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23/12/2014 | BELGIQUE | N°P.14.1422.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 décembre 2014, P.14.1422.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.1422.N

D. T.,

interne,

demandeur en cassation,

Me Peter Verpoorten, avocat au barreau de Turnhout.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre une decision rendue le 31 juillet 2014 par lacommission superieure de defense sociale.

Le demandeur invoque quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.

L'avocat general delegue Alain Winants a conclu.

II. la decision de la co

ur

Sur la recevabilite du pourvoi :

1. En vertu de l'article 19ter de la loi du 9 avril 1930 de defensesociale à l'e...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.1422.N

D. T.,

interne,

demandeur en cassation,

Me Peter Verpoorten, avocat au barreau de Turnhout.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre une decision rendue le 31 juillet 2014 par lacommission superieure de defense sociale.

Le demandeur invoque quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.

L'avocat general delegue Alain Winants a conclu.

II. la decision de la cour

Sur la recevabilite du pourvoi :

1. En vertu de l'article 19ter de la loi du 9 avril 1930 de defensesociale à l'egard des anormaux, des delinquants d'habitude et des auteursde certains delits sexuels, la decision de la Commission superieure dedefense sociale (ci-apres : commission superieure) confirmant la decisionde rejet de la demande de mise en liberte de l'interne ou declarant fondeel'opposition du procureur du Roi contre la decision de mise en liberte del'interne peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

2. Il resulte de cette disposition que la decision attaquee qui accorde audemandeur, sous conditions, une permission de sortie de deux mois, luiimpose une interdiction d'entrer en contact avec les victimes, procede àune evaluation du risque et refuse un transferement immediat vers uneinstitution adaptee au demandeur ou autre, ne concerne que des modalitesd'execution de l'internement, mais ne se prononce pas sur la liberation dudemandeur. Ces decisions ne sont pas susceptibles d'un pourvoi encassation.

Dans la mesure ou il est egalement dirige contre ces decisions, le pourvoiest irrecevable.

Sur le quatrieme moyen :

3. Le moyen invoque la violation des articles 5.1.e, 5.4 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 16,19bis et 28 de la loi du 9 avril 1930 de defense sociale à l'egard desanormaux, des delinquants d'habitude et des auteurs de certains delitssexuels, ainsi que la meconnaissance du devoir de motivation : la decisionattaquee ne repond pas à la defense du demandeur selon laquelle il nerepresente pas un danger pour la societe et n'indique ni comment ni enquoi il le serait.

4. L'article 5.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales dispose : « Toute personne a droit à laliberte et à la surete. Nul ne peut etre prive de sa liberte, sauf dansles cas suivants et selon les voies legales : (...) s'il s'agit de ladetention reguliere (...) d'un aliene(...) ».

5. L'article 5.4 de cette meme convention dispose : « Toute personneprivee de sa liberte par arrestation ou detention a le droit d'introduireun recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref delai sur lalegalite de sa detention et ordonne sa liberation si la detention estillegale. »

6. Il ressort de la jurisprudence de la Cour europeenne des Droits del'Homme que :

- la `legalite' concerne non seulement la detention meme mais egalementson execution ulterieure ;

- la detention doit correspondre non seulement au droit interne maisegalement aux motifs prevus limitativement à l'article 5.1 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales afin de prevenir toute forme d'arbitraire, qu'il doit yavoir un lien entre ces motifs et les lieu de detention et maniere dontelle se deroule ;

- sur la base de l'article 5.1.e de la Convention de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertes fondamentales, la detention vise la defensetant du malade mental que de la societe et n'est legale que lorsqu'elle sederoule dans une clinique, un hopital ou toute autre institutionhabilitee.

7. Comme l'internement meme d'un malade mental doit etre necessaire etproportionnel, l'illegalite commise dans l'execution de la mesured'internement doit egalement etre sanctionnee proportionnellement : dessoins inadaptes peuvent constituer une illegalite au sens des articles5.1.e et 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, sans pouvoir justifier, de ce fait, la liberationdu malade mental si elle devait presenter un danger pour la societe.

8. Le fait que la liberation d'un interne puisse presenter un danger pourla societe peut constituer un motif distinct sur la base duquel lacommission superieure peut conclure au maintien de la detention duditinterne, pour autant qu'elle mette en balance l'interet de la societequ'il y a lieu de defendre et l'eventuelle illegalite de la privation

Lorsque l'interne, tel qu'en l'espece, conteste, de maniere motivee,l'existence de ce danger, alors la commission superieure doit indiquercomment et en quoi sa liberation met la societe en danger.

9. La decision attaquee qui fonde son refus de liberer le demandeur sur lefait que cette liberation constituerait un danger pour la societen'indique pas comment et en quoi ce serait le cas, ni par les motifsqu'elle comporte, ni par les motifs des rapports auxquels elle se refere.Ainsi, cette decision viole les articles 5.1.e et 5.4 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales.

Le moyen est fonde.

Sur les autres griefs :

10. Il n'y a pas lieu de repondre aux autres griefs qui ne sauraiententrainer une cassation sans renvoi.

Sur l'etendue de la cassation :

11. La cassation de la decision rendue sur la demande de liberation dudemandeur doit entrainer l'annulation de la decision qui accorde unepermission de sortie au demandeur, impose une interdiction d'entrer encontact et procede à une evaluation du risque, et refuse un transferementimmediat vers une institution adaptee au demandeur ou autre, eu egard aulien tenu entre ces deux decisions, bien que ces dernieres decisions nesoient pas susceptibles d'un pourvoi en cassation.

Par ces motifs,

La Cour

Casse la decision attaquee ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de la decisioncassee ;

Renvoie la cause à la commission superieure, autrement composee.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Paul Maffei, president, Gustave Steffens, Peter Hoet, AntoineLievens et Erwin Francis, conseillers, et prononce en audience publique duvingt-trois decembre deux mille quatorze par le president Paul Maffei, enpresence de l'avocat general delegue Alain Winants, avec l'assistance dugreffier Frank Adriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Michel Lemal ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le conseiller,

23 decembre 2014 P.14.1422.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.1422.N
Date de la décision : 23/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-12-23;p.14.1422.n ?
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