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07/01/2015 | BELGIQUE | N°P.13.1834.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 janvier 2015, P.13.1834.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.1834.F

I. S. R.

inculpe,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Ines Wouters, avocat au barreau de Bruxelles,

II. 1. S. P.

2. de S. O.

domicilies à Waterloo, avenue Belle Vue, 71,

3. B. J.

4. C. P.

5. TARA, SOCIETE COOPERATIVE DES MAGASINS ET RESTAURANTS NATURELS D'OGUYEN KUNZANG CHOLING, societe cooperative à responsabilite limitee,dont le siege est etabli à Ixelles, rue de Livourne, 109,

6. T.O.R.M.A., TRAVAUX ET ORGANISATIONS DE RESTAURATIONS

ET DE MAINTENANCED'APPARTEMENTS, societe cooperative à responsabilite limitee, dont lesiege est etabli à Ixelles, rue de Livour...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.1834.F

I. S. R.

inculpe,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Maitre Ines Wouters, avocat au barreau de Bruxelles,

II. 1. S. P.

2. de S. O.

domicilies à Waterloo, avenue Belle Vue, 71,

3. B. J.

4. C. P.

5. TARA, SOCIETE COOPERATIVE DES MAGASINS ET RESTAURANTS NATURELS D'OGUYEN KUNZANG CHOLING, societe cooperative à responsabilite limitee,dont le siege est etabli à Ixelles, rue de Livourne, 109,

6. T.O.R.M.A., TRAVAUX ET ORGANISATIONS DE RESTAURATIONS ET DE MAINTENANCED'APPARTEMENTS, societe cooperative à responsabilite limitee, dont lesiege est etabli à Ixelles, rue de Livourne, 113,

7. PERSAMPE, societe anonyme, dont le siege est etabli à Ixelles, rue deLivourne, 115,

8. OGUYEN KUNZANG CHOLING, LE DOMAINE DE LA CLAIRE LUMIERE, associationsans but lucratif, dont le siege est etabli à Ixelles, rue de Livourne,111,

inculpes,

demandeurs en cassation,

ayant pour conseil Maitre Ines Wouters, avocat au barreau de Bruxelles,

9. V. G.

10. V. R.

domicilies à Renaix, rue Edouard Joly, 7,

inculpes,

demandeurs en cassation.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 23 octobre 2013 par lacour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Les demandeurs sub I. et II. 1 à 8 invoquent neuf moyens dans un memoireannexe au present arret, en copie conforme.

A l'audience du 17 decembre 2014, le president de section Frederic Close afait rapport et l'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.

Les demandeurs ont depose le 2 janvier 2015 une note en reponse parapplication de l'article 1107, alinea 3, du Code judiciaire.

II. la decision de la cour

A. Sur les pourvois de R. S., P. S., O. de S., J. B., P. C., societecooperative à responsabilite limitee Tara, societe cooperative àresponsabilite limitee Torma, societe anonyme Persampe et associationsans but lucratif Oguyen Kunzang Choling :

1. En tant que les pourvois sont diriges contre la decision declarant lesappels irrecevables :

En vertu de l'article 416, alinea 2, du Code d'instruction criminelle, uninculpe ne peut former un pourvoi en cassation immediat contre l'arret dela chambre des mises en accusation statuant sur l'appel interjete contrel'ordonnance de renvoi qu'à la condition qu'il ait pu relever appel decette ordonnance.

L'arret attaque constate que les appels des demandeurs portent notammentsur l'affirmation, par la chambre du conseil, qu'il existe des chargessuffisantes pour justifier le renvoi de la cause au tribunalcorrectionnel.

Ainsi que l'arret l'enonce, l'objet des appels ne ressortit pas, à cetegard, aux cas dans lesquels la loi accorde à l'inculpe cette voie derecours contre l'ordonnance de renvoi.

Les pourvois sont irrecevables.

2. En tant que les pourvois sont diriges contre la decision statuant enapplication de l'article 135, S: 2, du Code d'instruction criminelle :

Sur le premier moyen :

Il n'est pas contradictoire de constater l'existence, dans le chef dechacun des demandeurs, d'une intention delictueuse consistant en lacreation ou la perennisation d'une organisation sectaire nuisible etd'affirmer qu'il n'est pas requis que l'unite d'intention constitueelle-meme une infraction penale ou une circonstance aggravante d'une telleinfraction.

Soutenant le contraire, le moyen manque en fait.

Sur le deuxieme moyen :

L'arret decide que l'action publique n'est pas eteinte par prescriptiondes lors que les infractions procedent d'une meme intention delictueuse.

Contrairement à ce que le moyen soutient, une infraction continuee neperd pas ce caractere du seul fait que l'objectif poursuivi par l'auteurn'est pas, comme tel, punissable.

Le moyen manque en droit.

Sur le troisieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Il est fait grief à l'arret de subordonner le depassement du delairaisonnable à une violation des droits de la defense ou à unedeperdition des preuves, et de confondre ainsi la cause du depassementavec ses consequences.

L'arret ne verse pas dans la confusion alleguee, puisqu'il constate que laprocedure a subi un retard anormal et qu'il en resulte une violation dudroit garanti par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertes fondamentales.

Les juges d'appel n'ont exclu l'existence d'une violation des droits de ladefense ou d'une deperdition des preuves que pour se determiner quant àla sanction du depassement et non quant au depassement lui-meme.

Procedant d'une interpretation inexacte de l'arret, le moyen manque enfait.

Quant à la seconde branche :

Selon les demandeurs, lorsque le delai raisonnable est depasse avant lereglement de la procedure, la juridiction d'instruction ne peut y remedierqu'en decretant la fin des poursuites.

Cette affirmation ne trouve pas d'appui dans les articles 6 et 13 de laConvention.

Contrairement à ce que le moyen soutient, il n'appartient pas à lajuridiction d'instruction de dire les actions publique et civilesirrecevables lorsque la duree anormale de la procedure n'empeche pas lesdroits de la defense de s'exercer pleinement, aucune des preuves à chargeou à decharge n'ayant ete alteree ou perdue par l'ecoulement du temps.

Empecher systematiquement le jugement de la cause en pareil cas,reviendrait à priver plusieurs parties, notamment civiles, du procesqu'elles attendent, alors qu'elles sont egalement victimes du depassementdu delai raisonnable et qu'une reparation equitable ne peut etre trouvee,en ce qui les concerne, que dans une acceleration de la procedure et nondans la decision d'y mettre prematurement un terme.

Reposant sur une premisse juridique inexacte, le moyen manque en droit.

Sur le quatrieme moyen :

Le moyen soutient qu'en confiant aux juridictions de jugement l'examen dela sanction du depassement du delai raisonnable, l'arret prolonge indumentla procedure contestee. Il considere que l'arret ne repond pas auxconclusions des demandeurs sur ce point et viole egalement l'article 3 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.

Au sens de l'article 3 de la Convention, les traitements degradantss'entendent de tout acte qui cause à celui qui y est soumis, aux yeuxd'autrui ou aux siens, une humiliation ou un avilissement graves.

Les inconvenients resultant pour la personne poursuivie des retards de laprocedure s'apprecient au regard de l'article 6.1 de la Convention et dela possibilite de sanctionner le depassement du delai raisonnable que lejuge constate.

En considerant que le renvoi des demandeurs ne constitue pas, malgre laduree de l'instruction, l'un des traitements prohibes par l'article 3 dela Convention, les juges d'appel ont regulierement motive et legalementjustifie leur decision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le cinquieme moyen :

Le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir refuse d'ecarter les auditionsdes demandeurs recueillies sans l'assistance d'un avocat, violant ainsil'article 6.1 de la Convention.

Il ne resulte pas de la disposition conventionnelle invoquee que le droità un proces equitable est viole au seul motif que l'accuse n'a pas eteassiste par un avocat à une audition realisee en dehors du delai de gardeà vue.

L'arret rappelle que le caractere equitable du proces est garanti lorsquele juge n'utilise pas les declarations comme preuve determinante, qu'iln'est manifestement pas fait usage d'abus de pouvoir ou de contrainte etque l'inculpe ne s'est pas trouve dans une position vulnerable au momentde l'audition.

Il constate que le contenu des proces-verbaux d'audition des demandeurs,qui ont nie les faits mis à leur charge, ne fait pas apparaitre que lesenqueteurs ou le juge d'instruction auraient fait usage d'abus ou decontrainte ou que les inculpes se soient trouves dans une positionvulnerable au moment de leurs auditions.

Il considere que la loi du 13 aout 2011 modifiant le Code d'instructioncriminelle ne sanctionne pas de nullite les manquements aux formes qu'elleedicte.

Par ces considerations les juges d'appel ont legalement justifie leurdecision de ne pas soustraire du dossier les proces-verbaux d'audition desdemandeurs.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le sixieme moyen :

L'arret n'affirme pas, contrairement à ce que les demandeurs soutiennent,qu'il n'y aurait pas eu de declarations incriminantes. Il considere, cequi est different, que le contenu des proces-verbaux d'audition desdemandeurs, qui ont nie les faits mis à leur charge, ne fait apparaitreni que les enqueteurs ou le juge d'instruction auraient fait usage d'abusou de contrainte ni que les demandeurs se seraient trouves dans uneposition vulnerable au moment de leurs auditions.

Une telle affirmation ne contredit pas la consideration selon laquelle lescharges ne reposent pas uniquement sur les declarations des demandeurs quinient les faits.

Le moyen manque en fait.

Sur le septieme moyen :

Le moyen soutient que le renvoi a ete ordonne pour des faits qui ne sontpas qualifies infraction par la loi.

Mais il ressort des pieces de la procedure que les demandeurs ont eterenvoyes devant le tribunal correctionnel du chef de, comme auteurs oucoauteurs, faux et usage de faux, faux fiscaux, extorsions, escroqueries,blanchiment, abus de confiance, infractions aux lois sociales, port publicde faux nom, prise d'otages, viol, attentats à la pudeur, coups,participation à une association de malfaiteurs et à une organisationcriminelle, faits qualifies crimes ou delits notamment par les articles66, 193, 196, 197, 213, 214, 231, 322 à 325, 347bis, 372 à 375, 398,470, 491, 496, 505, 2DEG, 3DEG et 4DEG, du Code penal, par les articles449 et 450, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus 1992, 73 et73bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutee, 1, 2, 3, 9, 10, 42, 44, 45et 46 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de laremuneration des travailleurs.

En tant qu'il soutient que le renvoi n'a pas d'autre cause que la creationet la perennisation d'une organisation sectaire nuisible, le moyen, qui netrouve pas d'appui dans les pieces de la procedure, manque en fait.

D'ou il suit qu'en refusant de censurer ce renvoi, la chambre des mises enaccusation n'a pas viole l'article 235bis du Code d'instructioncriminelle.

A cet egard, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le huitieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Contrairement à ce que soutient le moyen, il n'est pas contradictoire deconsiderer, d'une part, que l'unite d'intention caracterisant le delitcollectif consiste à creer ou à perenniser une organisation sectairenuisible et, d'autre part, que l'usage de cette expression par la chambredu conseil ne reflete aucune partialite ni illegalite.

Pour le surplus, les griefs de violation des articles 235bis du Coded'instruction criminelle et 6.2 de la Convention sont deduits du grief decontradiction vainement allegue.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

Le juge repond aux conclusions lorsqu'il indique les elements de fait oude droit qui, selon lui, conduisent à accueillir ou rejeter la demande,la defense ou l'exception proposee. Il n'est pas tenu de suivre lesparties dans le detail de leur argumentation.

Aux conclusions denonc,ant la partialite d'un enqueteur, l'arret repondque les griefs formules se rattachent au fait que celui-ci est specialistedes sectes, alors qu'il apparait de la lecture du dossier que cettecirconstance n'etablit aucune partialite de l'enquete au regard de lapresomption d'innocence.

Ayant, par ailleurs, ainsi qu'il a ete indique en reponse au premiermoyen, affirme à bon droit que les elements retenus pour definir l'united'intention ne devaient pas, par eux-memes, constituer une infraction, lesjuges d'appel ont considere que l'usage de l'expression « creation etperennisation d'une organisation sectaire nuisible » ne revelait aucunepartialite.

Ils ont, par ces considerations, regulierement motive leur decision.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le neuvieme moyen :

Le moyen repose sur l'affirmation que la partialite de l'enquete meconnaitle droit à un proces equitable.

Mais les circonstances de fait invoquees par les demandeurs n'etablissentpas, selon les juges d'appel, la partialite invoquee.

Contestant cette appreciation en fait des juridictions d'instruction, lemoyen est irrecevable.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

B. Sur les pourvois de G. V. et R. V.:

1. En tant que les pourvois sont diriges contre la decision declarant lesappels irrecevables :

En vertu de l'article 416, alinea 2, du Code d'instruction criminelle, uninculpe ne peut former un pourvoi en cassation immediat contre l'arret dela chambre des mises en accusation statuant sur l'appel interjete contrel'ordonnance de renvoi qu'à la condition qu'il ait pu relever appel decette ordonnance.

L'arret attaque constate que les appels des demandeurs sont notammentdiriges contre la constatation des charges suffisantes justifiant leurrenvoi devant le tribunal correctionnel.

Ainsi que l'arret l'enonce, l'objet des appels ne ressortit pas, à cetegard, aux cas dans lesquels la loi accorde à l'inculpe cette voie derecours contre l'ordonnance de renvoi.

Les pourvois sont irrecevables.

2. En tant que les pourvois sont diriges contre la decision statuant enapplication de l'article 135, S: 2, du Code d'instruction criminelle :

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;

Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.

Lesdits frais taxes en totalite à la somme de trois cent trente eurossoixante et un centimes dont I) sur le pourvoi de R. S. : centsoixante-cinq euros trente centimes dus et II) sur les pourvois de R. S.et consorts : cent soixante-cinq euros trente et un centimes dus.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, premier president, Frederic Close,president de section, Benoit Dejemeppe, Gustave Steffens et Sabine Geubel,conseillers, et prononce en audience publique du sept janvier deux millequinze par le chevalier Jean de Codt, premier president, en presence deDamien Vandermeersch, avocat general, avec l'assistance de Tatiana Fenaux,greffier.

+----------------------------------------+
| T. Fenaux | S. Geubel | G. Steffens |
|--------------+-----------+-------------|
| B. Dejemeppe | F. Close | J. de Codt |
+----------------------------------------+

7 janvier 2015 P.13.1834.F/11


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.13.1834.F
Date de la décision : 07/01/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-01-07;p.13.1834.f ?
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