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13/06/2014 | BELGIQUE | N°C.14.0010.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 juin 2014, C.14.0010.F


Cour de cassation de Belgique

**101



NDEG C.14.0010.F

GESTION DE L'INFORMATIQUE POUR LES ADMINISTRATIONS LOCALES, associationsans but lucratif dont le siege est etabli à Bruxelles, boulevard EmileJacqmain, 95,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

DECOM, societe anonyme dont le siege social est etabli à Dilbeek(Groot-Bijgaarden), 't Hofveld, 6 C 4, faisant election de domici

le chezMaitre Chris De Nyn, avocat aux barreaux de Malines et Bruxelles, dont lecabinet est etabli ...

Cour de cassation de Belgique

**101

NDEG C.14.0010.F

GESTION DE L'INFORMATIQUE POUR LES ADMINISTRATIONS LOCALES, associationsans but lucratif dont le siege est etabli à Bruxelles, boulevard EmileJacqmain, 95,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il estfait election de domicile,

contre

DECOM, societe anonyme dont le siege social est etabli à Dilbeek(Groot-Bijgaarden), 't Hofveld, 6 C 4, faisant election de domicile chezMaitre Chris De Nyn, avocat aux barreaux de Malines et Bruxelles, dont lecabinet est etabli à Londerzeel, Oudemanstraat, 25, et Maitre JeroenPinoy, avocat aux barreaux de Malines et Bruxelles, dont le cabinet estetabli à Londerzeel, Hoveniersstraat, 21,

defenderesse en cassation,

en presence de

TWOGETHER & PARTNERS, societe anonyme dont le siege social est etabli àUccle, avenue Coghen, 119, faisant election de domicile chez MaitresCatherine Wijnants et Michel Verhaegen, avocats au barreau de Bruxelles,dont le cabinet est etabli à Ixelles, chaussee de Boondael, 6,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 novembre2013 par le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif.

Le 4 avril 2014, l'avocat general Thierry Werquin a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a ete entendu en ses conclusions.

.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 144, 145, 149 et 160 de la Constitution ;

- articles 7, 14 et 28 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees le 12janvier 1973 ;

- articles 1er et 3 de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sansbut lucratif, les associations internationales sans but lucratif et lesfondations ;

- article 65/24 de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publicset à certains marches de travaux, de fourniture et de services ;

- principe general du droit, dit principe dispositif, en vertu duquelseules les parties ont la maitrise des limites du litige, dont l'article1138, 2DEG, du Code judicaire est une application, et, pour autant que debesoin, article 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit non fondee l'exception d'incompetence ratione personaesoulevee par [la demanderesse] et, en consequence, ordonne la reouverturedes debats et charge le membre de l'auditorat designe par l'auditoratgeneral de rediger un rapport complementaire à ce sujet.

L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :

« B. Quant au declinatoire de competence

Dans l'arret prononce le 30 mai 2011 par la Cour de cassation auquel [lademanderesse] se refere dans son declinatoire de competence, on peut lirenotamment ce qui suit : `une association de droit prive, fut-elle creee ouagreee par une autorite administrative et fut-elle soumise au controle del'autorite, qui ne peut pas prendre de decision obligatoire à l'egard destiers, n'a pas la nature d'une autorite administrative. Le fait qu'unetache d'interet general lui soit confiee est sans interet à cet egard' ;

La notion d'association de droit prive n'est definie par aucun texte ;

Cette qualite ne peut se deduire de la seule forme adoptee par unorganisme, quel qu'il soit ;

L'exception d'incompetence opposee par la [demanderesse] repose sur lapremisse selon laquelle le pouvoir adjudicateur est une association sansbut lucratif, soit une personne morale de droit prive ;

En l'espece, les dispositions des statuts de [la demanderesse] fontapparaitre le lien organique qui l'unit à la Region deBruxelles-Capitale, à la ville de Bruxelles et au centre public d'actionsociale de celle-ci ;

C'est ainsi qu'il ressort de l'article 4 que les membres effectifs ayantla qualite de membres fondateurs etaient, à la constitution, la ville deBruxelles, le centre public d'action sociale de Bruxelles et la Region deBruxelles-Capitale, et que seuls les membres effectifs ont le droit devote ;

L'article 5 porte ce qui suit :

`Les membres effectifs sont libres de se retirer de l'associationmoyennant preavis d'un an, notifie par envoi recommande au president duconseil d'administration.

Chaque membre effectif est represente à l'assemblee generale et auconseil d'administration par un nombre de mandataires defini par lereglement d'ordre interieur.

Seront admis en qualite de mandataires de la ville de Bruxelles, l'echevinayant l'informatique dans ses attributions, les echevins ou conseillerscommunaux designes par une deliberation du conseil communal de la ville.Parmi les mandataires de la ville, le conseil communal fera choix d'unconseiller communal representant le parti democratique de l'opposition leplus important en nombre de sieges au conseil communal de la ville.

Les mandataires au nombre fixe par le reglement d'ordre interieur de laRegion seront designes par celle-ci.

Les mandataires du centre public d'action sociale au nombre fixe par lereglement d'ordre interieur seront designes par son conseil' ;

Selon l'article 17, chaque membre effectif dispose à l'assemblee generaledu droit de vote correspondant aux pourcentages suivants :

- Region de Bruxelles-Capitale : 20 p.c.

- ville de Bruxelles : 60 p.c.

- autres membres effectifs : 20 p.c.,

le vote d'un membre effectif s'exprimant à la majorite simple des voix deses mandataires presents ou representes ;

Dans ces conditions, il apparait que l'exception d'incompetence souleveepar la [demanderesse] repose sur une premisse qui ne se verifie pas ».

L'arret en conclut que « l'association sans but lucratif [demanderesse] doit etre consideree comme une autorite administrative au sens del'article 14, S: 1er, des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat » etqu'« en consequence, il y a lieu d'ordonner la reouverture des debats ».

Griefs

Premiere branche

1. Il est constant que, si le juge peut suppleer d'office aux moyensinvoques par les parties, c'est à la condition qu'il n'eleve aucunecontestation dont celles-ci ont exclu l'existence, qu'il se fondeuniquement sur des faits regulierement soumis à son appreciation et qu'ilne modifie pas l'objet de la demande. Il doit, ce faisant, respecter lesdroits de la defense.

2. En l'espece, la [defenderesse] soutenait que, « dans la mesure ou lesorganismes prives assurent, par des procedes et en usant de pouvoirs dedroit public, la marche des services publics, leurs actes sont des actesadministratifs. Les associations privees ayant une personnalite juridiquedistincte, creees par des autorites administratives [...], sontconsiderees comme des autorites administratives » et qu' « une personnemorale de droit prive, chargee d'une mission d'interet public ressortit dela competence du Conseil d'Etat lorsqu'elle a ete constituee par ou àl'initiative ou se trouve sous le controle de l'administration. Tel est lecas lorsqu'une association sans but lucratif doit etre consideree comme leprolongement de l'administration et doit elle-meme etre qualifieed'autorite publique ».

Celle-ci admettait ainsi que, comme le soutenait la demanderesse, [cettederniere] etait une association de droit prive. C'est sur la base de cettepremisse qu'elle soutenait que [la demanderesse] n'en demeurait pas moinsune autorite administrative au sens de l'article 14 des lois sur leConseil d'Etat, coordonnees le 12 janvier 1973.

3. En consequence, en considerant que « la premisse selon laquelle lepouvoir adjudicateur est une association sans but lucratif, soit unepersonne morale de droit prive [...], ne se verifie pas », l'arret eleve,sans rouvrir les debats, une contestation dont les parties excluaientl'existence et, partant, viole le principe general du droit, dit principedispositif, en vertu duquel seules les parties ont la maitrise des limitesdu litige, dont l'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire est uneapplication, et, pour autant que de besoin, cette disposition legale,ainsi que le principe general du droit relatif au respect des droits de ladefense.

Deuxieme branche

1. Aux termes du paragraphe 1er de l'article 3 de la loi du 27 juin 1921sur les associations sans but lucratif, les associations internationalessans but lucratif et les fondations, la personnalite juridique est acquiseaux associations sans but lucratif à compter du jour ou ses statuts, lesactes relatifs à la nomination des administrateurs et, le cas echeant,des personnes habilitees à representer l'association sont deposes augreffe du tribunal.

Il est egalement admis que le concept de personnalite morale implique uneseparation entre la personne morale et ses membres, l'association dotee dela personnalite juridique recevant une veritable qualite propre de sujetde droit. Ce n'est donc que dans des hypotheses determinees qu'il estpossible de faire abstraction de la personnalite juridique d'uneassociation ou de certains de ses attributs en ecartant son autonomiejuridique, la regle etant le respect de l'existence de celle-ci.

2. En l'espece, par les motifs repris au moyen et tenus ici pourintegralement reproduits, l'arret considere tout d'abord que « la notiond'association de droit prive n'est definie par aucun texte ; que cettequalite ne peut se deduire de la seule forme adoptee par un organisme,quel qu'il soit » et, se basant uniquement sur « le lien organique quil'unit à la Region de Bruxelles-Capitale, à la ville de Bruxelles et aucentre public d'action sociale de celle-ci », decide que l'exceptiond'incompetence soulevee par [la demanderesse] « repose sur une premissequi ne se verifie pas », à savoir le fait qu'elle est une personnemorale de droit prive. De la sorte, l'arret considere que la circonstanceque ses organes et ses membres soient composes d'autorites administrativesde droit public suffit à priver [la demanderesse] de sa qualite depersonne morale de droit prive, nonobstant la forme prise par celle-ci.Faisant, partant, abstraction de la personnalite juridique propre de [lademanderesse], l'arret attribue par extension à [celle-ci] le caracterepublic que possedent lesdits organes et membres.

3. En consequence, en decidant, sur la base des considerations quiprecedent, que la premisse selon laquelle [la demanderesse] est unepersonne morale de droit prive ne se verifie pas, l'arret meconnait laportee legale de la personnalite morale attribuee à une association sansbut lucratif (violation des articles 1er et 3 de la loi du 27 juin 1921sur les associations sans but lucratif, les associations internationalessans but lucratif et les fondations).

Troisieme branche

1. Dans son memoire en reponse, auquel renvoyait expressement son derniermemoire, [la demanderesse] faisait valoir que :

« Les institutions creees ou reconnues par l'autorite federale, par lescommunautes et les regions, les provinces ou les communes, qui sontchargees d'un service public et qui ne relevent pas du pouvoir judiciaireou legislatif, constituent en principe des autorites administratives, dansla mesure ou leur fonctionnement est determine et controle par l'autoriteet qu'elles peuvent prendre des decisions obligatoires à l'egard destiers ;

Une association de droit prive, fut-elle creee ou agreee par une autoriteadministrative et fut-elle soumise au controle de l'autorite, qui ne peutpas prendre de decision obligatoire à l'egard des tiers, n'a pas lanature d'une autorite administrative. Le fait qu'une tache d'interetgeneral lui soit confiee est sans interet à cet egard [...] ;

Par ailleurs, l'activite de [la demanderesse] ne s'inscrit pas dansl'execution de dispositions legislatives ou reglementaires mais estdeterminee par ses statuts [...] ;

C'est ainsi que [la demanderesse] met en oeuvre les outils decommunication de la ville de Bruxelles, c'est-à-dire essentiellement lesite internet de la ville et la realisation/distribution du Brusseleirsous forme de toutes-boites aux habitants de la ville ;

Il resulte de ceci que [la demanderesse] fournit à ses membres desservices informatiques (solutions logicielles adaptees, installation etgestion du materiel informatique, hebergement de sites internet, etc.) etdes services en matiere de communication, et ne peut nullement prendre desdecisions obligatoires à l'egard des tiers, c'est-à-dire `determinerunilateralement ses propres obligations vis-à-vis des tiers ou constaterunilateralement les obligations de ces tiers' ».

2. Par les motifs repris au moyen et tenus ici pour integralementreproduits, l'arret se borne à declarer que « la notion d'association dedroit prive n'est definie par aucun texte ; que cette qualite ne peut sededuire de la seule forme adoptee par un organisme, quel qu'il soit » et,se basant uniquement sur « le lien organique qui l'unit à la Region deBruxelles-Capitale, à la ville de Bruxelles et au centre public d'actionsociale de celle-ci », decide que l'exception d'incompetence soulevee par[la demanderesse] « repose sur une premisse qui ne se verifie pas » et,partant, la rejette.

De la sorte, l'arret ne rencontre en aucun de ses motifs le moyencirconstancie, souleve par [la demanderesse], selon lequel « lesinstitutions creees ou reconnues par l'autorite federale, par lescommunautes et les regions, les provinces ou les communes, qui sontchargees d'un service public et qui ne relevent pas du pouvoir judiciaireou legislatif, constituent en principe des autorites administratives, dansla mesure ou leur fonctionnement est determine et controle par l'autoriteet qu'elles peuvent prendre des decisions obligatoires à l'egard destiers ».

Ce moyen s'attachait, en effet, non seulement à la structure desautorites administratives, mais aussi à la portee de leurs pouvoirs. Or,sur cette question, demeuree pertinente, l'arret reste muet.

3. En consequence, l'arret n'est pas regulierement motive (violation desarticles 149 de la Constitution et 28 des lois coordonnees sur le Conseild'Etat du 12 janvier 1973).

Quatrieme branche

1. Aux termes de l'article 144 de la Constitution, les contestations quiont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort destribunaux de l'ordre judiciaire. Il en va de meme des contestations quiont pour objet des droits politiques, sauf les exceptions prevues par laloi et ce, en vertu de l'article 145 de la Constitution.

Le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, statue par voied'arrets dans les cas prevus par la loi en vertu des articles 160 de laConstitution et 7 des lois coordonnees du 12 janvier 1973 sur le Conseild'Etat. Aux termes de l'article 14 de cette loi, il statue ainsi sur lesrecours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soitprescrites à peine de nullite, exces ou detournement de pouvoir, formescontre les actes et reglements des diverses autorites administratives.

Faisant une application particuliere des regles qui precedent, l'article65/24 de la loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics et àcertains marches de travaux, de fourniture et de services dispose que lesrecours vises aux articles 65/14 - à savoir les recours en annulation desdecisions prises par les autorites adjudicatrices - doivent etre portesdevant le Conseil d'Etat lorsque l'autorite adjudicatrice est une autoriteadministrative au sens de l'article 14 des lois coordonnees du 12 janvier1973 sur le Conseil d'Etat, tandis que, lorsque le pouvoir adjudicateurne revet pas pareille qualite, seuls les cours et tribunaux de l'ordrejudiciaire sont investis du pouvoir de connaitre de ces recours.

Concernant la notion d'autorite administrative, la jurisprudence constantede la Cour de cassation considere que :

« Les institutions creees ou agreees par les pouvoirs publics [...] quisont chargees d'un service public et ne font pas partie du pouvoirjudiciaire ou legislatif constituent en principe des autoritesadministratives, dans la mesure ou leur fonctionnement est determine etcontrole par les pouvoirs publics et ou elles peuvent prendre desdecisions obligatoires à l'egard des tiers ;

[...] Une societe anonyme, fut-elle creee par une autorite administrativeet soumise à un controle important de la part des pouvoirs publics, quine peut prendre des decisions obligatoires à l'egard de tiers, ne perdpas son caractere de droit prive ».

L'arret de la Cour du 30 mai 2011 precise en outre qu' « une institutionpeut prendre des decisions obligatoires à l'egard des tiers si elle peutdeterminer unilateralement ses propres obligations vis-à-vis des tiers ouconstater unilateralement les obligations de ces tiers ».

Le Conseil d'Etat suit d'ailleurs largement la jurisprudence de la Coursur ce point.

Il en resulte que le critere organique, à savoir le fait que la societeou l'association ait ete creee ou soit controlee par des autoritesadministratives, n'est pas suffisant pour considerer celle-ci comme etantelle-meme une autorite administrative. Il faut, au contraire, lorsqu'elleprend la forme d'une personne de droit prive, qu'elle dispose, dansl'exercice de sa mission, du pouvoir de prendre des decisions obligatoiresà l'egard des tiers.

2. En l'espece, par les motifs repris au moyen et tenus ici pourintegralement reproduits, l'arret considere tout d'abord que « la notiond'association de droit prive n'est definie par aucun texte ; que cettequalite ne peut se deduire de la seule forme adoptee par un organisme,quel qu'il soit » et, se basant uniquement sur « le lien organique quil'unit à la Region de Bruxelles-Capitale, à la ville de Bruxelles et aucentre public d'action sociale de celle-ci », decide que l'exceptiond'incompetence soulevee par [la demanderesse] « repose sur une premissequi ne se verifie pas », à savoir le fait qu'elle est une personnemorale de droit prive. L'arret en conclut que « [la demanderesse] doitetre consideree comme une autorite administrative au sens de l'article 14,S: 1er, des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat ».

Ce faisant, l'arret constate expressement que [la demanderesse] est uneassociation sans but lucratif mais considere que celle-ci n'en est pasmoins une autorite administrative, en raison du « lien organique quil'unit à la Region de Bruxelles-Capitale, à la ville de Bruxelles et aucentre public d'action sociale de celle-ci ».

En aucun de ses motifs, l'arret ne constate des lors que [la demanderesse]disposait, dans l'exercice de sa mission, du pouvoir de prendreunilateralement des decisions obligatoires à l'egard des tiers, ce quiconstitue pourtant une condition de la qualification d'autoriteadministrative selon la jurisprudence precitee de la Cour.

3. En consequence, en rejetant l'exception d'incompetence soulevee par lademanderesse sur la base des seules considerations qui precedent, l'arretmeconnait la notion legale d'autorite administrative (violation desarticles 144, 145, 160 de la Constitution, 7, 14 des lois sur le Conseild'Etat, coordonnees le 12 janvier 1973, ainsi que de l'article 65/24 dela loi du 24 decembre 1993 relative aux marches publics et à certainsmarches de travaux, de fourniture et de services).

III. La decision de la Cour

Quant à la quatrieme branche :

En vertu de l'article 65/24 de la loi du 24 decembre 1993 relative auxmarches publics et à certains marches de travaux, de fourniture et deservices, le Conseil d'Etat est competent pour annuler la decision prisepar l'autorite adjudicatrice lorsque cette autorite adjudicatrice est uneautorite visee à l'article 14, S: 1er, des lois sur le Conseil d'Etat,coordonnees le 12 janvier 1973.

Aux termes de l'article 14, S: 1er, desdites lois coordonnees, le Conseild'Etat, section du contentieux administratif, statue par voie d'arrets surles recours en annulation pour violation des formes soit substantielles,soit prescrites à peine de nullite, exces ou detournement de pouvoir,formes contre les actes et reglements des diverses autoritesadministratives.

Les institutions creees ou reconnues par l'autorite federale, par lescommunautes et les regions, les provinces ou les communes, qui sontchargees d'un service public et qui ne relevent pas du pouvoir judiciaireou legislatif, constituent en principe des autorites administratives, dansla mesure ou leur fonctionnement est determine et controle par l'autoriteet qu'elles peuvent prendre des decisions obligatoires à l'egard destiers.

Une association sans but lucratif, fut-elle creee par une autoriteadministrative et fut-elle soumise à un controle important de la part despouvoirs publics, qui ne peut pas prendre de decision obligatoire àl'egard des tiers, ne perd pas son caractere de droit prive. Le faitqu'une tache d'interet general lui soit confiee est, à cet egard, sansinteret.

L'arret considere que « les dispositions des statuts de [la demanderesse]font apparaitre le lien organique qui l'unit à la Region deBruxelles-Capitale, à la ville de Bruxelles et au centre public d'actionsociale de celle-ci » et fonde cette decision sur les motifs que :

- « il ressort de l'article 4 [des statuts de la demanderesse] que lesmembres effectifs ayant la qualite de membres fondateurs etaient, à laconstitution, la ville de Bruxelles, le centre public d'action sociale deBruxelles et la Region de Bruxelles-Capitale et que seuls les membreseffectifs ont le droit de vote » ;

- « l'article 5 porte ce qui suit : `Les membres effectifs sont libres dese retirer de l'association moyennant un preavis d'un an, notifie parenvoi recommande au president du conseil d'administration. Chaque membreeffectif est represente à l'assemblee generale et au conseild'administration par un nombre de mandataires defini par le reglementd'ordre interieur. Seront admis en qualite de mandataires de la ville deBruxelles, l'echevin ayant l'informatique dans ses attributions, lesechevins ou conseillers communaux designes par une deliberation du conseilcommunal de la ville. Parmi les mandataires de la ville, le conseilcommunal fera choix d'un conseiller communal representant le partidemocratique de l'opposition le plus important en nombre de sieges auconseil communal de la ville. Les mandataires au nombre fixe par lereglement d'ordre interieur de la Region seront designes par celle-ci. Lesmandataires du centre public d'action sociale au nombre fixe par lereglement d'ordre interieur seront designes par son conseil' » ;

- « selon l'article 17, chaque membre effectif dispose à l'assembleegenerale du droit de vote correspondant aux pourcentages suivants : Regionde Bruxelles-Capitale : vingt p.c., ville de Bruxelles : soixante p.c.,autres membres effectifs : vingt p.c., le vote d'un membre effectifs'exprimant à la majorite simple des voix de ses mandataires presents ourepresentes ».

Il deduit de ces seules enonciations que « la premisse selon laquelle lepouvoir adjudicateur est une association sans but lucratif, soit unepersonne morale de droit prive », sur laquelle repose l'exceptiond'incompetence opposee par la demanderesse, « ne se verifie pas ».

En rejetant sur cette base le declinatoire de juridiction souleve par lademanderesse, sans constater qu'elle peut prendre des decisionsobligatoires à l'egard des tiers, l'arret viole l'article 14, S: 1er, deslois coordonnees sur le Conseil d'Etat.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

La demanderesse a interet à ce que le present arret soit declare communà la partie appelee à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour, statuant en chambres reunies,

Casse l'arret attaque ;

Declare le present arret commun à la societe anonyme Twogether &Partners ;

Ordonne que le present arret sera transcrit dans les registres du Conseild'Etat et qu'il en sera fait mention en marge de l'arret casse ;

Condamne la defenderesse aux depens ;

Renvoie la cause devant le Conseil d'Etat, section du contentieuxadministratif, autrement compose, qui se conformera à la decision de laCour sur le point de droit juge par elle.

Les depens taxes à la somme de huit cent trente-cinq eurossoixante-quatre centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, chambres reunies, à Bruxelles, ousiegeaient le president Paul Maffei, les presidents de section ChristianStorck et Albert Fettweis, les conseillers Alain Smetryns, Koen Mestdagh,Martine Regout, Geert Jocque, Mireille Delange, Filip Van Volsem, MichelLemal et Marie-Claire Ernotte et prononce en audience publique du treizejuin deux mille quatorze par le president Paul Maffei, en presence del'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier en chefChantal Van Der Kelen.

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| Ch. Van Der Kelen | M-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| F. Van Volsem | M. Delange | G. Jocque |
| | | |
| M. Regout | K. Mestdagh | A. Smetryns |
| | | |
| A. Fettweis | Ch. Storck | P. Maffei |
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13 JUIN 2014 C.14.0010.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0010.F
Date de la décision : 13/06/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-06-13;c.14.0010.f ?
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