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18/05/2015 | BELGIQUE | N°S.13.0024.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mai 2015, S.13.0024.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0024.F

1. J. T.,

2. F. L.,

3. J.-P. L.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

VILLE DE DINANT, representee par son college communal, dont les bureauxsont etablis à Dinant, rue Grande, 112,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet es

t etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le p...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0024.F

1. J. T.,

2. F. L.,

3. J.-P. L.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

VILLE DE DINANT, representee par son college communal, dont les bureauxsont etablis à Dinant, rue Grande, 112,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 2 octobre 2012par la cour du travail de Liege, section de Namur.

Le 23 avril 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 15, 16 et 17 de la directive 93/104/CE duConseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'amenagementdu temps de travail, telle qu'elle est modifiee par la directive2000/34/CE du Parlement europeen et du Conseil du 22 juin 2000 ;

- articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 28 de la directive 2003/88/CE duParlement europeen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernantl'amenagement du temps de travail, qui a abroge et remplace la directive93/104 à compter du 2 aout 2004 ;

- article 2 de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoirl'amelioration de la securite et de la sante des travailleurs au travail ;

- article 118 A du Traite de Rome instituant la Communaute economiqueeuropeenne du 25 mars 1957, et, en tant que de besoin, articles 136 et 142du Traite sur la Communaute europeenne ;

- articles 3 et 8 de la loi du 14 decembre 2000 fixant certains aspects del'amenagement du travail dans le secteur public ;

- article 1er de l'arrete royal du 6 mai 1971 fixant les types dereglements communaux relatifs à l'organisation des services communauxd'incendie et articles 4 et 7 du reglement-type d'organisation d'unservice communal d'incendie qualifie de service mixte ;

- article 5.4 du reglement d'ordre interieur du service d'incendie deDinant adopte par le conseil communal de Dinant le 16 octobre 2007 ;

- article 159 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel des demandeurs non fonde en tant qu'il tend àobtenir une remuneration ou une compensation pour les heures de gardeinactive à domicile tant avant la citation que depuis lors, aux motifsque, apres avoir rappele notamment que :

« Les dispositions particulieres du statut administratif edictees ennovembre 2002 prevoient un regime de travail de 38 heures par semainereparties en 7 heures 36 minutes par jour ou à accomplir par periode degarde de 12 heures (article 22bis). Apparemment le reglement ne precisepas le regime des gardes à domicile.

Si le reglement organique du service regional d'incendie adopte en 2004 neprevoit ni l'organisation ni le mode de remuneration des heures de gardeà domicile, celui du 16 octobre 2007 (SP7) precise en ce qui concernel'organisation du travail et des conges :

Article 5.4 - Garde à domicile : 'Pour faire face à certainsimponderables, une garde à domicile minimale est organisee selon letableau suivant (...). Les pompiers professionnels dont le nombretheorique de prestations annuelles est inferieur à 166 doivent assurer,dans l'annee, la difference en garde à domicile' ».

« 6.1.2. Leur interpretation

Le droit europeen

La directive 2003/88 (comme la directive 93/104 qu'elle remplace) estrelative à l'amenagement du temps de travail. Elle etablit lesprescriptions minimales de securite et de sante en matiere d'amenagementdu temps de travail qui s'appliquent aux periodes minimales de reposjournalier et hebdomadaire de travail, ainsi qu'à certains aspects dutravail de nuit, du travail poste et du rythme de travail. Elle ne traitepas du mode de remuneration des heures etant considerees comme des heuresde travail.

L'article 17 de la directive n'autorise de derogation que pour certainesdispositions enumerees, parmi lesquelles ne figure pas l'article 2.

Suite à un arret de la Cour de justice de l'Union europeenne (3 octobre2000, aff. C-303/98, Simap, Rec. 2000, p. 7963, et J.L.M.B., 2001, p. 760et obs. M.C. Bonnamour, 'Definition du temps de travail et autresprecisions apportees par la Cour de justice des Communautes europeennessur la directive 93/104/CE relative à certains aspects de l'amenagementdu temps de travail'), la directive a ete interpretee comme s'appliquantaux medecins salaries. Pour la Cour de justice, il y a lieu d'operer unedistinction selon que le medecin preste un service de garde en etantphysiquement present, auquel cas il s'agit d'un temps de travail dans sonintegralite, ou qu'il assure un service de garde en restant accessible enpermanence, auquel cas seul le temps lie à la prestation effective deservice doit etre consideree comme du temps de travail.

Cet arret de la Cour de justice a ete suivi d'un deuxieme qui confirme quele temps passe en periode de garde par un medecin sur le lieu du travailconstitue du travail meme s'il est autorise à se reposer. Par cet arretdu 9 septembre 2003, la Cour de justice des Communautes europeennes (aff.C-151/02, Jaeger, J.T.T., 2004, p. 425, et Rec, p. 1-8389) a decide que :

'1) La directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernantcertains aspects de l'amenagement du temps de travail doit etreinterpretee en ce sens qu'il convient de considerer qu'un service de garde(...) qu'un medecin effectue selon le regime de la presence physique dansl'hopital constitue en son integralite du temps de travail au sens decette directive, alors meme que l'interesse est autorise à se reposer surson lieu de travail pendant les periodes ou ses services ne sont passollicites, en sorte que celle-ci s'oppose à la reglementation d'un Etatmembre qui qualifie de temps de repos les periodes d'inactivite dutravailleur dans le cadre d'un tel service de garde ;

2) La directive 93/104 doit egalement etre interpretee dans ce sens que,

- dans des circonstances telles que celles (qui sont envisagees au point1), elle s'oppose à la reglementation d'un Etat membre qui, s'agissant duservice de garde effectue selon le regime de presence physique dansl'hopital, a pour effet de permettre, le cas echeant au moyen d'uneconvention collective ou d'un accord d'entreprise fonde sur une telleconvention, une compensation des seules periodes de garde pendantlesquelles le travailleur a effectivement accompli une activiteprofessionnelle ;

- pour pouvoir relever des dispositions derogatoires enoncees à l'article17, paragraphe 2, point 2.1, sous c), de cette directive, une reduction dela periode de repos journalier de onze heures consecutives parl'accomplissement d'un service de garde qui s'ajoute au temps de travailnormal est subordonnee à la condition que des periodes equivalentes derepos compensatoire soient accordees aux travailleurs concernes à desmoments qui succedent immediatement aux periodes de travailcorrespondantes ;

- en outre, une telle reduction de la periode de repos journalier nesaurait en aucun cas aboutir à un depassement de la duree maximalehebdomadaire de travail prevue à l'article 6 de ladite directive'.

Des lors, lorsque le travailleur (salarie ou relevant du secteur public),qu'il soit medecin ou non, preste un service de garde à domicile, et nonsur les lieux de son travail, le temps de travail n'est comptabilise commetel que jusqu'à concurrence des prestations effectives. Ce service doitetre considere comme 'un inconvenient attache à la nature du travaileffectue' (...). Par contre, le temps de garde passe sur les lieux dutravail est du temps de travail et doit etre retribue comme tel.

Par arret du 1er decembre 2005, la (...) Cour de justice ([...] aff.C-14/04, Dellas) a decide que 'la directive 93/104/CE du Conseil du 23novembre 1993 concernant certains aspects de l'amenagement du temps detravail doit etre interpretee en ce sens qu'elle s'oppose à lareglementation d'un Etat membre qui, s'agissant des services de garde queles travailleurs de certains etablissements sociaux et medico-sociauxaccomplissent selon le regime de la presence physique sur le lieu meme detravail, prevoit pour les besoins du decompte du temps de travail effectifun systeme d'equivalence tel que celui qui est en cause au principal,lorsque le respect de l'integralite des prescriptions minimales edicteespar cette directive en vue de proteger de maniere efficace la securite etla sante des travailleurs n'est pas assure.

Dans la mesure ou le droit national fixe, notamment pour la duree maximaledu travail, un plafond plus favorable aux travailleurs, les seuils ouplafonds pertinents pour verifier l'observation des regles protectricesprevues par ladite directive sont exclusivement ceux qui sont enonces parcette derniere'.

Enfin, par arret du 11 janvier 2007 ([...] aff. C-437/05, Vorel, J.T.T.,2007, p. 197, et Chron. D.S., 2007, p. 269), elle ajoute : `la directive93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects del'amenagement du temps de travail, modifiee par la directive 2000/34/CE duParlement europeen et du Conseil du 22 juin 2000, ainsi que la directive2003/88/CE du Parlement europeen et du Conseil du 4 novembre 2003concernant certains aspects de l'amenagement du temps de travail, doiventetre interpretees en ce sens que :

- elles s'opposent à la reglementation d'un Etat membre en vertu delaquelle les services de garde qu'un medecin accomplit selon le regime dela presence physique sur les lieux du travail, mais au cours duquel iln'accomplit aucune activite reelle, ne sont pas consideres commeconstituant dans leur integralite du « temps de travail » au sensdesdites directives ;

- elles ne s'opposent pas à l'application par un Etat membre d'unereglementation qui, aux fins de la remuneration du travail et s'agissantdu service de garde effectue par celui-ci sur son lieu de travail, prenden compte de maniere differente les periodes au cours desquelles lesprestations de travail sont reellement effectuees et celles durantlesquelles aucun travail effectif n'est accompli, pour autant qu'un telregime assure integralement l'effet utile des droits conferes auxtravailleurs par lesdites directives en vue de la protection efficace dela sante et de la securite de ces derniers'.

Il faut donc operer une nette distinction entre, d'une part, lareglementation sur le temps de travail, objet de la directive, d'autrepart, la remuneration afferente aux prestations effectives ou noneffectives relatives à ce temps de garde.

Le temps de garde est integralement du temps de travail lorsque letravailleur exerce sa garde sur le lieu du travail. Par contre, tout letemps ainsi defini ne doit pas necessairement etre retribue comme du tempsde travail effectif, il faut, à cet egard, se referer à la legislationnationale. (...)

La conformite du droit interne au droit europeen

(...) Un reglement communal ne peut (...) deroger à la notion de temps detravail.

Par contre, le mode de remuneration du temps de travail peut varier enfonction de l'activite exercee. Le temps de garde sur le lieu du travaildoit etre remunere comme s'il etait preste tandis que celui qui esteffectue à domicile, en stand by, ne doit pas necessairement etreremunere comme du temps de travail ordinaire. Il a ete juge que, pour letemps de garde à domicile, celui-ci ne doit etre comptabilise comme telque jusqu'à concurrence des prestations effectives.

Il appartient aux parties de conclure le cas echeant une convention ou àl'administration competente d'etablir un reglement prevoyant le mode deretribution de ces gardes inactives. On doit conclure avec J. Clesse et F.Kefer que le temps de garde inactive à domicile fait partie d'untroisieme type qui n'est ni du travail ni du repos.

6.1.3. Leur application en l'espece

Les (demandeurs) n'ont pas accompli, hors les gardes à domicile, plus de1748 heures par an, deduction faite des conges (vacances annuelles, joursferies, conges compensatoires).

Il est admis que jusqu'en avril, pour le premier (demandeur), ou mai 2007,pour le deuxieme (demandeur) avec une courte prestation en 2009 : il aencore preste sept jours de garde à domicile en avril, ces deux(demandeurs) ont effectue des heures de garde à domicile ; le troisieme(demandeur) soutient egalement en avoir accompli jusqu'à la modificationdu reglement organique du service regional d'incendie en 2007 (cependant,les comptes individuels ne permettent pas de confirmer des gardes àdomicile tant en 2007 qu'apres). Les (demandeurs) soutiennent donc avoireffectue des gardes à domicile (essentiellement entre 2003 et 2006) etpretendent à une retribution.

Le litige ne porte pas sur la juste retribution des gardes effectuees dansla caserne mais sur l'inclusion dans le temps de travail des heures degarde à domicile.

Les gardes en casernement ont ete remunerees comme du temps de travailordinaire ; il en va de meme du temps consacre à des interventionseffectives pendant les gardes à domicile, lesquelles ont egalement eteremunerees comme du temps de travail ordinaire.

Il a ete vu que, si remuneration des heures de garde à domicile il doit yavoir, ce ne peut etre par reference à des heures de garde inactive maisà une activite reelle durant ces gardes. En effet, les heures inactivespeuvent ne pas etre retribuees ou peuvent ne l'etre que conformement àune convention ou à un reglement qui prevoit ou non une assimilation dela remuneration due pour ces prestations à la remuneration ordinaire.

Or, aucun texte, legislatif, reglementaire (avant l'approbation dureglement du 16 octobre 2007) ou contractuel, ne prevoit de remunererd'une quelconque maniere, et meme symboliquement, des heures de gardeinactive à domicile. Cette situation est assurement regrettable car ilserait logique de retribuer, d'une maniere ou d'une autre, ce temps quin'est ni du temps de travail ni du temps libre mais, en l'etat actuel dela legislation, la (defenderesse) ne peut etre obligee de retribuer cesheures de garde inactive et encore moins de les retribuer comme des heuresprestees en caserne.

Le fait que les pompiers doivent se tenir prets à se presenter à lacaserne dans un delai tres court n'y change rien. Ils ne sont pas sur leurlieu de travail et ne travaillent pas ».

Griefs

La directive 93/104/CEE du Conseil du 29 novembre 1993 concernant certainsaspects de l'amenagement du temps de travail, adoptee sur le fondement del'article 118 A introduit dans le Traite de Rome par l'Acte uniqueeuropeen, est la suite de la directive-cadre 89/391/CE du Conseil du 12juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoirl'amelioration de la securite et de la sante des travailleurs au travail,qui arrete les principes generaux en cette matiere et dont le champd'application est defini par l'article 2, qui dit que « 1. La presentedirective s'applique à tous les secteurs d'activites, prives ou publics(activites industrielles, agricoles, commerciales, administratives, deservice, educatives, culturelles, de loisirs, etc.) ; 2. La presentedirective n'est pas applicable lorsque les particularites inherentes àcertaines activites specifiques dans la fonction publique, par exempledans les forces armees ou de police, ou à certaines activites specifiquesdans les services de protection civile s'y opposent de manierecontraignante. Dans ce cas, il y a lieu de veiller à ce que la securiteet la sante des travailleurs soient assurees, dans toute la mesure dupossible, compte tenu des objectifs de la presente directive ».

Aux termes de l'article 1er, intitule « Objet et champ d'application »,

« 1. La presente directive fixe des prescriptions minimales de securiteet de sante en matiere d'amenagement du temps de travail.

2. La presente directive s'applique

a) aux periodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et deconges annuels ainsi qu'au temps de pause et à la duree maximalehebdomadaire de travail

et

b) à certains aspects du travail de nuit, du travail poste et du rythmede travail.

3. La presente directive s'applique à tous les secteurs d'activites,prives ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE, sansprejudice de l'article 17 de la presente directive, à l'exception destransports aeriens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux etlacustres, de la peche maritime, d'autres activites en mer, ainsi que desactivites des medecins en formation.

4. Les dispositions de la directive 89/391/CEE s'appliquent pleinement auxmatieres visees au paragraphe 2, sans prejudice des dispositions pluscontraignantes ou specifiques contenues dans la presente directive ».

Sous le titre « definitions », l'article 2 de la directive 93/104dispose :

« Aux fins de la presente directive, on entend par :

1. 'Temps de travail' : toute periode durant laquelle le travailleur estau travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de sonactivite ou de ses fonctions, conformement aux legislations ou pratiquesnationales ;

2. 'Periode de repos' : toute periode qui n'est pas du temps de travail».

La section II (articles 3 et suivants) de la directive prevoit les mesuresque les Etats membres sont tenus de prendre pour que tout travailleurbeneficie, notamment, de periodes minimales de repos journalier ainsi quede repos hebdomadaire et reglemente egalement la duree maximalehebdomadaire de travail ; plus particulierement, l'article 6 prevoit : «Les Etats membres prennent les mesures necessaires pour que, en fonctiondes imperatifs de protection de la securite et de la sante destravailleurs : (...) 2. la duree moyenne de chaque periode de sept joursn'excede pas quarante-huit heures, y compris les heures supplementaires».

Quant à l'article 15, il dispose : « La presente directive ne porte pasatteinte à la faculte des Etats membres d'appliquer ou d'introduire desdispositions legislatives, reglementaires ou administratives plusfavorables à la protection de la securite et de la sante des travailleursou de favoriser ou de permettre l'application de conventions collectivesou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à laprotection de la securite et de la sante des travailleurs », l'article 16ajoutant que : « Les Etats membres peuvent prevoir (...) 2. pourl'application de l'article 6 (duree maximale hebdomadaire de travail), uneperiode de reference ne depassant pas quatre mois ».

La directive enonce une serie de derogations à plusieurs regles de base,compte tenu des particularites de certaines activites et sous reserve quecertaines conditions soient remplies. Et, à cet egard, l'article 17enonce que :

« 1. Dans le respect des principes generaux de la protection de lasecurite et de la sante des travailleurs, les Etats membres peuventderoger aux articles 3, 4, 5, 6, 8 et 16 lorsque la duree du temps detravail, en raison des caracteristiques particulieres de l'activiteexercee, n'est pas mesuree ou predeterminee ou peut etre determinee parles travailleurs eux-memes, et notamment lorsqu'il s'agit :

a) de cadres dirigeants ou d'autres personnes ayant un pouvoir de decisionautonome,

b) de main d'oeuvre familiale,

ou

c) de travailleurs dans le domaine liturgique des eglises et descommunautes religieuses.

2. Il peut etre deroge par voie legislative, reglementaire etadministrative ou par voie de convention collective ou d'accords conclusentre partenaires sociaux, à condition que des periodes equivalentes derepos compensateur soient accordees aux travailleurs concernes ou que,dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles periodes derepos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, uneprotection appropriee soit accordee aux travailleurs concernes :

2.1. aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (...) c) pour les activitescaracterisees par la necessite d'assurer la continuite du service ou de laproduction, notamment lorsqu'il s'agit : (...) iii. des services (...)d'ambulance, de sapeurs-pompiers ou de protection civile.

3. Il peut etre deroge aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 par voie deconventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux auniveau national ou regional ou, en conformite avec les regles fixees parces partenaires sociaux, par voie de conventions collectives ou d'accordsconclus entre partenaires sociaux à un niveau inferieur. (...)

Les derogations prevues aux premier et deuxieme alineas ne sont admises(qu') à condition que des periodes equivalentes de repos compensateursoient accordees aux travailleurs concernes ou que, dans les casexceptionnels dans lesquels l'octroi de telles periodes de reposcompensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, uneprotection appropriee soit accordee aux travailleurs concernes. (...)

4. La faculte de deroger à l'article 16, point 2, prevue au paragraphe 2,points 2.1 et 2.2, et au paragraphe 3 du present article, ne peut avoirpour effet l'etablissement d'une periode de reference depassant six mois.

Toutefois, les Etats membres ont la faculte, tout en respectant lesprincipes generaux de la protection de la securite et de la sante destravailleurs, de permettre que, pour des raisons objectives, techniques oud'organisation de travail, les conventions collectives ou accords conclusentre partenaires sociaux fixent les periodes de reference ne depassant enaucun cas douze mois ».

La directive 93/104 a ete remplacee par la directive 2003/88 du 4 novembre2003 (entree en vigueur à la date indiquee par son article 28), dont lesdispositions reprennent les memes regles protectrices que celles qui sontenoncees par la directive 93/104.

Sauf circonstances exceptionnelles (telles la survenance d'unecatastrophe), les dispositions protectrices des directives 89/391 et93/104 s'appliquent aux services de sapeurs-pompiers professionnels oumixtes qui ne sont pas vises par l'exception visee à l'article 2, S: 2,alinea 1er, de la directive 89/391, cette application resultant de lamention figurant à l'article 17, S: 2, point 2.1, sous c), iii, de ladirective 93/104.

En consequence, les activites exercees par les forces d'intervention d'unservice public de sapeurs-pompiers relevent normalement du champd'application des directives 89/391 et 93/104, l'article 6, point 2, decelles-ci s'opposant au depassement du plafond de quarante-huit heuresprevu pour la duree maximale hebdomadaire de travail, y compris lesservices de garde.

S'agissant de la notion de « temps de travail » au sens de la directive93/104, il s'agit de toute periode durant laquelle le travailleur est autravail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de sonactivite ou de ses fonctions, conformement aux regles legales ou auxpratiques nationales, cette notion devant etre apprehendee par oppositionà la periode de repos qui implique que le travailleur n'est pas à ladisposition de l'employeur et n'est tenu d'accomplir aucun travail meme sice dernier le requiert.

L'intensite du travail effectivement fourni par le travailleur estindifferente : des lors qu'il est à la disposition de l'employeur, et estoblige d'intervenir et de fournir immediatement les prestations prevuespar son engagement aussitot que l'employeur le sollicite, le travailleurdoit etre considere comme etant « au travail » au sens des directiveseuropeennes, alors meme qu'il ne serait pas in concreto en activiteeffective, le notion de « temps de travail » devant etre apprehendeepar opposition à celle de « repos » qui implique que le travailleurn'est pas à la disposition de l'employeur ; ainsi, la circonstance queles services de garde comportent des periodes d'inactivite est depourvuede toute pertinence. Ce qui importe, c'est que, durant cette garde, letravailleur soit contraint de se tenir à la disposition de l'employeur etsoit oblige de fournir immediatement les prestations appropriees en cas debesoin et sur requisition de l'employeur.

Dans cette hypothese, le travailleur est « au travail » et non « aurepos », peu important de savoir ce qu'il fait durant les periodes ou,tout en etant tenu de le faire sur-le-champ, il n'est pas appeleconcretement à intervenir.

Certes, la directive 93/104 ne trouve pas à s'appliquer à laremuneration des travailleurs.

Mais, d'une part, pour ce qui est, en revanche, de l'effet d'un regimed'equivalence tel celui qui est relatif aux gardes en caserne ou àdomicile dans des services d'incendie, sur les temps de travail et derepos des travailleurs concernes, il ressort de l'article 118 A du Traitede Rome (remplace par les articles 136 et suivants, et singulierement 136et 142 du Traite sur les Communautes europeennes), qui constitue la basejuridique de la directive 93/104, des premier, quatrieme, septieme ethuitieme considerants de celle-ci, de la Charte communautaire des droitssociaux fondamentaux des travailleurs, adoptee lors de la reunion duConseil europeen tenue à Strasbourg le 9 decembre 1989, dont lesparagraphes 8 et 19, alinea 1er, sont rappeles au quatrieme considerant dela directive 93/104, ainsi que du libelle meme de l'article 1er, S: 1er,de celle-ci, qu'elle a pour objet de fixer les prescriptions minimalesdestinees à ameliorer les conditions de vie et de travail destravailleurs, afin notamment d'assurer une meilleure protection de lasecurite et de la sante des travailleurs, en faisant beneficier ceux-ci deperiodes minimales de repos, singulierement journalier et hebdomadaire, eten prevoyant un plafond de quarante-huit heures pour la duree moyenne dela semaine de travail, limite maximale à propos de laquelle il y a lieude prendre en consideration toutes les heures de prestations de travail,seules les heures de repos, c'est-à-dire celles au cours desquelles letravailleur n'est aucunement à la disposition de l'employeur, etantexclues.

Meme si, jusqu'ores, la Cour de justice de l'Union europeenne n'a eu à seprononcer qu'à propos des gardes executees sur le lieu habituel dutravail, estimant qu'en ce cas le travailleur etait presume « au travail» durant toute la duree de la garde, alors qu'effectivement il n'avaitpas ete constamment, voire pas du tout, en activite effective durant cettegarde, il ne s'en deduit pas que les gardes effectuees dans un autreendroit repondraient à des regles differentes et seraient soustraites auregime protecteur de la directive 93/104, des lors que la garde sur lelieu de travail et la garde externe repondraient l'une et l'autre à lameme condition, c'est-à-dire à l'obligation dans laquelle le travailleurde garde se trouve d'intervenir dans les plus brefs delais à toutedemande d'intervention de son employeur, le travailleur se trouvant de lasorte à la disposition de celui-ci et, partant, « au travail » et non« au repos » au sens de la directive.

Dans le cas ou le travailleur de garde, fut-ce à domicile, est tenud'obtemperer immediatement à toute requisition de l'employeur, il importepeu que, theoriquement, il puisse se livrer librement à d'autresactivites s'il n'est pas requis, des lors que la necessite desinterventions urgentes pendant l'accomplissement du service de garde horsle lieu habituel de travail n'est pas susceptible d'etre planifiee àl'avance et que l'activite deployee varie selon les circonstances, lefacteur determinant pour considerer que les elements caracteristiques dela notion de « temps de travail » au sens de la directive 93/104 sontpresents dans le service de garde effectue meme à domicile par letravailleur etant que celui-ci est oblige de s'y tenir en permanence à ladisposition de l'employeur pour pouvoir repondre immediatement à touterequisition de ce dernier et fournir les prestations appropriees en cas debesoin.

Il s'en deduit que, dans ces circonstances, le service de garde accomplipar le sapeur-pompier, fut-ce à son domicile, doit etre integralementpris en consideration pour la duree maximale quotidienne et hebdomadairedu travail accompli et des mesures compensatoires à adopter,independamment de la circonstance que, durant ces gardes, le travailleurn'exerce pas effectivement une activite professionnelle continue, voirememe aucune activite professionnelle effective. Il peut etre requis etcontraint contractuellement ou statutairement d'intervenir sur-le-champ età tout moment.

D'autre part, l'article 8, S: 1er, de la loi du 14 decembre 2000 fixantcertains aspects de l'amenagement du temps de travail dans le secteurpublic dispose que :

« La duree du travail du travailleur ne peut exceder en moyenne trente-huit heures par semaine sur une periode de reference de quatremois.

On entend par duree du travail, le temps pendant lequel le travailleur està la disposition de l'employeur ».

Et, en vertu de l'article 4 du reglement-type d'organisation d'un servicecommunal d'incendie qualifie de service mixte, contenu dans l'annexe 2 àl'arrete royal du 6 mai 1971 fixant le type de reglements communauxrelatifs à l'organisation des services communaux d'incendie, « leservice est organise de maniere telle que les effectifs suffisants(personnel et cadres) soient prets en tout temps à effectuer lesinterventions dans les delais les plus courts », ceci valant, en vertu del'article 7, tant pour les pompiers professionnels que pour lesvolontaires.

L'article 5.4 du reglement d'ordre interieur adopte le 16 octobre 2007 parla defenderesse, confirmant la pratique suivie anterieurement parcelle-ci, prevoit que, « pour faire face à certains imponderables, unegarde à domicile minimale est organisee » et confiee à des pompiersprofessionnels et à des pompiers volontaires ; en son alinea 3, ilprecise que : « Les membres du service qui sont rappeles ou qui sontrentres suite à un rappel se mettent à la disposition du plus hautgrade present à la caserne. Ils ne peuvent quitter la caserne qu'apres yavoir ete autorises. Ils doivent imperativement etre rentres à la caserneendeans le quart d'heure qui suit la reception de l'appel ».

Il s'en deduit que lorsqu'un pompier est de service de garde à domicile,il se trouve en permanence à la disposition de son employeur, est tenu derepondre immediatement à toute invitation à intervenir qui lui estadressee et doit rejoindre toutes affaires cessantes et sur-le-champ lacaserne afin de participer à l'execution de la mission en vue de laquelleil est rappele, le delai qui lui est imparti etant à ce point bref qu'illui est impossible, in concreto, de jouir de quelque liberte durant lesperiodes d'inactivite, au meme titre que lorsqu'il se trouve à lacaserne. Il est donc « au travail » au sens du droit interne quel quesoit le type de garde qu'il execute.

Etant remunere normalement lorsqu'il execute la garde à la caserne, ildoit egalement l'etre lorsqu'il effectue cette garde à domicile, des lorsqu'il se trouve, dans l'un et l'autre cas, à la disposition del'employeur, c'est-à-dire au travail et non au repos.

Il s'ensuit que l'arret qui, par les motifs rappeles au moyen, decide quele pompier qui se trouve astreint au service de garde à domicile n'est autravail ni au regard de la directive 93/104 ni en vertu de lareglementation interne, hors les cas d'intervention effective, parce qu'ilne se trouve pas sur le lieu du travail et est inactif, peu importantqu'il se trouve à la disposition de l'employeur et soit tenu de repondreà tout moment et sur-le-champ à toute requisition emanant de celui-ci,sans pour autant etre au repos, mais se trouve dans une situationintermediaire entre le travail et le repos, qui ne lui permet pas debeneficier des regles protectrices relatives à la duree du travail etd'obtenir une quelconque remuneration ou compensation du temps consacreaux gardes à domicile durant les periodes d'inactivite, à l'encontre desdroits qu'il possede en cette hypothese lors des gardes en caserne,meconnait toutes les dispositions visees au moyen.

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 8, S: 1er, alinea 2, de la loi du 14 decembre 2000fixant certains aspects de l'amenagement du temps de travail dans lesecteur public, on entend par duree du travail le temps pendant lequel letravailleur est à la disposition de l'employeur.

Comme l'enonce l'article 2 de cette loi, celle-ci transpose la directive93/104/CEE du Conseil du 3 novembre 1993 concernant certains aspects del'amenagement du temps de travail, laquelle a ete abrogee et remplacee àpartir du 2 aout 2004 par la directive 2003/88/CE du Parlement et duConseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'amenagement dutemps de travail.

L'article 2, S: 1er, des directives 93/104 et 2003/88, dont l'article 8,S: 1er, est la transposition, definit comme temps de travail toute periodedurant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition del'employeur et dans l'exercice de son activite ou de ses fonctions,conformement aux legislations ou pratiques nationales.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union europeenneque, pour l'application de cette disposition, lorsque les travailleurseffectuent des gardes selon un systeme qui veut qu'ils soient accessiblesen permanence sans pour autant etre obliges d'etre presents sur les lieuxde travail ou en un lieu determine par l'employeur, seul le temps lie àla prestation effective de travail assuree en cas d'appel doit etreconsideree comme du temps de travail.

L'article 8, S: 1er, de la loi du 14 decembre 2000 n'appelle pas une autreinterpretation.

L'arret, qui considere que l'obligation des pompiers de la ville de Dinantqui assurent une garde à domicile est uniquement de pouvoir etre jointset de « se tenir prets à se presenter à la caserne dans un delai trescourt », justifie legalement sa decision de ne pas considerer ces gardesinactives comme du temps de travail.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent cinquante euros soixante-deuxcentimes envers les parties demanderesses et à la somme de trois centquarante-deux euros deux centimes envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Koen Mestdagh, Mireille Delange et Antoine Lievens, etprononce en audience publique du dix-huit mai deux mille quinze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+----------------------------------------+
| L. Body | A. Lievens | M. Delange |
|-------------+------------+-------------|
| K. Mestdagh | D. Batsele | Chr. Storck |
+----------------------------------------+

18 MAI 2015 S.13.0024.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.13.0024.F
Date de la décision : 18/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-05-18;s.13.0024.f ?
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