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16/06/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0527.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 juin 2014, C.13.0527.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0527.F

A. M.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. M. T.,

2. Y. T.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

II. La procedure devant la Cour


Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 juillet 2013par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 22 mai ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0527.F

A. M.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

1. M. T.,

2. Y. T.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

II. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 juillet 2013par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 22 mai 2014, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Par ordonnance du 28 mai 2014, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat general Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1338, 1340, 1341, 1347, 1348 et 1993 du Code civil ;

- principe general du droit aux termes duquel les renonciations à undroit peuvent etre tacites pour autant qu'elles soient certaines etpuissent se deduire de faits non susceptibles d'une autre interpretation.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate qu'il n'est pas « conteste qu'à partir de l'annee2002, madame B. a donne à sa cousine germaine, [la demanderesse], uneprocuration sur ses comptes en banque et que ce mandat n'a pas pris fin duvivant de la defunte » et avoir releve « que, hors les retraits destinesaux depenses courantes de madame B., la charge de copropriete desimmeubles dont elle etait proprietaire, precomptes immobiliers et dettesfiscales, [la demanderesse] a procede aux retraits suivants :

* entre le 1er aout 2002 et le 20 octobre 2005 :

- 154.704,03 euros du compte à vue 310-0750980-92

- 1.250 euros du livret vert 310-4757888-27

- 5.500 euros du compte à vue 432-9135881-79

* entre octobre 2005 et octobre 2008 :

- 97.710 euros du compte à vue 310-0750980-92

- 4.500 euros du livret vert 310-4757888-27

- 58.036,68 euros du livret vert 310-4757888-27

- 5.577,80 euros du compte à vue 432-9135881-79

- 6.250 euros du compte epargne 432-9135889-37 »,

l'arret « dit l'appel recevable et fonde ; en consequence, met lejugement entrepris à neant, sauf en tant qu'il a dit la demandeoriginaire recevable » et, « statuant à nouveau pour le surplus [...],condamne [la demanderesse] à payer [aux defendeurs] la somme de333.528,48 euros, majoree des interets moratoires depuis la date desdifferents retraits, jusqu'au paiement effectif » ainsi que les « depensde deux instances ».

Il fonde cette decision sur les motifs suivants :

« 6. Le mandataire doit, en vertu de l'article 1993 du Code civil, (i)justifier au mandant ou, s'il vient à deceder, à ses heritiers, de lamaniere dont il a rempli son mandat et (ii) lui restituer tout ce qu'il arec,u dans le cadre de celui-ci ou, à defaut, etablir le fait quijustifie sa liberation (remise des fonds au mandant, donation,compensation avec une dette du mandant à l'egard du mandataire, etc.).

7. [La demanderesse] allegue qu'elle a rendu compte de son mandat àmadame B. au fur et à mesure de son execution et que cette derniere luia donne quitus de son vivant ou, en d'autres termes, que madame B. auraitrenonce, de son vivant, à agir en restitution des avoirs ou sommesencaisses par sa mandataire ou par des tiers designes par celle-ci dans lecadre de son mandat.

La preuve d'une telle allegation doit etre rapportee par un ecrit conformeaux articles 1341 et suivants du Code civil pour ce qui concerne ladecharge, des lors que celle-ci porte sur une somme superieure à 375euros.

[La demanderesse] se prevaut à cet egard à tort d'une impossibilitemorale de se preconstituer un ecrit des decharges successives qui luiauraient ete donnees par madame B., là ou, nonobstant les rapportsapparemment privilegies qu'elle entretenait avec celle-ci, elle produitdes pieces qui demontrent qu'elle se reservait la preuve ecrite decertaines instructions de paiement donnees par sa mandante.

Il lui etait, des lors, loisible, non d'exiger une decharge ecrite pourchacune des operations, mais, à tout le moins, de solliciter celle-ci àintervalles raisonnables, sans porter atteinte à la relation affectivequ'elle avait avec la defunte. Il en est d'autant plus ainsi que, si l'onen croit l'attestation ecrite de monsieur B., etablie le 20 octobre 2009,le sujet `comptes' n'etait nullement un sujet tabou entre les parties aucontrat de mandat.

Hors la production d'un commencement de preuve par ecrit, rendantvraisemblable les decharges successives alleguees, ce `temoignage' n'atoutefois aucune valeur probante quant à ce.

C'est donc bien aux heritiers de madame B. [ici defendeurs] que [lademanderesse] doit rendre compte et, le cas echeant, restituer ce qu'ellea rec,u ou, si elle se pretend liberee, etablir la cause de la liberationqu'elle invoque ».

Griefs

1. La decharge (ou quitus) constitue l'acte unilateral abdicatif parlequel le mandant, qui s'estime satisfait de la gestion de sonmandataire, renonce à exercer contre celui-ci l'action decoulant dumandat. Elle peut etre tacite pour autant qu'elle soit certaine etpuisse se deduire de faits non susceptibles d'une autre interpretation(articles 1338, 1340 et 1993 du Code civil et principe general dudroit vise au moyen).

2. Si, en vertu de l'article 1341 du Code civil, « il doit etre passeacte devant notaire ou sous signature privee de toute chose excedantune somme ou valeur de 375 euros », cette regle ne s'applique qu'auxparties à pareil acte, les tiers pouvant en rapporter la preuve partoutes voies de droit.

En fussent-ils meme les destinataires, les tiers à un acte unilateralpeuvent ainsi en rapporter la preuve par temoignages ou presomptions sansdevoir se prevaloir d'un commencement de preuve par ecrit au sens del'article 1347 du Code civil ou de l'une des causes visees à l'article1348 de celui-ci (articles 1341 et, pour autant que de besoin, 1347 et1348 du Code civil).

3. Il s'ensuit qu'en fondant sa decision sur la consideration que lademanderesse devait rapporter par ecrit, conformement aux articles1341 et suivants du Code civil, la preuve de la decharge dont elle seprevalait, qu'elle ne rapportait pas en l'espece pareille preuveecrite et ne demontrait pas davantage l'existence d'une impossibilitemorale de se preconstituer un ecrit (article 1348 du Code civil) oud'un commencement de preuve par ecrit (article 1347 du Code civil),l'arret :

1. meconnait le principe selon lequel la decharge, à l'instar de touterenonciation, peut etre tacite et peut des lors etre etablie autrementque par un acte ecrit (violation des articles 1338, 1340 et 1993 duCode civil et du principe general du droit vise au moyen) ;

2. meconnait la portee de l'article 1341 du Code civil en l'appliquant àla preuve de la decharge par le mandataire alors que celui-ci esttiers à cet acte unilateral et que l'article 1341 ne vaut qu'entreles parties à un acte (violation dudit article 1341 et, pour autantque de besoin, des articles 1347 et 1348 du Code civil) ;

3. et ne justifie des lors pas legalement sa decision (violation detoutes les dispositions visees au moyen et plus specialement desarticles 1338, 1340, 1341 et 1993 du Code civil, du principe generaldu droit aux termes duquel les renonciations à un droit peuvent etretacites pour autant qu'elles soient certaines et puissent se deduirede faits non susceptibles d'une autre interpretation).

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 1993 du Code civil, tout mandataire est tenu derendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'ila rec,u en vertu de sa procuration, quand bien meme ce qu'il aurait rec,un'eut point ete du au mandant.

L'article 1341 du Code civil dispose qu'il doit etre passe acte devantnotaire ou sous signature privee de toutes choses excedant une somme ouvaleur de 375 euros.

Il s'ensuit que la preuve de la decharge, expresse ou tacite, du mandantque le mandataire invoque pour justifier l'execution de ses obligationsdoit etre rapportee selon les modes prevus par l'article 1341 precitelorsqu'elle porte sur une somme excedant 375 euros.

Le moyen, qui est fonde sur le soutenement contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent soixante-sept euros dix-neufcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de deux centquatre-vingt-neuf euros six centimes envers les parties defenderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du seize juin deux mille quatorze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-------------------------------------------+
| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|------------+----------------+-------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+-------------------------------------------+

16 JUIN 2014 C.13.0527.F/7


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0527.F
Date de la décision : 16/06/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-06-16;c.13.0527.f ?
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