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19/05/2015 | BELGIQUE | N°P.14.0921.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 mai 2015, P.14.0921.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG P.14.0921.N

* I. J. V W.,

* inculpe,

* Me Luc Arnou, avocat au barreau de Bruges,

* II. G. L.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* III. S.P.R.L. VAN WEMMEL-KAEKEBEKE BEDRIJFSREVISOREN,

* inculpee,

demandeurs en cassation,

* tous les pourvois contre

1. S.P.R.L. BART'S INDUSTRIAL, anciennement S.P.R.L. BALLIU MANAGEMENTSERVICES,

2. S.P.R.L. COMMA,

3. P. H.,

parties civiles,

defendeurs en cassation,

Me Raf Verstraeten

, avocat au barreau de Louvain.

* I. la procedure devant la cour

X. XI. Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 24 avril2014 par la cour...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG P.14.0921.N

* I. J. V W.,

* inculpe,

* Me Luc Arnou, avocat au barreau de Bruges,

* II. G. L.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

* III. S.P.R.L. VAN WEMMEL-KAEKEBEKE BEDRIJFSREVISOREN,

* inculpee,

demandeurs en cassation,

* tous les pourvois contre

1. S.P.R.L. BART'S INDUSTRIAL, anciennement S.P.R.L. BALLIU MANAGEMENTSERVICES,

2. S.P.R.L. COMMA,

3. P. H.,

parties civiles,

defendeurs en cassation,

Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain.

* I. la procedure devant la cour

X. XI. Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 24 avril2014 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises enaccusation.

XII. Les demandeurs I et II invoquent sept moyens dans un memoireannexe au present arret, en copie certifiee conforme.

XIII. La demanderesse III ne presente aucun moyen.

XIV. Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.

XV. L'avocat general suppleant Marc De Swaef a conclu.

II. la decision de la cour

(...)

Sur le premier moyen des demandeurs I et II :

4. Le moyen invoque, en ses deux branches, la violation des articles10, 11 de la Constitution, 21 de la loi du 17 avril 1878 contenant leTitre preliminaire du Code de procedure penale, 130, 131, 135 et235bis du Code d'instruction criminelle.

(...)

Quant à la seconde branche :

7. Le moyen, en cette branche, soutient que, lorsque la chambre duconseil considere que les charges sont suffisantes et qu'elle commetune erreur quant à leur existence dans le temps pour apprecier laprescription, l'irrecevabilite de l'appel forme par l'inculpe contrecette decision a pour consequence qu'une telle erreur ne peut plusetre rectifiee par la chambre des mises en accusation si celle-ci esttenue par les charges adoptees par l'ordonnance de renvoi, meme si laprescription n'est apparue qu'apres la decision de la chambre duconseil ; que cela ne favorise pas l'economie de procedure, et n'estpas compatible avec le fait que la prescription de l'action publiquetouche à l'ordre public et doit ainsi etre prononcee d'office par lejuge ; que le ministere public jouit d'une possibilite illimiteed'interjeter appel dans le cadre du reglement de la procedure et qued'autres causes d'extinction de l'action publique peuvent etresoumises à la chambre des mises en accusation sur l'appel del'inculpe ; les demandeurs demandent que soit posee à la Courconstitutionnelle la question prejudicielle suivante :

« L'article 135 du Code d'instruction criminelle viole-t-il lesarticles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avecl'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales, en tant qu'il empeche l'inculpe, dans lecadre du reglement de la procedure et sur la base d'un appel formevalablement et regulierement contre une ordonnance de renvoi de lachambre du conseil, d'exercer une defense devant la chambre des misesen accusation sur l'existence de charges suffisantes, uniquement dansle but specifique de demontrer que la date des faits que la chambredu conseil a retenue et pour laquelle elle a considere que les chargesetaient suffisantes est erronee, et ainsi d'indiquer que l'actionpublique exercee du chef de ces faits est prescrite, alors que cettepossibilite est offerte au ministere public et existe pour les autrescauses d'extinction de l'action publique limitativement prevues ? »

8. L'article 135, S: 2, du Code d'instruction criminelle dispose :« En cas d'irregularites, d'omissions ou de causes de nullite viseesà l'article 131, S: 1er, ou relatives à l'ordonnance de renvoi,l'inculpe peut interjeter appel des ordonnances de renvoi prevues auxarticles 129 et 130, sans prejudice de l'appel vise à l'article 539du present Code. Il en va de meme pour les causes d'irrecevabilite oud'extinction de l'action publique. En cas d'irregularites, d'omissionsou de causes de nullite visees à l'article 131, S: 1er, l'appel n'estrecevable que si le moyen a ete invoque par conclusions ecrites devantla chambre du conseil. Il en va de meme pour les causesd'irrecevabilite ou d'extinction de l'action publique, sauf lorsqueces causes sont acquises posterieurement aux debats devant la chambredu conseil. »

9. Cette disposition offre à l'inculpe, dans les limites qu'elleprevoit, la possibilite d'interjeter appel devant la chambre des misesen accusation de l'ordonnance de renvoi, concernant les contestationsen matiere de competence, les irregularites relatives à un acted'instruction ou l'obtention de la preuve et autres causes qui peuventmettre un terme à l'action publique. Par contre, cette dispositionn'offre pas la possibilite à l'inculpe de critiquer devant la chambredes mises en accusation, dans le cadre d'un appel forme contrel'ordonnance de renvoi, l'existence de charges que cette ordonnanceconstate de maniere souveraine. En ce qui concerne ces charges,l'inculpe peut, en effet, faire valoir tous ses moyens de defensedevant le juge du fond.

10. En vertu de l'article 235bis, S: 5, du Code d'instructioncriminelle, les causes d'extinction de l'action publique, notamment,qui ont ete examinees devant la chambre des mises en accusation et quine sont pas nees posterieurement aux debats devant cette chambre, nepeuvent plus etre soulevees devant le juge du fond. Il ressort de lagenese de cette disposition, telle que modifiee par la loi du 21decembre 2009 relative à la reforme de la cour d'assises, qu'elletend à eviter qu'une meme contestation sur l'extinction de l'actionpublique ne soit soulevee tant devant la chambre des mises enaccusation que devant le juge du fond.

11. La chambre du conseil apprecie souverainement s'il existe, pour lefait qu'elle qualifie penalement et decrit dans le temps et dansl'espace, des charges suffisantes pour renvoyer l'inculpe devant lejuge du fond. En cas de renvoi, cette qualification et cettedescription sont toujours provisoires. En effet, il appartient ensuiteau juge de renvoi, apres avoir examine tous les elements reveles parl'instruction penale soumis à la contradiction et à l'examen àl'audience, de donner au fait une qualification definitive etd'apprecier, et en outre de determiner, si l'action publique relativeà ce fait est ou non prescrite. Dans le cadre de cette appreciation,la juridiction de jugement ne saurait etre tenue par une determinationdefinitive de la date du fait par la chambre des mises en accusation.

Il en resulte que la decision rendue par la juridiction d'instructionsur l'existence de charges, que cette decision ait ou non uneinfluence sur l'examen de la prescription en tant que caused'extinction de l'action publique relative à un fait determine, nepeut etre comparee à la decision rendue par cette juridiction sur lescauses d'irrecevabilite ou d'extinction de l'action publique qui nedependent pas de la constatation de l'existence de charges.

12. En vertu de l'article 135, S: 1er, du Code d'instructioncriminelle, le ministere public peut interjeter appel de toutes lesordonnances de la chambre du conseil.

13. Concernant la possibilite d'interjeter appel d'une ordonnance dereglement de la procedure rendue par la chambre du conseil, leministere public ne se trouve pas dans une situation juridiquecomparable à celle d'un inculpe. En effet, le ministere publicaccomplit, dans l'interet de la societe, une mission de service publicrelative à la recherche et à la poursuite des infractions, etrequiert l'application de la loi penale, alors que l'inculpe defendson interet personnel. Le fait que l'inculpe puisse, dans le cadre deson appel, à le supposer recevable, invoquer un moyen qui touche àl'ordre public, ne lui confere pas pour autant l'interet du ministerepublic et ne le place pas dans une situation comparable.

14. La question prejudicielle qui decoule de situations juridiques noncomparables que la loi traite de maniere differente, n'est pas posee.

(...)

Sur le quatrieme moyen des demandeurs I et II :

Quant à la premiere branche :

32. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 56du Code d'instruction criminelle, ainsi que la meconnaissance duprincipe general du droit relatif à la separation du droit àl'instruction et du droit de poursuite : l'arret decide, à tort, «l'affirmation que la mission confiee aurait depasse le cadre de lasaisine du juge d'instruction n'est pas partagee (par la courd'appel). Le juge d'instruction a ete saisi `in rem' des faitslargement exposes dans la lettre de plainte, et non par lesqualifications enoncees sans autre explication factuelle dans leproces-verbal de constitution de partie civile. La lecture de larelation des faits, qui constitue l'objet de la lettre de plainte,indique que la mission d'expertise a bien ete redigee en fonction desfaits à instruire » ; pour les faits dont il n'est pas saisi, lejuge d'instruction ne peut poser aucun acte d'instruction qui n'entrepas dans ses attributions ; ainsi, il ne peut confier à l'expertqu'il designe des missions qui ne relevent pas de sa saisinedeterminee par la plainte avec constitution de partie civile ; il nepeut davantage charger l'expert d'une mission qui ne concerne meme pasune infraction.

33. La juridiction d'instruction decide souverainement, en fait, quelsfaits precis sont portes à la connaissance du juge d'instruction parl'acte de saisine. La Cour verifie uniquement si la juridictiond'instruction ne tire pas de ses constatations des consequencesincompatibles ou sans lien avec elles.

34. En tant qu'il critique l'appreciation souveraine des juges d'appelsur les faits qui relevent, en l'espece, de la saisine du juged'instruction, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

35. La plainte avec constitution de partie civile concerne des faitsde faux en ecritures, d'escroquerie et des infractions à lalegislation relative à la comptabilite et aux comptes annuels desentreprises, et fait mention des comptes annuels de la societe anonymeBalliu MTC de 1999 à 2001, du rapport d'evaluation des actions du 6juin 2000 et de deux contrats de 2000.

36. L'arret peut decider, sans tirer de ses constatations desconsequences incompatibles ou sans lien avec elles, que les missionsconfiees à l'expert, qui concernaient des pieces comptables oufinancieres de la societe pour l'exercice 2002, ainsi que l'existenced'un circuit d'argent noir au sein de la societe et l'eventuellesoustraction de biens à cette societe, etaient comprises dans lasaisine du juge d'instruction. En effet, la delimitation susmentionneede la saisine du juge d'instruction n'exclut pas qu'il puisse existerdes pieces qui, bien qu'elles portent sur un exercice autre que celuiexplicitement indique dans la plainte, peuvent avoir une influence surles faits mis à l'instruction, ni davantage que les piecesmentionnees dans la plainte concernent le traitement ou ladissimulation d'un circuit d'argent noir au sein de la societe ou lasoustraction de biens à cette societe.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

37. Le fait que le juge d'instruction ait demande à l'expert de luidonner son avis sur un element qui n'entre pas dans le cadre d'uneinfraction, mais plutot d'une eventuelle infraction d'ordredisciplinaire, à savoir si les activites des demandeurs ont observeles reglements et normes de l'Institut des reviseurs d'entreprise, n'aaucun lien avec la saisine du juge d'instruction.

38. L'article 55 du Code d'instruction criminelle dispose quel'instruction est l'ensemble des actes qui ont pour objet derechercher les auteurs d'infractions, de rassembler les preuves et deprendre les mesures destinees à permettre aux juridictions de statueren connaissance de cause.

En vertu de cette disposition, le juge d'instruction peut proceder oufaire proceder à toutes les recherches pertinentes dont il estimequ'elles permettront à la juridiction de jugement d'apprecier, enconnaissance de cause, la nature et l'ampleur des faits examines, etles elements relatifs à la personne de l'inculpe.

39. Dans la mesure ou il est deduit de premisses juridiquesdifferentes, le moyen, en cette branche, manque en droit.

(...)

Sur le cinquieme moyen des demandeurs I et II :

Quant à la premiere branche :

42. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 43,44 du Code d'instruction criminelle et 962 du Code judiciaire, ainsique la meconnaissance du principe general du droit portantinterdiction de deleguer la mission d'expertise à autrui : desconstatations en fait auxquelles il procede sur la base des piecesmentionnees par le demandeur I dans ses conclusions d'appel, l'arretne peut deduire que l'expert n'a pas totalement ou partiellementdelegue à ses collaborateurs la mission qui lui a ete confiee ; endecidant qu'il n'est pas demontre que l'expert se serait decharge ducontrole et de la direction des activites, l'arret ne constate enoutre pas que l'expert n'a pas delegue totalement ou partiellement lamission proprement dite.

43. L'article 962 du Code judiciaire n'est pas applicable àl'expertise ordonnee par le juge d'instruction qui concerne l'actionpublique.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.

44. Il n'existe pas de principe general du droit portant interdictionde deleguer la mission d'expertise à autrui.

Dans la mesure ou il invoque la meconnaissance d'un tel principegeneral du droit, le moyen, en cette branche, manque egalement endroit.

45. Un expert judiciaire peut se faire assister par des tiers dans larealisation d'actes purement executifs et administratifs, sous reservequ'il ne delegue totalement ou partiellement ni la direction ni lamission à autrui. Le juge apprecie souverainement en fait si l'experta ou non delegue la direction ou sa mission à autrui. La Cour verifieuniquement si le juge ne tire pas de ses constatations desconsequences sans lien avec elles ou qu'elles ne peuvent justifier.

46. L'arret (...) decide : « Les experts peuvent faire appel à descollaborateurs, pour autant qu'ils ne deleguent pas à cescollaborateurs leur autorite et la direction de l'execution de lamission (...). Les pieces produites revelent que cela a bien eterespecte. Certes, il est un fait que certains collaborateurs, ainsiqu'il est indique dans les conclusions du [demandeur I], ont assistel'expert, mais il resulte des pieces, particulierement du detail desheures (...), que cette assistance ne concernait que des taches quiont prepare le travail à proprement dit de l'expert, plus precisementl'examen critique des elements en presence et la formulation del'avis, et/ou qui ont apporte un soutien administratif. Aucun elementne permet d'admettre que l'expert se serait decharge du controle et dela direction des activites d'expertise. Cette conviction trouved'ailleurs son fondement dans le contenu et le `ton' du rapportd'expertise en tant que tel (...) ».

47. Par cette decision, les juges d'appel ne tirent pas de leursconstatations des consequences sans lien avec elles ou qu'elles nepeuvent justifier, mais ils ont legalement justifie leur decision etconstate que l'expert n'a pas delegue totalement ou partiellement lamission proprement dite à ses collaborateurs.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

48. Pour le surplus, la decision critique l'appreciation souverainedes faits par l'arret ou oblige la Cour à proceder à un examen desfaits pour lequel elle est sans competence.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

(...)

Sur le sixieme moyen des demandeurs I et II :

51. Le moyen invoque la violation des articles 6.1, 6.2 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14.1, 14.2 du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, 43, 44, 127 à 131, 135, 223, 235bis du Coded'instruction criminelle et 962 du Code judiciaire, ainsi que lameconnaissance des principes generaux du droit relatifs au respect desdroits de la defense, au droit au contradictoire, au caracterecontradictoire du reglement de la procedure devant les juridictionsd'instruction et à l'obligation de motivation devant les juridictionsd'instruction.

52. L'article 962 du Code judiciaire n'est pas applicable àl'expertise ordonnee par le juge d'instruction qui concerne l'actionpublique.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

(...)

Quant à la seconde branche :

56. Le moyen, en cette branche, invoque que l'arret, nonobstant laconstatation que l'expert est arrive à la conclusion formelle que lesdemandeurs ont commis certaines infractions, ne decide pas, à tort,que l'impartialite dans le chef de l'expert est violee ; le principede la technicite, que l'arret considere, par ce motif, comme etantviole, est independant de ce devoir d'impartialite ; l'expert quisoutient que l'inculpe a commis des infractions, n'est plus impartial.

57. Le simple fait que l'expert arrive à la conclusion, dans sonrapport, que l'inculpe a enfreint une prescription techniquedeterminee et que cela implique une infraction, ne revele pas uneviolation du devoir d'impartialite par cet expert.

Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premissejuridique, manque en droit.

Sur le septieme moyen des demandeurs I et II :

58. Le moyen invoque la violation des articles 6.1 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 14.1du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 32 dela loi du 17 avril 1878 contenant le Titre preliminaire du Code deprocedure penale, 43, 44, 131, S: 2, et 235, S: 6, du Coded'instruction criminelle, 11 et 962 du Code judiciaire, ainsi que lameconnaissance des principes generaux du droit relatifs au respect desdroits de la defense, aux regles de la preuve et des regles del'exclusion de la preuve en droit penal.

59. L'article 962 du Code judiciaire n'est pas applicable àl'expertise ordonnee par le juge d'instruction qui concerne l'actionpublique.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

Quant aux premiere et deuxieme branches :

60. Le moyen, en ces branches, invoque que l'arret decide, à tort,que les irregularites dans le rapport d'expertise, consistant en uneinfraction au principe de la technicite et une infraction àl'interdiction de la delegation des fonctions judiciaires, neconstituent pas un fondement pour prononcer la nullite dudit rapportet se fonde, à tort, sur la constatation que la loi ne prevoit nullepart une telle nullite ; la nullite peut egalement exister, meme siaucun texte ne le prevoit, en cas de violation d'une formalitesubstantielle qui touche à l'organisation des cours et tribunaux ;tel est le cas en ce qui concerne les deux irregularites mentionnees,qui sont, de surcroit, d'ordre public ; par consequent, l'arret nepeut statuer comme il le fait, sans verifier si les irregularitesn'entrainent pas la nullite ou, à tout le moins, l'exclusion de lapreuve, parce qu'elles constituent une violation de telles formalitessubstantielles (premiere branche) ; l'arret n'examine pas, à tort, siles irregularites constatees n'ont pas entache la fiabilite de lapreuve (deuxieme branche).

61. L'article 32 du Titre preliminaire du Code de procedure penaledispose que la nullite d'un element de preuve obtenu irregulierementest uniquement decidee soit si le respect des conditions formelles enquestion est prescrit à peine de nullite, soit si l'irregularitecommise a entache la fiabilite de la preuve, soit si l'usage de lapreuve est contraire au droit à un proces equitable.

62. En vertu de cette disposition, laquelle est egalement applicableaux rapports d'expertise, les irregularites par lesquelles aucunecondition formelle prescrite à peine de nullite n'est enfreinte etqui ne satisfont pas davantage aux autres conditions qui y sontenoncees, ne sont pas declarees nulles ni ecartees des debats. Cetteregle vaut pour toutes les irregularites, qu'elles impliquent ou nonune infraction à une disposition d'ordre public ou qu'ellesconcernent une regle d'organisation judiciaire.

63. Sur la base de la regle precitee, la chambre des mises enaccusation qui se prononce en application de l'article 235bis du Coded'instruction criminelle, ne peut declarer nulle une piece qui resulted'une irregularite non prevue à peine de nullite et prononcerl'exclusion de la preuve, que lorsqu'elle decide que cetteirregularite viole le droit au proces equitable d'une partie. Eneffet, la juridiction d'instruction ne peut, en cette qualite,examiner la fiabilite de la preuve, parce qu'un tel examen releve del'appreciation de la valeur probante qui n'appartient qu'au juge dufond.

64. Le moyen qui, en ces branches, se fonde sur des soutenementsjuridiques differents, manque en droit.

Quant à la troisieme branche :

65. Le moyen, en cette branche, invoque que l'arret ne peut deduire ladecision selon laquelle le droit des demandeurs à un proces equitablen'est pas viole, des elements qu'il constate, à savoir que le juge dufond apprecie librement le rapport d'expertise, que les demandeurspeuvent librement contester le rapport d'expertise devant le juge dufond et que la nature et la complexite des faits à l'instruction ontnecessite l'intervention d'un expert externe qui, pour asseoir sadecision, a necessairement du depasser les limites des simplesconstatations techniques afin d'executer rationnellement sa mission ;evaluer librement la preuve est en effet la regle, et apprecier sil'obtention de la preuve viole les droits de la defense doit precedercette evaluation ; la possibilite de contradiction n'est pas uneraison pour ne pas exclure une preuve irreguliere, parce que cetteexclusion doit precisement eviter que le juge du fond puisse prendrela preuve en consideration ; enfin, se prononc,ant sur la necessite del'expertise en question et sur les irregularites qu'elle comporte,l'arret ne mesure pas l'influence de l'element de preuve irreguliersur l'action publique et il est, de surcroit, motive de manierecontradictoire, lorsqu'il decide que le juge d'instruction n'avait pasles connaissances specifiques d'un reviseur d'entreprise experimente,alors que le juge du fond pourrait etre convaincu de l'inexactitude durapport d'expertise et donc possede bien ces connaissances ; par ladecision enoncee, l'arret ne constate pas la force majeure, de sorteque la mission d'expertise se limiterait à de simples constatationstechniques ; selon le raisonnement de l'arret, les infractions etaientintentionnelles.

66. Il n'est pas contradictoire de decider, d'une part, qu'il etaitnecessaire pour le juge d'instruction, à defaut de connaissancesspecifiques sur les elements à instruire, de designer un reviseurd'entreprise experimente comme expert et, d'autre part, que lesdemandeurs peuvent, dans le cadre d'un debat contradictoire et avecl'assistance eventuelle d'un conseiller technique, convaincre le jugedu fond de l'inexactitude du rapport d'expertise.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

67. L'article 235bis, S: 6, du Code d'instruction criminelle prevoitque la chambre des mises en accusation qui constate une irregularitevisee audit article, prononce, le cas echeant, la nullite de l'actequi en est entache et de tout ou partie de la procedure ulterieure, etque les pieces annulees sont ecartees du dossier et deposees au greffedu tribunal de premiere instance.

Cette disposition implique que la chambre des mises en accusationn'est pas toujours tenue d'ecarter un element de preuve irregulier dudossier repressif. Plus precisement, cette chambre n'est pas toujoursobligee de retirer du dossier repressif une telle piece qui neconstitue pas une violation d'une regle prescrite à peine de nullite,lorsqu'elle decide que l'irregularite n'entraine pas la violationirremediable du droit à un proces equitable. En principe, il n'estquestion d'une telle violation que lorsque l'utilisation ulterieure decette piece peut donner lieu à une condamnation qui se fonderait surdes motifs douteux, alors que la partie contre laquelle cette pieceest utilisee ne serait pas en mesure de la contester utilement ni dedevoiler la verite.

Dans la mesure ou il est deduit de l'hypothese selon laquelle unepiece irreguliere ne peut jamais faire l'objet d'une evaluation de lapreuve devant le juge du fond dans le cadre d'un debat contradictoireet, par consequent, doit toujours etre ecartee du dossier repressifpar la chambre des mises en accusation, le moyen, en cette branche,manque en droit.

68. La juridiction d'instruction apprecie souverainement en fait sil'utilisation d'elements obtenus irregulierement met en peril le droità un proces equitable. A cet egard, le caractere intentionnel del'irregularite est certes un element d'appreciation, mais n'oblige pastoujours cette juridiction à exclure la preuve.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, lemoyen, en cette branche, manque egalement en droit.

69. Par les motifs enonces dans le moyen, en cette branche, la chambredes mises en accusation peut legalement decider qu'en l'espece,l'utilisation ulterieure du rapport d'expertise ne viole pasirremediablement le droit à un proces equitable des demandeurs et quel'irregularite n'entraine pas la nullite dudit rapport.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la quatrieme branche :

70. Le moyen, en cette branche, soutient que l'arret, qui decide quel'expert a necessairement repris la mission du juge du fond, enconsequence de deux irregularites declarees etablies dans son rapport,decide, à tort, que l'utilisation de cette preuve irreguliere neconstitue pas une violation du principe general du droit à un procesequitable et viole, de ce fait, les articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 14 duPacte international relatif aux droits civils et politiques et 32 dela loi du 17 avril 1878 contenant le Titre preliminaire du Code deprocedure penale et les regles de la preuve en matiere repressive.

71. L'arret (...) ne decide pas qu'en consequence des irregularitesliees à la technicite de l'expertise, l'expert a necessairementrepris la mission du juge du fond. Au contraire, il decide que « unavis d'un expert judiciaire n'est pas plus qu'un simple renseignementsans valeur probante particuliere ; la conclusion n'est pasdeterminante pour le juge qui en appreciera en toute liberte lecontenu ; le juge du fond dispose d'une capacite de discernementsuffisante pour forger sa propre conviction sur la culpabilite oul'innocence. »

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

72. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, critiquel'appreciation souveraine de l'arret mentionnee dans la reponseapportee au moyen, en sa troisieme branche.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Quant à la cinquieme branche :

73. Le moyen, en cette branche, invoque que les irregularitesconstatees impliquent le caractere non fiable du rapport, l'expertayant deborde du cadre de son expertise, de sorte que l'arret nepouvait decider qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullite durapport d'expertise.

74. Le moyen, en cette branche, est deduit de l'hypothese selonlaquelle la chambre des mises en accusation qui statue en applicationde l'article 235bis du Code d'instruction criminelle, est tenue de seprononcer sur la fiabilite de la preuve. Ainsi qu'il appert de lareponse apportee au moyen, en sa deuxieme branche, tel n'est pas lecas.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

(...)

Le controle d'office

81. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nulliteont ete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

* * La Cour

* Rejette les pourvois ;

Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient Luc Van hoogenbemt, president de section, Filip VanVolsem, Alain Bloch, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, etprononce en audience publique du dix-neuf mai deux mille quinze par lepresident de section Luc Van hoogenbemt, en presence de l'avocatgeneral suppleant Marc De Swaef, avec l'assistance du greffier FrankAdriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Eric de Formanoir ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

19 MAI 2015 P.14.0921.N/2


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.0921.N
Date de la décision : 19/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-05-19;p.14.0921.n ?
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