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13/11/2015 | BELGIQUE | N°F.14.0119.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 novembre 2015, F.14.0119.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0119.F

D. P.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, etayant pour conseil Maitre Daniel Garabedian, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en ca

ssation est dirige contre l'arret rendu le 13 septembre2013 par la cour d'appel de Liege.

Le 18 septembre 201...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0119.F

D. P.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, etayant pour conseil Maitre Daniel Garabedian, avocat au barreau deBruxelles, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 13 septembre2013 par la cour d'appel de Liege.

Le 18 septembre 2015, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport et le premier avocat generalAndre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 10, 11 et 172 de la Constitution ;

* article 6, specialement S: 1er, de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales, signee à Rome le 4novembre 1950 et approuvee par la loi du 13 mai 1955 ;

* en tant que de besoin, principe general du droit de la primaute surles dispositions de droit national des dispositions de droitinternational.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que le litige est relatif à des cotisations àl'impot des personnes physiques enrolees à charge du demandeur pour lesexercices d'imposition 1996 à 1999 et que ces cotisations comprennent desaccroissements d'impot de 50 p.c. vises à l'article 444 du Code desimpots sur les revenus 1992, l'arret attaque rejette le recours dudemandeur contre les accroissements d'impot et fonde cette decision surles motifs suivants :

« Il a ete releve ci-avant que l'intention d'eluder l'impot etait etabliedans le chef [du demandeur] pour la non-declaration des revenusprofessionnels de salarie lies à une activite realisee en Belgique ou àpartir de la Belgique. Cette intention d'eluder l'impot justifiel'application d'accroissements d'impot au taux de 50 p.c. applique pourtous les exercices en cause pour lesquels les remunerations de directeurversees par la [societe] I-Media ont ete taxees en Belgique. [Ledemandeur] ne pouvait par ailleurs ignorer les modalites reellesd'exercice de son activite professionnelle liees à la mise au point duprocede Pop `n' Play et à sa commercialisation, et le fait de n'avoir pasdeclare les revenus professionnels de [la societe Pop SystemsInternational] temoigne egalement dans son chef d'une intention dedissimuler au fisc belge la realite de sa situation fiscale, comme lereleve egalement à juste titre le premier juge ».

Griefs

Les accroissements d'impot prevus à l'article 444 du Code des impots surles revenus 1992 ont pour objet de prevenir et de sanctionner lesinfractions commises par tous les contribuables, sans distinction aucune,qui ne respectent pas les obligations imposees par ce code. Ils ont doncun caractere repressif et sont de nature penale au sens de l'article 6 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.

Toutefois, à la difference du contrevenant comparaissant devant letribunal correctionnel, pour les memes faits, pour se voir infliger lessanctions penales prevues par les articles 449 et suivants du Code desimpots sur les revenus 1992, le contribuable qui exerce, devant letribunal de premiere instance, un recours contre l'accroissement d'impotque l'administration lui a inflige ne peut beneficier du sursis, lequel nepeut etre ordonne que par une juridiction penale.

Si les regles constitutionnelles de l'egalite des Belges devant la loi etde la non-discrimination dans la jouissance des droits reconnus aux Belgesn'excluent pas qu'une difference de traitement soit etablie entrecertaines categories de personnes, c'est pour autant que le critere dedifferenciation soit susceptible de justification objective et raisonnablepar rapport au but et aux effets de la mesure consideree.

En l'occurrence, la difference de traitement est denuee de justificationobjective et raisonnable : qu'il soit accorde par le tribunalcorrectionnel ou par une autre juridiction, le sursis peut inciter lecondamne à s'amender, par la menace d'executer, s'il venait à recidiver,la condamnation au paiement d'une amende (voir, en matiere d'amendes TVA,Cour constitutionnelle,

6 novembre 2008, nDEG 157/2008, B.4.1, et Cour constitutionnelle,

21 fevrier 2013, nDEG 13/2013, B.4.1 ; en matiere d'accroissementsd'impot : Cour constitutionnelle, 27 mars 2014, nDEG 55/2014).

Partant, l'article 444 du Code des impots sur les revenus 1992 n'est pascompatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'ilne permet pas au tribunal de premiere instance et à la cour d'appeld'accorder le benefice du sursis au demandeur.

Dans l'attente d'une intervention legislative, cette disposition ne peutetre appliquee que si le tribunal constate qu'il n'y aurait pas eu lieud'accorder un sursis meme si cette mesure avait ete prevue par la loi (cf.l'arret precite du 27 mars 2014 de la Cour constitutionnelle, qui serefere à l'arret du 21 fevrier 2013 rendu en matiere d'amendes TVA ; voiraussi Cass., 20 juin 2013, nDEG F.11.0007.F, rendu à la suite de cedernier arret).

Si l'arret attaque constate que les infractions sont etablies et que lesaccroissements d'impot ne sont pas disproportionnes à la gravite del'infraction, il ne constate pas qu'il n'y aurait pas eu lieu d'accorderun sursis si cette mesure avait ete prevue par la loi.

L'arret attaque, qui applique l'article 444 du Code des impots sur lesrevenus 1992 sans constater qu'il n'y aurait pas eu lieu d'accorder unsursis si cette mesure avait ete prevue par la loi, viole les articles 10,11 et 172 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 6, specialement S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, et, en tant que de besoin, avec leprincipe general du droit de la primaute sur les dispositions de droitnational des dispositions de droit international.

III. La decision de la Cour

Dans son arret nDEG 55/2014 du 27 mars 2014, la Cour constitutionnelle adit pour droit que l'article 444 du Code des impots sur les revenus 1992viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il ne permetpas au juge d'accorder le benefice du sursis.

Elle a precise que ce constat d'inconstitutionnalite partielle ne fait pasobstacle à ce qu'un juge applique cette disposition lorsqu'il constateque les infractions sont etablies, que le montant de l'amende n'est pasdisproportionne à la gravite de l'infraction et qu'il n'y aurait pas eulieu d'accorder un sursis meme si cette mesure avait ete prevue par laloi.

Si le juge est tenu de constater, dans sa decision qui fait application del'article 444 du Code des impots sur les revenus 1992, qu'il n'y auraitpas eu lieu d'accorder le sursis meme si cette mesure avait ete prevue parla loi, c'est à la condition qu'il ait ete saisi d'une demande de sursis.

Il ne ressort pas des pieces de la procedure que le demandeur ait demandele benefice du sursis.

L'arret, qui rejette le recours du demandeur et confirme lesaccroissements d'impot sans constater qu'il n'y aurait pas eu lieud'accorder le sursis meme si cette mesure avait ete prevue par la loi, neviole pas les dispositions ni ne meconnait le principe general du droitvises au moyen.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de deux cent vingt-deux euros vingt-cinqcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du treize novembre deux mille quinze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+-----------------------------------------------+

13 NOVEMBRE 2015 F.14.0119.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.14.0119.F
Date de la décision : 13/11/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-11-13;f.14.0119.f ?
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