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26/12/2014 | BELGIQUE | N°C.14.0121.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 décembre 2014, C.14.0121.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0121.N

I. G.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

J. V. D.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 11 septembre2013 par la cour d'appel d'Anvers.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants

:

Dispositions legales violees

- articles 552 à 555 et 1341 du Code civil ;

- principe general du droit selon lequel la ren...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0121.N

I. G.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

J. V. D.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 11 septembre2013 par la cour d'appel d'Anvers.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Christian Vandewal a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 552 à 555 et 1341 du Code civil ;

- principe general du droit selon lequel la renonciation à un droit ne sepresume pas et ne peut se deduire que de faits qui ne sont susceptiblesd'aucune autre interpretation.

Decisions et motifs critiques

Les juges d'appel ont decide que, des lors que l'habitation est construitesur un terrain appartenant exclusivement à la demanderesse, elle estpresumee lui appartenir par accession mais que la presomption d'accessionest renversee et ont designe un notaire charge de liquider l'indivision del'habitation existant entre les parties et de la partager, apres avoirevalue l'habitation qui a ete construite par les deux parties sur leterrain appartenant à la demanderesse, sur la base des considerationssuivantes :

« Quant au fond :

Des lors que les parties n'ont pas opte pour le mariage ou la cohabitationlegale, les regles applicables à ces formes respectives de cohabitationne s'appliquent pas, fut-ce `par analogie'.

La cohabitation de fait est soumise aux regles de droit commun.

Il ressort des pieces produites que les parties ont cohabite pendantquatorze ans et qu'elles avaient un compte bancaire commun, sur lequeletaient verses leurs revenus du travail respectifs et au moyen duquelelles payaient les depenses menageres, remboursaient leur pret-logement etpayaient les diverses factures d'investissements dans leur habitation.

Il n'est pas conteste que les meubles ont ete partages entre les parties.

Contrairement à ce que soutient la demanderesse et à ce qu'a admis lepremier juge, il est bien question ici d'une indivision relative àl'habitation, de sorte qu'il y a lieu de designer un notaire qui devraevaluer l'habitation :

- le concubinage de fait ne deroge pas à la propriete exclusive parchaque partenaire des biens qu'il possedait au debut de leur cohabitationet de ceux qu'il a acquis au cours de la cohabitation ;

- chaque partenaire peut donc, à la fin du concubinage, reprendre sespropres biens à condition de prouver son droit de propriete exclusif ;

- si aucune des parties ne reussit à prouver l'exclusivite de sapropriete, les biens sont censes etre indivis et un partage par moities'impose (voir not. Dirix E., Vermogensrechtelijke aspecten van hetconcubinaat, dans : Concubinaat, Acco, 1992, nDEG 346) ;

- le droit de propriete peut etre prouve par toutes voies de droit, ycompris les temoignages et les presomptions (ibidem, nDEG 348) ;

- etant donne que l'habitation a ete construite sur un terrainappartenant exclusivement à la demanderesse, elle est presumee luiappartenir par accession (Code civil, art. 553) ;

- cette presomption peut, toutefois, etre renversee par toutes voies dedroit (voir not. De Page, H., Traite elementaire de droit civil belge, t.VI, 1942, p. 69, nDEG 80 ; Het onroerend goed in de praktijk, I. G.3-3) ;

- le defendeur produit des pieces desquelles il ressort que les deuxparties ont demande ensemble le permis de construire une habitation aveccarport (voir le permis de batir - piece 39 du defendeur), que les deuxparties ont contracte ensemble aupres de la banque Fortis un creditqu'elles remboursaient ensemble ; qu'il a ensuite ete remplace par uncredit contracte aupres de Record Banque, le solde restant du aupres de labanque Fortis ayant ainsi ete apure, et que ce nouveau credit a aussi eterembourse par des moyens communs (lire : les revenus de leur travail) ;que les divers achats et travaux relatifs à la construction de « leur »habitation etaient commandes à leurs deux noms et qu'ils les payaient aumoyen d'un compte commun par prelevement sur le credit ; qu'ilsbeneficiaient aussi d'avantages fiscaux sur ce pret-logement.

Ces elements renversent, en l'espece, la presomption d'accession ».

Griefs

Premiere branche

L'article 552 du Code civil dispose que la propriete du sol emporte lapropriete du dessus et du dessous. Toutes constructions, plantations etouvrages sur un terrain ou dans l'interieur sont presumes faits par leproprietaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est prouve ; sans prejudice de la propriete qu'un tiers pourrait avoir acquise oupourrait acquerir par prescription, soit d'un souterrain sous le batimentd'autrui, soit de toute autre partie du batiment (C. civ., article 553).

En vertu de l'article 554 du Code civil, le proprietaire du sol qui a faitdes constructions, plantations et ouvrages avec des materiaux qui ne luiappartiennent pas doit en payer la valeur ; il peut aussi etre condamneà des dommages-interets, s'il y a lieu ; mais le proprietaire desmateriaux n'a pas le droit de les enlever.

En vertu de l'article 555 du Code civil, lorsque les plantations,constructions et ouvrages ont ete faits par un tiers et avec sesmateriaux, le proprietaire du fonds a droit ou de les retenir ou d'obligerce tiers à les enlever. Si le proprietaire prefere conserver cesplantations et constructions, il doit le remboursement de la valeur desmateriaux et du prix de la main d'oeuvre, sans egard à la plus ou moinsgrande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir. Neanmoins, siles plantations, constructions et ouvrages ont ete faits par un tiersevince, qui n'aurait pas ete condamne à la restitution des fruits,attendu sa bonne foi, le proprietaire ne pourra demander la suppressiondesdits ouvrages, plantations et constructions ; mais il aura le choix,ou de rembourser la valeur des materiaux et du prix de la main-d'oeuvre,ou de rembourser une somme egale à celle dont le fonds a augmente devaleur.

L'article 553 du Code civil contient deux presomptions legales : toutesconstructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'interieursont presumes faits par le proprietaire à ses frais (premierepresomption) ; en outre, il est presume que tout ce qui a ete faitappartient au proprietaire (seconde presomption). Ces deux presomptionspeuvent etre renversees. Plus specialement, la seconde presomption,suivant laquelle tout ce qui a ete fait appartient au proprietaire, estrenversee par la preuve que les constructions, plantations et ouvragesn'appartiennent pas au proprietaire. Dans ce cas, le constructeur doitprouver qu'il a rec,u du proprietaire le droit de construire pour lui-memesur le terrain et qu'il a ainsi acquis un droit de superficie ou estdevenu proprietaire par prescription.

La preuve de l'existence d'un contrat par lequel le droit de construirepour lui-meme sur le terrain du proprietaire a ete acquis de ce dernierdoit etre apportee par un ecrit conformement à l'article 1341 du Codecivil. Par contre, lorsque le tiers invoque la prescription, la preuvepeut etre apportee par toutes voies de droit.

Le proprietaire du terrain peut, certes, renoncer à son droit d'accessionmais une telle renonciation ne peut etre presumee et ne peut se deduireque de faits qui ne sont susceptibles d'aucune autre interpretation(principe general du droit suivant lequel la renonciation à un droit nese presume pas et ne peut se deduire que de faits qui ne sont susceptiblesd'aucune autre interpretation).

Les juges d'appel ont decide que, des lors que l'habitation, pour laconstruction de laquelle des emprunts ont ete contractes jusqu'àconcurrence de 150.000 euros, est construite sur un terrain appartenantexclusivement à la demanderesse, elle est presumee lui appartenir paraccession. Les juges d'appel ont toutefois decide que cette presomptionpeut etre renversee par toutes voies de droit y compris les temoignages etles presomptions, et ont ensuite deduit le droit de propriete du defendeurdu fait que :

- les deux parties ont demande ensemble un permis de batir une habitationavec carport ;

- les deux parties ont contracte ensemble aupres de la banque Fortis uncredit qu'elles remboursaient ensemble et que celui-ci a ensuite eteremplace par un credit contracte aupres de Record Banque ;

- les deux parties ont effectue à leurs deux noms divers achats ettravaux relatifs à la construction de leur habitation et les ont payes aumoyen de leur compte commun ou par prelevements sur le credit ;

- les deux parties ont beneficie des avantages fiscaux sur leurpret-logement.

En decidant que le droit du defendeur de construire pour lui-meme sur leterrain de la demanderesse, soit le droit de superficie du defendeur quiexcede la valeur de 375 euros, peut etre prouve par toutes voies de droit,les juges d'appel ont viole l'article 1341 du Code civil ainsi que lesarticles 552 et 553 du Code civil.

Dans la mesure ou les juges d'appel ont ensuite deduit desditesconstatations que la demanderesse a renonce à son droit d'accession, ilsont viole le principe general du droit suivant lequel la renonciation àun droit ne se presume pas et ne peut se deduire que de faits qui ne sontsusceptibles d'aucune autre interpretation, des lors qu'il ne peut etrenecessairement deduit desdits faits que la demanderesse a renonce à sondroit d'accession. Il pourrait, en effet, aussi se deduire de ces faitsque le defendeur se bornait à contribuer aux charges du menage sans qu'ilsoit question d'une renonciation au droit d'accession.

Enfin, en decidant sur la base de ces constatations que la presomptiond'accession est renversee et qu'il est, des lors, question d'uneindivision à propos de l'habitation, les juges d'appel ont viole toutesles dispositions citees par le moyen.

[...]

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que lademanderesse a invoque dans ses conclusions de synthese complementairesdeposees en degre d'appel que le fait que les emprunts qui ont etecontractes en vue de la construction de l'habitation l'ont ete aussi aunom du defendeur « ne constitue pas une presomption permettant de deciderque le terrain et l'habitation qui est construite dessus ne seraient pasla propriete exclusive de la demanderesse ». La demanderesse n'a, deslors, pas conteste que la presomption de propriete prevue à l'article 553du Code civil peut etre renversee par tous moyens de droit.

Dans la mesure ou la demanderesse invoque la violation de l'article 1341du Code civil, le moyen est nouveau et, des lors, irrecevable.

2. Aux termes de l'article 553 du Code civil, toutes constructions,plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'interieur sont presumesfaits par le proprietaire à ses frais et lui appartenir, si le contrairen'est prouve.

3. Le proprietaire foncier ne peut que renoncer totalement oupartiellement au droit d'accession.

Le juge apprecie en fait s'il y a eu renonciation à un droit.

La renonciation à un droit ne se presume pas et ne peut se deduire que defaits qui ne sont susceptibles d'aucune autre interpretation.

4. L'arret constate que les deux parties :

- ont demande ensemble un permis en vue de la construction del'habitation ;

- ont contracte ensemble un emprunt qui etait rembourse par des moyens quileur etaient communs ;

- ont commande à leurs deux noms les achats et les travaux relatifs à laconstruction de « leur » habitation et les ont payes au moyen de leurcompte commun en prelevant respectivement sur leur credit ;

- ont beneficie des avantages fiscaux du pret-logement.

Les juges d'appel ont pu decider sur la base de ces elements que lademanderesse a renonce à son droit d'accession.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, les conseillers AlainSmetryns, Koen Mestdagh, Geert Jocque et Bart Wylleman, et prononce enaudience publique du vingt-six decembre deux mille quatorze par lepresident de section Eric Dirix, en presence de l'avocat general Andre VanIngelgem, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du president de section ChristianStorck et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le president de section,

26 DECEMBRE 2014 C.14.0121.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0121.N
Date de la décision : 26/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-12-26;c.14.0121.n ?
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