La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/12/2014 | BELGIQUE | N°C.12.0203.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 décembre 2014, C.12.0203.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0203.N.

1. H. V. D. B. et consorts,

Me Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,

contre

REGION FLAMANDE,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 novembre2011 par la cour d'appel de Bruxelles.

L'avocat general Christian Vandewal a depose des conclusions ecrites le 12septembre 2014.

Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

L'avocat general Christian Van

dewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispos...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0203.N.

1. H. V. D. B. et consorts,

Me Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,

contre

REGION FLAMANDE,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 novembre2011 par la cour d'appel de Bruxelles.

L'avocat general Christian Vandewal a depose des conclusions ecrites le 12septembre 2014.

Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 4, 6, 7 et 8 de la loi du 3 decembre 1999 relative à desmesures d'aide en faveur d'entreprises agricoles touchees par la crise dela dioxine ;

- article 10 de l'arrete royal du 24 decembre 1999 relatif aux modalitesd'octroi d'indemnites en execution de la loi du 3 decembre 1999 relativeà des mesures d'aide en faveur d'entreprises agricoles touchees par lacrise de la dioxine, lu en combinaison avec le modele en annexe IV de cetarrete royal (en particulier « la declaration d'acceptation » figurantdans ce modele) ;

- articles 1101, 1103, 1319, 1320, 1322 et 2044 du Code civil ;

- principe general du droit relatif à l'acces au juge et article 6,alinea 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales du 4 novembre 1950, approuvee par la loi du 13 mai1955 ;

- articles 105, 108 et 159 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare la demande initiale des demandeurs irrecevable aux motifssuivants :

« 12. Le defendeur introduit un appel incident contre le jugement dupremier juge dans la mesure ou il declare recevable la demande initialedes demandeurs actuels.

Le defendeur soutient que lors du calcul de l'indemnisation parl'administration, tous les agriculteurs-cooperateurs se sont expressementdeclares d'accord avec le mode de calcul et n'ont pas le droit de revenirpar la suite sur leur accord expres.

13. Une telle exception de transaction concerne bien la recevabilite dela demande et ne constitue pas un moyen de defense sur le fond.

14. L'article 7 de la loi du 3 decembre 1999 dispose que :

`Il ne peut etre procede au versement d'une aide en application del'article 4 avant que le beneficiaire n'ait renonce par ecrit, sansreserve et de maniere irrevocable, à tout droit et toute action contrel'Etat en raison de dommages subis à cause de la crise de la dioxine ni,si le beneficiaire avait dejà introduit une action en dommages-interetsde ce chef contre l'Etat devant les tribunaux, avant que le beneficiairen'ait signifie le desistement d'action à l'Etat.Cette renonciation eventuelle s'opere au moment ou le beneficiaire apleinement connaissance du montant de l'aide que l'Etat lui propose'.

L'article 10 de l'arrete royal du 24 decembre 1999 relatif aux modalitesd'octroi d'indemnites en execution de la loi du 3 decembre 1999 (M.B. du30 decembre 1999) dispose que :

`Le secretaire general du ministere transmet au demandeur une propositiond'indemnisation conforme au modele de l'annexe IV, en deux exemplaires.En cas d'accord avec la proposition, le demandeur date et signe unexemplaire apres y avoir porte la mention manuscrite « lu et approuve » ; il renvoie cet exemplaire à l'adresse indiquee sur la proposition dansles trente jours suivant la reception de celle-ci. L'indemnite n'estversee qu'apres reception de cet exemplaire.

Dans le cas ou une decision reste pendante concernant une autreintervention d'un pouvoir public ou d'une compagnie d'assurances, uneavance correspondant à la partie incontestablement due peut etre verseeau demandeur apres reception de l'exemplaire de la proposition d'indemnitedument signe. Le solde eventuel ne sera verse qu'apres notification de ladecision relative à cette intervention.

En cas de desaccord avec la proposition, le demandeur peut, dans lestrente jours suivant la reception de celle-ci, introduire par lettrerecommandee aupres de la poste, à l'adresse indiquee sur la proposition,une demande de revision de la proposition, dument justifiee et accompagneedes documents probants.

Le demandeur ne peut demander qu'une seule fois la revision de laproposition'.

15. Les demandeurs deposent eux-memes dans leur dossier (piece 12) unexemplaire de la declaration qu'ils ont rec,ue de l'administration et quiest redigee de la maniere suivante :

`Concerne : Proposition d'indemnisation

Madame, Monsieur,

En reponse à votre demande du (date) qui a ete enregistree au guichetunique sous le numero (...) je vous informe que la propositiond'indemnisation du dommage subi à cause de la crise de la dioxine est lasuivante :

(suit le calcul du « montant qui sera verse immediatement apres lareception de la communication portant accord avec cette proposition »).

En cas d'accord avec cette proposition, nous vous demandons de remplir ladeclaration figurant à la page suivante, apres y avoir porte la mentionmanuscrite « lu et approuve », de la dater, de la signer et de larenvoyer à l'adresse mentionnee ci-dessus dans les trente jours suivantla reception de cette proposition.

Apres reception de votre acceptation expresse, le montant de (... francsbelges) sera transfere sur le compte numero (...) sauf dans les cas ou laloi prevoit une procedure differente (par exemple en cas de saisie-arret).

En cas de desaccord avec la proposition, vous pouvez introduire unedemande de revision de la proposition. Cette demande dument justifiee etaccompagnee des documents requis sera envoyee à l'adresse precitee dansles trente jours suivant la reception de cette proposition'.

`La declaration d'acceptation' jointe etait redigee de la manieresuivante :

`Je, soussigne, declare accepter la proposition d'indemnisationsusmentionnee et renoncer, sans reserve et de maniere irrevocable, à toutdroit et toute action contre l'Etat en raison de dommages subis à causede la crise de la dioxine.

L'indemnite peut etre versee sur le compte numero (...)

Au cas ou j'aurais dejà introduit une telle demande, je joins à lapresente declaration la preuve de l'introduction de la demande irrevocablede retractation de cette demande d'indemnisation dirigee contre l'Etat(le...).

Si je suis lie par des contrats à prix de vente garantis, je declare quel'Etat belge peut etre subroge dans mes droits en ce qui concernel'execution de ces contrats, à concurrence de l'indemnite rec,ue pour lesanimaux ou produits repris dans ces contrats.

Le demandeur

Nom et signature Date'

16. Il n'est pas conteste que la grande majorite des demandeurs ontrempli, signe et renvoye cette declaration.

Les autres demandeurs ont introduit une `demande de revision', qui a eterejetee par l'administration, et ils ont ensuite declare accepter l'avisde celle-ci et ont signe et renvoye une proposition d'indemnisation.

17. Les demandeurs invoquent dans leurs conclusions (...) que leurdeclaration `signifie uniquement que la victime doit renoncer à touteaction en responsabilite contre l'Etat belge en application des articles1382 et suivants du Code civil visant l'indemnisation de la totalite dudommage et que la victime fait savoir, au contraire, etre satisfaite del'aide forfaitaire legalement fixee, ce forfait ne couvrant pasnecessairement tout son dommage subi suite à la crise de la dioxine'.

Les demandeurs insistent, en outre, sur le fait que leur demande n'est pasfondee sur les articles 1382 et suivants du Code civil mais tendprecisement à une application correcte de ladite loi du 3 decembre 1999et de l'indemnite forfaitaire qu'elle prevoit.

18. Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, leur renonciationtelle qu'elle est formulee dans `la declaration d'acceptation' ne selimite pas aux demandes d'indemnisation fondees sur les articles 1382 etsuivants du Code civil. La renonciation est sans reserve et irrevocable etimplique que les interesses renoncent à tout droit et toute action contrel'Etat en raison de dommages subis à cause de la crise de la dioxine.

Il ressort des developpements des demandeurs memes que l'objet de leurdemande est bien le dommage du à la crise de la dioxine. A defaut decrise de la dioxine, les demandeurs auraient, en effet, perc,u au moins lemontant forfaitaire de 9,8 francs belges par litre de lait et ladifference entre ce montant et la prix facture à `Belgomilk' de 5,5francs belges par litre, qui fait l'objet de leur demande, constitueincontestablement leur dommage (perte) resultant de la crise de ladioxine.

Les demandeurs ont bien declare accepter la proposition d'indemnisation etde calcul de l'indemnite de maniere irrevocable et sans reserve.

19. Il n'est pas demontre qu'il n'existait pas d'accord de volontecomplet des demandeurs au moment ou ils ont rempli et signe ladeclaration. La circonstance qu'à defaut d'accord sur cette declaration,ils n'auraient pas perc,u le paiement de l'indemnite conformement à laloi du 3 decembre 1999 n'implique pas une erreur, un dol ou une contrainteportant atteinte à la libre volonte des demandeurs. Les demandeurs nereclament d'ailleurs pas l'annulation des declarations faites.

Les decisions judiciaires accueillant la demande des producteurs de laitdans d'autres litiges ne sont pas pertinentes en l'espece. Les decisionsrendues en d'autres causes ne peuvent lier la cour [d'appel] dansl'appreciation de la presente cause.

20. Les demandeurs soutiennent que la proposition de declaration et ladeclaration redigee qui a ete communiquee aux demandeurs ne reposent suraucune base legale, avec la consequence que la declaration d'accord avecla proposition d'indemnisation n'est pas valable et doit donc etreconsideree comme non avenue.

La declaration d'acceptation proposee et approuvee par les demandeursn'est toutefois contraire ni à l'article 7 de la loi du 3 decembre 1999(cet article imposant que le beneficiaire de l'aide renonce au prealable,par ecrit, sans reserve et de maniere irrevocable, à tout droit et touteaction contre l'Etat en raison de dommages subis à cause de la crise dela dioxine), ni à l'article 10 de l'arrete royal du 24 decembre 1999,cite ci-dessus, ni à aucune autre disposition legale ou regle d'ordrepublic.

Il n'est, des lors, pas inadmissible que lors de la determination desmesures d'aide dans le cadre de la crise de la dioxine, l'administrationsubordonne l'octroi et le versement des indemnites à la renonciation parles beneficiaires à toutes autres actions en reparation du dommage du àla crise de la dioxine. Les declarations signees sont entierementvalables.

L'administration a, des lors, pu conclure de maniere legale un contrat detransaction de droit prive avec les demandeurs. La transaction est uncontrat synallagmatique par lequel les parties font des concessionsmutuelles et mettent fin à un litige existant ou à un litige futur.

L'exception et l'appel incident du defendeur sont fondes. La demandeinitiale des demandeurs est irrecevable ».

Griefs

(...)

Deuxieme branche

La renonciation à toute action contre l'Etat en raison du dommage subi àcause de la crise de la dioxine, dont il est question aux articles 7 de laloi du 3 decembre 1999 et 10 de l'arrete royal du 24 decembre 1999, lus encombinaison avec l'annexe IV de cet arrete royal, n'implique pas unerenonciation à une action, telle que celle des demandeurs, tendant à uneapplication exacte de cette loi et de cet arrete royal.

En decidant le contraire, sur la base de la consideration que la demandedes demandeurs qui tend à une application exacte de la loi du 3 decembre1999 et de l'arrete royal du 24 decembre 1999 concerne un dommage du à lacrise de la dioxine, l'arret attaque viole les articles 7 de la loi du 3decembre 1999 et 10 de l'arrete royal du 24 decembre 1999, lus encombinaison avec l'annexe IV de cet arrete royal.

III. La decision de la Cour

(...)

Quant à la deuxieme branche :

2. L'article 4, alinea 1er, de la loi du 3 decembre 1999 relative à desmesures d'aide en faveur d'entreprises agricoles touchees par la crise dela dioxine dispose que : « dans les limites autorisees par la Commissionen vertu de l'article 87 du Traite et aux conditions definies par unarrete royal delibere en conseil des ministres, l'Etat peut accorder desaides à des entreprises agricoles en vue de couvrir tout ou partie dudommage subi par ces entreprises à cause de la crise de la dioxine, dansla mesure ou ce dommage n'est pas couvert par d'autres aides publiquesfederales ou regionales ».

En vertu de l'article 7, alinea 1er, de la meme loi, il ne peut etreprocede au versement d'une aide en application de l'article 4 avant que lebeneficiaire n'ait renonce par ecrit, sans reserve et de maniereirrevocable, à tout droit et toute action contre l'Etat en raison dedommages subis à cause de la crise de la dioxine ni, si le beneficiaireavait dejà introduit une action en dommages-interets de ce chef contrel'Etat devant les tribunaux, avant que le beneficiaire n'ait signifie ledesistement d'action à l'Etat.

L'article 7, alinea 2, de cette meme loi dispose que cette renonciationeventuelle s'opere au moment ou le beneficiaire a pleinement connaissancedu montant de l'aide que l'Etat lui propose.

L'article 10, alineas 1er et 2, de l'arrete royal du 24 decembre 1999relatif aux modalites d'octroi d'indemnites en execution de la loi du 3decembre 1999 relative à des mesures d'aide en faveur d'entreprisesagricoles touchees par la crise de la dioxine dispose que : « Lesecretaire general du ministere transmet au demandeur une propositiond'indemnisation conforme au modele de l'annexe IV, en deux exemplaires.En cas d'accord avec la proposition, le demandeur date et signe unexemplaire apres y avoir porte la mention manuscrite `lu et approuve' ; ilrenvoie cet exemplaire à l'adresse indiquee sur la proposition dans lestrente jours suivant la reception de celle-ci. L'indemnite n'est verseequ'apres reception de cet exemplaire ».

L'article 10, alinea 3, de cet arrete royal dispose qu'en cas de desaccordavec la proposition, le demandeur peut, dans les trente jours suivant lareception de celle-ci, introduire par lettre recommandee aupres de laposte, à l'adresse indiquee sur la proposition, une demande de revisionde la proposition, dument justifiee et accompagnee des documents probants.Le demandeur ne peut demander qu'une seule fois la revision de laproposition.

3. Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que la renonciation àtoute action contre l'Etat en raison de dommages subis à cause de lacrise de la dioxine, dont il est question aux articles 7 de la loi du 3decembre 1999 et 10 de l'arrete royal du 24 decembre 1999, a aussi poureffet que le demandeur ne peut plus contester le montant de l'aide qui luietait proposee par l'Etat.

Le moyen qui, en cette branche, est fonde sur un soutenement juridiquedifferent, manque en droit.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, les conseillers AlainSmetryns, Koen Mestdagh, Geert Jocque et Bart Wylleman, et prononce enaudience publique du vingt-six decembre deux mille quatorze par lepresident de section Eric Dirix, en presence de l'avocat general Andre VanIngelgem, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Mireille Delange ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,

26 DECEMBRE 2014 C.12.0203.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0203.N
Date de la décision : 26/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-12-26;c.12.0203.n ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award