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24/10/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0592.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 octobre 2014, C.13.0592.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.13.0592.N

M. G.,

* Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

* L. C.,

* Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

* Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 20 juin2013 par la cour d'appel de Gand.

Le 5 aout 2014, l'avocat general Andre Van Ingelgem a depose desconclusions.

Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

L'avocat general Andre Van Ingelgem a conclu.

I. Les moyens de cassat

ion

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- arti...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.13.0592.N

M. G.,

* Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

* L. C.,

* Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

* Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 20 juin2013 par la cour d'appel de Gand.

Le 5 aout 2014, l'avocat general Andre Van Ingelgem a depose desconclusions.

Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

L'avocat general Andre Van Ingelgem a conclu.

I. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 1.1, 1.2.a), 5.2, 31 et 59.1 du reglement nDEG 44/2001 duConseil du 22 decembre 2000 concernant la competence judiciaire, lareconnaissance et l'execution des decisions en matiere civile etcommerciale ;

- articles 1.1.a), 1.3.e), 3 et 20 du reglement nDEG 2201/2003 du Conseildu 27 novembre 2003 relatif à la competence, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere matrimoniale et en matiere deresponsabilite parentale abrogeant le reglement nDEG 1347/2000 ;

- articles 2 et 4, S: 1er, du Code de droit international public ;

- articles 1254, S: 1er, et 1280, alinea 1er, du Code judiciaire ;

- article 102 du Code civil ;

- article 1er, S: 1er, 1DEG, de la loi du 19 juillet 1991 relative auxregistres de la population, aux cartes d'identite, aux cartes d'etrangeret aux documents de sejour et modifiant la loi du 8 aout 1983 organisantun registre national des personnes physiques.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque, statuant apres l'arret interlocutoire du 28 fevrier 2013,dans les limites de l'appel dejà declare recevable et de l'appelincident, declare l'appel principal fonde, confirme dans les limites del'appel l'ordonnance rendue en refere le 22 septembre 2011 par lepresident du tribunal de premiere instance de Gand, qui suspendaitl'obligation de cohabitation, autorisait la defenderesse à residerseparement, declarait qu'elle pouvait provisoirement utiliser les biensmeubles indivis en sa possession, faisait interdiction au demandeurd'aliener tout bien en indivision entre les parties, lui imposait de tenirdivers biens personnels à la disposition de la defenderesse ou d'untiers, designait un notaire pour etablir un inventaire et condamnait ledemandeur au paiement d'une pension alimentaire, etant entendu que l'arretattaque reduit de 800 euros à 600 euros par mois le montant de base(indexe) de la pension alimentaire personnelle, que le demandeur doitpayer à la defenderesse au cours de la procedure en divorce à partir du1er juin 2012, et condamne chacune des parties à la moitie des depens endegre d'appel, considerant ainsi le premier juge et le juge d'appelcompetents pour statuer sur les mesures provisoires precitees. Cettedecision se fonde notamment sur les considerations suivantes :

« 2.1. Quant à la competence internationale pour la demande d'alimentsau cours de la procedure en divorce, le premier juge s'est fonde surl'article 5.2 du reglement Bruxelles I (reglement 44/2001/CE du 22decembre 2000).

La competence internationale en ce qui concerne les obligationsalimentaires et le droit qui leur est applicable sont en l'espece regispar le Code de droit international prive. Le code n'est applique qu'àdefaut d'application d'une regle de droit international prive tiree dudroit international ou du droit europeen (article 2 du Code de droitinternational prive). (Le demandeur) se refere à tort à l'article 5 duCode de droit international prive pour dire que le juge belge ne seraitpas competent. Les demandes d'aliments relevent du reglement « BruxellesI ». La competence (internationale) est etablie conformement à l'article5.2 de ce reglement (CE) nDEG 44/2001 du 22 decembre 2000 concernant lacompetence judiciaire, la reconnaissance et l'execution des decisions enmatiere civile et commerciale (en abrege le reglement nDEG 44/2001) pource qui concerne la pension alimentaire personnelle pour (la defenderesse).Cette demande est portee devant le tribunal du domicile ou de la residencehabituelle du creancier d'aliments, sis en l'espece dans l'arrondissementjudiciaire de Gand.

2.2. Le demandeur persiste à contester la residence principale de (ladefenderesse).

(La defenderesse) a presente un certificat de la ville de Gand pour sondomicile depuis le 22 aout 2008 à sa derniere adresse à Gand, qui esttoujours actuelle (pieces 4.a-b (defenderesse)). Que (la defenderesse)avait par ailleurs, selon (le demandeur), conserve un certain nombred'`interets' pour plusieurs instances et pouvait etre contactee àl'ancienne adresse conjugale en France (plus particulierement pourd'eventuelles obligations concernant les elections, la securite sociale etla fiscalite) n'y change rien.

(Le demandeur) ne fait la preuve d'aucune contestation ou procedureadministrative au sujet du domicile de (la defenderesse) dont le presidentpouvait ou devait tenir compte ou dont la cour aurait pu ou du tenircompte. Poser une question prejudicielle à la Cour de justice de l'Unioneuropeenne (pour savoir si la defenderesse avait un domicile ou uneresidence au sens du reglement) ne resout pas cet ecueil et estcompletement à cote de la question.

2.3. A tort, (le demandeur) a fait etat d'une demande accessoire à unedemande principale qui concerne l'etat de la personne. Selon (ledemandeur), la demande en divorce n'a pas ete introduite valablement.

La demande en divorce et la demande de mesures provisoires contenues dansle meme exploit sont deux demandes distinctes. La demande de mesuresprovisoires n'est pas une demande accessoire qui est faite au juge saisidu divorce. Il s'agit d'une demande principale independante devant unautre juge, qui peut egalement etre formee par un exploit separe. Lepresident des referes n'a pas à statuer sur la competence du juge saisidu divorce.

(La defenderesse) n'a pas introduit en refere d'actions en matiere deregime matrimonial de sorte qu'il ne peut etre dit pour droit que le jugedes referes ne serait pas competent en l'espece. Le refere ne vise que desmesures provisoires qui n'affectent pas le fond de la cause ni le regimematrimonial.

* 2.4. (...)

(Le demandeur) conteste à tort l'urgence. L'urgence est presumee et lejuge des referes est dispense de tout examen de l'urgence dans tous lescas ou la loi lui indique expressement de connaitre des difficultes quipeuvent surgir au cours de certaines procedures, notamment lorsqu'ilstatue dans le cadre de mesures provisoires pendant la procedure endivorce. A cet egard, une question prejudicielle sur le controle de lanotion d'urgence (par rapport au reglement 2201/2003) n'est pas davantagepertinente ».

* Griefs

* * Premiere branche

Aux termes de l'article 2 du Code de droit international prive, sousreserve de l'application des traites internationaux, du droit de l'Unioneuropeenne ou de dispositions contenues dans des lois particulieres, cetteloi regit, dans une situation internationale, la competence desjuridictions belges, la determination du droit applicable et lesconditions de l'efficacite en Belgique des decisions judiciaires et actesauthentiques etrangers en matiere civile et commerciale.

L'article 1.3.e) du reglement nDEG 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatifà la competence, la reconnaissance et l'execution des decisions enmatiere matrimoniale et en matiere de responsabilite parentale abrogeantle reglement nDEG 1347/2000 dispose expressement que ledit reglement nes'applique pas aux obligations alimentaires.

L'article 20 de ce reglement nDEG 2201/2003, qui prevoit qu'en casd'urgence, les dispositions de ce reglement n'empechent pas lesjuridictions d'un Etat membre de prendre des mesures provisoires ouconservatoires relatives aux personnes ou aux biens presents dans cetEtat, prevues par la loi de cet Etat membre meme si, en vertu de cereglement, une juridiction d'un autre Etat membre est competente pourconnaitre du fond, ne pouvait par consequent etre invoque pour justifierla competence internationale du juge belge pour connaitre de la demandetendant à obtenir une pension alimentaire à charge du demandeur.

En vertu de l'article 1.1 du reglement nDEG 44/2001 du 22 decembre 2000concernant la competence judiciaire, la reconnaissance et l'execution desdecisions en matiere civile et commerciale, ledit reglement s'applique enmatiere civile et commerciale et quelle que soit la nature de lajuridiction.

L'article 5.2 du reglement nDEG 44/2001 [qui] dispose qu'une personnedomiciliee sur le territoire d'un Etat membre peut etre attraite, dans unautre Etat membre en matiere d'obligation alimentaire, devant le tribunaldu lieu ou le creancier d'aliments a son domicile ou sa residencehabituelle ou, s'il s'agit d'une demande accessoire à une action relativeà l'etat des personnes, devant le tribunal competent selon la loi du forpour en connaitre, sauf si cette competence est uniquement fondee sur lanationalite d'une des parties, ne peut en tout cas pas justifier lacompetence du juge belge des referes.

Le reglement susmentionne est ainsi applicable à toute demande tendant àobtenir une pension alimentaire, meme si cette derniere est introduite àl'occasion d'une procedure en divorce.

L'article 59.1 du reglement nDEG 44/2001 dispose que, pour determiner siune partie a un domicile sur le territoire de l'Etat membre dont lestribunaux sont saisis, le juge applique sa loi interne.

L'article 4, S: 1er, du Code de droit international prive, qui donne unedefinition de la notion de domicile, ne s'applique que dans les cas ouledit code trouve egalement à s'appliquer parce qu'il n'y a pas lieu defaire application d'un traite international ou d'une regle de droiteuropeen, de sorte qu'il ne peut etre invoque afin de definir la notion de« domicile », dont il est question à l'article 5.2 du reglement nDEG44/2001, dans la presente situation.

Aux termes de l'article 102 du Code civil, le domicile de tout Belge,quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu ou il a sonprincipal etablissement.

La notion precitee est une notion de fait, independante des mentions [du]registre de la population, dont les mentions en soi ne prouvent pasnecessairement la realite du domicile.

L'article 1er, S: 1er, 1DEG, de la loi du 19 juillet 1991 relative auxregistres de la population, aux cartes d'identite, aux cartes d'etrangeret aux documents de sejour et modifiant la loi du 8 aout 1983 organisantun registre national des personnes physiques, qui dispose que, dans chaquecommune, sont tenus : des registres de la population dans lesquels sontinscrits au lieu ou ils ont etabli leur residence principale, qu'ils ysoient presents ou qu'ils en soient temporairement absents, les Belges etles etrangers admis ou autorises à sejourner plus de trois mois dans leRoyaume, autorises à s'y etablir, ou les etrangers inscrits pour uneautre raison conformement aux dispositions de la loi du 15 decembre 1980sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement desetrangers, à l'exception des etrangers qui sont inscrits au registred'attente vise au 2DEG, confirme d'ailleurs que l'inscription dans lesregistres de la population ne correspond pas necessairement à un sejourreel ou à l'endroit ou l'interesse exerce ses droits civils.

Le domicile suppose plus precisement la volonte de l'interesse de fixer(la majorite de) ses interets à un endroit determine ; c'est l'endroit oul'on a etabli le centre de ses interets.

En l'espece, la cour d'appel constate que la defenderesse presente uncertificat de la ville de Gand pour son domicile depuis le 22 aout 2008 àsa derniere adresse à Gand, qui est toujours actuelle.

Elle constate egalement que, selon le demandeur, la defenderesse avaitconserve un certain nombre d' « interets » pour plusieurs instances etpouvait etre contactee à l'ancienne adresse conjugale en France, plusparticulierement pour d'eventuelles obligations concernant les elections,la securite sociale et la fiscalite.

En l'espece, le demandeur a avance plus precisement à la page 11 de sesconclusions recapitulatives que « la demanderesse (est) en effet encoreaussi inscrite en France pour la securite sociale (voir piece 9concluant). Elle est egalement inscrite sur les listes electorales avecpour adresse le domicile conjugal (voir le certificat du maire d'Auros -piece 6). Pour les autorites fiscales franc,aises egalement, lademanderesse est encore inscrite à Auros (piece 10 concluant) tandis queles autorites franc,aises lui adressent toujours à Auros les enquetes depopulation (piece 11 concluant) ».

Ces allegations ne sont pas contredites par l'arret attaque.

La cour d'appel ne cite pas non plus d'autres donnees faisant ressortirque la defenderesse exerce effectivement ses droits civils à Gand ouqu'elle y a etabli le centre de ses interets.

Conclusion

Sur la base des constatations faites, dont il ressort uniquement que ladefenderesse transmit un certificat de domicile à Gand, mais non qu'elley a effectivement etabli le centre de ses interets et y exerce enparticulier ses droits civils, l'arret attaque ne justifie pas legalementsa decision que le juge belge etait internationalement competent pourconnaitre de la demande d'aliments (violation des articles 2 et 4, S: 1er,du Code de droit international prive, 102 du Code civil, 1.1, 5.2 et 59.1du reglement nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000 concernant lacompetence judiciaire, la reconnaissance et l'execution des decisions enmatiere civile et commerciale, 1.3.e) et 20 du reglement nDEG 2201/2003 duConseil du 27 novembre 2003 relatif à la competence, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere matrimoniale et en matiere deresponsabilite parentale abrogeant le reglement nDEG 1347/2000, 1, S: 1er,1DEG, de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de lapopulation, aux cartes d'identite, aux cartes d'etranger et aux documentsde sejour et modifiant la loi du 8 aout 1983 organisant un registrenational des personnes physiques.

Meme à supposer que [la] Cour [de cassation] admette qu'en droit belge,le domicile au sens de l'article 5.2 du reglement nDEG 44/2001 soit lelieu ou le creancier d'aliments est inscrit dans les registres de lapopulation, le demandeur invite la Cour, avant de statuer plus avant, àposer à la Cour de justice la question prejudicielle de savoir s'il estcompatible avec l'intention des Etats membres de retenir comme jugecompetent au sens de l'article 5.2 du reglement nDEG 44/2001 le juge d'unlieu ou, certes, le creancier d'aliments est inscrit dans les registres dela population comme y ayant sa residence principale, mais ou il ne resideet n'exerce pas necessairement davantage effectivement ses droits.

Deuxieme branche

En vertu de l'article 1.1 du reglement nDEG 44/2001 du Conseil du 22decembre 2000 concernant la competence judiciaire, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere civile et commerciale, leditreglement s'applique en matiere civile et commerciale et quelle que soitla nature de la juridiction.

Sont certes exclus du champ d'application du reglement, aux termes del'article 1.2.a) du reglement nDEG 44/2001, l'etat et la capacite despersonnes physiques, les regimes matrimoniaux, les testaments et lessuccessions.

Les matieres ainsi exclues doivent etre interpretees de maniere autonome.

Ressortissent à l'etat et à la capacite des personnes notamment desquestions de mariage, tant sa validite que ses consequences à l'egard dela personne des epoux, et de divorce, alors que la notion de regimesmatrimoniaux vise toutes les stipulations de droit patrimonial decoulantdirectement du lien conjugal ou de la rupture de ce lien.

Pour repondre à la question de savoir si une demande concerne ou nonl'une de ces exclusions, ce n'est d'ailleurs pas sa forme qui estdecisive, mais son contenu particulier.

Le fait qu'un litige rentre dans le champ d'application materiel dureglement depend uniquement de la nature des droits que l'on entendobtenir ou conserver. Le fait que le juge soit appele à statuer à titreprovisoire ou sur le fond n'est pas pertinent.

Le juge ne pourra par consequent connaitre, sur la base du reglement nDEG44/2001, d'une demande tendant à obtenir que soient ordonnees des mesuresprovisoires, que pour autant que ces mesures ne concernent pas desmatieres exclues.

L'application de l'article 31 du reglement nDEG 44/2001, qui prevoit queles mesures provisoires ou conservatoires prevues par la loi d'un Etatmembre peuvent etre demandees aux autorites judiciaires de cet Etat, memesi, en vertu de ce reglement, une juridiction d'un autre Etat membre estcompetente pour connaitre du fond, suppose en effet que les mesuresprovisoires ou conservatoires concernent une question ressortissant auchamp d'application materiel du reglement.

En l'espece, la defenderesse a notamment demande au juge des referes desuspendre l'obligation de cohabitation, de l'autoriser à residerseparement, de faire interdiction au demandeur de l'importuner de quelquefac,on que ce soit à sa residence separee, au risque d'etre chasse, sinecessaire avec l'intervention de la force publique, de dire pour droitqu'elle peut provisoirement utiliser les biens meubles en sa possession,qui sont indivis entre les parties, de faire interdiction au demandeurd'aliener, d'egarer ou de grever de quelque fac,on que ce soit sans sonconsentement tout bien indivis entre les parties, de designer un notaireafin de dresser un inventaire de tous les biens se trouvant au domicileconjugal, de dire que le demandeur doit tenir un certain nombre de bienspersonnels de la defenderesse à la disposition de la defenderesse ou d'untiers, qui viendra les chercher sur place.

Ces mesures tendaient à regler aussi bien les effets personnels que leseffets patrimoniaux du mariage et de sa dissolution souhaitee, fut-ceprovisoirement, et concernent donc à la fois l'etat des parties et leseffets patrimoniaux du mariage.

Cette matiere est toutefois exclue du champ d'application du reglementnDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000 concernant la competencejudiciaire, la reconnaissance et l'execution des decisions en matierecivile et commerciale.

Conclusion

L'arret attaque, qui considere que la defenderesse n'a pas introduit dedemande en refere en matiere de regimes matrimoniaux, mais a seulementdemande des mesures provisoires qui n'affectent pas le fond de la cause nile regime matrimonial, alors que les mesures poursuivies concernaientaussi bien la personne des epoux que leurs biens, en particulier leseffets personnels et patrimoniaux du mariage pendant la procedure endivorce, autres qu'une pension alimentaire, n'a pu legalement conclure quele juge belge etait competent pour connaitre de cette demande (violationdes articles 1.1, 1.2.a), et 31 du reglement nDEG 44/2001 du Conseil du 22decembre 2000 concernant la competence judiciaire, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere civile et commercial).

Troisieme branche

Aux termes de l'article 1.1.a) du reglement nDEG 2201/2003/CE du Conseildu 27 novembre 2003 relatif à la competence, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere matrimoniale et en matiere deresponsabilite parentale abrogeant le reglement (CE) nDEG 1347/2000, cereglement s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, auxmatieres civiles relatives au divorce, à la separation de corps et àl'annulation du mariage des epoux.

Ce reglement ne s'applique pas à des questions telles que les causes dedivorce, les effets patrimoniaux du mariage ou autres mesures accessoires.

L'article 3 dudit reglement dispose qu'en matiere de competence generale :

1. Sont competentes pour statuer sur les questions relatives au divorce,à la separation de corps et à l'annulation du mariage des epoux, lesjuridictions de l'Etat membre :

a) sur le territoire duquel se trouve :

- la residence habituelle des epoux, ou

- la derniere residence habituelle des epoux dans la mesure ou l'un d'euxy reside encore, ou

- la residence habituelle du defendeur, ou

- en cas de demande conjointe, la residence habituelle de l'un ou l'autreepoux, ou

- la residence habituelle du demandeur s'il y a reside depuis au moins uneannee immediatement avant l'introduction de la demande, ou

- la residence habituelle du demandeur s'il y a reside depuis au moins sixmois immediatement avant l'introduction de la demande et s'il est soitressortissant de l'Etat membre en question, soit, dans le cas duRoyaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son « domicile » ;

b) de la nationalite des deux epoux ou, dans le cas du Royaume-Uni et del'Irlande, du « domicile » commun.

Aux termes de l'article 20.1 du reglement nDEG 2201/2003/CE, en casd'urgence, les dispositions de ce reglement n'empechent pas lesjuridictions d'un Etat membre de prendre des mesures provisoires ouconservatoires relatives aux personnes ou aux biens presents dans cetEtat, prevues par la loi de cet Etat membre meme si, en vertu de cereglement, une juridiction d'un autre Etat membre est competente pourconnaitre du fond.

Pour cette competence derogatoire, le reglement pose comme conditionspeciale que l'urgence soit constatee par le juge.

A cette fin, cependant, il ne suffit pas de renvoyer à une regle deprocedure interne qui presume l'urgence si le juge est appele à statuersur des mesures provisoires pendant la procedure en divorce, d'autant plusque cette urgence presumee suppose, par definition, que la demande dedivorce peut aussi etre introduite devant le juge belge, ainsi qu'ilresulte des articles 1254, S: 1er, et 1280, alinea 1er, du Codejudiciaire.

Le juge doit, à l'aide des circonstances de fait, constater que, dans lasituation donnee, l'examen de la demande ne peut etre reporte.

En l'espece, le demandeur contestait expressement dans ses conclusionsrecapitulatives que le juge belge etait competent pour connaitre del'action en divorce et par consequent aussi de la demande tendant à faireordonner des mesures provisoires et conservatoires, des lors que ladefenderesse ne demontrait pas qu'elle avait sa residence habituelle enBelgique, au sens du reglement nDEG 2201/2003, depuis plus d'un an (page9).

En outre, il contestait toute urgence, à tout le moins etait-il questiond'une urgence creee par soi-meme, qui ne correspond pas à l'urgence ausens du reglement.

En l'espece, certes, il ne ressort d'aucune constatation de fait del'arret attaque qu'il s'agissait d'une situation urgente susceptible dejustifier que, par derogation aux regles generales de competence, desmesures provisoires et conservatoires etaient demandees au juge belge.

Conclusion

L'arret attaque, qui se borne à renvoyer à une regle de procedureinterne suivant laquelle « l'urgence est presumee et le juge des referesest dispense de tout examen de l'urgence dans tous les cas ou la loi luiindique expressement de connaitre des difficultes qui peuvent surgir aucours de certaines procedures, notamment lorsqu'il statue dans le cadre demesures provisoires pendant la procedure en divorce », ne justifie paslegalement sa decision suivant laquelle le juge belge etaitinternationalement competent pour ordonner les mesures provisoiresrequises (violation des articles 1.1.a), 3 et 20 du reglement nDEG2201/2003/CE du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la competence, lareconnaissance et l'execution des decisions en matiere matrimoniale et enmatiere de responsabilite parentale abrogeant le reglement (CE) nDEG1347/2000, 1254, S: 1er, et 1280, alinea 1er, du Code judiciaire). Enoutre, la cour d'appel ne pouvait, sur la base de cette disposition,ordonner de mesures relatives à des biens qui ne se trouvaient pas sur leterritoire belge (violation des articles 1.1.a), 3 et 20 du reglement nDEG2201/2003/CE du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la competence, lareconnaissance et l'execution des decisions en matiere matrimoniale et enmatiere de responsabilite parentale abrogeant le reglement (CE) nDEG1347/2000).

En outre, le demandeur invite [la] Cour à presenter, avant dire droit, àla Cour de justice la question prejudicielle de savoir s'il suffit, pourl'application de l'article 20 du reglement nDEG 2201/2003/CE du Conseil du27 novembre 2003 relatif à la competence, la reconnaissance etl'execution des decisions en matiere matrimoniale et en matiere deresponsabilite parentale abrogeant le reglement (CE) nDEG 1347/2000, quele juge renvoie à une regle de procedure interne, d'ou il resulte que« l'urgence est presumee et le juge des referes est dispense de toutexamen de l'urgence dans tous les cas ou la loi lui indique expressementde connaitre des difficultes qui peuvent surgir au cours de certainesprocedures, notamment lorsqu'il statue dans le cadre de mesuresprovisoires pendant la procedure en divorce », ou s'il est tenu deconstater, à l'aide de l'examen des faits, que la cause est bel et bienurgente et justifie qu'il soit deroge aux regles generales de competenceen ce qui concerne la personne et les biens de la personne dans l'Etat ouceux-ci se trouvent et que des mesures provisoires et conservatoiressoient prises.

* (...)

* * La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

1. L'article 5.2 du reglement nDEG 44/2001 du Conseil du22 decembre 2000 concernant la competence judiciaire, lareconnaissance et l'execution des decisions en matierecivile et commerciale dispose qu'une personne domicilieesur le territoire d'un Etat membre peut etre attraite dansun autre Etat membre, en matiere d'obligation alimentaire,devant le tribunal du lieu ou le creancier d'aliments àson domicile ou sa residence habituelle ou, s'il s'agitd'une demande accessoire à une action relative à l'etatdes personnes, devant le tribunal competent selon la loidu for pour en connaitre, sauf si cette competence estuniquement fondee sur la nationalite d'une des parties.

L'article 59.1 du reglement nDEG 44/2001 dispose que, pourdeterminer si une partie a un domicile sur le territoirede l'Etat membre dont les tribunaux sont saisis, le jugeapplique sa loi interne.

L'article 102 du Code civil dispose que le domicile detout Belge, quant à l'exercice de ses droits civils, estau lieu ou il a son principal etablissement.

En vertu de l'article 36 du Code judiciaire, pourl'application dudit code, on entend par domicile : le lieuou la personne est inscrite à titre principal sur lesregistres de la population.

2. En vertu de l'article 5.2 du reglement nDEG 44/2001, lecreancier d'aliments a le choix d'introduire une demandedevant le tribunal du lieu de son domicile ou de saresidence habituelle.

Il resulte de l'article 59.1 du reglement nDEG 44/2001que, pour determiner si une partie a un domicile sur leterritoire de l'Etat membre dont les tribunaux sontsaisis, le juge applique sa loi interne.

Si une demande d'aliments est introduite devant le jugebelge, celui-ci doit appliquer l'article 36 du Codejudiciaire, cet article definissant le domicile en droitjudiciaire.

Le domicile est ainsi defini comme le lieu ou le creancierd'aliments est inscrit à titre principal sur lesregistres de la population.

3. Dans la mesure ou il soutient que, pour determiner ledomicile, le juge belge doit faire application del'article 102 du Code civil et qu'il est par consequenttenu de verifier en quel lieu le creancier d'alimentsexerce effectivement ses droits civils, le moyen, en cettebranche, repose sur une premisse juridique erronee et, deslors, manque en droit.

4. Des lors que le domicile est exclusivement determinesur la base de la definition de droit interne du tribunalsaisi de la demande, le moyen, en cette branche, manqueegalement en droit dans la mesure ou il soutient que lanotion de domicile est definie en droit de l'Unionconformement à la volonte des Etats membres.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de poser la questionprejudicielle proposee.

Quant à la deuxieme branche :

Sur la recevabilite :

5. La defenderesse souleve une fin de non-recevoir deduitede ce que, eu egard à la limitation de l'appel à ladecision rendue sur la demande d'aliments pendant laprocedure en divorce, le juge d'appel n'etait pas tenu destatuer sur les autres mesures provisoires ordonnees, desorte que le moyen, en cette branche, est dirige contredes motifs surabondants et ne presente donc pas d'interet.

6. Il ressort des pieces de la procedure que le demandeurn'a pas limite son appel à la decision rendue sur lademande d'aliments pendant la procedure en divorce, maisqu'il a au contraire egalement conteste la competence dujuge belge des referes de prendre les autres mesuresprovisoires demandees.

Contrairement à ce que la defenderesse suppose, le juged'appel, par les motifs par lesquels il decritsommairement l'objet de la contestation, ne constate pasque l'appel est limite à la decision relative à lademande d'aliments pendant la procedure en divorce.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement :

7. L'article 1.1 du reglement nDEG 44/2001 dispose que cereglement s'applique en matiere civile et commerciale etquelle que soit la nature de la juridiction.

En vertu de l'article 1.2.a), dudit reglement, sont exclusde son application l'etat et la capacite des personnesphysiques, les regimes matrimoniaux, les testaments et lessuccessions.

L'article 31 du reglement nDEG 44/2001 dispose que lesmesures provisoires ou conservatoires prevues par la loid'un Etat membre peuvent etre demandees aux autoritesjudiciaires de cet Etat, meme si, en vertu de cereglement, une juridiction d'un autre Etat membre estcompetente pour connaitre du fond.

8. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice del'Union europeenne, notamment des arrets des 27 mars 1979,nDEG 143/78 (De Cavel I), 6 mars 1980, nDEG 120/79 (DeCavel II), 26 mars 1992, nDEG C-261/90 (Reichert etKockler) et 10 fevrier 2009, nDEG C-185/07 (Allianz SpA etGenerali Assicurazioni Generali SpA), que la reponse à laquestion de savoir si le reglement nDEG 44/2001 peuts'appliquer à des mesures provisoires ou conservatoiresdepend non de leur nature propre, mais de la nature desdroits dont elles assurent la sauvegarde.

Suivant cette jurisprudence, l'article 31 du reglementnDEG 44/2001 ne peut donc pas etre invoque pour desmesures provisoires ou conservatoires relatives à desmatieres exclues du champ d'application du reglement. LaCour de justice de l'Union europeenne a ainsi considere,par les arrets du 27 mars 1979, nDEG 143/78 (De Cavel I),et du 31 mars 1982, nDEG 25/81 (W./H.), que des mesuresprovisoires ou conservatoires sont exclues du champd'application du reglement, si elles se rattachentetroitement aux rapports patrimoniaux qui resultentdirectement du lien conjugal.

9. L'arret attaque considere que « [la defenderesse] n'apas [introduit] en refere d'actions en matiere de regimematrimonial de sorte qu'il ne peut etre dit pour droit quele [juge des referes] ne serait pas competent enl'espece » et que « le refere ne [vise] que des mesuresprovisoires qui n'affectent ni le fond de la cause, ni leregime matrimonial ».

L'arret, qui considere ainsi que le juge belge des referesest competent, en se fondant exclusivement sur la naturedes mesures demandees et sans examiner si les droitsconserves par les mesures provisoires concernent unematiere exclue du champ d'application du reglement nDEG44/2001, notamment si les mesures provisoires serattachent etroitement aux rapports patrimoniaux quiresultent directement du lien conjugal, ne justifie paslegalement sa decision.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il statue sur lapension alimentaire personnelle demandee par ladefenderesse pendant la procedure en divorce ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en margede l'arret partiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci parle juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel deBruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, àBruxelles, ou siegeaient le president de section AlbertFettweis, les conseillers Alain Smetryns, Koen Mestdagh,Geert Jocque et Koenraad Moens, et prononce en audiencepublique du vingt-quatre octobre deux mille quatorze parle president de section Albert Fettweis, en presence del'avocat general Andre Van Ingelgem, avec l'assistance dugreffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller MireilleDelange et transcrite avec l'assistance du greffierPatricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

24 OCTOBRE 2014 C.13.0592.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0592.N
Date de la décision : 24/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-10-24;c.13.0592.n ?
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