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03/11/2014 | BELGIQUE | N°C.08.0174.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 novembre 2014, C.08.0174.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0174.F

1. M. B.,

2. P. R.,

3. I. W.,

4. B. B.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Affaires etrangeres, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue des Petits Carmes, 15,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la C

our de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il est faitelection de domicile.

I. La pro...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.08.0174.F

1. M. B.,

2. P. R.,

3. I. W.,

4. B. B.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,ou il est fait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Affaires etrangeres, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue des Petits Carmes, 15,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 avril 2007par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 1er octobre 2014, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Par ordonnance du 1er octobre 2014, le premier president a renvoye lacause devant la troisieme chambre.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Les demandeurs presentent quatre moyens libelles dans les termes suivants:

Premier moyen

Dispositions legales violees

- principe general du droit international et national selon lequel unenorme de droit international conventionnel ayant des effets directs dansl'ordre juridique interne prohibe l'application d'une regle de droitnational, qu'elle soit anterieure ou posterieure à un traiteinternational, des lors que les effets de la regle nationale sont enconflit avec la norme de droit international conventionnel ;

- article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traites du 23mai 1969, approuvee par la loi du 10 juin 1992 ;

- articles 1er, 1DEG, 3, alinea 3, 4, 1DEG et 3DEG, du Protocole du 28mars 1976 conclu entre le royaume de Belgique et la republique du Zaire,portant reglement de l'indemnisation des biens zairianises ayant appartenuà des personnes physiques belges, ainsi qu'echanges de lettres du memejour joints à ce protocole, approuves par la loi du 16 juillet 1976,entree en vigueur le 12 janvier 1977, et, pour autant que de besoin,articles 1er, 2, 3 et 4 de ladite loi du 16 juillet 1976 ;

- article 4 de l'arrete royal du 27 juillet 1976 fixant les conditions deforme et de delai d'introduction des demandes d'indemnisation du chef demesures de zairianisation ;

- articles 1er, alinea 1er, de la loi du 6 fevrier 1970 sur laprescription des creances à charge de l'Etat et, pour autant que debesoin, 100, alinea 1er, 1DEG et 2DEG, des lois sur la comptabilite del'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que la creance des demandeurs est prescrite au motif quecette prescription est regie par l'article 1er, alinea 1er, de la loi du 6fevrier 1970 et, en particulier, aux motifs suivants :

« L'article 4 du Protocole [...] cree en faveur des ressortissants belgesqui ont subi, au cours des annees 1973 et 1974, la zairianisation de leursbiens le droit de percevoir aupres de l'Etat belge la contrevaleur enfrancs belges de l'indemnite qui leur est reconnue ;

La creance des [demandeurs] n'est pas regie par le droit international etplus particulierement par une prescription de droit international ;

Certes, elle trouve son origine dans une convention internationale, leProtocole, conclue entre deux Etats independants ;

Parce qu'il grevait les charges publiques et exerc,ait une influence surla jouissance des droits prives de certains Belges, le Protocole dut fairel'objet d'une loi d'approbation (article 68 ancien de la Constitution).Par l'effet de cette loi d'approbation publiee et notifiee, il putacquerir force obligatoire dans l'ordre juridique interne belge. Enfin,comme il contient un engagement suffisamment precis qui cree uneobligation de payer dans le chef de l'Etat belge, il put avoir un effetdirect dans cet ordre juridique interne. Le droit subjectif civil desressortissants belges à l'egard de l'Etat belge est etranger au droitinternational public qui regit, non les relations entre un Etat et sespropres sujets, mais celles entre des personnes morales de droit publicrelevant d'Etats differents ou d'entites internationales, ce quicorrespond en l'espece aux engagements reciproquement consentis entre lesdeux Etats signataires sur le mode de determination des indemnites ouencore les conditions dans lesquelles l'Etat zairois ferait des paiementsà l'Etat belge ;

Il s'ensuit que le droit interne belge determine la nature de la creancedes [demandeurs] dans le respect des clauses du Protocole ainsi que saprescriptibilite et ce, en pleine efficacite, vu l'absence de dispositionexpresse dans le Protocole ou la loi d'approbation qui determinerait uneprescription particuliere pour cette creance ;

[...] La creance litigieuse relevant de l'ordre juridique interne belge,il y a lieu de se referer à la loi du 6 fevrier 1970 relative à laprescription des creances à charge ou au profit de l'Etat et desprovinces, qui etait applicable au moment des faits, ainsi qu'aux articles2219 et suivants du Code civil ;

Selon l'article 2227 du Code civil, `l'Etat, les etablissements publics etles communes sont soumis aux memes prescriptions que les particuliers etpeuvent egalement les opposer', ce que confirment les travauxpreparatoires de la loi du 6 fevrier 1970 lorsqu'ils precisent que, sauflorsque les solutions retenues s'en ecartent, le droit commun `reprend sonempire là ou un texte formel ne l'exclut point' (Expose des motifs,Pasin., 1970, 153). La loi precitee du 6 fevrier 1970 y derogeait ainsi,par des dispositions expresses, telles celles qui fixent des delais deprescription, ou encore celle qui dispose que la citation en justice estune cause de suspension de la prescription et non une caused'interruption ;

[...] La prescription litigieuse resulte de l'article 1er de la loi du 6fevrier 1970 ;

La prescription de trente ans prevue par l'article 4 de la loi du 6fevrier 1970 n'est pas d'application. En effet, cette disposition, quiprevoit que, `sans prejudice de l'application d'autres prescriptions oudecheances etablies par le droit special qui les regit, les avoirs detenuspar l'Etat pour le compte de tiers lui sont acquis lorsqu'il s'est ecouleun delai de trente ans depuis la derniere operation à laquelle ils ontdonne lieu avec les tiers ou sans qu'une demande reconnue fondee tendantà leur restitution ou attribution ou au paiement de leurs fruits ait etevalablement introduite', est etrangere à la demande, qui n'a pas pourobjet d'obtenir la restitution d'avoirs perc,us par l'Etat belge aupres del'Etat zairois et qui reviendraient aux [demandeurs] mais [qui porte] surl'execution par l'Etat belge d'un engagement de payer qui lui est propre ;

Par ailleurs, les [demandeurs] ne peuvent invoquer le benefice de laprescription de dix ans prevue par l'article 1er, c), de la loi du 6fevrier 1970. En effet, elle ne s'applique que pour les depenses qui nedoivent etre ni produites ni ordonnancees, c'est-à-dire pour les depensesfixes. La cour [d'appel] a dejà constate que la creance litigieuse devaitetre produite ;

Le delai de prescription etait donc de cinq ans. Il etait atteint lorsquela citation du 4 fevrier 1992 fut lancee ».

Griefs

Par la loi du 16 juillet 1976, entree en vigueur le 12 janvier 1977, lelegislateur a approuve le Protocole conclu le 28 mars 1976 entre leroyaume de Belgique et la republique du Zaire et portant reglement del'indemnisation des biens zairianises ayant appartenu à des personnesphysiques belges, ainsi que les echanges de lettres du meme jour entre lesgouvernements de ces deux Etats.

Le principe general du droit international et national selon lequel unenorme de droit international conventionnel ayant des effets directs dansl'ordre juridique interne prohibe l'application d'une regle contraire dedroit national oblige les cours et tribunaux nationaux à ne pas appliquercette regle de droit national, qu'elle soit anterieure ou posterieure àun traite international, des lors que ses effets sont en conflit avec lanorme de droit international conventionnel.

Les dispositions directement applicables des traites internationauxdoivent etre appliquees en tant que ceux-ci constituent et demeurent desactes de droit international et non en tant qu'ils seraient transformes enregles de droit interne ou integres dans celui-ci par l'acted'assentiment.

L'article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traites disposequ'une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne commejustifiant la non-execution d'un traite et que cette regle est sansprejudice de l'article 46.

Le Protocole conclu le 28 mars 1976 entre le royaume de Belgique et larepublique du Zaire portant reglement de l'indemnisation des bienszairianises ayant appartenu à des personnes physiques belges, ainsi queles echanges de lettres du meme jour, approuves par la loi du 16 juillet1976, ont un effet direct en droit belge. Le defendeur, par l'effet de ceprotocole et de ces echanges de lettres, a contracte l'obligation,illimitee dans le temps, de payer aux citoyens zairianises uneindemnisation complete en raison de la mesure d'expropriation dont ils ontete les victimes. Ledit protocole et les echanges de lettres necontiennent, en effet, aucune possibilite de denonciation ni aucunelimitation de leur application dans le temps. Ils different en cela de laConvention generale de cooperation belgo-zairoise du 28 mars 1976,approuvee par la loi du 16 juillet 1976, et des autres protocoles qui yont ete annexes, qui contiennent tous une clause finale determinant leurportee ratione temporis et permettant leur denonciation.

Les droits subjectifs que le protocole du 28 mars 1976 et les echanges delettres du meme jour attribuent aux citoyens belges doivent etre reconnuset appliques nonobstant toute disposition contraire du droit national. Ilen resulte qu'une norme nationale belge, l'article 1er, alinea 1er , dela loi du 6 fevrier 1970 sur la prescription des creances à charge del'Etat, doit en regle etre ecartee en tant qu'elle a pour effet d'empecherou de limiter la reconnaissance des droits subjectifs de ces citoyens,ayant pour objet les indemnites dues en vertu du Protocole et des echangesde lettres du 28 mars 1976.

En outre, l'Etat belge a pris l'engagement precite non seulement àl'egard de ses ressortissants mais encore à l'egard de l'Etat zairois.Ainsi, dans son arret T. du 21 avril 1983, la Cour de cassation a constateque le Protocole avait ete conclu dans l'intention « d'aider le Zaire àhonorer ses obligations internationales en matiere d'indemnisation debiens nationalises [et] d'aider les ressortissants belges en leurpermettant de recevoir le paiement dans un delai plus bref que celui quiavait ete accepte par le Zaire ». Par application du principe selonlequel un Etat ne peut se prevaloir de son droit interne pour echapper auxobligations decoulant d'un traite, l'Etat belge ne saurait, sans violerses obligations internationales, se prevaloir à l'egard de l'Etat zairoisd'un delai de prescription edicte par sa loi interne pour justifierl'inexecution de son obligation de prefinancer les obligations dont leZaire est redevable, de meme qu'inversement l'Etat zairois ne pourraitinvoquer, pour rejeter sa prise en charge d'une indemnisation, laprescription instituee par l'Etat belge. Des lors qu'il ne peut seprevaloir envers l'Etat zairois d'une regle de prescription prevue par sondroit interne, l'Etat belge ne peut pas davantage opposer une telle regleà ses ressortissants.

Le defendeur ne peut en consequence se prevaloir d'une telle dispositionde droit interne belge pour faire echec à l'execution de ce protocole. Endecidant d'ecarter l'application de regles relevant du droit internationalet d'appliquer une disposition de droit national ayant pour effetd'empecher ou de limiter les droits subjectifs attribues aux citoyens parle Protocole et les echanges de lettres du 28 mars 1976, l'arret viole enconsequence le principe general du droit international et national selonlequel une norme de droit international conventionnel ayant des effetsdirects dans l'ordre juridique national prohibe l'application d'une reglede droit national inconciliable avec la regle de droit international, leProtocole du 28 mars 1976 conclu entre le royaume de Belgique et larepublique du Zaire portant reglement de l'indemnisation des bienszairianises ayant appartenu à des personnes physiques belges et lesechanges de lettres du meme jour, approuves par la loi du 16 juillet 1976,et, pour autant que de besoin, les articles 2 à 4 de cette loi, ainsi quel'article 4 de l'arrete royal du 27 juillet 1976. Il viole en outrel'article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traites. Il faitenfin une application erronee de l'article 1er, alinea 1er, 1DEG, de laloi du 6 fevrier 1970 et, ainsi, le viole, ainsi que, pour autant que debesoin, l'article 100, alinea 1er, 1DEG et 2DEG, des lois sur lacomptabilite de l'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- article 68, alineas 2 et 3, de la Constitution du 7 fevrier 1831, telqu'il etait en vigueur avant sa modification par la revision du 5 mai 1993;

- article 149 de la Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994 ;

- principe general du droit dit principe dispositif, consacre parl'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- articles 1235, 1319, 1320, 1322, 1356, 2220, 2227, 2248 et, pour autantque de besoin, 1234 et 2221 du Code civil ;

- articles 1er, 1DEG, 3, 4, 1DEG et 3DEG, du Protocole du 28 mars 1976conclu entre le royaume de Belgique et la republique du Zaire, portantreglement de l'indemnisation des biens zairianises ayant appartenu à despersonnes physiques belges, ainsi que second echange de lettres du memejour, joint à ce protocole, approuves par la loi du 16 juillet 1976,entree en vigueur le 12 janvier 1977, et, pour autant que de besoin,articles 1er, 2, 3 et 4 de ladite loi du 16 juillet 1976 ;

- articles 1er, alinea 1er, et 2 de la loi du 6 fevrier 1970 sur laprescription des creances à charge de l'Etat et, pour autant que debesoin, 100, alinea 1er, 1DEG et 2DEG, et 101 des lois sur la comptabilitede l'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que le delai de prescription de l'action des demandeurs,qui est de cinq ans, a commence à courir le 1er janvier de l'annee aucours de laquelle la creance des demandeurs etait susceptible d'etreordonnancee, soit le 1er janvier 1983 pour la premiere indemnite et le 1erjanvier 1984 pour la seconde, et n'a pas ete interrompu, en sorte quel'action des demandeurs etait prescrite le 4 fevrier 1992, date de sonintroduction, et ce par les motifs suivants :

« Des lors, tant par l'effet des articles 2251 et 2257 du Code civil quede l'article 1er de la loi du 6 fevrier 1970, tel qu'il est interprete parla cour [d'appel], la prescription n'a pu, en l'espece, prendre cours queles 1er janvier des annees 1983 et 1984, au cours desquelles chaqueindemnite fut approuvee par les autorites zairoises et parvint à laconnaissance des autorites belges qui furent alors en mesure de lesordonnancer, meme si, pour la premiere indemnite, la lettre d'agrement du24 aout 1983 ne porte pas le cachet habituel de sa reception qui etaitappose par les autorites belges, à defaut de services postaux adequats ; [...]

c) Reconnaissance de dette en tant qu'acte interruptif

Les [demandeurs] soutiennent que la prescription aurait ete interrompuepar la reconnaissance de leur droit à obtenir le complement d'indemnitelitigieux. Cette reconnaissance aurait ete exprimee par l'Etat belge endiverses occasions : 1DEG lors de l'etablissement de la fiched'indemnisation, 2DEG lors de ses paiements pour la part d'indemnite quine fut jamais contestee, 3DEG lors du depot d'un projet de loi en avril1995, 4DEG lors de l'adoption de l'arrete royal du 20 decembre 1996 et,enfin, 5DEG lorsqu'il accepta de payer au sieur T. le complementd'indemnite que ce dernier reclamait, apres l'arret de la Cour decassation du 25 fevrier 1993 ;

La reconnaissance de la creance a pour effet d'interrompre laprescription. Encore faut-il qu'elle intervienne alors que la prescriptioncourt encore. Si le delai de prescription est echu, elle ne peut avoiraucun effet interruptif. Or, la cour [d'appel] constate que tous les faitsvises sub 3DEG et 5DEG sont posterieurs à l'ecoulement du delai de cinqans qui eteignit la creance des [demandeurs] ;

Pour interrompre la prescription qui court contre son debiteur, l'Etatbelge doit reconnaitre, explicitement ou implicitement mais de manierecertaine, le droit de celui contre qui il prescrit. S'il est exact que lareconnaissance ne doit pas necessairement porter sur le montant precis dela creance, les [demandeurs] n'apportent pas la preuve d'une quelconquereconnaissance de leur droit à percevoir le complement d'indemnitelitigieux avant qu'intervienne, non l'arret precite de la Cour decassation, puisqu'il n'emanait pas de l'organe habilite à engager l'Etatpar une reconnaissance envers les zairainises, mais l'arrete royal du 20decembre 1996 par lequel l'Etat belge s'engageait à faire payer lescomplements d'indemnite, mais ce, sous la reserve expresse qu'ils nesoient pas prescrits. A cette date, le droit des [demandeurs] etaitprescrit ;

d) Renonciation à invoquer la prescription

Selon les [demandeurs], l'Etat belge aurait renonce au benefice de laprescription à l'egard d'autres zairianises qui auraient ete payesau-delà du delai de prescription. Par ailleurs, il aurait fait desdeclarations selon lesquelles il aurait exprime la volonte d'y renoncer enfaveur de tous les interesses ;

Cependant, outre que la preuve de ces declarations, qui sont formellementcontestees par l'Etat belge, n'est pas produite, la loi precitee du 6fevrier 1970 est d'ordre public et ne permet pas à l'Etat belge derenoncer au benefice de la prescription qui lui est acquise, à moins d'yavoir ete autorise par une disposition legale expresse, qui estinexistante en l'espece. Il en resulte que les [demandeurs] ne peuventpretendre beneficier d'une eventuelle renonciation car elle [leur]procurerait un avantage illicite ».

Griefs

Premiere branche

Il resulte des conclusions particulieres de synthese des demandeurs queplusieurs versements ont ete effectues par le defendeur entre 1980 et1989, le dernier paiement ayant eu lieu en mai 1989. Selon les demandeurs,ces differents paiements constituaient autant de reconnaissances dedettes, constituant elles-memes une renonciation à invoquer laprescription ou, à tout le moins, des causes d'interruption de laprescription. En outre, les demandeurs enonc,aient : « L'Etat belge aenonce que les paiements effectues par lui ont toujours ete consideres parlui comme l'execution integrale de son obligation d'indemnisation descitoyens zairianises. Il a ainsi fait l'aveu judiciaire de l'existence desa dette ».

Il resulte en effet des conclusions du defendeur que les paiements qu'il aeffectues ont toujours ete consideres par lui comme l'execution integralede son obligation d'indemnisation des citoyens zairianises.

L'arret considere que, selon les demandeurs, « l'Etat belge auraitrenonce au benefice de la prescription à l'egard d'autres zairianises quiauraient ete payes au-delà du delai de prescription » et que, « parailleurs, il aurait fait des declarations selon lesquelles il auraitexprime la volonte d'y renoncer en faveur de tous les interesses ».

L'arret attribue ainsi deux moyens - et deux moyens seulement - auxdemandeurs, à savoir, d'une part, la renonciation de l'Etat belge aubenefice de la prescription en faveur d'autres zairianises, d'autre part,l'existence des declarations de celui-ci sur la volonte d'y renoncer enfaveur de tous les zairianises. En realite, les demandeurs invoquaient enoutre que cette renonciation resultait, d'une part, de la reconnaissancede dette de l'Etat belge constituee par ses paiements partiels et, d'autrepart, de l'enonciation de ces paiements en termes de conclusions,enonciation constitutive d'un aveu judiciaire. L'arret denie ainsi defac,on implicite mais certaine l'existence de ces deux contestations,constitutives de moyens distincts, exposees dans les conclusions d'appeldes demandeurs. De la sorte, l'arret viole la foi qui est due auxconclusions des demandeurs et les articles 1319, 1320 et 1322 du Codecivil.

En ne repondant pas au grief des demandeurs, consistant à soutenir quel'Etat belge avait reconnu sa dette et donc renonce au benefice de laprescription et que cette reconnaissance de dette resultait des paiementspartiels effectues par l'Etat belge et de l'aveu judiciaire du defendeur,l'arret viole en outre l'article 149 de la Constitution.

Deuxieme branche

L'article 68, alinea 3 in fine, de la Constitution, tel qu'il etait envigueur avant sa modification par la revision du 5 mai 1993, disposaitque, dans aucun cas, les articles secrets d'un traite ne peuvent etredestructifs des articles patents. L'article 68, alinea 2, de laConstitution, tel qu'il etait en vigueur avant la meme revision, disposaitque les traites qui pourraient lier individuellement les Belges n'ontd'effet qu'apres avoir rec,u l'assentiment des Chambres.

Une norme contenue dans un accord international, conclu par le pouvoirexecutif et non soumis à l'assentiment des Chambres, dont le contenu esten contradiction avec une norme contenue dans un accord internationalapprouve par la loi et en vigueur, est depourvue de force obligatoire àl'egard des citoyens et des tribunaux nationaux. Une decision individuellefondee sur une norme irreguliere est elle-meme illegale.

L'echange de lettres, non approuve par la loi et non publie, intervenusecretement le 18 juin 1976 entre le defendeur et l'Etat zairoispretendait reduire à 45,25 francs belges pour un zaire le taux de changeapplicable à l'evaluation des indemnites dues au citoyen zairianise,alors que le Protocole et l'echange de lettres du 28 mars 1976, approuvespar la loi du 16 juillet 1976, disposaient que l'evaluation des indemnitesse ferait à la date de l'evaluation des biens zairianises, ce quicorrespondait à un taux minimum de 75,81 francs belges pour un zaire.

N'ayant ete ni approuve par la loi ni publie, l'echange de lettres du 18juin 1976 viole l'article 68, alinea 2, precite de la Constitution.Pretendant deroger en secret au Protocole et au second echange de lettresdu 28 mars 1976, il viole de surcroit l'article 68, alinea 3 in fine,precite de la Constitution et, en outre, ledit protocole et l'echange delettres du 28 mars 1976 ainsi que la loi du 16 juillet 1976 qui a approuveces derniers. L'echange - scandaleux - de lettres du 18 juin 1976 estdonc illegal et depourvu de force obligatoire.

L'article 1235 du Code civil dispose que tout paiement suppose une detteet que ce qui a ete paye sans etre du est sujet à repetition.

La reconnaissance d'une dette, deduite, conformement à l'article 1235 duCode civil, d'un paiement, en ce qu'elle implique notamment larenonciation du debiteur à se prevaloir de l'eventuelle inexistence decette dette, de son eventuelle nullite ou de son eventuelle extinction parl'effet d'une des causes visees à l'article 1234 du Code civil, y comprisune prescription anterieurement acquise, constitue le point de depart dela prescription s'appliquant à cette dette, ou eventuellement d'unenouvelle prescription semblable à celle qui aurait ete acquise. Ilresulte par ailleurs de l'article 2220 du Code civil que le debiteur d'uneobligation peut renoncer à une prescription acquise et de l'article 2221de ce code qu'il peut y renoncer expressement ou tacitement.

La reconnaissance d'une dette deduite d'un paiement a pour objet leprincipe meme de cette dette, et non la dette limitee au seul montantpaye. Le paiement partiel de la dette, meme motive par la convictionerronee du debiteur que sa dette n'est pas plus ample, implique enconsequence la reconnaissance de la dette effective, telle qu'elle resulteen realite de la cause qui l'a fait naitre.

Dans ses conclusions d'appel, le defendeur enonc,ait :

« Le gouvernement belge a chaque fois transfere aux interesses lespaiements effectues par les autorites zairoises. Chaque fois, il leur aensuite verse un complement representant la difference entre les annuitescalculees sur une periode d'indemnisation de vingt ans et les annuitescalculees sur une periode d'indemnisation de dix ans. [...]

Les paiements incombant aux autorites zairoises ont ete effectuesregulierement entre 1980 et 1985. Pour autant que les indemnisationseussent dejà ete determinees, les quatrieme, cinquieme, sixieme,septieme, huitieme et neuvieme annuites ont ete payees par ces autoritesrespectivement en 1981 (pour les quatrieme et cinquieme), en 1982, en1983, en 1984 et en 1985.

La dixieme annuite n'a ete versee par le Zaire à la Belgique que le 21decembre 1988.

Le gouvernement belge a donc chaque fois effectue, aussitot que possible,le transfert de ces annuites et le versement des complements s'yrapportant ».

Dans ses conclusions additionnelles d'appel, le defendeur a en outreprecise que les paiements partiels etaient intervenus entre 1980 et 1989.

Il resulte des conclusions des deux parties que l'Etat belge a procede aupaiement des annuites entre 1980 et 1989, notamment en 1984, 1985 et, ence qui concerne la derniere annuite, au plus tot le 21 decembre 1988 et auplus tard en 1989, des lors que, ainsi que le defendeur le releve dans sesconclusions, l'Etat belge transferait à chaque fois aux zairianises lespaiements effectues par les autorites zairoises et que la dixieme annuiten'a ete versee par le Zaire à la Belgique que le 21 decembre 1988.

La prescription de cinq ans, susceptible de prendre cours au plus tot lorsde cette date, n'etait des lors pas acquise à la date de la citation desdemandeurs, introduite le 4 fevrier 1992.

Il resulte des considerations qui precedent que l'arret, qui confirme quela reconnaissance d'une dette ne doit pas necessairement porter sur lemontant precis de la creance mais qui considere que les demandeursn'apportent pas la preuve d'une quelconque reconnaissance de leur droit àpercevoir le complement d'indemnite litigieux avant qu'interviennel'arrete royal du 20 decembre 1996, qui ne constate pas que l'Etat belgeaurait soutenu que ce dernier paiement n'aurait pas ete du et etait sujetà repetition, au motif que la dette qui en constituait le fondementaurait ete soit inexistante, soit nulle, soit eteinte par une des causesvisees à l'article 1234 du Code civil, y compris une prescriptionanterieurement acquise, mais qui decide que l'action des demandeurs etaitprescrite, meconnait la regle, deduite des articles 1235 et 2220 du Codecivil, selon laquelle la reconnaissance d'une dette porte sur le principede celle-ci, et, pour autant que de besoin, les articles 1234 et 2221 dumeme code.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il n'existe pas de dispositionlegale permettant à l'Etat belge de renoncer au benefice de laprescription qui lui est acquise, alors qu'il considere par ailleurs quele droit commun de la prescription est applicable aux creances à chargede l'Etat lorsque la loi du 6 fevrier 1970 ne l'exclut point, l'arretviole les articles 2220 et 2221 du Code civil, qui permettentexplicitement cette renonciation, ainsi que l'article 2227 de ce code, quidispose qu'en matiere de prescription, l'Etat est soumis aux memesprescriptions que les particuliers.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il n'existe pas de dispositionlegale permettant à l'Etat belge, vise explicitement en cette qualite, derenoncer au benefice de la prescription qui lui est acquise, l'arretajoute aux articles 2220 et 2221 du Code civil une condition qu'ils necontiennent pas et, par consequent, les viole. De la sorte, l'arret violeegalement l'article 2227 du Code civil.

En considerant en outre, à tout le moins implicitement, que le defendeurpeut se prevaloir de l'erreur commise par lui en considerant qu'il n'etaittenu qu'au paiement des montants calcules sur la base du taux de 45,25francs belges pour un zaire, admis par lui en invoquant l'echange delettres, non approuve par la loi et non publie, du 18 juin 1976, et endonnant ainsi effet à cet echange de lettres, alors que, telle qu'elleresultait du Protocole et du second echange de lettres du 28 mars 1976, ladette de l'Etat belge etait plus ample, l'arret viole l'article 68,alineas 2 et 3, de la Constitution, tel qu'il etait en vigueur avant lamodification par la revision du 5 mai 1993 et s'imposait à l'Etat belgeen 1976. Il meconnait en outre la force obligatoire de l'article 4, 3DEG,du Protocole et du second echange de lettres du 28 mars 1976 et, pourautant que de besoin, les articles 1er à 4 de la loi du 16 juillet 1976.

Par ailleurs, la reconnaissance de dette, quant à son principe, faite entermes de conclusions ou d'un autre acte de procedure, constitue un aveujudiciaire, conformement à l'article 1356 du Code civil.

L'Etat belge a enonce que les paiements effectues par lui ont toujours eteconsideres par lui comme l'execution integrale de son obligationd'indemnisation des citoyens zairianises. Il a ainsi fait l'aveujudiciaire de l'existence de sa dette à la date de chacun des paiementseffectues entre 1980 et 1988 ou 1989. La consideration, erronee en droit,selon laquelle sa dette n'etait pas plus ample, n'est pas indissociabled'un tel aveu, qui n'est donc pas indivisible quant à ce. En refusant detenir pour acquis un fait, alors que celui-ci etait reconnu par un aveujudiciaire, l'arret viole l'article 1356 du Code civil.

Des lors que la prescription quinquennale du solde de la dette de l'Etatbelge, prescription deduite par l'arret de l'article 1er, alinea 1er, dela loi du 6 fevrier 1970, n'a pu courir au plus tot, en ce qui concerne cesolde, que le 21 decembre 1988, date du paiement, par l'Etat zairois àl'Etat belge, de la derniere annuite, et donc premiere date possible dupaiement, par l'Etat belge aux demandeurs, de cette derniere annuite,paiement qui constitue une reconnaissance de la dette de celui-ci dans sonprincipe, et que la citation du 24 mai 1993 [lire : 4 fevrier 1992] estintervenue avant l'expiration du delai de cinq ans suivant le 21 decembre1988, delai correspondant à la meme prescription quinquennale, l'arretviole egalement cette disposition legale et, pour autant que de besoin,l'article 100, alinea 1er, 1DEG et 2DEG, des lois sur la comptabilite del'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991.

Troisieme branche (subsidiaire)

L'article 2 de la loi du 6 fevrier 1970 sur la prescription des creancesà charge de l'Etat, devenu l'article 101 des lois sur la comptabilite del'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991, dispose que« la prescription est interrompue par exploit d'huissier de justice,ainsi que par une reconnaissance de dette faite par l'Etat ».

La reconnaissance de dette prevue par cette disposition s'identifie àcelle qui est prevue par l'article 2248 du Code civil, qui dispose que« la prescription est interrompue par la reconnaissance que le debiteurou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ».

La reconnaissance de dette peut etre expresse ou tacite. Elle est tacitelorsqu'elle se deduit d'une maniere certaine des actes de celui quiprescrivait. La reconnaissance du principe de la dette suffit àinterrompre la prescription sans qu'il soit necessaire que cettereconnaissance porte sur le montant de celle-ci.

Il resulte des conclusions particulieres de synthese des demandeurs queplusieurs versements ont ete effectues par le defendeur entre 1980 et1989, le dernier paiement ayant eu lieu en mai 1989.

Dans ses conclusions d'appel, le defendeur enonc,ait que le gouvernementbelge avait chaque fois transfere aux interesses les paiements effectuespar les autorites zairoises, qu'il avait procede à des paiementsnotamment en 1985 et que la dixieme annuite n'avait ete versee par leZaire à la Belgique que le 21 decembre 1988.

Il resulte des conclusions des deux parties que l'Etat belge a procede aupaiement des annuites entre 1980 et 1989, notamment en 1984, 1985 et, ence qui concerne la derniere annuite, au plus tot le 21 decembre 1988 etau plus tard en 1989, des lors que, ainsi que le defendeur le releve dansses conclusions, l'Etat belge transferait à chaque fois aux zairianisesles paiements effectues par les autorites zairoises et que la dixiemeannuite n'a ete versee par le Zaire à la Belgique que le 21 decembre1988.

La prescription quinquennale, qui, selon l'arret, a commence à courir les1er janvier 1983 et 1984, a ete notamment interrompue en 1985. Unenouvelle prescription dans ce cas a commence à courir qui anecessairement ete interrompue par le dernier paiement effectue par l'Etatbelge, au plus tot le 21 decembre 1988 et au plus tard le 21 decembre 1988[lire : en 1989]. La prescription de cinq ans, susceptible de prendrecours au plus tot le 21 decembre 1988, n'etait des lors pas acquise à ladate de la citation des demandeurs, introduite le 4 fevrier 1992.

L'arret constate que les demandeurs ont soutenu que la prescription auraitete interrompue par la reconnaissance de leur droit à obtenir lecomplement d'indemnite litigieux, reconnaissance exprimee en diversesoccasions : « 1DEG lors de l'etablissement de la fiche d'indemnisation,2DEG lors de ses paiements pour la part d'indemnite qui ne fut jamaiscontestee, 3DEG lors du depot d'un projet de loi en avril 1995, 4DEG lorsde l'adoption de l'arrete royal du 20 decembre 1996 et, enfin, 5DEGlorsqu'il accepta de payer au sieur T. le complement d'indemnite que cedernier reclamait, apres l'arret de la Cour de cassation du 25 fevrier1993 ».

L'arret constate que les faits sub 3DEG et 5DEG sont posterieurs àl'ecoulement du delai de cinq ans qui aurait eteint la creance desdemandeurs et que les demandeurs n'apportent pas la preuve d'unequelconque reconnaissance de leur droit à percevoir le complementd'indemnite litigieux avant qu'intervienne l'arrete royal du 20 decembre1996 par lequel l'Etat belge s'engageait à faire payer les complementsd'indemnite, mais ce, sous la reserve expresse qu'ils ne soient pasprescrits. De la sorte, l'arret ne repond pas aux conclusions desdemandeurs qui enonc,aient que les paiements partiels du defendeurintervenus entre 1980 et 1989, paiements qui etaient confirmes par ledefendeur dans ses conclusions, constituaient autant de reconnaissances dedette ayant interrompu la prescription. Il viole, par consequent,l'article 149 de la Constitution.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il considere que des paiementspartiels peuvent constituer une reconnaissance du principe de la dettemais que les demandeurs n'apportent pas la preuve d'une quelconquereconnaissance de leur droit à percevoir le complement d'indemnitelitigieux avant qu'intervienne l'arrete royal du 20 decembre 1996, alorsqu'ils ont fait precisement etat de paiements intervenus entre 1980 et1989 et que le defendeur a egalement reconnu l'existence de ces paiements,l'arret viole la foi due aux conclusions des deux parties (violation desarticles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il considere que des paiementspartiels ne peuvent pas constituer une reconnaissance du principe de ladette, alors qu'il admet par ailleurs que la reconnaissance d'une dette nedoit pas necessairement porter sur le montant precis de la creance,l'arret, qui decide que les demandeurs n'apportent pas la preuve d'unequelconque reconnaissance de leur droit à percevoir le complementd'indemnite litigieux avant qu'intervienne l'arrete royal du 20 decembre1996, opere une confusion entre le principe de la dette, qui comprend lecomplement d'indemnite litigieux, et son montant. Il viole, parconsequent, l'article 2 de la loi du 6 fevrier 1970 sur la prescriptiondes creances à charge de l'Etat et, pour autant que de besoin, l'article101 des lois sur la comptabilite de l'Etat, coordonnees par l'arrete royaldu 17 juillet 1991, et l'article 2248 du Code civil.

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il considererait comme non etabliel'existence de paiements intervenus entre 1980 et 1989, notamment en 1984,1985 et, en ce qui concerne la derniere annuite, au plus tot le 21decembre 1988 et au plus tard en 1989, l'arret viole le principedispositif et, pour autant que de besoin, l'article 1138, 2DEG, du Codejudiciaire. Le principe dispositif impose en effet au juge le devoir detenir compte, et une interdiction correlative de contester, un fait sur larealite duquel s'accordent les parties en cause.

En tout etat de cause, en ce qu'il decide que la demande originaire desdemandeurs est prescrite, alors qu'elle a ete valablement interrompue àplusieurs reprises jusqu'à la citation des demandeurs, sans que laprescription quinquennale soit acquise, l'arret viole l'article 2 de laloi du 6 fevrier 1970 sur la prescription des creances à charge de l'Etatet, pour autant que de besoin, l'article 101 des lois sur la comptabilitede l'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991, et l'article2248 du Code civil.

En considerant en outre, à tout le moins implicitement, que l'Etat belgepeut se prevaloir de l'erreur commise par lui en pretendant qu'il n'etaittenu qu'au paiement des montants calcules sur la base du taux de 45,25francs belges pour un zaire, admis par lui en invoquant l'echange delettres, non approuve par la loi et non publie, du 18 juin 1976, et endonnant ainsi effet à cet echange de lettres, alors que celui-cicontredisait le Protocole et le second echange de lettres du 28 mars 1976,seuls approuves par la loi et publies, et que la dette de l'Etat belge,telle qu'elle resultait de ceux-ci, etait plus ample, l'arret violel'article 68, alineas 2 et 3, de la Constitution, tel qu'il etait envigueur avant la modification par la revision du 5 mai 1993 et s'imposaità l'Etat belge en 1976, et meconnait la force obligatoire de l'article 4,3DEG, du Protocole et du second echange de lettres du 28 mars 1976 et,pour autant que de besoin, les articles 1er à 4 de la loi du 16 juillet1976.

Troisieme moyen

Dispositions legales violees

* articles 10, 11 et 149 de la Constitution ;

* article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 et approuveepar la loi du 13 mai 1955 ;

* articles 26, S: 2, et 29, S: 2, de la loi speciale du 6 janvier 1989sur la Cour constitutionnelle ;

* articles 1382 et 1383 du Code civil ;

* principe general du droit Fraus omnia corrumpit ;

* loi du 6 fevrier 1970 sur la prescription des creances à charge del'Etat, specialement articles 1er, alineas 1er, 1DEG, et 2, et, pourautant que de besoin, lois sur la comptabilite de l'Etat, coordonneespar l'arrete royal du 17 juillet 1991, specialement articles 100,alinea 1er, 1DEG et 2DEG, et 101.

Decisions et motifs critiques

L'arret decide que la commission de fautes par le defendeur n'empeche pasla prescription quinquennale de courir, et ce par les motifs suivants :

« [Les demandeurs] invoquent diverses fautes de l'Etat belge etsoutiennent qu'en raison de ces fautes, [celui-ci] ne pourrait beneficierde la prescription, qui devrait donc etre ecartee purement et simplement,et serait redevable d'interets compensatoires au titre de dommages etinterets, par l'effet de l'article 1382 du Code civil ;

Ces manquements consisteraient à avoir refuse d'honorer volontairementl'engagement unilateral qui resultait du Protocole et de l'echange delettres du 28 mars 1976 ; les avoir abuses en tentant d'imposer le taux dechange 45,25 sans les informer de leurs droits veritables ; les avoirencore abuses en leur laissant croire, apres l'arret de la Cour decassation du 25 fevrier 1993, qu'il paierait volontairement lescomplements d'indemnite et les avoir decourages de saisir les tribunaux ;avoir tente d'eviter les effets de l'arret du 25 fevrier 1993 ensoumettant au Parlement, en avril 1995, un projet de loi qui disposait, àtitre retroactif, que le taux de change applicable serait celui de 45,25 ;avoir viole l'article 1er du Premier Protocole additionnel à laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales en spoliant les zairianises d'une part de leur indemnisationpar l'utilisation du taux de conversion precite ;

A supposer que ces manquements soient etablis, ils seraient sans effet surla prescription. La loi du 6 fevrier 1970 ne prevoit pas qu'en cas dedefaut de paiement, par mauvaise foi ou grace à des manoeuvres dolosives,l'Etat belge serait prive du droit d'invoquer la prescription ou quecelle-ci ne prendrait pas cours ou que son point de depart serait retardejusqu'à ce que le creancier cesse d'etre abuse par de telles manoeuvres.En cette matiere, comme en droit commun, la prescription court, meme enfaveur d'un debiteur de mauvaise foi, car elle n'a pas pour but deproteger des interets particuliers mais de satisfaire la securitejuridique qui commande qu'un creancier inactif perde la possibilite d'agircontre son debiteur apres l'ecoulement d'un certain delai ;

Par ailleurs, les [demandeurs] n'ont manifestement pas ete abuses par desinformations inexactes, promesses fallacieuses ou autres agissements del'Etat belge, à les supposer etablis. Les lettres du 28 mars 1976 avaientete publiees au Moniteur belge du 28 aout 1978 et etaient connues deszairianises. Les [demandeurs], qui devaient en avoir connaissance, avaientpu constater, lorsqu'ils rec,urent les paiements de l'Etat belge, quecelui-ci ne s'y conformait pas. Des lors, si la prescription est acquise,c'est, non en raison du comportement de l'Etat belge, mais uniquementparce que les [demandeurs] n'ont pas pris, à temps, les dispositionsnecessaires pour l'interrompre par exploit d'huissier ou la suspendre parcitation, ce qu'ils pouvaient faire meme s'ils desiraient attendre l'issuedes procedures menees par le sieur T. ».

Griefs

Premiere branche

Dans leurs conclusions particulieres de synthese, les demandeursinvoquaient le principe general du droit Fraus omnia corrumpit etconsideraient que ce principe excluait que l'auteur de la fraude, soit ledefendeur, puisse se prevaloir des regles de prescription normalementapplicables dont il pourrait tirer un benefice, en l'espece eviter depayer la difference entre le montant paye et le montant du, et ce, lorsquela prescription invoquee n'a pu courir qu'en raison de ladite fraude oufaute intentionnelle. Les demandeurs demandaient egalement que la courd'appel pose une double question à la Cour constitutionnelle. L'arret nerepond pas à cet argument ni à la demande de poser une questionprejudicielle et viole, de la sorte, l'article 149 de la Constitution.

En outre, l'article 26, S: 2, de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur laCour constitutionnelle dispose que :

« Lorsqu'une [question prejudicielle] est soulevee devant unejuridiction, celle-ci doit demander à la Cour constitutionnelle destatuer sur cette question.

Toutefois, la juridiction n'y est pas tenue :

1DEG lorsque l'affaire ne peut etre examinee par ladite juridiction pourdes motifs d'incompetence ou de non-recevabilite, sauf si ces motifs sonttires de normes faisant elles-memes l'objet de la demande de questionprejudicielle ;

2DEG lorsque la Cour constitutionnelle a dejà statue sur une question ouun recours ayant un objet identique.

La juridiction dont la decision est susceptible, selon le cas, d'appel,d'opposition, de pourvoi en cassation ou de recours en annulation auConseil d'Etat n'y est pas tenue non plus si la loi, le decret ou la reglevisee à l'article 134 de la Constitution ne viole manifestement pas uneregle ou un article de la Constitution vise au paragraphe 1er ou lorsquela juridiction estime que la reponse à la question prejudicielle n'estpas indispensable pour rendre sa decision ».

Des lors que la question prejudicielle soulevee par les demandeurs etaitrelative à l'article 100 des lois sur la comptabilite de l'Etat,coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991, disposition qui fixe undelai de prescription pour exercer un recours, et que l'arret juge lademande irrecevable precisement sur la base de cette disposition, ilresulte de l'article 26, S: 2, alinea 2, 1DEG, de la loi speciale sur laCour constitutionnelle qu'à defaut de constater une des causes dedispense, la cour d'appel n'etait pas dispensee de l'obligation de poserles questions prejudicielles qui est imposee par l'article 26, S: 2,alinea 1er, de cette loi.

L'article 29, S: 2, de cette loi dispose :

« La decision par laquelle une juridiction refuse de poser une questionprejudicielle doit indiquer les motifs de refus. En tant qu'elle refuse deposer une telle question, la decision d'une juridiction n'est passusceptible d'un recours distinct ».

En ce qu'il ne pose pas la question prejudicielle soulevee par lesdemandeurs sans indiquer les motifs du refus de poser cette question,l'arret viole l'article 149 de la Constitution ainsi que les articles 26,S: 2, et 29, S: 2, de la loi speciale sur la Cour constitutionnelle. Ladecision attaquee ne fait pas, pour le surplus, par le pourvoi, l'objetd'un recours distinct dirige contre le seul refus de poser une questionprejudicielle soulevee.

Seconde branche

Le principe general du droit Fraus omnia corrumpit, qui prohibe toutetromperie ou deloyaute dans le but de nuire ou de realiser un gain, exclutque l'auteur d'une fraude ou d'une faute intentionnelle puisse seprevaloir des regles de droit positif normalement applicables, dont ilpourrait tirer un benefice par l'effet de cette fraude. Ce principe est unprincipe fondamental d'ordre public et est de nature à ecarterl'application d'autres regles de droit d'ordre public.

Ce principe exclut qu'un comportement de fraude ou de fauteintentionnelle, comme celui du defendeur qui a conclu un accord secret etillegal afin de realiser un gain (en fait, d'eviter un damnum emergens),qui, en application de cet accord secret, a decide de payer aux citoyenszairianises une indemnite inferieure à celle qui leur etait legalementdue et qui omet d'ordonnancer la creance produite par les demandeurs,exclut que l'auteur de la fraude, soit le defendeur, puisse se prevaloirdes regles de prescription normalement applicables dont il pourrait tirerun benefice, en l'espece eviter de payer la difference entre le montantpaye et le montant du, et ce, lorsque la prescription invoquee n'a pucourir qu'en raison de ladite fraude ou faute intentionnelle.

Ce n'est qu'à partir du moment de la prise de connaissance effective parles demandeurs du comportement frauduleux ou intentionnellement fautif dudefendeur, constitue par l'echange de lettres du 18 juin 1976, la decisiondu defendeur de s'y conformer et l'omission eventuelle de l'ordonnancementde la creance produite par les demandeurs, que la prescription a pucommencer à courir contre ceux-ci.

En considerant que la loi du 6 fevrier 1970 ne prevoit pas qu'en cas dedefaut de paiement, par mauvaise foi ou grace à des manoeuvres dolosives,l'Etat belge serait prive du droit d'invoquer la prescription ou quecelle-ci ne prendrait pas cours ou que son point de depart serait retardejusqu'à ce que le creancier cesse d'etre abuse par de telles manoeuvres,l'arret viole cette loi, en lui ajoutant une restriction qu'elle necontient pas, ainsi que le principe general du droit Fraus omnia corrumpitet, pour autant que de besoin, les articles 1382 et 1383 du Code civil.

Si la loi du 6 fevrier 1970 devait etre interpretee en ce sens que leprincipe Fraus omnia corrumpit ne permet pas de faire echec à laprescription qu'elle consacre, il y aurait lieu de constater qu'elleinstitue une discrimination injustifiee entre la categorie de citoyens quipeuvent invoquer le principe Fraus omnia corrumpit afin de faire echec àla prescription et la categorie des citoyens qui, du fait qu'ils sontcreanciers de l'Etat, ne peuvent pas l'invoquer.

La qualite specifique de l'Etat belge ne peut certes etre meconnue. Ellepeut justifier certaines differences de traitement entre lui et lesparticuliers, notamment en matiere de delai de prescription extinctive.Elle ne peut cependant etre de nature à conferer par un veritableblanc-seing à l'Etat belge la faculte, comme en l'espece, de concluresciemment des accords secrets ou d'omettre intentionnellementd'ordonnancer des creances produites regulierement, afin de se creer entoute impunite une prescription contre ses creanciers. Une telleinterpretation, outre qu'elle cree une discrimination injustifiee entrel'Etat et les particuliers, aurait pour effet de priver ceux-ci de leurdroit à un proces equitable, tel qu'il est notamment consacre parl'article 6, S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales.

Il s'impose des lors, conformement à l'article 26 de la loi speciale du 6janvier 1989, modifie par la loi du 9 mars 2003, de saisir la Courconstitutionnelle de la violation, par la loi du 6 fevrier 1970 sur laprescription des creances à charge de l'Etat, devenue les lois sur lacomptabilite de l'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991,telle qu'elle a ete interpretee et appliquee par l'arret, des articles 10et 11 de la Constitution, lus isolement ou en combinaison avec l'article6, S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, selon la double question prejudicielle suivante :

a) La loi du 6 fevrier 1970, specialement ses articles 1er et 2, sur laprescription des creances à charge de l'Etat, devenue les lois sur lacomptabilite de l'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991,interpretee en ce sens que le principe Fraus omnia corrumpit ne peut etreinvoque par le particulier à l'encontre de qui l'Etat invoque, grace àsa fraude ou sa faute intentionnelle, la prescription d'une dette dont ilest debiteur alors que ce principe peut etre invoque à l'encontred'autres particuliers debiteurs d'une dette, viole-t-elle les articles 10et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6, S: 1er, dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales ?

b) La loi du 6 fevrier 1970, specialement ses articles 1er et 2, sur laprescription des creances à charge de l'Etat, devenue les lois sur lacomptabilite de l'Etat, coordonnees par l'arrete royal du 17 juillet 1991,interpretee en ce sens que le principe Fraus omnia corrumpit peut etreinvoque par le particulier à l'encontre de qui l'Etat invoque laprescription, grace à sa fraude ou sa faute intentionnelle, d'une dettedont il est debiteur tout comme ce principe peut etre invoque àl'encontre d'autres particuliers, debiteurs d'une dette, viole-t-elle lesarticles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6,S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales ?

Quatrieme moyen

Dispositions legales violees

- article 68, alineas 2 et 3, de la Constitution du 7 fevrier 1831, telqu'il etait en vigueur avant sa modification par la revision du 5 mai1993, et article 149 de la Constitution du 17 fevrier 1994 ;

- articles 1er, 1DEG, 3, 4, 1DEG et 3DEG, du Protocole du 28 mars 1976conclu entre le royaume de Belgique et la republique du Zaire, portantreglement de l'indemnisation des biens zairianises ayant appartenu à despersonnes physiques belges, ainsi que second echange de lettres du memejour, joint à ce protocole, approuves par la loi belge du 16 juillet1976, entree en vigueur le 12 janvier 1977, et, pour autant que de besoin,articles 1er, 2, 3 et 4 de ladite loi du 16 juillet 1976 ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret considere que l'action en responsabilite aquilienne exercee parles demandeurs est non fondee, et ce par les motifs reproduits à l'enoncedu troisieme moyen et par le motif, en outre, que, « pour ces memesmotifs, les interets compensatoires et la demande nouvelle ne sont pasfondes, outre que les tentatives menees par l'Etat belge pour appliquer letaux de conversion de 45,25 n'ont pu causer aucun prejudice aux[demandeurs] puisqu'il n'est à present plus discute que ce taux leur estinopposable, meme si dans le passe le gouvernement l'appliqua, alors qu'iletait manifestement contraire à l'echange de lettres du 28 mars 1976approuve par le Parlement ».

Griefs

L'article 68, alinea 3 in fine, de la Constitution, tel qu'il etait envigueur avant sa modification par la revision du 5 mai 1993, disposait quedans aucun cas les articles secrets d'un traite ne peuvent etredestructifs des articles patents. L'article 68, alinea 2, de laConstitution, tel qu'il etait en vigueur avant la meme revision, disposaitque les traites qui pourraient lier individuellement les Belges n'ontd'effet qu'apres avoir rec,u l'assentiment des Chambres.

Une norme contenue dans un accord international, conclu par le pouvoirexecutif et non soumis à l'assentiment des Chambres, dont le contenu esten contradiction avec une norme contenue dans un accord internationalapprouve par la loi et en vigueur, est depourvue de force obligatoire.Elle est illegale et partant fautive. Une decision individuelle, prise parle meme pouvoir executif, fondee sur une norme irreguliere est elle-memeillegale et, partant, fautive, sauf en cas d'erreur invincible de sonauteur.

L'obligation de reparer un dommage nait, dans le chef de l'auteur de lafaute qui l'a cause, lorsque la faute, le dommage et le lien de causaliteles unissant sont reunis.

L'echange de lettres, non approuve par la loi et non publie, intervenusecretement le 18 juin 1976 entre l'Etat belge et l'Etat zairoispretendait reduire à 45,25 francs belges pour un zaire le taux de changeapplicable à l'evaluation des indemnites dues au citoyen zairianise,alors que le Protocole et le second echange de lettres du 28 mars 1976,approuves par la loi du 16 juillet 1976, disposaient que l'evaluation desindemnites se ferait à la date de l'evaluation des biens zairianises, cequi correspondait à un taux minimum de 75,81 francs belges pour un zaire.

N'ayant ete ni approuve par la loi ni publie, l'echange de lettres du 18juin 1976 effectue par le pouvoir executif viole l'article 68, alinea 2,precite de la Constitution. Pretendant deroger en secret au Protocole etaux echanges de lettres du 28 mars 1976, il viole de surcroit l'article68, alinea 3 in fine, precite de la Constitution et, en outre, ceprotocole et ces echanges de lettres ainsi que la loi du 16 juillet 1976qui les a approuves. L'echange de lettres du 18 juin 1976 est donc illegalet depourvu de force obligatoire. L'adoption d'une telle norme estillegale et constitutive d'une faute.

Les decisions individuelles par lesquelles le meme pouvoir executif del'Etat belge a entendu faire application de l'echange de lettres du 18juin 1976 en limitant à 45,25 francs belges le taux de change applicableau calcul de l'indemnite due aux demandeurs sont fondees sur unedisposition normative depourvue de force obligatoire et sont partantegalement fautives, à defaut d'erreur invincible de leur auteur. Lameconnaissance du caractere illegal de la disposition normative ne peutetre invoquee par l'auteur de cette disposition normative, dont il assurelui-meme l'execution par une decision individuelle.

L'arret decide que la demande d'indemnisation des demandeurs n'est pasfondee des lors que le dommage des demandeurs resultant de la prescriptionde leur action a ete cause par eux-memes, qui auraient pu prendre « lesdispositions necessaires pour l'interrompre par exploit d'huissier ou lasuspendre par citation », d'une part, et que les tentatives menees parl'Etat belge pour appliquer le taux de conversion de 45,25 francs n'ont pucauser aucun prejudice aux demandeurs, d'autre part, « puisqu'il n'est àpresent plus discute que ce taux leur est inopposable, meme si dans lepasse le gouvernement l'appliqua, alors qu'il etait manifestementcontraire à l'echange de lettres du 28 mars 1976 approuve par leParlement ».

L'arret ne constate pas ainsi que le defendeur n'aurait pas commis defaute en decidant de ne payer qu'une partie de la somme dont il etaitredevable, en se prevalant de l'echange de lettres du 18 juin 1976.

Il n'est pas conteste cependant que, si le defendeur avait payel'integralite du montant dont il etait redevable, et non l'indemniteillegalement et donc fautivement calculee au taux de 45,25 francs, lesdemandeurs n'auraient pas subi leur dommage tel qu'il s'est produit inconcreto, et qui consiste en la difference entre la somme qu'ils ontrec,ue et celle à laquelle ils avaient droit.

En considerant que la seule cause du dommage des demandeurs est leurinaction, d'une part, et que les tentatives menees par le defendeur pourappliquer le taux de conversion de 45,25 francs n'ont pu causer aucunprejudice aux demandeurs, d'autre part, l'arret viole les notions legalesde faute et de lien de causalite consacrees par les articles 1382 et 1383du Code civil et, pour autant que de besoin, ces dispositions.

Des lors qu'il ne contient pas les constatations permettant à la Cour decontroler sa legalite en ce qui concerne l'eventuelle faute du defendeuret donc le fondement de l'action en responsabilite exercee par lesdemandeurs, l'arret viole en outre l'article 149 de la Constitution.

En refusant de reconnaitre l'existence de fautes du defendeur, et endecidant en consequence que l'echange de lettres secret du 18 juin 1976fait echec à l'action en responsabilite des demandeurs, l'arret reconnaitun effet à cet echange de lettres secret et viole en consequencel'article 68, alineas 2 et 3, de la Constitution, tel qu'il etait envigueur avant la revision du 5 mai 1993, ainsi que le Protocole, lesechanges de lettres du 28 mars 1976 et la loi d'approbation du 16 juillet1976.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Le Protocole entre le royaume de Belgique et la republique du Zaireportant reglement de l'indemnisation des biens zairianises ayant appartenuà des personnes physiques belges, annexe à la Convention generale decooperation entre les memes Etats, signee à Khinshasa le 28 mars 1976 etapprouvee par la loi du 16 juillet 1976, dispose, à l'article 1er, qu'ila pour objet de fixer les modalites d'evaluation des biens zairianisesayant appartenu à des personnes physiques de nationalite belge ainsi quede determiner les modalites de paiement de l'indemnisation de ces bienset, à l'article 4, que l'Etat zairois liquidera l'indemnisation auxayants droit en une periode de vingt ans, qu'il versera ces indemnisationsà un compte de l'Etat belge aupres d'une banque zairoise, utilise pourdes paiements de la cooperation belge au Zaire, que l'Etat belge opereraun prefinancement en vue de liquider aux ayants droit, sur une periode dedix ans, l'ensemble de la contrevaleur actuarielle de ces indemnisationsen francs belges et que l'Etat zairois liquidera en consequence les dixdernieres annees à l'Etat belge.

En application de ce protocole, il a ete convenu par un echange de lettressignees par les ministres des Affaires etrangeres des deux Etats le 28mars 1976, approuve par la loi du 16 juillet 1976, que la contrevaleur enfrancs belges du bien indemnise sera fixee une fois pour toutes au momentde l'evaluation de celui-ci, que l'Etat zairois mettra à la dispositionde l'Etat belge la contrevaleur en zaires d'un vingtieme du principal, telqu'il a ete evalue, et un interet de cinq p.c., et que l'Etat belgeversera aux ayants droit des annuites egales correspondant au dixieme dubien evalue, avec un interet de cinq p.c.

Il ressort du Traite, du Protocole et de l'echange de lettres quel'obligation de prefinancement assumee par l'Etat belge n'a pas etesouscrite exclusivement en faveur du Zaire et qu'à cette obligationcorrespond un droit subjectif des beneficiaires de l'indemnisation dontl'execution par l'Etat belge ne depend pas de l'execution par l'Etatzairois de ses propres engagements.

De la circonstance qu'il prend sa source dans des dispositions du droitinternational conventionnel qui ont un effet direct en droit belge, il neresulte pas, des lors que les instruments internationaux qui le consacrentne prevoient pas de regles de prescription, que le droit de creance desayants droit ne serait pas soumis aux dispositions de la loi belge reglantla prescription des creances à charge de l'Etat.

L'arret decide des lors legalement qu'en « l'absence de dispositionexpresse dans le Protocole [...] qui determinerait une prescriptionparticuliere pour cette creance », « le droit interne belge determine[la] prescriptibilite » de celle-ci.

Les autres considerations que critique le moyen sont, partant,surabondantes.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Quant aux deuxieme et troisieme branches reunies :

En vertu de l'article 1234 du Code civil, les obligations s'eteignent parle paiement.

L'article 1235, alinea 1er, de ce code dispose que tout paiement supposeune dette : ce qui a ete paye sans etre du est sujet à repetition.

Des lors que le paiement eteint l'obligation, s'il peut emporterrenonciation à la prescription acquise au sens de l'article 2220 du Codecivil, il ne saurait, contrairement à ce qu'affirme le moyen, constituerle point de depart d'une prescription à laquelle cette obligation n'estplus exposee.

Si un paiement peut n'etre que partiel et n'eteindre l'obligation quejusqu'à concurrence de son montant, il ne suit, d'ailleurs, ni del'article 1235, alinea 1er, ni de l'article 2220 du Code civil qu'unpaiement partiel qui n'est pas indu emporte necessairement reconnaissancedu principe d'une dette dont le montant pourrait etre superieur à ce quia ete paye.

L'arret considere, sans etre critique, que la prescription de la creancedes demandeurs en paiement des deux indemnites litigieuses « n'a puprendre cours que le premier janvier des annees 1983 et 1984 » et estsoumise au delai de cinq ans, et en deduit qu'elle etait donc acquise pources deux indemnites lorsque fut lancee la citation du 4 fevrier 1992.

Il ressort des constatations de l'arret que cette citation tendait aupaiement de complements d'indemnite resultant de ce que les annuitespayees par l'Etat belge en vertu de son obligation de prefinancementavaient ete liquidees sur la base d'un taux de change inferieur à celuiqu'il eut du appliquer.

En enonc,ant que, « s'il est exact que la reconnaissance [d'une dette] nedoit pas necessairement porter sur le montant precis de la creance, les[demandeurs] n'apportent pas la preuve d'une quelconque reconnaissance deleur droit à percevoir le complement d'indemnite litigieux avantqu'intervienne [...] l'arrete royal du 20 decembre 1996 par lequel l'Etatbelge s'engageait à faire payer les complements d'indemnite mais ce, sousla reserve expresse qu'ils ne soient pas prescrits », l'arret, qui nedenie pas que des paiements aient ete faits entre 1980 et 1989, repond, enles contredisant, aux conclusions des demandeurs qui soutenaient que cespaiements constitueraient des reconnaissances de dettes interruptives dela prescription.

S'il admet qu'une reconnaissance de dette ne doit pas necessairementporter sur le montant precis de la creance, l'arret distingue avec netteteles indemnites payees sur la base du taux de change illegal de 45,25francs belges pour un zaire du « complement d'indemnite litigieux » dontil decide, sans operer de confusion entre le montant et le principe de lacreance, que l'Etat belge ne s'est pas reconnu debiteur avant que laprescription soit atteinte.

L'arret, qui considere que « les [demandeurs] n'ont manifestement pas eteabuses par des informations inexactes, promesses fallacieuses ou autresagissements de l'Etat belge, à les supposer etablis ; que les lettres du28 mars 1976 fixant leurs droits avaient ete publiees au Moniteur belge du28 aout 1978 et etaient connues des zairianises, et que les [demandeurs],qui devaient en avoir connaissance, avaient pu constater, lorsqu'ilsrec,urent les paiements de l'Etat belge, que celui-ci ne s'y conformaitpas », exclut legalement que ces paiements aient constitue desreconnaissances de dettes et que le defendeur ait reconnu la dette faisantl'objet de la demande.

Il n'a pu, des lors, meconnaitre les effets ni de la renonciation que lesdemandeurs deduisaient de pareille reconnaissance ni de l'aveu judiciairequ'ils croyaient pouvoir trouver dans les conclusions du defendeurrappelant les paiements qu'il avait effectues.

Pour le surplus, l'arret, par aucune de ses considerations, ne donne effetà l'echange de lettres secret du 18 juin 1976, dont il n'autorise pas ledefendeur à se prevaloir davantage que de son erreur.

Quant à la premiere branche :

Des lors qu'il considere que le defendeur n'a pas reconnu la dette surlaquelle porte la demande, l'arret n'a pu violer la foi due auxconclusions des demandeurs en s'abstenant de rappeler qu'ils y invoquaientune renonciation et un aveu, et n'etait pas tenu de repondre auxditesconclusions, que sa decision privait de pertinence.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la seconde branche :

Ainsi qu'il a ete dit en reponse aux deuxieme et troisieme branches dudeuxieme moyen, l'arret considere que « les [demandeurs] n'ontmanifestement pas ete abuses par des informations inexactes, promessesfallacieuses ou autres agissements de l'Etat belge, à les supposeretablis ; que les lettres du 28 mars 1976 fixant leurs droits avaient etepubliees au Moniteur belge du 28 aout 1978 et etaient connues deszairianises, et que les [demandeurs], qui devaient en avoir connaissance,avaient pu constater, lorsqu'ils rec,urent les paiements de l'Etat belge,que celui-ci ne s'y conformait pas ».

L'arret en deduit que, « si la prescription est acquise, c'est, non [...]en raison du comportement de l'Etat belge, mais uniquement parce que les[demandeurs] n'ont pas pris, à temps, les dispositions necessaires pourl'interrompre par exploit ou la suspendre par citation, ce qu'ilspouvaient faire meme s'ils desiraient attendre l'issue des proceduresmenees par le sieur T. ».

Ces considerations excluent qu'aux yeux de la cour d'appel la faute del'Etat belge, fut-elle etablie, put constituer une fraude ou une fauteintentionnelle au sens du principe general du droit Fraus omnia corrumpit.

Le moyen, qui, en cette branche, suppose le contraire, manque en fait.

Et il n'y a, des lors, pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle laquestion proposee par les demandeurs.

Quant à la premiere branche :

Des lors qu'il ressort de la reponse à la seconde branche du moyen queles conditions d'application du principe general du droit Fraus omniacorrumpit n'etaient, aux yeux de la cour d'appel, pas reunies, celle-cin'etait tenue ni de repondre aux conclusions des demandeurs visees aumoyen, en cette branche, ni de poser à la Cour constitutionnelle laquestion qui lui etait proposee.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Sur le quatrieme moyen :

En enonc,ant que « les tentatives menees par l'Etat belge pour appliquerle taux de conversion de 45,25 francs belges pour un zaire n'ont pucauser aucun prejudice aux [demandeurs] puisqu'il est à present etablique ce taux leur est inopposable, meme si dans le passe le gouvernementl'appliqua, alors qu'il etait manifestement contraire à l'echange delettres du 28 mars 1976 approuve par le Parlement », l'arret exclut queles demandeurs aient subi un dommage.

Le moyen, qui se limite à critiquer la decision de l'arret concernant lafaute du defendeur et son lien causal avec le dommage suppose desdemandeurs, ne saurait, des lors, entrainer la cassation et, denued'interet, est, partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de cinq cent trois euros vingt-neuf centimesenvers les parties demanderesses et à la somme de cent soixante-cinqeuros septante-neuf centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Martine Regout, Mireille Delange et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du trois novembre deux mille quatorze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+--------------------------------------+
| L. Body | S. Geubel | M. Delange |
|-----------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------+

3 NOVEMBRE 2014 C.08.0174.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.08.0174.F
Date de la décision : 03/11/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-11-03;c.08.0174.f ?
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