La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0284.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 octobre 2014, C.13.0284.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0284.F

A. C.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

R. A.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 5 fevrier2013 par le juge de paix du canton de Sprimont, statuant en dernierressort.

Le president de section Christian Storck a fait

rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0284.F

A. C.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

R. A.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 5 fevrier2013 par le juge de paix du canton de Sprimont, statuant en dernierressort.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1289 à 1299 du Code civil ;

- article 10 de la loi du 20 fevrier 1991 modifiant et completant lesdispositions du Code civil relatives aux baux à loyer, inseree sous lasection 2 du chapitre II du titre VIII du livre III du Code civil, et,pour autant que de besoin, ce meme article tel qu'il etait en vigueuravant sa modification par la loi du 25 avril 2007 ;

- article 1675/7, specialement S: 1er, alinea 2, du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Apres qu'il eut ete constate, par un premier jugement rendu le

20 decembre 2012, que

« 1. Les faits

Il n'est pas conteste que les parties ont conclu un contrat de bail (quimalheureusement n'est pas produit) relativement à un bien situe à ... ;

Dans le cas de ce contrat de bail, le 28 septembre 2006, une somme de cinqcents euros a ete versee par [la demanderesse] sur le compte Fortis035-5485324-15 à titre de garantie locative conformement à l'article 10du livre III, titre VIII, chapitre II, section II du Code civil ;

La [demanderesse], locataire, a quitte les lieux (à une date qui n'estpas precisee) sans prevenir le [defendeur], proprietaire, et sans laisserd'adresse ;

Le 26 avril 2011, [la demanderesse] a depose une requete en reglementcollectif de dettes devant le tribunal du travail de Liege et, le 10 mai2011, une ordonnance d'admissibilite a ete prononcee ;

Le 15 novembre 2011, le conseil de [la demanderesse] a ecrit [audefendeur] aux fins de le mettre en demeure d'autoriser sa cliente àrecuperer la caution locative bloquee sur le compte BNP Paribasex-Fortis ;

Le 10 decembre 2011, [le defendeur] a repondu par ecrit pour signaler que[la demanderesse] avait rompu le contrat unilateralement et qu'ellerestait toujours redevable d'un mois de loyer plus les charges, soit 380euros ;

2. Objet de l'action

L'action a pour objet de voir condamner [le defendeur] à liberer lacaution locative de cinq cents euros versee le 28 septembre 2006 sur lecompte BNP Paribas ex-Fortis ;

[Le defendeur] s'oppose à cette demande en faisant valoir qu'à tout lemoins [la demanderesse] lui reste devoir une somme de 380 euros à titrede loyer et charges ;

Il introduit une demande reconventionnelle visant à voir condamner [lademanderesse] à lui payer cette somme de 380 euros et invoque sonprivilege de bailleur sur la garantie locative ;

3. Discussion

En vertu de l'article 10 de la loi sur les baux relatifs à la residenceprincipale du preneur, lorsqu'une garantie locative est constituee sur uncompte bancaire conformement aux prescriptions legales, le bailleuracquiert privilege sur l'actif du compte pour toute creance resultant del'inexecution totale ou partielle des obligations du preneur ;

Cette garantie locative constituee conformement aux prescriptions legalesest une surete personnelle accordee au bailleur qui lui permet d'echapperà la loi du concours entre les creanciers de son locataire [...] ;

En l'espece, il ressort du dossier depose par la demanderesse que lagarantie locative deposee sur le compte Fortis le 28 septembre 2006 a eteconstituee conformement aux prescriptions legales »,

le jugement attaque autorise « la liberation, en principal (cinq centseuros) et interets de la caution locative constituee par la [demanderesse]aupres de la banque BNP Paribas - Fortis sur le compte nDEG035-5485324-15, jusqu'à concurrence de 380 euros en faveur [dudefendeur], le reliquat etant restitue à la [demanderesse] et ce, sursimple presentation de l'expedition ou de la copie conforme du presentjugement ».

Le jugement attaque est fonde sur les motifs suivants :

« Meme si l'article 1675/7 du Code judiciaire dispose que l'effet dessuretes reelles et des privileges est suspendu jusqu'au terme, au rejetou à la revocation du plan de reglement collectif de dettes, il convientde constater que le regime juridique de la garantie locative estspecifique et permet justement au bailleur d'echapper à la loi duconcours entre les creanciers de son locataire ;

En effet, la garantie locative, constituee d'une somme d'argent, doit etreconsideree, sous peine de perdre tout son sens et efficacite, comme ayantete deposee entre les mains du proprietaire, meme si, par un procedepurement technique de securite, elle fait l'objet d'un placement entre lesmains d'un tiers (à savoir la banque) sur la base de l'article 10 de laloi du 25 avril 2007 ;

Il en resulte que, si le proprietaire devient creancier de son locataire,le reglement de sa creance s'effectue par simple compensation, àcondition bien evidemment que cette situation de compensation puisses'operer avant la situation de concours ;

En l'espece, il n'est pas conteste qu'au moment de la resiliation du bail(soit fin 2007), [la demanderesse] restait devoir un mois de loyer [audefendeur] et la compensation a pu s'operer ;

En outre, lorsque la demande en reglement collectif de dettes de [lademanderesse] a ete declaree admissible par ordonnance du 10 mai 2011 dutribunal du travail, les sommes versees à titre de garantie locativeetaient sorties depuis 2006 de son patrimoine et la procedure de reglementcollectif ne peut des lors s'abattre que sur un patrimoine prive de cetactif [...] ;

La garantie locative ne fait des lors plus partie de l'actif de la masse[...] et, par consequent, les sommes versees echappent à la situation deconcours ;

Par consequent, dans la mesure ou la somme versee à titre de garantielocative etait sortie du patrimoine de [la demanderesse] au moment ou sademande de reglement collectif de dettes a ete admise et ou, en raison deleur fongibilite, ces sommes ont pu etre compensees avec l'arriere deloyer du par [la demanderesse], la demande reconventionnelle [dudefendeur] sera declaree fondee et il sera autorise à conserver 380 eurosde la caution versee sur le compte Fortis et ce, afin de couvrir lessommes qui lui sont dues ;

La caution locative sera donc liberee jusqu'à concurrence de 380 euros enfaveur [du defendeur] et le solde sera restitue à [la demanderesse] ».

Griefs

1. La compensation permet au creancier qui se trouve etre en meme tempsle debiteur de son propre debiteur d'etre paye jusqu'à concurrence de cequ'il doit et les dettes reciproques s'eteignent, de droit, « àl'instant ou elles se trouvent exister à la fois » (article 1290 du Codecivil) jusqu'à concurrence de la plus faible d'entre elles.

Mais la compensation legale, qui joue de droit, ne peut toutefois s'opererqu'entre les dettes de deux personnes se trouvant reciproquementcreancieres et debitrices l'une envers l'autre. Elle ne saurait jouerentre la dette d'un debiteur à l'egard d'un creancier, d'une part, lacreance du debiteur à l'egard d'un tiers, d'autre part. Il n'y a pas decompensation « triangulaire ».

Aux termes de l'article 10 de la loi du 20 fevrier 1991, la garantie bancaire constituee par le preneur au profit du bailleur, en execution deses obligations contractuelles, prend la forme d'une creance du deposant -c'est-à-dire du preneur - sur l'etablissement bancaire, materialisee parl'ouverture du compte. Il s'ensuit que ne saurait etre compensee, dedroit, avec la dette du preneur à l'egard du bailleur, s'agissant parexemple d'un arriere de loyer, la creance du preneur sur l'etablissementbancaire (en restitution de la garantie), laquelle se trouverait ainsieteinte jusqu'à due concurrence.

Il n'est pas vrai, contrairement à ce qu'enonce le jugement attaque, quela garantie locative constituee par la demanderesse au profit du defendeursous la forme « d'un placement entre les mains d'un tiers (à savoir labanque) » doive « etre consideree, sous peine de perdre tout son sens etefficacite, comme ayant ete deposee entre les mains du proprietaire » :une telle garantie a pour objet la creance du preneur sur l'etablissementbancaire.

Le jugement attaque ne justifie donc pas legalement sa decision que « lessommes versees à titre de garantie locative etaient sorties depuis 2006[du] patrimoine [de la demanderesse] » et ce, par l'effet de la« simple compensation » entre cette garantie locative et la creance dubailleur, avec cette consequence que « la procedure de reglementcollectif ne peut des lors s'abattre [que] sur un patrimoine prive de cetactif » (violation des articles 1289 à 1299 du Code civil et 10 de laloi du 20 fevrier 1991).

2. De surcroit, l'article 10, S: 3, de la loi du 20 fevrier 1991 (commel'article 10, alinea 5, de la meme loi dans sa redaction anterieure à laloi du 25 avril 2007) fait obstacle à la compensation legale, de droit,entre la « garantie bancaire » constituee par le preneur et la creancedu bailleur sur le preneur, des lors que ce texte soumet la liberation dela garantie « au profit de l'une ou l'autre des parties » à unecondition formelle, etant la « production soit d'un accord ecrit, etabliau plus tot à la fin du contrat de bail, soit d'une copie d'une decisionjudiciaire », condition dont il n'a pas ete soutenu qu'elle aurait eteremplie en l'espece et qui ne resulte ni des jugements ni d'aucune despieces auxquelles la Cour peut avoir egard.

Il s'ensuit qu'en tout cas, et à supposer meme que la compensation ait pujouer - dans son principe - entre la garantie bancaire constituee par lademanderesse et la creance du defendeur - quod non -, cette conditionetait un obstacle supplementaire à ce qu'elle joue de droit et, enconsequence, à ce qu'elle ait pu s'operer anterieurement à la decisiond'admissibilite de la procedure de reglement collectif de dettes(violation des articles 1289 à 1299 du Code civil et 10 de la loi du 20fevrier 1991).

3. Par voie de consequence, en ecartant l'application de l'article 1675/7du Code judiciaire, aux termes duquel, des la decision d'admissibilite dela procedure de reglement collectif de dettes, « sauf en cas derealisation du patrimoine, l'effet des suretes reelles et des privilegesest suspendu jusqu'au terme, au rejet ou à la revocation du plan », aumotif que, la compensation ayant joue avant l'introduction de laprocedure, la garantie locative « ne fait des lors plus partie de l'actifde la masse », etant « sortie du patrimoine de [la demanderesse] aumoment ou sa demande de reglement collectif de dettes a ete admise et ou,en raison de leur fongibilite, ces sommes ont pu etre compensees avecl'arriere de loyer », le jugement attaque, apres qu'il eut ete reconnu,dans le jugement du 20 decembre 2012, que la garantie locative visee àl'article 10 de la loi du 20 fevrier 1991 est bien un privilege,c'est-à-dire une surete « qui permet au bailleur d'echapper à la loi duconcours » - ce qu'elle est en effet -, ne justifie pas legalement sadecision de liberer cette garantie au profit du defendeur jusqu'àconcurrence de la somme de 380 euros (violation de toutes les dispositionslegales visees).

III. La decision de la Cour

Il ne s'opere en vertu de l'article 1289 du Code civil de compensationentre deux personnes que lorsqu'elles se trouvent debitrices l'une enversl'autre.

Une creance d'une personne ne peut, des lors, etre compensee avec unecreance que son debiteur a sur un tiers.

La constitution, conformement à l'article 10 de la section 2 duchapitre II du titre VIII du livre III du Code civil portant des reglesparticulieres aux baux relatifs à la residence principale du preneur,d'une garantie locative sous la forme d'une somme versee sur un compteouvert au nom du preneur aupres d'une institution financiere ne donnenaissance à une creance sur cette institution que dans le chef dudeposant.

Apres que le jugement rendu en la cause par le juge de paix le

20 decembre 2012 eut constate que la demanderesse avait constitue le

28 septembre 2006 pareille garantie au profit du defendeur, le jugementattaque n'a pu, sans violer les dispositions legales precitees, deciderqu'apres la resiliation du bail, une compensation s'etait operee, jusqu'àconcurrence du montant d'un mois de loyer dont la demanderesse restait àce moment debitrice, entre cette creance du defendeur et celle de lademanderesse sur l'institution financiere ou etait ouvert le compteabritant la garantie.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le juge de paix du canton de Fleron.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Martine Regout, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononceen audience publique du deux octobre deux mille quatorze par le presidentde section Christian Storck, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

2 OCTOBRE 2014 C.13.0284.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0284.F
Date de la décision : 02/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-10-02;c.13.0284.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award