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10/09/2014 | BELGIQUE | N°P.14.1374.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 septembre 2014, P.14.1374.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.1374.F

ETAT BELGE, represente par le ministre de la Justice, charge de l'Asile etla migration, de l'integration sociale et de la lutte contre la pauvrete,dont les bureaux sont etablis à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Elisabeth Derriks, avocat au barreau deBruxelles,

contre

M. M.

etranger, prive de liberte,

defendeur en cassation,

ayant pour conseils Maitres Nicolas Cohen et Charlotte Morjane, avocats aubarreau de Bruxelle

s.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 13 aout 2014 par la courd...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.1374.F

ETAT BELGE, represente par le ministre de la Justice, charge de l'Asile etla migration, de l'integration sociale et de la lutte contre la pauvrete,dont les bureaux sont etablis à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Elisabeth Derriks, avocat au barreau deBruxelles,

contre

M. M.

etranger, prive de liberte,

defendeur en cassation,

ayant pour conseils Maitres Nicolas Cohen et Charlotte Morjane, avocats aubarreau de Bruxelles.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 13 aout 2014 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque trois moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le conseiller Franc,oise Roggen a fait rapport.

L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.

II. les faits

Le 18 fevrier 2011, le defendeur a ete assujetti à un arrete ministerielde renvoi. Les recours diligentes contre cette decision ont ete rejetes.

Le 5 decembre 2012, un ordre de quitter le territoire lui a ete delivre,avec maintien en vue d'eloignement.

Le Conseil du contentieux des etrangers a, par un arret du 27 fevrier2014, rejete le recours en annulation forme contre cette decision.

Le 15 mai 2014, un nouvel ordre de quitter le territoire a ete notifie audefendeur.

Les recours en extreme urgence qu'il a ensuite formes devant le Conseil ducontentieux des etrangers, diriges tant contre cette derniere decision quecontre celle de « refuser de prendre en consideration sa demande de leveede l'arrete ministeriel » ont ete rejetes.

Le 23 mai 2014, le defendeur a introduit une requete de mise en liberte,dirigee contre l'ordre de quitter le territoire avec maintien dans un lieudetermine du 15 mai 2014.

Par un arret du 25 juin 2014, la chambre des mises en accusation a rejetecette requete apres avoir constate la legalite des decisionsadministratives soumises à son examen.

Le 14 juillet 2014, une decision de prolongation de la detention dudefendeur lui a ete notifiee.

Le 22 juillet 2014, il a introduit contre cette decision une requete demise en liberte que la chambre du conseil a declaree irrecevable parordonnance du 28 juillet 2014. Statuant sur l'appel du defendeur, l'arretattaque reforme cette ordonnance et declare la requete de mise en liberterecevable et fondee.

III. la decision de la cour

Sur les fins de non-recevoir opposees au pourvoi par le defendeur :

La premiere fin de non-recevoir est deduite de l'article 31 de la loi du20 juillet 1990 relative à la detention preventive. Selon le defendeur,il ressort de cette disposition, rendue applicable en vertu de l'article72, alinea 4, de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, lesejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers, que seules lesdecisions par lesquelles la detention preventive est maintenue peuventfaire l'objet d'un pourvoi.

L'article 72 de la loi du 15 decembre 1980, qui ne fait pas mention dupourvoi en cassation, ne vise que la procedure d'instruction des recoursjudiciaires qu'il prevoit et sur lesquels statuent les juridictionsd'instruction. Cette disposition se refere necessairement à la loirelative à la detention preventive en vigueur lors de la promulgation dela loi du 15 decembre 1980, à savoir celle du 20 avril 1874, qui necontenait aucune disposition concernant le pourvoi en cassation, lequeletait forme suivant les regles du Code d'instruction criminelle.

La loi du 20 juillet 1990 relative à la detention preventive, quiconsacre un chapitre au pourvoi en cassation, n'a pas modifie l'article 72de la loi du 15 decembre 1980. Des lors, nonobstant l'entree en vigueur dela loi du 20 juillet 1990, un pourvoi en cassation peut etre forme contrel'arret de la chambre des mises en accusation qui ordonne la remise enliberte d'un etranger, ce pourvoi etant regle par les dispositions du Coded'instruction criminelle.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

A titre subsidiaire, le defendeur invite la Cour à poser à la Courconstitutionnelle deux questions prejudicielles relatives à l'article 72de la loi du 15 decembre 1980 et visant la difference de traitement de laprocedure en cassation selon qu'elle concerne un etranger en retentionadministrative ou un inculpe place sous mandat d'arret.

En vertu de l'article 26, S: 3, de la loi speciale du 6 janvier 1989 surla Cour constitutionnelle, sauf s'il existe un doute serieux quant à lacompatibilite d'une loi, d'un decret ou d'une regle visee à l'article 134de la Constitution avec une des regles ou un des articles de laConstitution vises au paragraphe 1er et qu'il n'y a pas de demande ou derecours ayant le meme objet qui soit pendant devant ladite Cour, unejuridiction n'est pas tenue de poser une question prejudicielle lorsque lademande est urgente et que le prononce quant à cette demande n'a qu'uncaractere provisoire.

Un etranger prive de liberte en vue de son renvoi et un inculpe maintenuen detention pour des motifs de securite publique ne sont pas dans dessituations comparables.

A defaut d'un doute au sens de la disposition precitee, la Cour n'est pastenue de poser les questions proposees.

Il n'y a pas lieu à renvoi prejudiciel.

La seconde fin de non-recevoir prend appui sur la loi du 20 avril 1874relative à la detention preventive. Le defendeur soutient que, selon lajurisprudence de la Cour de cassation, avant la loi du 20 juillet 1990, lepourvoi dirige contre un arret levant la detention preventive etaitirrecevable et que l'Etat belge, qui doit etre assimile à une partiecivile et qui, en l'espece, n'etait pas partie à la procedure devant lachambre des mises en accusation, ne saurait etre admis à former unpourvoi.

Depuis ses modifications par les articles 6, 2DEG, de la loi du 10 juillet1996 modifiant la loi du 15 decembre 1980 et 204, 2DEG, de la loi du 15septembre 2006 reformant le Conseil d'Etat et creant un Conseil ducontentieux des etrangers, l'article 72, alinea 4, de la loi du 15 juin1980, autorise le ministre ou son delegue à former un recours contretoutes les ordonnances de la chambre du conseil statuant sur une requetede mise en liberte.

Il s'ensuit que le recours de l'Etat belge a un objet similaire à celuique le ministere public peut introduire puisqu'il tend au maintien de ladecision administrative de privation de liberte assortissant un ordre dequitter le territoire. Des lors qu'il n'est ainsi pas assimilable à unepartie civile, l'Etat belge a, comme le ministere public, qualite pour sepourvoir en cassation contre l'arret de la chambre des mises en accusationqui ordonne la mise en liberte de l'etranger.

Enfin, la circonstance qu'il n'etait pas partie à l'instance d'appel neprive pas l'Etat belge de la faculte de se pourvoir en cassation.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Le moyen reproche à l'arret de declarer illegale la decision deprolongation de la retention du defendeur prise le 14 juillet 2014 aumotif de l'illegalite de l'ordre de quitter le territoire du 15 mai 2014,celui-ci etant fonde sur un arrete ministeriel de renvoi illegal, alorsque par arret du 25 juin 2014, la chambre des mises en accusation avaitdejà statue sur la legalite dudit ordre de quitter le territoire.

Statuant dans le cadre du recours exerce par le defendeur contre la mesurede privation de liberte qui avait ete prise à son egard le 15 mai 2014,la chambre des mises en accusation a juge dans son arret du 25 juin 2014que l'ordre de quitter le territoire du 15 mai 2014 sur lequel se fondaitla mesure de privation de liberte avait ete pris conformement à la loi.

Des lors qu'elle avait dejà statue de fac,on definitive sur ce point, lachambre des mises en accusation a commis un exces de pouvoir et violel'article 19 du Code judiciaire en examinant à nouveau la legalite del'ordre de quitter le territoire du 15 mai 2014 dans le cadre du recoursdirige contre la prolongation de la mesure de privation de liberte.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens qui ne pourraient entrainerde cassation sans renvoi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arret casse;

Laisse les frais à charge de l'Etat ;

Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises enaccusation, autrement composee.

Lesdits frais taxes en totalite à la somme de six cent soixante-neufeuros cinquante et un centimes dont cent quatre-vingt-sept euros dus etquatre cent quatre-vingt-deux euros cinquante et un centimes payes par lesdemandeurs.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, PierreCornelis, Gustave Steffens et Franc,oise Roggen, conseillers, et prononceen audience publique du dix septembre deux mille quatorze par FredericClose, president de section, en presence de Damien Vandermeersch, avocatgeneral, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

+------------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
|-------------+--------------+-------------|
| P. Cornelis | B. Dejemeppe | F. Close |
+------------------------------------------+

La soussignee Tatiana Fenaux, greffier à la Cour de cassation, constateque Monsieur le Conseiller Cornelis est dans l'impossibilite de signerl'arret.

Cette declaration est faite en vertu de l'article 785, alinea 1er, du Codejudiciaire.

Bruxelles, le 10 septembre 2014.

Le greffier,

T. Fenaux

10 SEPTEMBRE 2014 P.14.1374.F/7


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.1374.F
Date de la décision : 10/09/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-09-10;p.14.1374.f ?
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