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18/05/2015 | BELGIQUE | N°S.14.0042.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mai 2015, S.14.0042.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.14.0042.F

TECTEO, societe cooperative intercommunale à responsabilite limitee, dontle siege social est etabli à Liege, rue Louvrex, 95,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

L. G.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum,

25, ou il est fait electionde domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirig...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.14.0042.F

TECTEO, societe cooperative intercommunale à responsabilite limitee, dontle siege social est etabli à Liege, rue Louvrex, 95,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

L. G.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est fait electionde domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 8 janvier 2014par la cour du travail de Liege.

Le 18 fevrier 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 23, 33, 149 et 159 de la Constitution ;

* principe general du droit relatif à la separation des pouvoirs ;

* principe general du droit dit de la mutabilite du service public et,en tant que de besoin, articles 33 et 107 de la Constitution en cequ'ils fondent ce principe ;

* en tant que de besoin, principe general du droit dit de la continuitedu service public et articles 108 et 187 de la Constitution en cequ'ils fondent ce principe ;

* article 1315 du Code civil ;

* article 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

L'arret dit l'appel du defendeur fonde, reforme le jugement entrepris etcondamne la demanderesse à payer au defendeur, à titre de remunerationdes heures supplementaires prestees entre le 6 novembre 2009 et le 30novembre 2011 la somme de 4.310,24 euros, majoree des interets au tauxlegal comptes depuis la date moyenne du 30 novembre 2010, sous deductiondes retenues sociales et fiscales à appliquer au montant de 4.310,24euros, et aux depens.

Il fonde sa decision sur les motifs qu'il indique et specialement sur lesmotifs suivants :

« 2.1. La [demanderesse] fait valoir à juste titre [...] que l'adoptiondu nouveau reglement de travail, le 13 aout 2009, apportait unemodification au statut administratif et au statut pecuniaire de sesagents ; [...]

2.2. L'article 23 de la Constitution dispose :

`Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignite humaine.

A cette fin, la loi, le decret ou la regle visee à l'article 134garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droitseconomiques, sociaux et culturels, et determinent les conditions de leurexercice.

Ces droits comprennent notamment :

1DEG le droit au travail et au libre choix d'une activite professionnelledans le cadre d'une politique generale de l'emploi, visant entre autres àassurer un niveau d'emploi aussi stable et eleve que possible, le droit àdes conditions de travail et à une remuneration equitables, ainsi que ledroit d'information, de consultation et de negociation collective ;

2DEG le droit à la securite sociale, à la protection de la sante et àl'aide sociale, medicale et juridique ;

3DEG le droit à un logement decent ;

4DEG le droit à la protection d'un environnement sain ;

5DEG le droit à l'epanouissement culturel et social' ;

L'article 23 de la Constitution `implique une obligation de standstill quis'oppose à ce que le legislateur competent reduise sensiblement le niveaude protection offert par les legislations applicables, sans qu'existentpour ce faire de motifs lies à l'interet general' ;

Comme l'a encore recemment rappele le Conseil d'Etat, cette definitionvaut indistinctement pour toutes les matieres couvertes par l'article 23de la Constitution ;

En l'espece, la modification du statut administratif et pecuniaire desagents au service de la [demanderesse], etant une intercommunale, apporteepar le nouveau reglement de travail adopte le 13 aout 2009, estsusceptible de porter atteinte au droit à une remuneration equitable [de ses] agents, en ce qu'il reduit la remuneration à percevoir par lesagents, tel [le defendeur], qui, non seulement perc,oivent uneremuneration identique pour des prestations de trente-huit heures parsemaine à celle qu'ils percevaient auparavant pour des prestations detrente-six heures par semaine, mais, en outre, perdent le benefice d'unsursalaire de 150 p.c. pour les heures prestees au-delà de trente-sixheures par semaine, sursalaire porte à 200 p.c. pour les heuressupplementaires prestees les dimanches et jours feries ;

L'acte administratif par lequel une autorite administrative, en l'especeune intercommunale, modifie unilateralement les conditions de remunerationde son personnel statutaire doit etre examine à la lumiere de cetteobligation de standstill qui pese egalement sur cette autoriteadministrative dotee d'un pouvoir reglementaire ;

Il y a, en l'espece, incontestablement une diminution du degre deprotection offert par le statut administratif et pecuniaire du personnelstatutaire de la [demanderesse] lorsque l'on effectue la comparaison entrele statut tel qu'il etait d'application avant l'adoption du nouveaureglement de travail le 13 aout 2009 et ce statut tel qu'il existe apresl'adoption de ce reglement de travail, le niveau de remuneration desagents de la categorie à laquelle appartient [le defendeur] et partant lepouvoir d'achat qui s'attache à ce niveau de remuneration etant diminuesde maniere significative ;

Les pieces deposees determinent que [le defendeur] effectuait tresfrequemment, presque chaque semaine, des heures supplementaires au-delàde trente-six heures par semaine, lesquelles etaient remunerees jusqu'àl'adoption du nouveau reglement de travail, mais ne l'etaient plusau-delà, les heures supplementaires au-delà de trente-huit heures parsemaine devant uniquement etre recuperees, ce qui represente, selon leschiffres proposes par [le defendeur] et non contestes par la[demanderesse], une perte de remuneration atteignant 4.310,24 euros pourla periode de novembre 2009 à novembre 2011, soit une perte mensuellemoyenne de 179,59 euros ;

Compte tenu d'une remuneration mensuelle moyenne de l'ordre de 2.500euros, la perte est de l'ordre de 7 p.c., ce qui constitue une reductionsignificative du niveau de protection resultant du statut pecuniaireanterieur en termes de remuneration et plus encore en termes de pouvoird'achat ;

La recuperation des heures supplementaires prestees au-delà detrente-huit heures telle qu'elle est prevue dans le nouveau reglement detravail ne constitue pas une mesure compensatoire adequate de la reductiondu niveau de protection anterieur, la perte de remuneration et partant depouvoir d'achat subsistant en depit de cette mesure de recuperation desheures supplementaires ;

La [demanderesse] fait valoir que la mesure litigieuse contenue dans lenouveau reglement de travail etait prise dans l'interet general afin demaintenir le niveau de l'emploi par une reduction des couts en personnel ;

Ce moyen doit etre rencontre, des motifs lies à l'interet generalconstituant une derogation à l'application de l'obligation destandstill ;

On observera ici qu'il n'y a pas necessairement opposition entrel'obligation de standstill, decoulant de l'article 23 de la Constitution,qui est une norme hierarchiquement superieure au principe general du droitde la loi du changement, et ce dernier, qui se fonde sur l'interet generalpour permettre à l'autorite administrative de modifier sareglementation ;

Cela etant, il incombe à la [demanderesse], qui souleve l'exception,d'apporter la preuve de son fondement, ce qu'en l'etat elle ne fait pas,se contentant de sa seule affirmation, sans produire la moindre piece quietablirait qu'elle etait contrainte, à l'epoque ou fut pris le reglementde travail litigieux, de reduire ses charges, ni qu'elle auraiteffectivement reduit lesdites charges ou encore qu'elle aurait realisecette reduction en maintenant le niveau de l'emploi ;

Au contraire, le caractere extremement temporaire de la mesure portantatteinte au droit des agents à la remuneration des heures supplementairestel qu'il existait avant l'adoption du reglement de travail litigieux,dont les effets prirent fin des une modification à nouveau du reglementde travail intervenue le 2 octobre 2012, de sorte que la reductionlitigieuse a dure en tout et pour tout trois ans, laisse à penser que lareduction des charges invoquees ne se justifiait pas, à moins de supposerun spectaculaire retablissement de la situation economique et financierede la [demanderesse] en un aussi bref laps de temps ;

Ce retour au statu quo ante contredit par ailleurs un argument de la[demanderesse] qui fait etat de la necessite pour elle de s'aligner sur leregime general de la duree hebdomadaire du travail dans le secteur publicet constitue au contraire un argument justifiant que la [demanderesse] aitenfin admis devoir conserver au profit de ses agents `historiques' leniveau de protection qui leur etait garanti en termes de remuneration desheures supplementaires avant la modification apportee au statutadministratif et pecuniaire par le reglement de travail litigieux ;

La cour [du travail] considere en conclusion que le reglement de travailadopte par la [demanderesse] le 13 aout 2009, modifiant le statutadministratif et le statut pecuniaire de ses agents, ne respecte pasl'obligation de standstill determinee par l'article 23 de la Constitutionet constitue en consequence une violation de cette dispositionconstitutionnelle, ce qui implique qu'[elle] ecarte ce reglement detravail en application de l'article 159 de la Constitution ;

C'est par consequent en fonction des dispositions du statut pecuniaire telqu'il existait auparavant que [le defendeur] devait se voir remunerer pourles heures supplementaires prestees au-delà de trente-six heures parsemaine, durant la periode qui va du mois de septembre 2009 au mois denovembre 2011, de sorte qu'il lui est du à ce titre un montant de4.310,24 euros, montant justifie par les pieces qu'il depose et qui nefait pas en tant que tel l'objet de contestations de la [demanderesse] ».

Griefs

Premiere branche

Le principe general du droit de la mutabilite du service public, quitrouve appui dans le principe general du droit de la continuite du servicepublic, implique que les droits et obligations des agents statutaires desservices publics peuvent etre modifies unilateralement par l'autorite et,sauf disposition contraire, que ces agents n'ont pas droit au maintien desavantages qu'un ancien statut leur aurait accordes (principes generaux dudroit de la mutabilite du service public et de la continuite des servicespublics et articles 33, 107, 108 et 187 de la Constitution, qui lesfondent).

L'article 23 de la Constitution consacre le droit de chacun de mener unevie conforme à la dignite humaine et dispose qu'« à cette fin, la loi,le decret ou la regle visee à l'article 134 garantissent, en tenantcompte des obligations correspondantes, les droits economiques, sociaux etculturels, et determinent les conditions de leur exercice ». Ces droitscomprennent notamment « le droit au travail et au libre choix d'uneactivite professionnelle dans le cadre d'une politique generale del'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stableet eleve que possible, le droit à des conditions de travail et à uneremuneration equitables, ainsi que le droit d'information, de consultationet de negociation collective ».

A cette disposition s'attache une obligation de standstill qui faitobstacle à une regression sensible du degre de protection des droitsvises sans qu'existent pour ce faire de motifs lies à l'interet general.

L'obligation de standstill qui est deduite de l'article 23 de laConstitution ne s'oppose cependant pas à ce qu'une autoriteadministrative impose notamment dans un but de rationalisation et demaintien de l'emploi une reduction de la remuneration ou des avantagesoctroyes à ses agents, cette reduction fut-elle meme sensible, pourautant que la remuneration de ces agents demeure equitable.

Il s'ensuit qu'en considerant que la modification statutaire litigieuseportait atteinte à l'obligation de standstill consacree par l'article 23de la Constitution aux seuls motifs que le passage du temps de travail detrente-six à trente-huit heures par semaine et la suppression correlativede la remuneration des heures supplementaires relatives auxtrente-septieme et trente-huitieme heures de travail avait entraine unereduction significative, de l'ordre de 7 p.c., de la remuneration dudefendeur qui n'etait pas compensee adequatement par le regime des heuressupplementaires au-delà de la trente-huitieme heure, l'arret, qui neconstate ni que la remuneration promeritee ainsi reduite ne pouvait etreconsideree comme une remuneration equitable du travail fourni nid'elements permettant de deduire que cette remuneration etaitinequitable :

1DEG viole l'article 23 de la Constitution ;

2DEG viole les principes generaux du droit de la mutabilite et de lacontinuite du service public et les articles 33, 107, 108 et 187 de laConstitution, en refusant à la demanderesse le droit de modifierunilateralement le statut de son personnel ;

3DEG viole l'article 159 de la Constitution en refusant de faireapplication de l'acte administratif constitue par la deliberation duconseil d'administration de la demanderesse du 13 aout 2009 modifiant sonreglement de travail alors qu'il etait conforme à la Constitution ;

4DEG des lors, ne justifie pas legalement sa decision (violation de toutesles dispositions visees au moyen, à l'exception des articles 149 de laConstitution, 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire) ;

5DEG à tout le moins, ne comporte pas, dans ses motifs, les constatationspermettant à la Cour d'exercer son controle de legalite au regard desprincipes generaux du droit et des dispositions constitutionnelles citeesci-avant et n'est, des lors, pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).

Seconde branche

1. L'article 23 de la Constitution et l'obligation de standstill qui luiest associee n'interdisent pas à une autorite administrative de reduirecertains droits socio-economiques, notamment le montant de la remunerationde ses agents, si l'interet general le justifie.

2. L'article 159 de la Constitution, qui impose au juge de verifier lalegalite interne et externe de tout acte administratif, ne dispense pas lapartie qui se prevaut de l'illegalite de pareil acte de la charge de lapreuve de cette illegalite en produisant aux debats les pieces et elementsnecessaires, sans prejudice à la possibilite ouverte au juge d'ordonnerà toute partie au proces de produire les elements de preuve dont elledispose (articles 159 de la Constitution, 1315 du Code civil et 870 duCode judiciaire).

3. S'il lui appartient de refuser d'appliquer un acte administratifillegal, notamment un acte reposant sur une erreur manifested'appreciation, le juge ne peut substituer sa propre appreciation à cellede l'administration, à tout le moins lorsque celle-ci exerce un pouvoirdiscretionnaire (principe general du droit de la separation des pouvoirset articles 144, 145 et 159 de la Constitution).

Le juge ne peut donc substituer son appreciation de l'interet general àcelle d'une autorite administrative pour apprecier notamment, comme enl'espece, l'opportunite d'une modification du statut pecuniaire des agentsde cette autorite.

4. En l'espece, le defendeur mettait en cause la legalite de ladeliberation du conseil d'administration de la demanderesse du 13 aout2009 qui, ainsi que cette derniere le rappelait dans ses observationsapres reouverture des debats, se justifiait « par le plan de reforme etde consolidation de l'intercommunale, objet d'ailleurs d'une consultationde la societe Mc Kinsey », et par le souci de « rationaliser le temps detravail, et donc le cout en personnel, de maniere à eviter toutlicenciement [...], le postulat de ce plan de reforme et de consolidationdu personnel [etant] de maintenir l'emploi ».

Il appartenait ainsi au defendeur, qui contestait la modification dustatut pecuniaire, d'etablir non seulement que sa remuneration avait etereduite de maniere significative mais encore que les considerationsl'ayant amenee procedaient d'une erreur manifeste d'appreciation etetaient des lors manifestement contraires à l'interet general, et non àla demanderesse, qui ne soulevait aucune exception au sens de l'article1315, alinea 2, du Code civil, d'etablir que les motifs qui l'avaientconduite à modifier le statut pecuniaire de son personnel etaient bienconformes à l'interet general.

Ayant constate que la demanderesse faisait valoir qu'elle avait agi dansl'interet general et que des motifs lies à l'interet general excluaientune meconnaissance de l'obligation de standstill, l'arret decide cependantqu'« il incombe à la [demanderesse], qui souleve l'exception, d'apporterla preuve de son fondement, ce qu'en l'etat elle ne fait pas, secontentant de sa seule affirmation, sans produire la moindre piece quietablirait qu'elle etait contrainte, à l'epoque ou fut pris le reglementde travail litigieux, de reduire ses charges, ni qu'elle auraiteffectivement reduit lesdites charges ou encore qu'elle aurait realisecette reduction en maintenant le niveau de l'emploi ».

Il ajoute que, « au contraire, le caractere extremement temporaire de lamesure portant atteinte au droit des agents à la remuneration des heuressupplementaires tel qu'il existait avant l'adoption du reglement detravail litigieux, dont les effets prirent fin des une modification ànouveau du reglement de travail intervenue le 2 octobre 2012, de sorte quela reduction litigieuse a dure en tout et pour tout trois ans, laisse àpenser que la reduction des charges invoquees ne se justifiait pas, àmoins de supposer un spectaculaire retablissement de la situationeconomique et financiere de la [demanderesse] en un aussi bref laps detemps ; ce retour au statu quo ante contredit par ailleurs un argument dela [demanderesse] qui fait etat de la necessite pour elle de s'aligner surle regime general de la duree hebdomadaire du travail dans le secteurpublic et constitue au contraire un argument justifiant [qu'elle] aitenfin admis devoir conserver au profit de ses agents `historiques' leniveau de protection qui leur etait garanti en termes de remuneration desheures supplementaires avant la modification apportee au statutadministratif et pecuniaire par le reglement de travail litigieux ».

Ce faisant, l'arret :

1DEG inverse la charge de la preuve de l'illegalite affectant pretendumentla modification statutaire litigieuse, violant ainsi tant les articles1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire que l'article 159 de laConstitution ;

2DEG substitue sa propre appreciation de l'interet general à celle del'autorite administrative que constitue la demanderesse et viole, deslors, tant le principe general du droit de la separation des pouvoirs queles articles 144 et 145 de la Constitution ;

3DEG ne justifie, des lors, pas legalement sa decision d'ecarterl'application de la deliberation du conseil d'administration de lademanderesse du 13 aout 2009 (violation de l'article 159 de laConstitution et des autres dispositions et principes generaux du droitvises au moyen).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'article 23 de la Constitution, qui proclame à l'alinea 1er que chacun ale droit de mener une vie conforme à la dignite humaine, dispose àl'alinea 2 qu'à cette fin, la loi, le decret ou la regle visee àl'article 134 garantissent, en tenant compte des obligationscorrespondantes, les droits economiques, sociaux et culturels, etdeterminent les conditions de leur exercice.

Aux termes de l'alinea 3, 1-o, de cet article 23, ces droits comprennentnotamment le droit au travail et au libre choix d'une activiteprofessionnelle dans le cadre d'une politique generale de l'emploi visantentre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et aussi eleve quepossible, le droit à des conditions de travail et à une remunerationequitables ainsi que le droit d'information, de consultation et denegociation collective.

Dans les matieres qu'il couvre, l'article 23 de la Constitution impliqueune obligation de standstill qui s'oppose à ce que l'autorite competentereduise sensiblement le degre de protection offert par la legislationapplicable sans qu'existent pour ce faire de motifs lies à l'interetgeneral.

Il s'ensuit que cette obligation ne s'oppose à une reduction, fut-ellesensible, de la remuneration du travail justifiee par des motifs lies àl'interet general que si cette reduction affecte le caractere equitable dela remuneration.

L'arret, qui, pour decider que l'obligation de standstill deduite del'article 23 de la Constitution s'oppose à la reduction litigieuse de laremuneration du defendeur, qu'il juge « significative », se limite àobserver qu'elle « est susceptible de porter atteinte au droit à uneremuneration equitable des agents de la [demanderesse] », sans recherchersi tel est le cas, viole cette disposition constitutionnelle.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour de travail de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Koen Mestdagh, Mireille Delange et Antoine Lievens, etprononce en audience publique du dix-huit mai deux mille quinze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+----------------------------------------+
| L. Body | A. Lievens | M. Delange |
|-------------+------------+-------------|
| K. Mestdagh | D. Batsele | Chr. Storck |
+----------------------------------------+

18 MAI 2015 S.14.0042.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.14.0042.F
Date de la décision : 18/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-05-18;s.14.0042.f ?
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