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15/12/2014 | BELGIQUE | N°S.13.0050.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 décembre 2014, S.13.0050.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0050.F

OFFICE NATIONAL DES PENSIONS, etablissement public dont le siege estetabli à Saint-Gilles, Tour du midi, place Bara, 3,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,et par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il est faitelection de domicile,

contre

U. T.,

defendeur en cassation.<

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I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 janvi...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0050.F

OFFICE NATIONAL DES PENSIONS, etablissement public dont le siege estetabli à Saint-Gilles, Tour du midi, place Bara, 3,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36,et par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il est faitelection de domicile,

contre

U. T.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 24 janvier 2013par la cour du travail de Mons.

Le 21 octobre 2014, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivantes :

Dispositions legales violees

- article 22, specialement S:S: 1er et 3, de la loi du 11 avril 1995visant à instituer la charte de l'assure social, tel qu'il a ete modifiepar la loi du 25 juin 1997 ;

- article 21, S:S: 2 à 8, et specialement S:S: 2, 3 et 5, de la loi du 13juin 1966 relative à la pension de retraite et de survie des ouvriers,des employes, des marins naviguant sous pavillon belge, des ouvriersmineurs et des assures libres, tel qu'il etait en vigueur apres samodification par la loi du 27 decembre 2005.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque decide, par reformation du jugement entrepris, qu'ildevait etre renonce d'office à la recuperation des prestations payees indument à [l'auteur du defendeur], en application de l'article 22, S: 3,de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l'assuresocial, par tous ses motifs reputes ici integralement reproduits, etspecialement par les motifs suivants :

« L'article 21, S:S: 3 et 5, de la loi du 13 juin 1966 relative à lapension de retraite et de survie des ouvriers, des employes, des marinsnaviguant sous pavillon belge, des ouvriers mineurs et des assureslibres, modifie par la loi du 27 decembre 2005, entree en vigueur le 1erjanvier 2006, dispose :

`S: 3. L'action en repetition de prestations payees indument se prescritpar six mois à compter de la date à laquelle le paiement a eteeffectue.

Lorsque le paiement indu trouve son origine dans l'octroi ou la majorationd'un avantage accorde par un pays etranger ou d'un avantage dans un autre regime que celui qui est vise au paragraphe 1er, l'action en repetition seprescrit par six mois à compter de la date de la decision octroyant oumajorant les avantages precites.

Le delai fixe aux alineas 1er et 2 est porte à trois ans lorsque lessommes indues ont ete obtenues par des manoeuvres frauduleuses ou par desdeclarations fausses ou sciemment incompletes. Il en est de meme en ce quiconcerne les sommes payees indument par suite de l'abstention du debiteurde produire une declaration prescrite par une disposition legale oureglementaire ou resultant d'un engagement souscrit anterieurement.

[...] S: 5. Sauf dans les cas vises au paragraphe 3, alineas 3 et 4,l'action en repetition de prestations payees indument s'eteint au decesde celui à qui elles ont ete payees si, à ce moment, la reclamation dupaiement indu ne lui avait pas ete notifiee' ;

Ainsi, en principe, en cas de deces du beneficiaire de la pension,l'action en repetition des prestations payees indument s'eteint au decesde celui-ci si la reclamation n'avait pas encore ete notifiee, sauf siles sommes indues ont ete obtenues par suite de l'abstention du debiteurde produire une declaration prescrite par une disposition legale oureglementaire ou resultant d'un engagement souscrit anterieurement ;

En l'espece, [le demandeur] a etabli que les sommes indues ont eteobtenues par suite de l'abstention de [l'auteur du defendeur] de produireune declaration suivant laquelle son epouse etait decedee le 8 aout 2003,alors qu'il s'etait engage anterieurement à le faire ;

Il s'ensuit que, dans son arret du 23 fevrier 2012, la cour [du travail] ad'ores et dejà considere que l'action en repetition des prestationspayees indument ne s'est pas eteinte au deces de [l'auteur dudefendeur] ;

Toutefois, l'article 22, S: 1er, de la loi du 11 avril 1995 visant àinstituer la charte de l'assure social prevoit que, sans prejudice desdispositions legales ou reglementaires propres aux differents secteurs dela securite sociale, les dispositions des paragraphes 2 à 4 s'appliquentà la recuperation de l'indu. L'article 22, S: 3, de ladite loi disposeque, sauf en cas de dol ou de fraude, il est renonce d'office, au decesde celui à qui elles ont ete payees, à la recuperation des prestationspayees indument si, à ce moment, la reclamation de l'indu ne lui avaitpas encore ete notifiee ;

La cour [du travail] a, par consequent, interroge les parties surl'articulation des dispositions de l'article 22, S: 1er, de la loi du 11avril 1995 visant à instituer la charte de l'assure social avecl'article 21, S: 5, de la loi du 13 juin 1966 ;

[Le demandeur] considere que :

- en vertu de l'article 22, S: 1er, de la charte de l'assure social, seul l'article 21, S: 5, de la loi du 13 juin 1966 s'applique, à l'exclusionde l'article 22, S: 3, de la charte ;

- à supposer que l'article 21 de la loi du 13 juin 1966 soit incompatibleavec l'article 22 de la charte, dans la mesure ou il est anterieur à lacharte, il n'y a pas lieu de l'ecarter ;

Contrairement à ce que soutient [le demandeur], la cour [du travail]considere que l'article 22, S: 3, de la loi du 11 avril 1995 n'est pasincompatible avec les dispositions de l'article 21, S: 5, de la loi du 13juin 1966 ;

En effet, les effets juridiques de l'absence de notification de l'induavant le deces de l'assure social prevue dans ces dispositions sontdifferents : l'article 21, S: 5, de la loi du 13 juin 1966 prevoit quel'action en repetition s'eteint tandis que l'article 22, S: 3, de lacharte de l'assure social precise qu'il est renonce d'office à larecuperation ;

Il s'ensuit qu'en vertu de la premiere disposition, c'est uniquementl'action en repetition [du demandeur] qui est eteinte sans que[celui-ci] soit contraint pour autant de renoncer à la recuperation del'indu par d'autres voies que celle de l'action. La preuve en est quel'article 21, S: 5, alinea 2, de la loi du 13 juin 1966 precise quel'extinction de l'action en repetition ne fait pas obstacle à larecuperation de l'indu sur les sommes echues non payees au defunt ou àson conjoint, au sens de l'article 1410, S: 4, du Code judiciaire. [Ledemandeur] conserve donc, dans ce cas, le droit, non seulement de prendreune decision de recuperation de l'indu, mais encore de lui reserver unesuite en application de l'article 1410, S: 4, du Code judiciaire ;

Il ressort de ces dispositions que l'action en repetition ne doit pas se confondre avec la decision de recuperation. On ne peut confondre l'actionet le droit subjectif dont la sanction est poursuivie par sa mise enoeuvre ;

Ainsi, lorsque l'action en repetition n'est pas eteinte - comme enl'espece -, la question de la recuperation reste entiere et s'examine auregard [de] l'article 22, S: 3, de la charte de l'assure social ;

Il n'est pas pretendu que [l'auteur du defendeur] aurait use de manoeuvresfrauduleuses ou aurait fait des declarations fausses ou sciemmentincompletes ;

Il y avait des lors lieu à renonciation d'office à la recuperation des prestations indues ».

Griefs

L'article 22 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte del'assure social, tel qu'il a ete modifie par la loi du 25 juin 1997,dispose ce qui suit :

« S: 1er. Sans prejudice des dispositions legales ou reglementairespropres aux differents secteurs de la securite sociale, les dispositionsdes paragraphes 2 à 4 s'appliquent à la recuperation de l'indu.

S: 2. L'institution de securite sociale competente peut, dans lesconditions determinees par son comite de gestion et approuvees par leministre competent, renoncer à la recuperation de l'indu :

a) dans des cas ou categories de cas dignes d'interet et à la conditionque le debiteur soit de bonne foi ;

b) lorsque la somme à recuperer est minime ;

c) lorsqu'il s'avere que le recouvrement de la somme à recuperer est aleatoire ou trop onereux par rapport au montant à recuperer.

S: 3. Sauf en cas de dol ou de fraude, il est renonce d'office, au decesde celui à qui elles ont ete payees, à la recuperation des prestationspayees indument si, à ce moment, la reclamation de l'indu ne lui avaitpas encore ete notifiee.

S: 4. Toutefois, sans prejudice de l'application de l'article 1410 du Codejudiciaire, cette disposition ne fait pas obstacle à la recuperation del'indu sur les prestations qui, au moment du deces de l'interesse,etaient echues mais ne lui avaient pas encore ete versees ou n'avaientpas encore ete payees à l'une des personnes suivantes :

1DEG au conjoint avec qui le beneficiaire cohabitait au moment de sondeces ;

2DEG aux enfants avec qui le beneficiaire vivait au moment de son deces ;

3DEG à la personne avec qui le beneficiaire vivait au moment de sondeces ;

4DEG à la personne qui est intervenue dans les frais d'hospitalisation,jusqu'à concurrence de son intervention ;

5DEG à la personne qui a paye les frais funeraires, jusqu'à concurrencede ces frais.

S: 5. Le Roi peut, par arrete delibere en conseil des ministres et apresavis du conseil national du travail, determiner que les paragraphes 1er à 4 ne sont pas d'application à certaines branches de la securitesociale ».

Il suit du paragraphe 1er de l'article 22 precite que les paragraphes 2à 4 du meme article sont suppletifs, en ce sens qu'ils ne trouvent às'appliquer qu'en l'absence de dispositions specifiques à un secteur dela securite sociale relatives à la renonciation à la recuperation de prestations indues.

L'article 21, paragraphes 2 à 8, de la loi du 13 juin 1966 relative à lapension de retraite et de survie des ouvriers, des employes, des marinsnaviguant sous pavillon belge, des ouvriers mineurs et des assures libresinstitue une reglementation complete relative à la recuperation desprestations de retraite et de pension payees indument aux ouvriers, employes, ouvriers mineurs, marins naviguant sous pavillon belge etassures libres ou certains d'entre eux.

Cet article precise qui est competent pour recuperer l'indu ou y renonceret determine les conditions de cette recuperation (S: 2) ; il determine ledelai de l'action en repetition de prestations payees indument (S: 3) etles hypotheses dans lesquelles la prescription est susceptible d'etreinterrompue (S: 4) ; il determine l'incidence du deces du beneficiairedes prestations payees indument sur la recuperation de l'indu (S: 5) et laforme de la recuperation (S: 6) ; il institue une obligation d'informerles organismes payeurs (S: 7) et regle la procedure judiciaire decontestation des decisions de recuperation de l'indu ( S: 8).

Plus specifiquement, l'article 21, S: 2, alinea 1er, de la loi du 13 juin1966 dispose que l'organisme payeur est seul competent pour renoncer,soit d'initiative, soit à la demande du beneficiaire, en tout ou enpartie à la recuperation des prestations payees indument. L'article 21,S: 5, dispose, quant à lui, que le deces de celui à qui les prestations ont ete payees indument a pour effet d'eteindre l'action en recuperation,sauf notamment si le caractere indu des prestations resulte del'abstention du debiteur de produire une declaration prescrite par unedisposition legale ou reglementaire ou resultant d'un engagement souscritanterieurement. La meme disposition precise qu'elle ne fait pas obstacleà la recuperation de l'indu sur les sommes echues non payees au defunt ouà son conjoint, au sens de l'article 1410, S: 4, du Code judiciaire.

Il s'ensuit que la legislation relative au secteur des pensions deretraite et de survie contient des dispositions specifiques relatives àla renonciation à la recuperation des prestations indues et àl'incidence du deces du beneficiaire sur cette recuperation, en sorte que, conformement à l'article 22, S: 1er , de la loi du 11 avril 1995visant à instituer la charte de l'assure social, les paragraphes 2 à 4de ce dernier article ne trouvent pas à s'appliquer à la recuperationde prestations payees indument en matiere de pensions de retraite et desurvie.

En decidant, par application de l'article 22, S: 3, de la loi du 11 avril 1995, qu'il devait etre renonce d'office à la recuperation desprestations payees indument par le demandeur, alors que l'article 22, S: 3precite, ne trouve pas à s'appliquer en l'espece compte tenu del'existence de dispositions specifiques à la renonciation à larecuperation des prestations indues et à l'incidence du deces dubeneficiaire sur cette recuperation, l'arret attaque viole l'article 22, S: 1er, de la loi du 11 avril 1995 et, par voie de consequence,l'article 22, S: 3, de la meme loi et l'article 21, specialement S:S: 2, 3et 5, de la loi du 13 juin 1966.

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 22, S: 1er, de la loi du 11 avril 1995 visant àinstituer la charte de l'assure social, sans prejudice des dispositionslegales ou reglementaires propres aux differents secteurs de la securitesociale, les dispositions des paragraphes 2 à 4 s'appliquent à larecuperation de l'indu.

L'article 21 de la loi du 13 juin 1966 relative à la pension de retraiteet de survie des ouvriers, des employes, des marins naviguant souspavillon belge, des ouvriers mineurs et des assures libres contient, enses paragraphes 2 à 8, des dispositions propres à la recuperation del'indu dans le regime des pensions de retraite et de survie destravailleurs auxquels s'applique cette loi.

En vertu du paragraphe 3, alinea 3, de cet article 21, l'action enrepetition se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lepaiement a ete effectue en ce qui concerne les sommes payees indument parsuite de l'abstention du debiteur de produire une declaration prescritepar une disposition legale ou reglementaire ou resultant d'un engagementsouscrit anterieurement.

Le paragraphe 5 du meme article dispose que, sauf dans les cas vises auparagraphe 3, alineas 3 et 4, l'action en repetition de prestations payeesindument s'eteint au deces de celui à qui elles ont ete payees si, à cemoment, la reclamation du paiement indu ne lui avait pas ete notifiee.

Il ressort de l'arret rendu en la cause par la cour du travail le 23fevrier 2012 que le demandeur a, apres le deces de l'auteur du defendeur,survenu le 26 mai 2008, constate que celui-ci s'etait, contrairement àl'engagement qu'il avait pris lors de l'octroi de sa pension de retraite,abstenu de lui declarer que son epouse etait predecedee le 8 aout 2003.

Cet arret considere que l'action en repetition des sommes indument payeesau titre de pension de menage à l'auteur du defendeur ne s'est paseteinte au deces de celui-ci par application de l'article 21, S: 5, de laloi du 13 juin 1966.

En decidant, par les motifs que reproduit le moyen, que le demandeurdevait, en vertu de l'article 22, S: 3, de la loi du 11 avril 1995,renoncer d'office à la recuperation des prestations litigieuses au decesde l'auteur du defendeur, alors que la recuperation de pareillesprestations indues est regie par les dispositions propres contenues àl'article 21, S:S: 3, alinea 3, et 5, de la loi du 13 juin 1966, l'arretattaque viole, outre ces dernieres dispositions legales, l'article 22, S:1er, de ladite loi du 11 avril 1995.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur auxdepens ;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.

Les depens taxes à la somme de trois cent cinquante-trois eurosvingt-huit centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillers KoenMestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Sabine Geubel, et prononceen audience publique du quinze decembre deux mille quatorze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+----------------------------------------+
| L. Body | S. Geubel | A. Lievens |
|------------+-------------+-------------|
| M. Delange | K. Mestdagh | Chr. Storck |
+----------------------------------------+

15 DECEMBRE 2014 S.13.0050.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.13.0050.F
Date de la décision : 15/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-12-15;s.13.0050.f ?
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