La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/09/2014 | BELGIQUE | N°C.09.0546.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 septembre 2014, C.09.0546.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0546.F

ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES, dont le siege est etabli àSchaerbeek, chaussee de Haecht, 579,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

defenderesse en cassation,

2. P. G.,

defendeu

r en cassation,

represente par Maitre John Kirkpatrick et assiste par Maitre SimoneNudelhoc, avocats à la Cour...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.09.0546.F

ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES, dont le siege est etabli àSchaerbeek, chaussee de Haecht, 579,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. AXA BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

defenderesse en cassation,

2. P. G.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre John Kirkpatrick et assiste par Maitre SimoneNudelhoc, avocats à la Cour de cassation, dont le cabinet est etabli àBruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou il est fait election dedomicile,

3. GENERALI BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, avenue Louise, 149,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 19 janvier2007 par le tribunal de premiere instance de Namur, statuant en degred'appel.

Par ordonnance du 7 juillet 2014, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 136, S: 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soinsde sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994, dans sa redaction applicable au litige ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque dit l'appel de la demanderesse non fonde et,confirmant le jugement du premier juge, deboute la demanderesse de sademande tendant au remboursement de ses decaissements consentis audefendeur à propos des soins de sante, dit que seul le defendeur et latroisieme defenderesse ont droit au remboursement des frais de soins desante dans la mesure des tickets moderateurs et condamne la demanderesseà la totalite des frais et des depens de l'instance d'appel exposes parles defendeurs, lui delaissant les siens, aux motifs que :

« Conformement à l'article 136 de la loi relative à l'assuranceobligatoire soins de sante et indemnites, coordonnee le 14 juillet 1994, l'organisme assureur est subroge de plein droit à la victime jusqu'àconcurrence de ses decaissements et de l'indemnisation due par le tiers responsable en vertu du droit commun en reparation du meme dommage (cf.Cass., 20 mars 1988, Pas., I, 160 ; 11 octobre 1999, Pas., I, 521).

La subrogation vaut, jusqu'à concurrence du montant des prestationsoctroyees, pour la totalite des sommes qui sont dues par le tiersresponsable (cf. Cass., 11 avril 1988, Pas., I, 922). Toutefois, cesprestations doivent avoir une cause identique à celle de la reparationdue par le tiers (cf. Cass., 11 avril 1988, Pas., I, 629 ; Pol.Charleroi, 7 juin 2005, R.G.A.R., 2006, nDEG 14.190).

L'action subrogatoire de l'organisme assureur a pour objet l'ensemble des droits et actions que le beneficiaire aurait pu, en raison du dommagesubi, exercer contre le tiers responsable, dans la limite toutefois dessommes dues par celui-ci pour la reparation du meme dommage (cf. Cass.,11 octobre 1999, precite).

Les sommes reclamees par (la demanderesse) concernent des soins de sante (...). (La demanderesse) estime etre en droit de reclamer leremboursement de la totalite de ses decaissements, la seule limite etantcelle qui resulte du partage de responsabilite.

(Le defendeur) et (la troisieme defenderesse), qui a avance (au defendeur) certains montants non contestes, reclament les montants qu'ilsont chacun supportes, correspondant aux tickets moderateurs et auremboursement des soins qui n'ont pas ete pris en charge par la [demanderesse] (frais d'osteopathie par exemple), soit ensemble un montantde 6.606,39 euros, la moitie seulement pouvant etre reclamee à [lapremiere defenderesse] vu le partage de responsabilite, ce qui n'est pas conteste. Plus precisement, (la troisieme defenderesse) et (le defendeur)s'entendent pour considerer que la part revenant à la premiere s'eleveà 1.805,87 euros, la moitie de 3.611,74 euros, et la part revenant ausecond s'eleve à 1.497,33 euros, la moitie de 2.994,66 euros, le toutcorrespondant aux frais supplementaires de 6.606,39 euros.

(La premiere defenderesse), qui intervient pour le tiers responsable pourmoitie, a paye la moitie des sommes qu'elle estimait dues dans le cadredu dommage materiel professionnel temporaire et a differe les paiementsrelatifs aux frais medicaux, des lors que les montants reclames par (lademanderesse) faisaient double emploi avec ceux qui sont reclames par (ledefendeur) et (la troisieme defenderesse) et que le litige à cet egardn'etait pas tranche.

Concernant les frais medicaux, (la demanderesse) estime avoir le droit dereclamer le montant correspondant aux tickets moderateurs, contrairementà ce qu'a decide le premier juge.

Les principes rappeles ci-dessus ont neanmoins ete correctement appliques par le premier juge. Celui-ci, à juste titre, a considere que (la demanderesse) conferait à sa subrogation une etendue qu'elle ne pouvait avoir en reclamant le remboursement des montants decaisses par (le defendeur), notamment les sommes representant les tickets moderateurs appliques aux differentes prestations dont il avait beneficie. La somme de6.606,39 euros ne fait pas partie des prestations supportees par la[demanderesse]. C'est, des lors, à bon droit que le premier juge a ditles demandes formees par (le defendeur) et (la troisieme defenderesse)fondees ».

Griefs

Selon l'article 136, S: 2, alinea 1er, de la loi coordonnee le 14 juillet1994, les prestations prevues par cette loi sont refusees lorsque ledommage decoulant d'une maladie, de lesions, de troubles fonctionnels oudu deces est effectivement repare en vertu d'une autre legislation belge,d'une legislation etrangere ou du droit commun de l'article 1382 du Codecivil. Toutefois, lorsque les sommes accordees en vertu de cettelegislation ou du droit commun sont inferieures aux prestations del'assurance, le beneficiaire a droit à la difference à charge de l'assurance.

En vertu de l'alinea 3 de ce paragraphe 2, les prestations sont octroyees,dans les conditions determinees par le Roi, en attendant que le dommagesoit effectivement repare en vertu d'une autre legislation belge, d'unelegislation etrangere ou du droit commun.

Et, selon l'alinea 4 de la meme disposition, l'organisme assureur estsubroge de plein droit au beneficiaire dans les droits qu'il exercecontre le tiers responsable sur la base de l'article 1382 du Code civil.Cette subrogation vaut, jusqu'à concurrence du montant de l'integralitedes prestations octroyees, pour la totalite des sommes qui sont dues parle tiers en vertu du droit commun et qui reparent partiellement outotalement le dommage vise à l'alinea 1er.

En cas de partage de responsabilite entre un tiers et l'assure dansl'accident de droit commun ayant provoque le dommage de ce dernier,l'action de l'organisme assureur s'etend à l'integralite des sommes duespar le tiers en reparation du dommage vise par la loi, sans pouvoirexceder le montant des prestations qu'il a octroyees. La subrogationn'est pas limitee à la fraction de ses decaissements correspondant à lapart de responsabilite du tiers.

L'organisme assureur est, en consequence, subroge egalement sur le montantdu dommage que subit son assure, ou celui qui intervientcontractuellement pour lui à cet effet, consistant dans la quote-partdes frais medicaux que la legislation sur l'assurance soins de sante etindemnites laisse à sa charge (ticket moderateur), tandis que l'assurene peut pretendre à une indemnisation sur la base de l'article 1382 duCode civil à charge du tiers que si le dommage reparable, à savoir les frais medicaux, excede les debours de l'organisme assureur, dont lasubrogation s'exerce, à ce propos, aussi sur la part des frais assumeepar l'assure, des lors que les decaissements de l'organisme assureur nedepassent pas la totalite de ce dont le tiers responsable reste redevableau titre de la totalite des frais medicaux, ticket moderateur compris.

Le jugement attaque ne conteste pas que la demanderesse avait decaisse la totalite des sommes dont elle reclamait le payement à la premieredefenderesse, pas plus qu'il ne pretend que la totalite de cesdecaissements ne depassait pas l'indemnisation dont [la premieredefenderesse] restait redevable, au titre des frais medicaux, eu egard aupartage de responsabilite, à cet egard. Mais, par confirmation dujugement du premier juge, il decide que la demanderesse ne peut exercer,quant à ce, sa subrogation qu'à l'exclusion des montants que ledefendeur et la troisieme defenderesse ont eux-memes avancespersonnellement au titre du ticket moderateur, montants qu'il leuralloue, et exclut à cet egard l'action de la demanderesse. Il viole, dela sorte, les articles 136, S: 2, specialement alineas 1er, 2, 3 et 4, dela loi coordonnee et 1382 et 1383 du Code civil.

III. La decision de la Cour

En vertu de l'article 136, S: 2, alinea 1er, de la loi coordonnee du 14juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de sante etindemnites, les prestations prevues par cette loi sont refusees lorsque ledommage decoulant d'une maladie, de lesions, de troubles fonctionnels oudu deces est effectivement repare en vertu d'une autre legislation belge,d'une legislation etrangere ou du droit commun. Toutefois, lorsque lessommes accordees en vertu de cette legislation ou du droit commun sontinferieures aux prestations de l'assurance, le beneficiaire a droit à ladifference à charge de l'assurance.

Aux termes de l'alinea 4 du meme paragraphe, l'organisme assureur estsubroge de plein droit au beneficiaire ; cette subrogation vaut, jusqu'àconcurrence du montant des prestations octroyees, pour la totalite dessommes qui sont dues en vertu d'une legislation belge, d'une legislationetrangere ou du droit commun et qui reparent partiellement ou totalementle dommage vise à l'alinea 1er.

Il suit de ces dispositions que l'organisme assureur, qui a fourni desprestations à la victime, est subroge dans les droits du beneficiairejusqu'à concurrence de l'integralite des prestations qu'il lui aoctroyees.

Le montant du dommage que subit le beneficiaire consistant dans laquote-part des frais medicaux que la legislation sur l'assuranceobligatoire en matiere de soins de sante et d'indemnites laisse à sacharge apres intervention de l'organisme assureur, dite « ticketmoderateur », n'est pas exclu de la subrogation dudit organisme assureur.

Il ressort du jugement attaque que :

- le defendeur a ete victime d'un accident, dont la responsabilite a etepartagee par moitie entre lui-meme et un tiers ;

- à la suite de cet accident, la demanderesse lui a paye les soins desante prevus par la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santeet indemnites ;

- le defendeur et la troisieme defenderesse ont supporte ensemble 6.606,39euros de soins de sante ; il s'agit, d'une part, du ticket moderateur,d'autre part, de soins de sante pour lesquels la demanderesse n'octroieaucune intervention ;

- la premiere defenderesse, assureur du tiers responsable de l'accident, arembourse une partie des soins de sante à la demanderesse et devaitencore verser une indemnite pour les soins de sante supportes par ledefendeur et la troisieme defenderesse, egale à la moitie de ces sommescompte tenu du partage de responsabilite, c'est-à-dire 3.303,20 euros ;

- la demanderesse demandait sur la base de l'article 136, S: 2, alinea 4,de la loi coordonnee le paiement de 3.303,20 euros en remboursement dusolde des prestations qu'elle avait payees ; le defendeur et la troisiemedefenderesse demandaient respectivement le paiement de 1.497,33 euros et1.805,87 euros, soit ensemble 3.303,20 euros, en indemnisation des soinsde sante qu'ils avaient supportes.

En condamnant la premiere defenderesse à payer la somme de 3.303,20 eurosau defendeur et à la troisieme defenderesse, le jugement attaque rejettela demande de la demanderesse.

Le jugement attaque, qui exclut de la subrogation de la demanderesse« les sommes representant les tickets moderateurs appliques auxdifferentes prestations dont [le defendeur a] beneficie », violel'article 136, S: 2, alineas 1er et 4, de la loi coordonnee.

Le moyen est fonde.

La cassation de la decision du jugement attaque d'exclure de lasubrogation de la demanderesse les sommes representant les ticketsmoderateurs appliques aux differentes prestations dont le defendeur abeneficie s'etend à celle de condamner la premiere defenderesse à payerau defendeur et à la troisieme defenderesse respectivement 1.497,33 euroset 1.805,87 euros, en raison du lien de dependance necessaire entre cesdecisions.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque en tant que, par confirmation du jugement dupremier juge, il exclut de la subrogation de la demanderesse les sommesrepresentant les tickets moderateurs appliques aux differentes prestationsdont le defendeur a beneficie et dit recevables et fondees les demandes dudefendeur et de la troisieme defenderesse, qu'il condamne la premieredefenderesse à payer à ces parties respectivement 1.497,33 euros et1.805,87 euros à augmenter des interets et qu'il la condamne à payer lesdepens du defendeur ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancede Liege, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du huit septembre deux mille quatorze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-------------------------------------------+
| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|------------+----------------+-------------|
| M. Delange | M. Regout | Chr. Storck |
+-------------------------------------------+

8 SEPTEMBRE 2014 C.09.0546.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.09.0546.F
Date de la décision : 08/09/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-09-08;c.09.0546.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award