La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0423.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 décembre 2014, C.13.0423.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0423.F

T. V. N.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

Regie des Batiments, dont le siege est etabli à Saint-Gilles, avenue dela Toison d'Or, 87,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait elec

tion de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0423.F

T. V. N.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

Regie des Batiments, dont le siege est etabli à Saint-Gilles, avenue dela Toison d'Or, 87,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 decembre 2012par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente huit moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant aux deux branches reunies :

L'arret constate que, « par l'effet [du] jugement [du 7 juillet 1986 quifixait l'indemnite provisionnelle revenant au demandeur], la propriete dubien fut transferee à [la defenderesse] et le bail commercial litigieuxprit fin ».

L'arret considere, au stade des generalites quant à l'ensemble des postesà indemniser, que « [l']indemnite [juste et prealable] est destinee àcompenser tous les elements du prejudice qui sont une consequence directeou indirecte mais necessaire de l'expropriation et à reparer la pertereellement subie, en ayant egard à tous les droits actuels et certains etaux avantages non precaires qui se rattachent à l'emprise ainsi qu'auprejudice futur pour autant qu'il soit certain », et que, « pourapprecier le dommage subi, le juge doit se placer au jour du jugementfixant l'indemnite provisionnelle, en tenant compte des previsionsd'avenir acquises à ce moment ».

D'une part, l'arret, qui releve que, « en regle, l'exploitant d'un fondsde commerce exproprie doit etre indemnise de la perte de benefice netpendant la periode d'inactivite totale imputable à l'expropriation etpendant celle du retablissement pour la duree necessaire à lareconstitution de la clientele perdue parce qu'elle est attachee à lalocalisation geographique dudit fonds », prend en consideration, sansmeconnaitre les dispositions visees au moyen, en sa deuxieme branche, undommage futur certain au jour du jugement fixant l'indemniteprovisionnelle imputable à l'expropriation, tenant compte, ainsi, dans ladetermination du dommage subi, des previsions d'avenir acquises à cemoment.

D'autre part, l'arret, sans meconnaitre les dispositions autres quel'article 149 de la Constitution, visees au moyen, en sa deuxieme branche,evalue ex aequo et bono ce dommage en ne retenant, sur la base d'uneappreciation qui git en fait, que « les resultats de l'annee 1985 » eten ecartant ceux de « l'annee 1986 » au motif qu'etant « celle dujugement constatant le transfert de propriete et emportant la caducite dubail, elle doit necessairement etre ecartee, d'autant plus que lesnegociations etaient en cours depuis la fin de l'annee 1985 ».

L'arret n'est, des lors, pas entache de la contradiction alleguee par lemoyen, en sa premiere branche, et ne contient pas de dispositionscontradictoires.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

L'arret constate que « l'expert, suivi par le premier juge, [...] aevalu[e] [les fournitures destinees à l'exploitation du commerce, dontl'incorporation dans l'immeuble ne lui apporte rien comme plus-valueimmobiliere et qui, etant incorporees, y sont demeurees], à 4.692,48euros ».

L'arret considere qu' « il y a lieu d'ajouter le prix de la fourniture etdu placement d'un meuble sous evier » et que « ce poste [...] doit doncetre ajoute à l'indemnite retenue par le premier juge jusqu'àconcurrence de 692,62 euros », de sorte que « l'indemnite allouee par lepremier juge doit [...] etre portee à 5.384,10 euros ».

L'arret releve que les frais de reappropriation constituent une« indemnite forfaitaire [...] destinee à couvrir le prejudice ne desfrais d'adaptation de biens qui ont ete precedemment payes, partiellementamortis et qui sont recuperes dans l'etat ou ils se trouvent » et que« c'est [...] le cout de leur adaptation qui entre en consideration »,et decide que « l'indemnite de 2.604,17 euros [proposee par l'expert et]allouee par le premier juge est confirmee ».

Le moyen, qui repose sur la consideration que, des lors qu'il augmentaitl'evaluation faite par l'expert des fournitures destinees àl'exploitation du commerce, dont l'incorporation dans l'immeuble ne luiapporte rien comme plus-value, l'arret aurait du tenir compte de cetteevaluation pour fixer l'indemnite forfaitaire destinee à couvrir leprejudice ne des frais d'adaptation de biens qui ont ete precedemmentpayes, partiellement amortis et qui sont recuperes dans l'etat ou ils setrouvent, requiert un examen du rapport d'expertise.

Ce rapport d'expertise n'a pas ete depose par le demandeur.

Le moyen est, des lors, irrecevable.

Sur le troisieme moyen :

L'arret constate que « l'obligation dans laquelle [le demandeur] seserait trouve de loger, nourrir et heberger des membres de sa famille sansplus pouvoir compter sur les ressources du restaurant pendant la perioded'inactivite totale » doit etre attribuee, d'une part, « à la decisionprealable [du demandeur] d'accueillir ces personnes, à ses frais, et d'enassumer la responsabilite envers l'Etat belge » et, d'autre part, « àla decision - egalement prealable à l'expropriation - [du demandeur]d'acquerir un immeuble qui necessitait des travaux importants avant depouvoir etre occupe et exploite, ce qui a provoque une longue perioded'inactivite ».

Il constate egalement que, « si des salaires ont ete payes pendant laperiode d'inactivite, [le demandeur] ne peut en imputer la charge [audefendeur] des lors que la consequence normale de l'expropriation etaitqu'il notifie des preavis à son personnel et qu'il les fasse presteravant de quitter les lieux, ce qu'il avait concretement la possibilite defaire ».

Par ces motifs, il motive regulierement et justifie legalement sa decisionque « l'expropriation litigieuse n'est pas la cause necessaire del'obligation dans laquelle [le demandeur] se serait trouve de loger,nourrir et heberger des membres de sa famille sans plus pouvoir comptersur les ressources du restaurant pendant la periode d'inactivite totale».

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le quatrieme moyen :

Apres avoir constate que « [le demandeur] [reclame] les frais de deuxdemenagements et d'entreposage pour le motif que, lorsqu'il dut quitterl'immeuble empris, son nouvel immeuble etait encore en travaux de sortequ'il dut entreposer le mobilier et payer les frais de deux demenagements», l'arret decide que, « meme si [le demandeur] a effectivement supporteces frais, le prejudice en relation causale necessaire avecl'expropriation est le fait d'avoir du supporter un demenagement, lesautres depenses etant dues à la decision [du demandeur] de fairel'acquisition d'un immeuble qui necessitait des travaux d'amenagementimportants dont l'achevement avant la fin de son occupation s'averaimpossible ».

Il motive ainsi regulierement et justifie legalement sa decision qu'il n'ya pas lieu de faire droit à cette demande.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le cinquieme moyen :

L'action en revision, visee à l'article 16 de la loi du 29 juillet 1962relative à la procedure d'extreme urgence en matiere d'expropriationpublique, ne constitue pas un recours contre la decision du juge de paix,statuant conformement à l'article 14 de cette loi.

Il n'appartient pas au juge saisi de l'action en revision de modifier larepartition des depens decidee par le juge de paix.

L'arret n'a des lors pu, sans violer ces dispositions, condamner ledemandeur à rembourser à la defenderesse une partie des depens que lejuge de paix avait delaisses à cette derniere.

Le moyen est fonde.

Sur le sixieme moyen :

En vertu des articles 1018, 6DEG, et 1022 du Code judiciaire, tels qu'ilsetaient applicables lorsque le juge de paix a statue sur l'indemniteprovisionnelle, l'indemnite de procedure n'inclut pas les frais ethonoraires d'avocat et de conseil technique.

L'arret ne justifie des lors pas legalement sa decision de rejeter lademande du demandeur relative à l'indemnisation de ces frais ethonoraires par le motif que « ni le tribunal de premiere instance ni lacour d'appel, statuant sur une action en revision, ne peuvent revenir surl'indemnite de procedure accordee par le juge de paix ».

Le moyen est fonde.

Sur le septieme moyen :

Dans ses conclusions de synthese d'appel, la defenderesse se ralliait aurapport d'expertise ecartant la facture nDEG 207 pour l'achat d'une hotteindustrielle, considerant que ce poste fait double emploi avec lafourniture de la societe Mivak.

Dans ses secondes conclusions additionnelles et de synthese d'appel, ledemandeur critiquait le rapport d'expertise et soutenait que la facturenDEG 207 d'un montant de 25.000 francs « concernait l'achat d'une hotteque Mivak avait placee mais non fournie ».

Pour decider que le demandeur ne peut demander une indemnite pour la pertede la hotte, l'arret considere que « cette hotte a ete enlevee par [ledemandeur] qui a donc recupere le bien, se reservant ainsi la possibilitede le reutiliser ou de le revendre ».

En fondant sa decision sur ce motif non invoque par les parties, sans lesoumettre à la contradiction de celles-ci, l'arret meconnait le droit dedefense du demandeur.

Le moyen est fonde.

Sur le huitieme moyen :

L'arret decide que les « demandes de reparation des efforts que [ledemandeur] a du consacrer à sa reinstallation et d'angoisses, de tensionset troubles de sante qu'il attribue à des manquements de [ladefenderesse] excedent les limites de la demande en revision (qui inclutla reparation d'un prejudice moral d'affection ou d'attachement quel'expropriation lui aurait cause en le privant du bien qu'il avait enlocation) et ne sont pas recevables » et qu'« au surplus, [elles] nesont pas fondees des lors qu'il ressort des indemnites allouees par lacour [d'appel] que [le demandeur] a persiste dans des revendications sansfondement, outre qu'il ne peut faire supporter par [la defenderesse] seschoix pour le retablissement de son exploitation ».

Le moyen fait valoir qu'en rejetant la demande tendant à la reparation dece dommage moral alors que le prejudice moral indemnisable ne se limitepas au prejudice moral d'affection ou d'attachement, l'arret n'accorde pasau demandeur la reparation integrale de son dommage et viole, partant, lesarticles 16 de la Constitution et 1er du Premier Protocole additionnel àla Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.

Le moyen, fut-il fonde en tant que l'arret dit non recevable la demanded'indemnite pour prejudice moral, ne saurait entrainer la cassation de ladecision de rejeter cette demande des lors que celle-ci repose sur uneappreciation qui git en fait.

Le moyen est, partant, irrecevable à defaut d'interet.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il condamne le demandeur à rembourser àla defenderesse une partie des depens que le juge de paix avait delaissesà charge de cette derniere, qu'il rejette la demande du demandeurrelative à l'indemnisation des frais et honoraires d'avocat et de conseiltechnique engages au cours de l'instance devant le juge de paix, qu'ildecide que le demandeur ne peut demander une indemnite pour la perte de lahotte et qu'il statue sur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne le demandeur au tiers des depens et en reserve le surplus pourqu'il soit statue sur celui-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.

Les depens taxes à la somme de deux cent septante euros cinquante-sixcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de deux centcinquante-huit euros six centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MichelLemal et

Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du quatre decembredeux mille quatorze par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia

De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+

4 DECEMBRE 2014 C.13.0423.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0423.F
Date de la décision : 04/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-12-04;c.13.0423.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award