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12/09/2014 | BELGIQUE | N°C.11.0430.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 septembre 2014, C.11.0430.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0430.N

UNITED ANTWERP MARITIME AGENCIES (UNAMAR), s.a.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

NAVIGATION MARITIME BULGARE, societe de droit bulgare,

Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 decembre2010 par la cour d'appel d'Anvers.

Dans son arret du 5 avril 2012, la Cour a sursis à statuer jusqu'à ceque la Cour de justice de l'Union europeenne se prononc

e sur la questionprejudicielle suivante :

« Compte tenu de la qualification en droit belge des articles 18, 20...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.11.0430.N

UNITED ANTWERP MARITIME AGENCIES (UNAMAR), s.a.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

NAVIGATION MARITIME BULGARE, societe de droit bulgare,

Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 decembre2010 par la cour d'appel d'Anvers.

Dans son arret du 5 avril 2012, la Cour a sursis à statuer jusqu'à ceque la Cour de justice de l'Union europeenne se prononce sur la questionprejudicielle suivante :

« Compte tenu de la qualification en droit belge des articles 18, 20 et21 critiques de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agencecommerciale en tant que dispositions de droit imperatif particulier ausens de l'article 7.2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loiapplicable aux obligations contractuelles, les articles 3 et 7.2 de cetteconvention, lus ou non en combinaison avec la directive 86/653/CEE duConseil du 18 decembre 1986 relative à la coordination des droits desEtats membres concernant les agents commerciaux independants, doivent-ilsetre interpretes en ce sens qu'ils permettent que les dispositions dedroit imperatif particulier du pays du juge qui offrent une protectionplus etendue que le minimum impose par la directive 86/653/CEE soientappliquees au contrat meme s'il apparait que le droit applicable aucontrat est le droit d'un autre Etat membre de l'Union europeenneorganisant aussi la protection minimum qui est offerte par laditedirective ? »

La Cour de justice de l'Union europeenne a repondu à cette questionprejudicielle dans son arret C-184/12 du 17 octobre 2013.

Le conseiller Alain Smetryns a fait rapport.

L'avocat general Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Les faits

Un contrat d'agence ecrit a ete conclu entre la demanderesse et ladefenderesse, qui est une societe bulgare, à partir de 2005 en vue del'exploitation d'un service regulier de conteneurs Bulcon appartenant àla defenderesse. Ce contrat d'agence commerciale a ete prolonge une ultimefois jusqu'au 31 mars 2009 par un contrat du 22 decembre 2008.

Ce contrat prevoyait qu'il etait regi par le droit bulgare et que toutlitige concernant le contrat serait tranche par la chambre d'arbitrage dela Chambre bulgare de commerce et d'industrie à Sofia.

La demanderesse, qui estimait qu'il avait ete mis fin de maniere illegaleau contrat d'agence commerciale, a cite le 25 fevrier 2009 la defenderessedevant le tribunal de commerce d'Anvers afin d'obtenir le paiement dediverses indemnites prevues par la loi du 13 avril 1995 relative aucontrat d'agence commerciale, à savoir une indemnite compensatoire depreavis, une indemnite d'eviction et une indemnite complementaire du chefde licenciement de personnel, soit au total 849.557,05 euros.

Le 13 mars 2009, la defenderesse a, à son tour, cite la demanderessedevant le tribunal de commerce d'Anvers afin d'obtenir le paiementd'arrieres de fret pour un montant de 327.207,87 euros.

Apres avoir joint les deux causes, le tribunal de commerce d'Anvers adecide, dans un jugement du 12 mai 2009, qu'en ce qui concerne la demandede paiement d'indemnites introduite par la demanderesse, le declinatoirede juridiction oppose par la defenderesse et deduit de l'existence d'uneclause d'arbitrage n'etait pas fonde.

Le tribunal de commerce a decide dans ce jugement du 12 mai 2009 que :

- l'article 27 de la loi belge du 13 avril 1995 relative au contratd'agence commerciale est une regle de rattachement immediate, applicableet unilaterale qui exclut le choix du droit etranger ;

- la loi du 13 avril 1995 ne releve certes pas de l'ordre publicinternational belge mais il y a lieu de l'appliquer ;

- les litiges qui relevent du champ d'application de la loi du 13 avril1995 ne sont, des lors, pas susceptibles de faire l'objet d'un arbitrageà moins que le contrat d'agence commerciale prevoie l'application dudroit belge ou d'un droit etranger equivalent ;

- des lors que le contrat conclu entre les parties est soumis au droitbulgare et qu'il n'apparait pas, suivant ce droit, que les regles de droitcontenues dans la directive 86/653/CEE s'appliquent aux agents commerciauxqui concluent des contrats de fourniture de services, les declinatoires decompetence opposes par la defenderesse manquent en droit.

Le 24 juin 2009, la defenderesse a interjete appel contre le jugementprecite et a invoque que le tribunal aurait du se declarer sansjuridiction en application de la clause d'arbitrage.

Des lors que la demanderesse n'avait pas prolonge la garantie bancaire àpremiere demande de 250.000 euros stipulee dans le contrat d'agencecommerciale, la defenderesse a, en outre, cite la demanderesse en refereafin d'obtenir le paiement de cette somme.

Cette demande a ete accueillie par l'ordonnance rendue le 13 mai 2009 parle president du tribunal de commerce d'Anvers, confirmee par l'arret de lacour d'appel d'Anvers du 28 octobre 2009.

Dans un arret du 23 decembre 2010, la cour d'appel d'Anvers a statue surl'appel forme contre le jugement du 12 mai 2009.

La cour d'appel condamne la demanderesse au paiement du solde des fretss'elevant à 77.207,87 euros majore des interets de retard au taux legalet aux depens.

La cour d'appel declare, en outre, fonde le declinatoire de juridictionoppose par la defenderesse et se declare sans pouvoir pour statuer sur lademande de paiement d'indemnites dirigee par la demanderesse contre ladefenderesse.

III. Le moyen de cassation

Dans sa requete le demanderesse presente un moyen.

Dispositions legales violees

- article 2 de la Convention pour la reconnaissance et l'execution dessentences arbitrales etrangeres, signee à New York le 10 juin 1958,approuvee par la loi du 5 juillet 1975 ;

- articles 3 et 7 de la Convention sur la loi applicable aux obligationscontractuelles signee à Rome le 19 juin 1980 et approuvee par la loi du14 juillet 1987 (M.B. du 9 octobre 1987) ;

- articles 18, 20, 21, 22, 23 et 27 de la loi du 13 avril 1995 relativeau contrat d'agence commerciale ;

- article 1676 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel ont decide que la clause d'arbitrage reprise dans laconvention conclue entre les parties et stipulant que la demande dirigeepar la demanderesse contre la defenderesse doit etre appreciee selon ledroit bulgare par la chambre d'arbitrage de la Chambre de commerce etd'industrie à Sofia - Bulgarie, indiquee par les parties au contrat, estconciliable avec l'ordre juridique interne belge de sorte que cette claused'arbitrage est reguliere et que le juge belge est, des lors, sansjuridiction pour connaitre de cette demande de la demanderesse dirigeecontre la defenderesse tendant au paiement des dommages et interets prevuspar la loi belge du 13 avril 1995 relative au contrat d'agencecommerciale. La cour d'appel declare, par ces motifs, l'appel de ladefenderesse fonde et, statuant à nouveau, se declare sans juridictionpour se prononcer sur la demande de paiement des dommages et interetsdirigee par la demanderesse contre la defenderesse et ce, sur la base desconsiderations suivantes :

« I. C'est de maniere judicieuse que le premier juge, qui n'a pas etecontredit par la demanderesse et dont les motifs ont ete repris par lacour d'appel, a decide que la renonciation par la defenderesse à laclause d'arbitrage invoquee par la demanderesse n'est pas etablie.

II. La demanderesse affirme que les contrats d'agence commerciale qu'ellea conclus annuellement avec la defenderesse pour la duree d'un an àpartir de 2005, sont la simple continuation du contrat d'agencecommerciale conclu par la defenderesse pour l'exploitation de la ligne deservices de conteneurs Bulcon depuis 1994 avec Kersten Hunik s.a.

Cet element conteste par la defenderesse n'est etabli ni par les faitsinvoques par la demanderesse ni par les pieces deposees ; il n'apparaitpas que, dans ses relations commerciales avec la defenderesse, lademanderesse etait le successeur regulier de la societe anonyme KerstenHunik dissoute le 21 fevrier 2005.

Il s'ensuit que, pour apprecier la demande de paiement des dommages etinterets, la cour d'appel suppose que les relations commercialeslitigieuses sont nees en 2005 en vertu de contrats d'agence commercialeconclus annuellement pour une duree d'un an, dont la derniere periodeprenait fin en principe le 31 decembre 2008 mais qui a ete prolongeejusqu'au 31 mars 2009 dans une annexe datee du 22 decembre 2008.

III. L'ensemble de ces conventions ecrites (redigees en langue anglaise)prevoit qu'elles sont regies par le droit bulgare et que tout litigeconcernant ces conventions sera tranche par la chambre d'arbitrage de laChambre bulgare de commerce et d'industrie à Sofia.

IV. En ce qui concerne l'examen de la validite de la clause d'arbitrageinvoquee, le premier juge a correctement applique dans le jugemententrepris la Convention pour la reconnaissance et l'execution dessentences arbitrales etrangeres, signee à New York le 10 juin 1958 ets'est refere à la jurisprudence de cassation pertinente y afferente.

L'article 2, alinea 1er, de la Convention pour la reconnaissance etl'execution des sentences arbitrales etrangeres, signee à New York le 10juin 1958, approuvee par la loi du 5 juin 1975 dispose que chacun desEtats contractants reconnait la convention ecrite par laquelle les partiess'obligent à soumettre à un arbitrage tous les differends ou certains deces differends qui se sont eleves ou pourraient s'elever entre elles ausujet d'un rapport de droit determine, contractuel ou non contractuel,portant sur une question susceptible d'etre reglee par voie d'arbitrage.L'article 2, alinea 3, de ladite convention dispose que le tribunal d'unEtat contractant, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelleles parties ont conclu une convention au sens de cet article, renverra lesparties à l'arbitrage, à la demande de l'une d'elles, à moins qu'il neconstate que ladite convention est caduque, inoperante ou non susceptibled'etre appliquee. L'obligation de renvoi ne vaut que pour les questionssusceptibles d'etre reglees par voie d'arbitrage. L'article 2 de laconvention n'indique pas expressement la loi sur la base de laquelle il ya lieu de determiner si le litige est susceptible d'etre regle par voied'arbitrage. Cette disposition conventionnelle permet toutefois que lejuge auquel la question est soumise examine la question au regard de sonsysteme juridique et determine ainsi les limites dans lesquelles lajurisprudence rendue par des juridictions privees sur certaines matieresest conciliable avec son ordre juridique interne. Elle n'empeche pas quele juge subordonne la possibilite de faire appel à l'arbitrage à desconditions qui sont etrangeres à la situation des parties ou à l'objetdu litige et offre la possibilite au juge d'appliquer les reglesimperatives de son ordre juridique interne. Lorsque la conventiond'arbitrage est soumise à une loi etrangere, le juge qui connait d'undeclinatoire de juridiction doit exclure l'arbitrage lorsque le litige nepeut etre soustrait à la juridiction du juge national en vertu de toutesles regles de droit pertinentes de la loi du for (voir Cass., 14 janvier2010, C.08.0503.N).

V. La loi belge du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commercialen'est pas d'ordre public et ne releve donc certainement pas de l'ordrepublic international belge.

VI. L'article 27 de la loi belge du 13 avril 1995, qui transpose ladirective 86/653/CEE dans l'ordre juridique belge, dispose que `Sousreserve de l'application des conventions internationales auxquelles laBelgique est partie, toute activite d'un agent commercial ayant sonetablissement principal en Belgique releve de la loi belge et de lacompetence des tribunaux belges'.

VII. La Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable auxobligations contractuelles qui lie aussi la Belgique s'applique à laconvention litigieuse.

Dans l'arret Ingmar (du 9 novembre 2000), la Cour de justice de l'Unioneuropeenne a decide que, si un agent commercial etabli dans l'Unioneuropeenne conclut un contrat d'agence commerciale avec un commettantetabli dans un pays tiers et que les parties declarent le droit de ce paysapplicable, les dispositions imperatives de la directive (parmi lesquellescelles qui conferent à l'agent commercial certains droits apres la fin ducontrat d'agence commerciale) demeurent d'application nonobstant ce choixde la loi applicable.

La cour d'appel doit, des lors, examiner si les dispositions imperativesde la directive relative au contrat d'agence commerciale ont etetransposees dans le droit bulgare choisi par les parties.

VIII. Il n'est pas conteste que la Bulgarie fait partie de l'Unioneuropeenne et la cour d'appel decide, sur la base des pieces produites,que la protection offerte par la directive precitee à l'agent commercialest transposee dans le droit bulgare declare applicable par les parties.

Cette protection minimale ne comprend en effet pas la discussion existantentre les parties de savoir si un agent commercial qui conclut descontrats de fourniture de services est ou n'est pas soumis àl'application de la directive UE 86/653/CEE transposee dans le droitbulgare.

La cour d'appel considere, en outre, fut-ce de maniere surabondante, surla base des pieces produites, parmi lesquelles les informations apporteespar des tiers competents consultes par les parties afin de preciser la loibulgare (...), qu'en tant qu'agent maritime de la defenderesse lademanderesse est soumise à l'application de la directive europeennerelative à l'agence commerciale transposee dans la legislation bulgare.

La cour d'appel considere, en outre, que, suivant la legislation bulgare,dans les circonstances prevues par la directive, un agent commercial adroit à une indemnite d'eviction et que la duree du delai de preavisprevue par la directive est respectee par ladite legislation.

IX. En application de l'article 7 de la Convention 1980 sur la loiapplicable aux obligations contractuelles signee à Rome le 19 juin 1980,il ne peut etre donne effet aux dispositions imperatives particulieres(les articles 18, 20 et 21 cites par le premier juge) de la loi belge surle contrat d'agence commerciale pour trancher la demande introduite par lademanderesse : en effet, comme il est demontre au point VIII, le droitbulgare choisi par les parties offre aussi à la demanderesse en tantqu'agent maritime de la defenderesse la protection minimale prevue par ladirective europeenne relative à l'agence commerciale et, pour ces motifs,l'autonomie de la volonte des parties (choix du droit bulgare) doit primerle droit d'un autre Etat membre de l'Union europeenne, comme la Belgique.

En outre, l'article 3 de cette meme convention ne s'applique pas aupresent litige.

Il ressort, des lors, des considerations sous VII à IX, qu'en applicationde l'article 27 de la loi belge du 13 avril 1995 relative au contratd'agence commerciale, l'action de la demanderesse doit etre apprecieeselon le droit bulgare.

La constatation que ce droit bulgare n'offre pas tout à fait la memeprotection (droits accordes en fin de contrat) à l'agent commercial quela loi belge du 13 avril 1995, n'est ainsi pas pertinente.

Des lors que la defenderesse etait un armateur bulgare dont le siege estsitue à Varna, ce choix du droit bulgare implique une `maniere d'eluderla loi'.

X. Comme le premier juge l'a decide à juste titre , il ressort destravaux parlementaires de la loi du 13 avril 1995 - cf Annalesparlementaires Senat, seance du 8 mars 1995, au cours de laquelle lerapporteur Vandenberghe a repondu de la maniere suivante à Monsieur Hatrylui demandant si le texte propose de l'article 27 de la loi du 13 avril1995 excluait qu'une clause d'arbitrage valable puisse etre conclue dansun contrat d'agence commerciale : `... Il est evident pour moi que cetteclause a uniquement pour but de regler la competence ratione loci.L'exemple donne par Mr Hatry concerne la competence ratione materiae.L'article 27 ne veut pas, a priori, exclure l'arbitrage mais prevoituniquement que selon le droit commun les tribunaux belges sont competents'- que le texte de l'article 27 de la loi du 13 avril 1995 n'empeche pasque de tels litiges en matiere d'agence commerciale puissent etre soumisà l'arbitrage.

XI. Des lors que, comme il a ete decide ci-dessus, le contrat d'agencecommerciale litigieux a ete regulierement soumis au droit bulgare et queles arbitres seront tenus d'appliquer ce droit, les parties pouvaientsoumettre la solution du litige à un arbitrage en vertu d'une claused'arbitrage reprise dans la convention et donc prealablement à toutlitige.

XII. En application de l'article 2.3 de la Convention pour lareconnaissance et l'execution des sentences arbitrales etrangeres, signeeà New York le 10 juin 1958, il doit donc etre decide sur la base del'analyse juridique developpee ci-dessus que la clause d'arbitragelitigieuse est reguliere. Le juge belge est, des lors, sans juridictionpour connaitre de cette demande ». (...)

Conformement à l'article 1676, 1DEG, du Code judiciaire, tout differenddejà ne ou qui pourrait naitre d'un rapport de droit determine, et surlequel il est permis de transiger peut faire l'objet d'une conventiond'arbitrage. Conformement à l'alinea 3 de ce meme article, lesdispositions qui precedent sont applicables sous reserve des exceptionsprevues par la loi.

Griefs

Conformement à l'article 1676, 1DEG, du Code judiciaire, tout differenddejà ne ou qui pourrait naitre d'un rapport de droit determine et surlequel il est permis de transiger peut faire l'objet d'une conventiond'arbitrage. Conformement à l'alinea 3 de ce meme article, lesdispositions qui precedent sont applicables sous reserve des exceptionsprevues par la loi.

L'article 2.1 de la Convention de New York du 10 juin 1958 dispose quechacun des Etats contractants reconnait la convention ecrite par laquelleles parties s'obligent à soumettre à un arbitrage tous les differends oucertains de ces differends qui se sont eleves ou pourraient s'elever entreelles au sujet d'un rapport de droit determine, contractuel ou noncontractuel et portant sur une question susceptible d'etre reglee par voied'arbitrage. L'article 2.3 de cette convention dispose, en outre, que letribunal d'un Etat contractant saisi d'un litige sur une question au sujetde laquelle les parties ont conclu une convention au sens de cet article,renverra les parties à l'arbitrage, à la demande de l'une d'elles, àmoins qu'il ne constate que ladite convention est caduque, inoperante ounon susceptible d'etre appliquee. Cette obligation de renvoi ne vaut quepour des litiges qui peuvent faire l'objet d'un arbitrage.

L'article 2 de cette convention n'indique pas expressement la loi sur labase de laquelle il faut decider si le litige peut faire l'objet d'unarbitrage. Cette disposition conventionnelle permet toutefois que le jugeauquel la question est posee puisse examiner la question au regard de sonsysteme juridique et determine ainsi les limites dans lesquelles lajurisprudence privee, à propos de matieres determinees, est conciliableavec l'ordre juridique interne. Elle n'empeche pas que le juge subordonnela possibilite de faire appel à l'arbitrage à des conditions qui sontetrangeres à la situation des parties ou à l'objet du litige et luioffre la possibilite d'appliquer les regles imperatives de son ordrejuridique interne. Lorsqu'une convention d'arbitrage est subordonnee àune loi etrangere, le juge qui prend connaissance du declinatoire dejuridiction doit exclure l'arbitrage lorsque le litige ne peut etresoustrait à la juridiction du juge national en vertu de toutes les reglesjuridiques pertinentes de la loi du for. Il en resulte que le juge belgedoit apprecier la question de savoir si un litige est susceptible d'etreregle par voie d'arbitrage selon la loi du for pour decider dans quellemesure l'arbitrage peut etre autorise en certaines circonstances.

Aux termes de l'article 27 de la loi belge du 13 avril 1995 relative aucontrat d'agence commerciale, sous reserve de l'application desconventions internationales auxquelles la Belgique est partie, touteactivite d'un agent commercial ayant son etablissement principal enBelgique releve de la loi belge et de la competence des tribunaux belges.Les articles 18, 20, 21, 23, 24 et 27 de cette meme loi sont imperatifs, egalement dans la mesure ou ils offrent à l'agent une protection qui estplus etendue que la protection minimale qui est imposee par la directive86/653/CEE. Conformement à l'article 3.1 de la Convention du 19 juin 1980sur la loi applicable aux obligations contractuelles, signee à Rome le 19juillet 1980 et approuvee par la loi du 14 juillet 1987, les contrats sontregis par la loi choisie par les parties. Conformement à l'article 3.3 decette meme convention, le choix par les parties d'une loi etrangere,assorti ou non de celui d'un tribunal etranger, ne peut, lorsque tous lesautres elements de la situation sont localises au moment de ce choix dansun seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de cepays ne permet pas de deroger par contrat, ci-apres denommees « dispositions imperatives ». L'article 7.2 de cette meme conventiondispose que : « Les dispositions de la presente convention ne pourrontporter atteinte à l'application des regles de la loi du pays du juge quiregissent imperativement la situation quelle que soit la loi applicable aucontrat. L'article 7.1 de cette meme convention dispose que : « Lors del'application, en vertu de la presente convention, de la loi d'un paysdetermine, il pourra etre donne effet aux dispositions imperatives de laloi d'un autre pays avec lequel la situation presente un lien etroit, siet dans la mesure ou, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositionssont applicables quelle que soit la loi regissant le contrat. Pour decidersi effet doit etre donne à ces dispositions imperatives, il sera tenucompte de leur nature et de leur objet ainsi que des consequences quidecouleraient de leur application ou de leur non-application ».

En l'espece, les juges d'appel ont toutefois considere qu'en applicationde l'article 7 de la Convention de Rome precitee, la solution du litigesouleve par la demanderesse ne necessite pas qu'il soit donne effet auxdispositions imperatives particulieres de la loi belge sur le contratd'agence commerciale des lors que le droit bulgare choisi par les partiesoffre aussi à la demanderesse, agent maritime, la protection minimale dela directive 86/653/CEE et que, pour ces motifs, l'autonomie de la volontedes parties qui ont choisi le droit bulgare doit primer le droit d'unautre Etat membre de l'Union europeenne, en l'espece la Belgique. Surcette base, les juges d'appel ont decide que l'action de la demanderessedoit etre examinee selon le droit bulgare et que la constatation que cedroit bulgare n'offre pas à l'agent commercial la meme protection à lafin du contrat que la loi belge du 13 avril 1995 est donc sans pertinence.Les juges d'appel ont examine ensuite si les dispositions imperatives dela directive 85/653/CEE ont ete transposees dans le droit bulgare choisipar les parties. La cour d'appel considere à ce propos que : « n'est pascomprise dans cette protection minimale la discussion entre les parties desavoir si un agent commercial qui conclut des contrats de fourniture deservices est soumis à l'application de la directive 86/653/CEE transposeedans le droit bulgare ». La cour d'appel decide, en outre, que laconstatation que le droit bulgare n'offre pas tout à fait la memeprotection à l'agent commercial que la loi belge du 13 avril 1995 estsans pertinence.

Les juges d'appel ont ainsi decide que la question de savoir si un litigeest susceptible de faire l'objet d'un arbitrage ne doit pas etre controleepar le juge à la lumiere de son systeme juridique interne mais qu'ilsdoivent uniquement examiner si le systeme juridique d'un autre Etat membrede l'Union europeenne choisi par les parties offre la protection minimalequi est prevue par la directive 86/653/CEE. Dans la mesure ou les jugesd'appel semblent ainsi admettre que seules les dispositions minimales dela directive 86/653/CEE relevent des regles imperatives du droit belge ilsont viole les articles 18, 20, 21, 23, 24 et 27 de la loi du 13 avril1995, des lors que chacune de ces dispositions est de droit imperatif dansla mesure ou elle offre une protection plus etendue que la protectionminimale offerte par la directive 86/653/CEE. Dans la mesure ou les jugesd'appel ont decide que le juge ne doit pas examiner la question de savoirsi un litige est susceptible de faire l'objet d'un arbitrage à la lumierede son systeme juridique interne, c'est-à-dire en l'espece la loi belgedu 13 avril 1995, soit la directive 86/653/CEE telle qu'elle esttransposee en Belgique, mais uniquement à la lumiere des dispositionsminimales de la Directive europeenne elle-meme et qu'il ne faut donc pastenir compte, lors de cet examen, de ces dispositions de la loi belge du13 avril 1995 offrant à l'agent une protection plus etendue que lesdispositions minimales de la directive europeenne, les juges d'appel ontviole les articles 2 de la Convention de New York, 3 et 7 de la Conventiondu 19 juin 1980, 18, 20, 21, 22, 23 et 27 de la loi du 13 avril 1993 ainsique 1676 du Code judiciaire. L'article 7.2 de la Convention du 19 juin1980 ne parle, en effet, que de regles de la loi du pays du juge quiregissent imperativement la cause quelle que soit la loi applicable aucontrat. Les articles 18, 20, 21, 22, 23 et 27 de la loi du 13 avril 1995sont imperatifs et l'article 2, alinea 3, de la Convention de New Yorkn'exclut pas que le juge examine la question de savoir si un litige estsusceptible de faire l'objet d'un arbitrage à la lumiere de son propresysteme juridique.

IV. La decision de la Cour

1. La Cour de justice de l'Union europeenne a dit pour droit dans sonarret du 17 octobre 2013 - C-184/12 :

« Les articles 3 et 7, paragraphe 2, de la Convention sur la loiapplicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Romele 19 juin 1980, doivent etre interpretes en ce sens que la loi d'un Etatmembre de l'Union europeenne qui satisfait à la protection minimaleprescrite par la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 decembre 1986,relative à la coordination des droits des Etats membres concernant lesagents commerciaux independants, choisie par les parties à un contratd'agence commerciale, peut etre ecartee par la juridiction saisie, etabliedans un autre Etat membre, en faveur de la loi du for pour un motif tiredu caractere imperatif, dans l'ordre juridique de ce dernier Etat membre,des regles regissant la situation des agents commerciaux independantsuniquement si la juridiction saisie constate de fac,on circonstanciee que,dans le cadre de cette transposition, le legislateur de l'Etat du for ajuge crucial, au sein de l'ordre juridique concerne, d'accorder à l'agentcommercial une protection allant au-delà de celle prevue par laditedirective, en tenant compte à cet egard de la nature et de l'objet detelles dispositions imperatives ».

2. Les juges d'appel qui ont decide que :

- « en application de l'article 7 de la Convention sur la loi applicableaux obligations contractuelles, signee à Rome le 19 juin 1980, il ne peutetre donne effet aux dispositions imperatives particulieres (les articles18, 20 et 21 cites par le premier juge) de la loi belge sur le contratd'agence commerciale pour trancher la demande introduite par lademanderesse : en effet, comme il est demontre ci-dessus, le droit bulgarechoisi par les parties offre aussi à la demanderesse en tant qu'agentmaritime de la defenderesse la protection minimale prevue par la Directiveeuropeenne relative à l'agence commerciale et, pour ces motifs,l'autonomie de la volonte des parties (choix du droit bulgare) doit primerle droit d'un autre Etat membre de l'Union europeenne, comme laBelgique ».

- « des lors que, comme il a ete decide ci-dessus, le contrat d'agencecommerciale litigieux a ete regulierement soumis au droit bulgare et queles arbitres seront tenus d'appliquer ce droit, les parties pouvaientsoumettre la solution du litige à un arbitrage en vertu d'une claused'arbitrage reprise dans la convention et donc prealablement à toutlitige », n'ont pas legalement justifie leur decision.

3. Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque dans le mesure ou il se declare sans juridictionpour statuer sur la demande de paiement de dommages et interets dirigeepar la demanderesse contre la defenderesse et ou il statue sur lesdepens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause ainsi limitee devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le conseiller Beatrijs Deconinck, president, les conseillersAlain Smetryns, Geert Jocque, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononceen audience publique du douze septembre deux mille quatorze par leconseiller Beatrijs Deconinck, en presence de l'avocat general Andre VanIngelgem, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Martine Regout ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

12 SEPTEMBRE 2014 C.11.0430.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.11.0430.N
Date de la décision : 12/09/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-09-12;c.11.0430.n ?
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