;p.13.1420.n ?
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